Le peuple des rats - Patrick Saint-Paul

Ah oui, d'habitude je poste matin et soir mais comme c'est week-end, je peux augmenter la posologie

à l’instant, January a dit :

Ah oui, d'habitude je poste matin et soir mais comme c'est week-end, je peux augmenter la posologie

 

Nan ! j'ai du retard que j'te dis ( absence du fofo qq jours)..mais bon, j'ai fini, là, et j'ai ma dose...légère nausée sociétale 

( en tout cas, encore merci à toi  )

«  Bien entendu nous avons des employés qui gagnent des salaires modestes, concède-t-il sans le moindre embarras. Mais aucun d’entre eux ne vit sous terre à ma connaissance. Nous fournissons des repas et des logements aux agents d’entretien, qui sont les moins bien payés. Et puis nous menons de nombreuses actions caritatives. Nous y consacrons 4 millions de yuans par an : 30% pour aider les victimes de catastrophes naturelles, 20% pour aider les enfants abandonnés à financer leurs études et 50% pour des actions visant à améliorer la visibilité de l’entreprise. Les fonctionnaires du parti qui se sont enrichis de façon douteuse mènent des actions caritatives, pour essayer d’améliorer leur image et d’étendre leur réseau d’influence. »

Mais ce n’est pas le cas de Gao, jure-t-il très sérieusement.

« Sans responsabilité sociale on ne peut pas réussir. Je suis quelqu’un de bon, qui aime la société et je veux lui rendre un peu de ce que j’ai gagné. »

Zhou Qunfei, la femme la plus riche de Chine, est un modèle de réussite qui n’est pas issu du rang des rats, mais elle vient du monde d’en bas, tout proche du leur, c’est une ancienne ouvrière. Elle a fondé une société fournissant des écrans tactiles à Apple, Samsung et d’autres géants. Sa fortune est estimée à plus de 8 milliards de dollars. […]

Zhou a été ouvrière dans une usine qui fabriquait des écrans pour téléphone mobiles avant de lancer sa propre entreprise. Elle détient désormais 89 % de participation dans la société qui compte plus de 80 000 employés et affiche un CA de près de 4 milliards de dollars. Ses écrans sont utilisés par 1 smartphone sur 5 dans le monde.

Zhou est née dans une famille pauvre. Son père est devenu aveugle après un accident et sa mère est morte quand elle avait cinq ans. Elle a quitté l’école à 15 ans. Ses détracteurs, essentiellement des hommes, l’accusent d’avoir bâti sa fortune en épousant le patron de sa fabrique d’écrans. Avant de monter une entreprise concurrente à la sienne après son divorce.

Où il est question d’accidents de voitures…

Avec le programme anti-corruption, les princes rouges sont moins nombreux à oser acheter de coûteux bolides. En effet, comment font-ils pour s’afficher en Ferrari ou en Lamborghini alors qu’ils gagnent 1500 euros par mois ?

Les accidents de sportives de luxe aux habitacles en carbone peuvent être plus meurtriers pour les parents des jeunes trublions que pour ces pilotes en herbe : les faits de corruption sont passibles de la peine de mort.

A la sortie du dernier volet de la saga Fast & Furious, le voisinage du stade olympique de Pékin à assister à une course sauvage comme il s’en produit régulièrement. Les photos des épaves des bolides impliqués ont paru sur internet et les clichés ont rencontré un franc succès, jusqu’à ce que des questions se posent sur le pedigree des conducteurs. Là, tout a prestement disparu de Weibo.

Un précédent  accident de Ferrari en 2012 avait déclenché un mini-séisme politique. Le conducteur, tué sur le coup, n’était autre que le fils de Ling Jihua, bras droit de l’ex-président Hu Jintao. Deux jeunes femmes grièvement blessées sont extraites de l’épave, l’une d’entre elle est nue. L’incident relance la polémique sur la corruption, Ling Jihua est limogé et poursuivi.

