Ibrahim le Fou

IBRAHIM I

Officiellement connu sous le surnom d'Ibrahim le Fou, il vécut de 1615 à 1648.

Il passa les premières années de sa vie au "kafes", littéralement "la cage", partie du palais impérial ottoman où l'on maintenait enfermés les éventuels successeurs du sultan en place. Ceci pour éviter des guerres de succession fratricides dans un milieu où des cadets pouvaient être aussi bien intentionnés qu'Iznogoud intriguant pour devenir calife à la place du calife.

Il n'était pas rare qu'un sultan opte pour l'assassinat pur et simple de ses frères, au berceau s'il le fallait, et parfois par dizaines, mais avec Ibrahim nous avons affaire à un chanceux : la cage plutôt que la mort... Bien que le kafes ne soit pas une sinécure : on y vit comme dans un trou de taupe de luxe en raison de l'absence d'ouvertures sur l'extérieur, on n'a pas le droit d'y recevoir ni famille ni amis, et on y est surveillé en permanence par de solides gardiens. 

Il a déjà 25 ans lorsque des larbins viennent ouvrir la porte de sa cage : son aîné, Murad IV, a rendu l'âme, il lui faut un successeur. Ouf : sur le coup il a cru qu'on venait pour "couic", comme pour les autres de la fratrie... C'est si vite arrivé dans l'empire ottoman. Pour le rassurer, pour qu'il se décide à risquer le bout de son nez dehors, il faut lui montrer la dépouille du frangin.

Pour dire vrai, Murad ne tenait pas franchement à ce qu'il lui succède. Il aurait plutôt souhaité sa mort. Mais maman Kösem (ex-Anastasia, une Grecque) est intervenue en sa faveur, le faisant directement passer de l'ombre de sa prison au trône impérial, sous la lumière des projecteurs. Cela a dû être brutal pour quelqu'un d'aussi affaibli, psychologiquement.

En fait, le pauvre Ibrahim est déjà fou, et c'est peu de le dire. Durant toutes ces années de confinement qui l'on définitivement esquinté, il a développé une peur pathologique de la mort, est mentalement instable, tantôt neurasthénique, tantôt pris de folie douce pour les grosses dames.

D'abord plus chaud pour les orgies que pour la politique (toutes ces années de taule, ça se rattrape !) il a fini par s'y intéresser, au grand dam de certains promus vizirs un jour pour être exécutés un autre, sur un coup de tête.

Parti en guerre contre Venise, il se prit une volée par les navires de la Sérénissime, pourtant pas au mieux de sa forme à l'époque.

Une fois, comme il est excité par les filles qui se refusent à lui, ou qu'on lui refuse, il fait enlever la fille du Grand Mufti et la viole avant de la lui rendre. Une autre fois, sa favorite faisant courir des rumeurs d'infidélités dans son sérail, il exige la mort de ses 280 concubines : les malheureuses, prisonnières de sacs cousus, sont jetées dans le Bosphore. Bilan : une seule survivante, sauvée in extremis par l'équipage d'un bateau français qui passait par là.

Et pendant que ce gros débile se livre à toutes ces infamies, le peuple crève la dalle. En 1648, des émeutes éclatent. Le Grand Mufti, qui a encore le sultan dans la gorge à cause de ce que l'on sait, prend la balle au bond pour mener un coup d'Etat contre lui.

C'est la chute. Le sultan cylindré est ramené dans sa cage, où il périt étranglé moins d'une semaine après.

Telle fut la fin d'Ibrahim 1er, dit le Fou.

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Ci-dessous : le palais de Topkapi à Istambul