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Anniversaire : les 75 ans du Rapport Beveridge


Gouderien

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Membre, Obsédé textuel, 72ans Posté(e)
Gouderien Membre 34 798 messages
72ans‚ Obsédé textuel,
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Le 20 novembre 1942, il y a exactement 75 ans aujourd'hui, en pleine Seconde Guerre mondiale, le « Rapport Beveridge » sur la Sécurité sociale était rendu public à Londres ; il promettait l’instauration d’un État-providence, une fois la guerre gagnée. Ce document est à l'origine, en grande partie, de la prospérité que connurent les économies occidentales durant ce qu'on appelle les "Trente glorieuses".

Fondé sur une vaste enquête lancée en juin 1941, le plan de William Beveridge proposait la mise en place d’un important système de protection sociale, dont s’inspireront après-guerre la plupart des gouvernements européens.

Bien avant sa parution, le rapport Beveridge sur les assurances et les institutions sociales était déjà connu de beaucoup. On le considérait comme un document révolutionnaire, contenant des propositions visant à bouleverser l’ordre social existant en Grande-Bretagne. A partir du moment où il fut disponible en librairie, le 1er décembre 1942, on en vendit 256.000 éditions complètes et 369.000 abrégées, sans oublier les 40.000 exemplaires diffusés aux États-Unis. Le rapport était l’œuvre d’un comité présidé par l’économiste britannique sir William Beveridge (1879-1963), un homme qui, pour les ultra-libéraux qui dominent le monde aujourd'hui, doit trôner quelque part en Enfer aux côtés de John Maynard Keynes, de Franklin Delano Roosevelt, de Karl Marx... et de Satan lui-même, bien entendu.

 

Le rapport contenait une synthèse des institutions sociales existantes et des suggestions d’ordre administratif, pour faciliter et simplifier leurs tâches. Comme on pouvait s’y attendre, le document souleva une vague d’indignation au sein des entreprises privées et parmi les défenseurs des droits acquis, tandis qu’il éveillait l’espoir d’un eldorado parmi les classes défavorisées, les partisans de l’aile gauche ainsi que les libéraux, soucieux d’améliorer le sort de la classe ouvrière.

Cette amélioration était du reste une nécessité. En dépit de la longue tradition de réformes sociales qui existait en Angleterre, la pauvreté des années de crise d’avant-guerre, de même que le niveau de la santé, de l’hygiène et de l’éducation, montraient l’immense progrès qu’il restait à accomplir pour que la grande majorité des Anglais bénéficient d’un avenir qui ne fût pas qu’une simple lutte pour la survie.

L’idée que le rapport Beveridge allait accomplir des miracles exerçait un attrait évident sur les politiciens de gauche, ainsi que sur ceux qui redoutaient de voir la nouvelle génération grandir dans des taudis infestés de microbes et dans une ignorance crasse. En revanche, les réactionnaires, qui craignaient pour leur argent et leurs biens, de même que les chauvins, qui estimaient que la grandeur de la nation britannique dépendait des efforts des citoyens du pays et de l’entreprise privée, manifestaient leur complète réprobation. Si le rapport Beveridge avait été mis en application au XVIIIe et XIXe siècles, estimaient ses adversaires, les Anglais, devenus des parasites de l’État, n’auraient jamais cherché à étendre leur empire.

De toute évidence, le plan répondait à l’attente des Britanniques. Il servait également la propagande des Alliés, à un moment où leur position militaire était encore bien fragile. En Allemagne, le ministre de la Propagande Josef Goebbels ne se trompa pas sur l’importance du document, en jugeant que le rapport Beveridge était « dangereux ». Ce n’était en réalité qu’une partie du système qui aboutit, en 1943, à d’autres études sur l’introduction de nouvelles réformes sociales. Il joua cependant un rôle important dans le résultat surprenant des élections générales britanniques de 1945. En dépit de la brillante réputation de Churchill et de sa conduite victorieuse de la guerre, l’électorat ne fit manifestement pas confiance aux conservateurs, ni à leurs promesses d’un avenir meilleur. Les Anglais optèrent ainsi pour les travaillistes, qui s’étaient toujours montrés soucieux de faire du rapport une réalité, alors que les conservateurs, après avoir manifesté une opposition acharnée, n’avaient témoigné que de l’indifférence.     

Après avoir inspiré les politiques sociales en Grande-Bretagne et en Occident en général pendant une trentaine d’années, et donné naissance au concept de « Welfare State », sir William Beveridge et son rapport devinrent l’ennemi à abattre pour les économistes libéraux de l’école de Chicago. Ronald Reagan aux USA, et surtout Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, s’acharnèrent à démanteler l’État-providence, et leurs continuateurs sont encore au pouvoir aujourd’hui partout dans le monde, malgré la démonstration éclatante de l’échec de l’ultra-libéralisme en septembre 2008 avec la crise des subprimes.

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