Ferrari avait déclenché l’hilarité sur le web chinois en se fendant d’un communiqué pour faire part de son incompréhension. Le modèle de voiture incriminé étant une « stricte deux places. »

Lorsqu’ils ne meurent pas dans leurs courses stupides, les jeunes chauffards sont très fiers d’eux, fiers qu’on parle de leurs exploits, et même s’ils bousillent leurs voitures, la première chose à laquelle ils pensent en sortant de l’épave c’est au prochain modèle qu’ils s’offriront. C’est un véritable concours : c’est à qui aura l’accident le plus spectaculaire.

Chapitre 14 – Parti tout-puissant, Dieu au-dessus des rats

Patrick Saint-Paul a tenté de rencontrer des responsables municipaux, du gouvernement ou du Parti communiste afin de les interroger sur la condition de la tribu des rats. Mais il s’est heurté au refus de tous et c’était prévisible. Et pourtant un système qui a sorti 400 millions de chinois de la pauvreté doit bien avoir quelques arguments ?

La Chine est fascinée par les Etats-Unis, le parti communiste chinois pioche ici et là ce qui peut être utile pour mettre le pays sur la voie d’un développement rapide. Bien sûr ils laissent de côté les notions d’opportunités égales ou encore de système démocratique.

La France a beaucoup fait rire les chinois lorsqu’elle est passée aux 35 heures : « La France ? Elle prend des mesures qui cassent sa compétitivité. Le travail crée la richesse. Et avec les 35 heures, on a encouragé la paresse et créé une mentalité d’assisté. »

Le parti communiste n’a qu’une seule obsession : sa survie à la tête de l’Etat. En l’absence d’élections démocratiques, le PCC est lié au peuple par un pacte tacite lui garantissant une prospérité grandissante, version moderne du « mandat du ciel » en vertu duquel les empereurs régnaient sur le vaste pays-continent…

Le modèle économique de la Chine s’est essoufflé ces dernières années. A mesure que les salaires augmentaient, le pays a perdu en compétitivité par rapport aux pays d’Asie du Sud-Est, qui produisent moins cher. La Chine ne peut plus prétendre être l’atelier du monde. Les inégalités sociales criantes, l’absence de filets sociaux, le ras-le-bol de la pollution, la corruption généralisée en plus du sentiment généralisé d’insécurité, tout ça sont de sérieux défis. La première chose qui vient à l’esprit, c’est que le pouvoir n’a pas le choix : il doit casser le système des monopoles de l’Etat. Seulement…

L’éclatement de la bulle boursière en 2015 a été marquant pour les chinois. Les bourses se sont envolées à plus de 150 % puis la place de Shangai a perdu 40 % en trois mois. Je vous laisse imaginer les pertes pour certains. Les rats ne sauraient investir ni contracter des emprunts, mais eux aussi subiront les conséquences de ce coup de grisou puisque les capitaines d’industrie du pays, comme Wang Jianlin par exemple, première fortune de Chine, hésitera dorénavant à investir dans son pays, ayant perdu plus de 3 milliards en une seule journée…

Fidélité au parti oblige, Wang Jianlin affiche sa confiance en Xi Jinping mais il ne goûte que modérément le retour des valeurs maoïstes porté par le nouvel « empereur rouge ».

« La dictature du prolétariat et la révolution permanente voulues par Mao ne correspondent plus à notre époque. Sous Mao, l’économie chinoise était en ruine. Nous avons beaucoup de retard à rattraper dans tous les domaines. »

Où il est question de Xi Jinping…

Comme on a pu le voir plus tôt, le président est attaché aux idées de Mao. Depuis son arrivée au pouvoir il a programmé un nettoyage sévère des corrompus, dans les hautes comme dans les moins hautes sphères. Il a éliminé beaucoup de hauts fonctionnaires (les « tigres ») du parti, et plus encore de petits fonctionnaires véreux (« les mouches »). Personne ne semble à l’abri et on peut considérer cela comme une bonne chose, étant donné qu’on a vu tout le long du livre les ravages de la corruption.

