Journal - Kurt Cobain

La possibilité de se faire avorter dans ce pays est actuellement très réduite, à cause de Terry Randell et de sa Gestapo pro-life qui se réunissent dans des églises attifés de la meilleure tenue de camouflage possible (polyester passe-partout en provenance directe des entrepôts de vente par correspondance). […] Ils entrent par effraction ou se pointent pendant les heures d’ouverture en se faisant passer pour des patients dans les cliniques pratiquant l’avortement et déclenchent des bombes libérant un gaz qui se répand partout et bousille tout le matériel. Ils sèment des clous sur le parking du personnel et des docteurs. Ils les harcèlent de menaces et d’insultes téléphoniques. […] Ils volent des fœtus dans les bennes et les vide ordures […] qui sont ensuite balancés à la figure des sénateurs, membres du Congrès ou plus simplement n’importe quel démocrate rattaché au gouvernement. […]

En ce moment même, dans l’Etat de Floride, il n’y a plus aucun docteur ni clinique pratiquant l’avortement. Le nettoyage ethnique est en marche dans les quartiers pauvres des villes américaines. Blacks, Hispaniques et autres sont éliminés avant même d’entrer au lycée. Les républicains de droite sont responsables de la propagation du crack et du sida dans les quartiers déshérités. Leur logique se résume à « mieux vaut tuer des êtres humains qui pensent et respirent de façon autonome que des cellule en développement, inertes et ignorantes, enfermées dans une chambre tiède ».

A l’attention des garçons :

Rappelez-vous que vos grands-frères, cousins, oncles et pères ne sont pas vos modèles. Ce qui veut dire que vous ne devez pas faire ce qu’ils font, vous ne devez pas faire ce qu’ils disent. Ils viennent d’une époque où leurs propres modèles ont appris à leurs fils à être méchants avec les filles, à se croire meilleurs, plus forts et plus intelligents qu’elles. Ils leur ont aussi enseigné des choses telles que : tu deviendras fort si tu te conduis en brute et te bats contre les mauviettes et les puceaux.

1993 est venue et repartie sans bruit. En plus de finir un disque dont nous sommes plutôt fiers, même si on s’est fait traîner dans la boue par des gens criant au « suicide commercial » avant même que l’album ne soit sorti, je dois dire que, oui, 1993 a été une année des plus fécondes. Frances est un ange qui pousse comme un champignon et apporte plus qu’elle ne le saura jamais. Elle nous a aidés à devenir plus relax et moins préoccupés par les tentatives avortées de ces cinglés de terroristes de droite pour nous enlever notre ration méritée de gloire, fortune et grande vie à l’américaine.

 […]

Je me suis fait environ 5 millions de dollars l’an dernier. […] Je suis parti à Los Angeles pendant un an et suis rentré pour découvrir que trois de mes meilleurs amis étaient devenus des héroïnomanes accomplis. J’ai appris à détester le mouvement Riot Grrrl, dont j’ai assisté aux tout premiers pas puisque j’ai couché avec la fille qui a publié le premier fanzine Riot Grrrl, et maintenant elle exploite le fait qu’elle a couché avec moi. Pas de façon démesurée mais assez pour se sentir utilisé.

