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Penser contre soi-même

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Invité Leopardi

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Invité Quasi-Modo
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Invité Quasi-Modo
Invité Quasi-Modo Invités 0 message
Posté(e)

Si il nous faut une bonne raison pour douter, alors ce n'est pas un doute dans l'absolu, tu en conviendras. Car le doute est on ne peut plus libre (de toute raison justement). Maintenant que ce soit les autres qui permettent de douter sur soi, oui je suis d'accord, ils peuvent y aider, et même t'y entraîner.

Mais en général, et je crois que c'est là que Sartre veut pointer du doigt : le doute va avec la pensée qui se construit. Pour l'illustrer, je dirais par exemple que tout raisonnement scientifique se construit en avançant des hypothèses dans un premier temps, puis en allant chercher dans la réalité des résultats d'expériences, cette réalité expérimenté qui permet alors d'établir la justesse d'une théorie.

Donc même dans la plus profonde des logiques (en sciences), on voit surgir la vérité grâce au doute.

En douterais-tu ? hehe3.gif

Tu as bien raison lorsque tu corriges deux maladresses dans la façon dont je me suis exprimé.

1- Le scepticisme est la pratique d'un doute absolu, mais ce que je voulais dire sans l'avoir précisé c'est qu'il nous soumet encore aujourd'hui tous à la question. Il existe vraiment ce que les philosophes (notamment en épistémologie) appellent le défi sceptique, c'est à dire un ensemble d'arguments auxquels il convient de répondre sous peine de devoir renier notre prétention à connaître quoi que ce soit.

2- Je voulais employer autre dans un sens plus général comme en témoigne le message d'avant. C'est à dire que non seulement il s'agit des autres êtres humains, mais de l'Autre en tant que tout ce qui n'est pas moi. J'ai en quelque sorte l'idée que la pensée se construit par (et même avec) les obstacles successifs qui lui sont faits qui seuls nous prêtent à douter.

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Membre, 51ans Posté(e)
jean ghislain Membre 1 084 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
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(pour le §1 ) Il y a de rares moments dans la vie où l'on peut douter de tout, dans l'absolu. Et comme tu le dis justement, il faut savoir s'en défaire si l'on veut avancer dans le savoir. C'est la démarche que fait Descartes dans ses méditations métaphysiques. On parle alors de doute cartésien, dès lors où les moments de doutes font passer au tamis de l'esprit nos incertitudes et illusions, dans le but de ne retomber que sur des vérités essentielles.

(pour le §2 ) L'autre c'est la part de l'ange, comme dirait un ami philosophe... c'est celui qui nous touche tout en étant très éloigné de nous ! Quant à interagir, oui, mais il faut faire attention à ce que l'autre, une fois rentré dans ta propre pensée intime n'y détruise rien. Alors, peut-être que l'autre, et c'est le mieux, cela peut être aussi celui avec qui je construis. Mais cela peut être tout aussi bien, celui contre qui je lutte, ou au contraire qui me soutient. A moins tout simplement que l'autre soit celui que j'accueille volontiers afin de le découvrir ? Mais il me semble que nous sommes loin du sujet qui est penser contre soi-même, à tant vouloir parler de l'autre.

Car en définitive, si l'on veut poursuivre la pensée de Sartre (que j'aime bien, à tout avouer), nous demeurons seul face à nous-même quand il faut trancher dans le vif. Et à trop s'en remettre à autrui, n'est-ce pas faire preuve de lâcheté, dès lors que l'on est disposé à décider ?

Modifié par jean ghislain
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Invité Quasi-Modo
Invités, Posté(e)
Invité Quasi-Modo
Invité Quasi-Modo Invités 0 message
Posté(e)

(pour le §1 ) Il y a de rares moments dans la vie où l'on peut douter de tout, dans l'absolu. Et comme tu le dis justement, il faut savoir s'en défaire si l'on veut avancer dans le savoir. C'est la démarche que fait Descartes dans ses méditations métaphysiques. On parle alors de doute cartésien, dès lors où les moments de doutes font passer au tamis de l'esprit nos incertitudes et illusions, dans le but de ne retomber que sur des vérités essentielles.