Seulement voilà : Xi Jinping a fait de cette campagne une arme redoutable pour éliminer ses adversaires. Ce qui en résulte, c’est que tout le pouvoir se concentre entre ses mains. Xi Jinping est le dirigeant le plus puissant depuis Mao. Il est craint, sa poigne de fer est crainte, il a remis l’idéologie marxiste pure et dure à l’honneur et ne souffre pas la moindre contestation.

Les classes populaires et notamment la tribu des rats voit en lui une sorte de Monsieur Propre. Bien entendu c’est grâce à une censure très sévère que Xi Jinping est épargné des rumeurs sur le web d’enrichissement personnel. La presse chinoise est elle aussi strictement contrôlée par les autorités communistes, qui emprisonnent à tour de bras des dizaines de journalistes, avocats, universitaires ou internautes, muselant férocement toute voix dissonante.

Autre censure : les ONG. Le pouvoir chinois considère les ONG comme un risque sécuritaire et non comme des partenaires. La contestation et le développement de la société civile ne sont pas tolérés.

Le PCC s’emploie à museler Internet. Le pouvoir a levé une véritable armée de censeurs. Et il menace de fermeture les acteurs de la Toile insuffisamment zélés.

Xi Jinping espère que les campagnes contre la corruption et la répression des dissidents renforceront le parti. Il ne veut pas devenir le Mikhail Gorbatchev de la Chine. Mais si on y regarde de plus près, il pourrait bien arriver au même résultat. Son despotisme met le système comme la société sous tension et donc le rapproche du point de rupture.

Epilogue

La tribu des rats force le respect. Comment résister à l’admiration que suscite une telle ténacité, une force de caractère aussi inébranlable et pareille capacité d’adaptation , animée par la volonté de s’en sortir en composant avec le système ? 

Le surnom de la tribu des rats n’est d’ailleurs pas entièrement péjoratif dans la culture chinoise. Si le rat passe pour un mammifère très nuisible dans les sociétés occidentales, le zodiaque chinois lui trouve aussi de nombreuses qualités.

L’astrologie chinoise décrit le rat comme étant ambitieux, déterminé, passionné, intelligent, vif d’esprit, persuasif, énergique, plein de ressources, doué d’humour, loyal et généreux avec sa famille et ses amis. […]

Le rat est le plus petit animal du zodiaque chinois. Il adopte souvent des conduites immorales. Mais il est très présent dans les légendes chinoises. Pour les mandchous, dans l’Antiquité, le rat était le plus grand, le plus puissant et le plus intelligent de tous les animaux. Dieu l’appréciait beaucoup et l’a nommé en premier dans le zodiaque chinois. Les premières années, le rat ainsi que les onze autres animaux ont travaillé en bonne intelligence pour protéger le pays. Mais, avec le temps, le rat s’est gonflé d’orgueil et ne se concentrait plus sur son travail. Les autres animaux se sont plaints auprès des dieux. Il a été puni en conséquence. Sa taille a été réduite et le chat fut envoyé pour le surveiller.

(Di Yongjun, historien et chercheur sur le zodiaque à l’Académie des sciences sociales de Chine)

Cependant, pour Di Yongjun, aucun doute n’est permis. «  Ce surnom est une humiliation pour ces gens qui travaillent dur à Pékin. »

Réfugié derrière la grande fenêtre de mon salon, cela fait des heures que j’observe les trombes d’eau. Je suis envahi par d’autres pensées. Je vois les résidents des entrailles de Xibahe Zhongli luttant contre les torrents d’eau, empilant les sacs de sable, pour empêcher leur sous-sol de se remplir. J’en ai la certitude : les jours de pluie à Pékin, je n’arriverai plus à chasser ces images.

C’est la fin de notre partage mais avant de se quitter : Vous souvenez-vous du musicien qui voulait partir jouer avec sa troupe dans les villages, aux mariages et aux enterrements ?