Je me souviens avoir entendu quelqu’un dire : « Si tu touches à l’héro ne serait-ce qu’une fois, tu deviens accro. » Bien sûr j’avais ricané, mais à présent je crois que c’est très vrai. Pas au sens littéral, je veux dire on ne devient pas instantanément accro après une seule fois. Il faut en général environ un mois si on en prend tous les jours pour devenir physiquement dépendant. Mais après la première fois, votre esprit se dit « aah c’était agréable, tant que je ne le fais pas tous les jours, je n’aurai pas de problèmes ». Le problème est précisément que ça se produit sur une certaine période de temps. Commençons par le 1er janvier, allez je me défonce pour la première fois. Consciemment, vous ne recommencerez pas pendant peut être un mois. Février, deux fois, mars, 3 jours d’affilée. Février, 3 jours d’affilée et une fois encore à la fin du mois de mars, peut être pas du tout. Avril 5 jours de suite et arrêt complet pendant 3 jours. Mai, 10 jours de suite. Pendant ces dix jours il est très facile de perdre la notion du temps. Ca peut paraître 3 jours mais deux semaines se sont écoulées. Les effets sont encore plaisants et vous pouvez toujours choisir quels jours vous en prenez donc, naturellement, il ne doit pas y avoir de problème. Et puisque tout le monde connaît une sorte de crise au moins une fois par an, la perte d’un ami ou d’un copain ou d’un parent, c’est le moment où la drogue vous fait dire « et merde, tant pis ! ». Tous les drogués se sont dit « et merde, tant pis ! » plus de fois qu’ils ne peuvent le compter.

Cet exemple tient en une seule page, mais sur une année d’usage occasionnel, la personne comptabilise plus de jours sans qu’avec. Ca vous consume lentement et progressivement parce qu’une journée dure 24 heures et que personne n’a envie d’être accro.Ca n’arrive pas aussi vite que dans les films parce qu’un film doit montrer tous les trucs palpitants en deux heures. Deux heures sur une année de défonce occasionnelle c’est rien du tout. Mais à partir du moment où vous vous êtes dit « et merde, tant pis ! » commence le long processus consistant à essayer de rester clean. Le premier essai pour décrocher est généralement facile si vous avez des médocs. En gros, on dort, ce qui selon moi est une mauvaise chose parce qu’on se dit « si c’est si facile je peux replonger et décrocher ensuite pour le restant de mes jours ». A la deuxième puis la troisième tentative, ça devient très différent. Se désintoxiquer dure parfois cinq fois plus longtemps. Les facteurs psychologiques sont entrés en jeu et se révèlent aussi dévastateurs que les effets physiques. Et plus ça va, plus c’est dur d’arrêter. Même la personne la plus phobique des aiguilles peut éprouver un besoin irrépressible de se soulager en se plantant une seringue dans le bras.

Il y a des gens qui s’injectent de l’eau, de l’alcool, du liquide pour les bains de bouche, etc. L’usage de drogues est une fuite en avant, qu’on veuille bien l’admettre ou non. Un personne peut avoir passé des mois, des années, à essayer d’obtenir de l’aide, tout ce temps n’est rien comparé aux années qu’il faut pour se désintoxiquer complètement. Tous les junkies que j’ai rencontrés ont ramé au minimum 5 ans et la plupart d’entre eux se battent pendant 15 à 25 ans, jusqu’à se résoudre finalement à devenir les esclaves d’une autre dépendance : les 12 étapes qui constituent elles-mêmes une autre drogue/religion. Si ça marche pour vous, faites-le. Si votre ego est trop développé, commencez par le début et allez voir un psy. Dans tous les cas, vous avez au minimum 5 à 10 ans de lutte devant vous.

Ca c’est du divertissement : regarder Sylvester Stallone s’emmêler les pinceaux tout au long d’une interview avec son, geuh-beuh, accent de Fred Flinstone, tout en éructant des phrases que peut-être geuh, un type très intelligent pourrait prononcer tu vois, avec plein de « tout se passe comme si », « en termes d’appartenance à », etc. bla. Les indigènes de l’Alaska ? Mais de quoi tu parles putain ? Des eskimos ? Ou des péquenauds bourrés qui ont émigré dans le coin, ne voient jamais le soleil et restent sur un bateau avec des tripes de poissons morts jusqu’aux couilles pendant 9 mois de l’année ?

(Texte sur entête de l’hôtel Excelsior, où Kurt Cobain fera une ultime tentative de suicide le 4 mars 1994, un mois avant sa mort, le 5 avril 1994)

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C'est la dernière entrée du journal. Kurt Cobain se suicide le 5 avril 1994. 

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Ouais mais moi j'ai mis les chats  

Tu trouves qu'on fait dans les violons ?