La parade de Descartes est effectivement intéressante puisqu'il pose toute l'ampleur du défi (en imaginant qu'un malin génie le trompe), mais tout le monde ressent que dans son argument ontologique (qui lui permet par la suite de rétablir l'existence du monde extérieur) il y a définitivement quelque chose qui cloche. Ce que Kant montrera plutôt bien je pense.

J'ai assez l'impression que la pensée occidentale s'est embourbée suite à cette révolution cartésienne selon laquelle il faut partir du sujet pensant, de telle sorte que pour beaucoup d'observateurs, il n'y a pas d'autre possibilité que d'être d'accord avec Descartes ou tomber dans un scepticisme absolu (dont on ne peut rien tirer).

(pour le §2 ) L'autre c'est la part de l'ange, comme dirait un ami philosophe... c'est celui qui nous touche tout en étant très éloigné de nous ! Quant à interagir, oui, mais il faut faire attention à ce que l'autre, une fois rentré dans ta propre pensée intime n'y détruise rien. Alors, peut-être que l'autre, et c'est le mieux, cela peut être aussi celui avec qui je construis. Mais cela peut être tout aussi bien, celui contre qui je lutte, ou au contraire qui me soutient. A moins tout simplement que l'autre soit celui que j'accueille volontiers afin de le découvrir ? Mais il me semble que nous sommes loin du sujet qui est penser contre soi-même, à tant vouloir parler de l'autre.

Car en définitive, si l'on veut poursuivre la pensée de Sartre (que j'aime bien, à tout avouer), nous demeurons seul face à nous-même quand il faut trancher dans le vif. Et à trop s'en remettre à autrui, n'est-ce pas faire preuve de lâcheté, dès lors que l'on est disposé à décider ?

Disons que, tout en avouant être dans l'ignorance de la teneur du propos de Sartre, j'imagine que penser contre soi s'effectue en vase-clos, par une introspection philosophique réflexive dans les règles, et c'est là en quelque sorte le points sur lequel porte mon interrogation : comment penser contre soi, au sens de penser en vase-clos (donc sans l'Autre), si nous ne pouvons que douter de ce dont notre extériorité nous aura fait soupçonner une erreur?

Si nous ne choisissons pas nos doutes mais que nous sommes seulement parfois en but à des obstacles qui nous font douter, peut-on vraiment de cette façon là catalyser notre pensée? N'évitera-t-on pas soigneusement les écueils et les questions trop délicates lorsqu'elles touchent au fondement de notre conception du monde? N'est-il pas illusoire (ou au moins risqué pour notre liberté) de simuler mentalement l'autre qui nous contredit en nous?

Car penser c'est une expérience douloureuse, comme nous venons de le souligner, et on l'oublie trop souvent ; un peu comme le sol se dérobe sous nos pieds ou comme on nous tirerait le tapis sous nos semelles. Pour celui qui possède une démarche honnête, la philosophie et sa fameuse quête de vérité ont le don de mettre de mauvaise humeur. L'Homme ordinaire s'appuie bien plus volontiers avec confiance sur ces même pieds en se dirigeant vers les plaisirs immédiats que lui offre l'existence, et sincèrement, on le comprend.

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Membre, 51ans Posté(e)
jean ghislain Membre 1 084 messages
Baby Forumeur‚ 51ans‚
Posté(e)

Le mythe était fort simple et je le digérai sans peine.