Patrick Saint-Paul va le retrouver dans la rue. Son rêve chinois s’est brisé, l’un de ses trois compères musiciens est mort, fauché par une voiture. A deux ce n’est pas possible de faire fortune en jouant aux mariages ou autres, il faut être trois pour faire un vrai groupe traditionnel.

Mais ce n’est que partie remise. Xiaoyun en est certain, au printemps prochain il trouvera un autre musicien. Et il reprendra la route à la poursuite de sa fortune…

Cette fois nous avons terminé. Merci à tous pour le suivi et les interventions

Il y a 11 heures, January a dit :

Epilogue

La tribu des rats force le respect. Comment résister à l’admiration que suscite une telle ténacité, une force de caractère aussi inébranlable et pareille capacité d’adaptation , animée par la volonté de s’en sortir en composant avec le système ? 

Le surnom de la tribu des rats n’est d’ailleurs pas entièrement péjoratif dans la culture chinoise. Si le rat passe pour un mammifère très nuisible dans les sociétés occidentales, le zodiaque chinois lui trouve aussi de nombreuses qualités.

L’astrologie chinoise décrit le rat comme étant ambitieux, déterminé, passionné, intelligent, vif d’esprit, persuasif, énergique, plein de ressources, doué d’humour, loyal et généreux avec sa famille et ses amis. […]

Le rat est le plus petit animal du zodiaque chinois. Il adopte souvent des conduites immorales. Mais il est très présent dans les légendes chinoises. Pour les mandchous, dans l’Antiquité, le rat était le plus grand, le plus puissant et le plus intelligent de tous les animaux. Dieu l’appréciait beaucoup et l’a nommé en premier dans le zodiaque chinois. Les premières années, le rat ainsi que les onze autres animaux ont travaillé en bonne intelligence pour protéger le pays. Mais, avec le temps, le rat s’est gonflé d’orgueil et ne se concentrait plus sur son travail. Les autres animaux se sont plaints auprès des dieux. Il a été puni en conséquence. Sa taille a été réduite et le chat fut envoyé pour le surveiller.

(Di Yongjun, historien et chercheur sur le zodiaque à l’Académie des sciences sociales de Chine)

C'est tout moi !!  ( juste pour un peu de légèreté au milieu d'un sujet si grave )

Il y a 1 heure, January a dit :

Cependant, pour Di Yongjun, aucun doute n’est permis. «  Ce surnom est une humiliation pour ces gens qui travaillent dur à Pékin. »

Réfugié derrière la grande fenêtre de mon salon, cela fait des heures que j’observe les trombes d’eau. Je suis envahi par d’autres pensées. Je vois les résidents des entrailles de Xibahe Zhongli luttant contre les torrents d’eau, empilant les sacs de sable, pour empêcher leur sous-sol de se remplir. J’en ai la certitude : les jours de pluie à Pékin, je n’arriverai plus à chasser ces images.

C’est la fin de notre partage mais avant de se quitter : Vous souvenez-vous du musicien qui voulait partir jouer avec sa troupe dans les villages, aux mariages et aux enterrements ?

Patrick Saint-Paul va le retrouver dans la rue. Son rêve chinois s’est brisé, l’un de ses trois compères musiciens est mort, fauché par une voiture. A deux ce n’est pas possible de faire fortune en jouant aux mariages ou autres, il faut être trois pour faire un vrai groupe traditionnel.

Mais ce n’est que partie remise. Xiaoyun en est certain, au printemps prochain il trouvera un autre musicien. Et il reprendra la route à la poursuite de sa fortune…

 

Cette fois nous avons terminé. Merci à tous pour le suivi et les interventions

 

Merci à toi pour nous avoir fait vibrer, souvent d'effroi, au rythme de ton écriture.

Un grand merci January pour ce partage, éprouvant pour notre p'tite sensibilité d'Occidentaux mais tellement captivant et instructif ! 

Avec plaisir  

Alors on lit quoi maintenant ? 

https://www.forumfr.com/sujet723366-les-lectures-partagées.html

Merci beaucoup Jan pour ce partage .