Protestant et catholique, ma double appartenance

confessionnelle me retenait de croire aux Saints, à la

Vierge et finalement à Dieu tant qu'on les appelait par

leur nom. Mais une énorme puissance collective m'avait

pénétré; établie dans mon coeur, elle guettait, c'était la

Foi des autres; il suffit de débaptiser et de modifier en

surface son objet ordinaire: elle le reconnut sous les

déguisements qui me trompaient, se jeta sur lui, l'enserra

dans ses griffes. Je pensais me donner à la Littérature

quand, en vérité, j'entrais dans les ordres. En moi la

certitude du croyant le plus humble devint l'orgueilleuse

évidence de ma prédestination. Prédestiné, pourquoi

pas? Tout chrétien n'est-il pas un élu? Je poussais, herbe

folle, sur le terreau de la catholicité, mes racines en

pompaient les sucs et j'en faisais ma sève. De là vint cet

aveuglement lucide dont j'ai souffert trente années. Un

matin, en 1917, à La Rochelle, j'attendais des camarades

qui devaient m'accompagner au lycée; ils tardaient,

bientôt je ne sus plus qu'inventer pour me distraire et je

décidai de penser au Tout-Puissant. A l'instant il

dégringola dans l'azur et disparut sans donner

d'explication: il n'existe pas, me dis-je avec un

étonnement de politesse et je crus l'affaire réglée. D'une

certaine manière elle l'était puisque jamais, depuis, je

n'ai eu la moindre tentation de le ressusciter. Mais

l'Autre restait, l'Invisible, le Saint-Esprit, celui qui

garantissait mon mandat et régentait ma vie par de

grandes forces anonymes et sacrées. De celui-là, j'eus

d'autant plus de peine à me délivrer qu'il s'était installé à

l'arrière de ma tête dans les notions trafiquées dont

j'usais pour me comprendre, me situer et me justifier.

Écrire, ce fut longtemps demander à la Mort, à la

Religion sous un masque d'arracher ma vie au hasard. Je

fus d'Église. Militant, je voulus me sauver par les

oeuvres; mystique, je tentai de dévoiler le silence de

l'être par un bruissement contrarié de mots et, surtout, je

confondis les choses avec leurs noms: c'est croire.

J'avais la berlue. Tant qu'elle dura, je me tins pour tiré

d'affaire. Je réussis à trente ans ce beau coup: d'écrire

dans La Nausée — bien sincèrement, on peut me croire

— l'existence injustifiée, saumâtre de mes congénères et

mettre la mienne hors de cause. J'étais Roquentin, je

montrais en lui, sans complaisance, la trame de ma vie;

en même temps j'étais moi, l'élu, annaliste des enfers,

photomicroscope de verre et d'acier penché sur mes

propres sirops protoplasmiques. Plus tard j'exposai

gaîment que l'homme est impossible; impossible moimême

je ne différais des autres que par le seul mandat

de manifester cette impossibilité qui, du coup, se

transfigurait, devenait ma possibilité la plus intime,

l'objet de ma mission, le tremplin de ma gloire. J'étais

prisonnier de ces évidences mais je ne les voyais pas: je

voyais le monde à travers elles. Truqué jusqu'à l'os et

mystifié, j'écrivais joyeusement sur notre malheureuse

condition. Dogmatique je doutais de tout sauf d'être l'élu

du doute; je rétablissais d'une main ce que je détruisais

de l'autre et je tenais l'inquiétude pour la garantie de ma

sécurité; j'étais heureux.

J'ai changé. Je raconterai plus tard quels acides ont

rongé les transparences déformantes qui

m'enveloppaient, quand et comment j'ai fait

l'apprentissage de la violence, découvert ma laideur —

qui fut pendant longtemps mon principe négatif, la

chaux vive où l'enfant merveilleux s'est dissous — par

quelle raison
je fus amené à penser systématiquement

contre moi-même
au point de mesurer l'évidence d'une

idée au déplaisir qu'elle me causait. L'illusion

rétrospective est en miettes; martyre, salut, immortalité,

tout se délabre, l'édifice tombe en ruine, j'ai pincé le

Saint-Esprit dans les caves et je l'en ai expulsé;

l'athéisme est une entreprise cruelle et de longue

haleine: je crois l'avoir menée jusqu'au bout. Je vois

clair, je suis désabusé, je connais mes vraies tâches, je

mérite sûrement un prix de civisme; depuis à peu près

dix ans je suis un homme qui s'éveille, guéri d'une

longue, amère et douce folie et qui n'en revient pas et

qui ne peut se rappeler sans rire ses anciens errements et

qui ne sait plus que faire de sa vie. Je suis redevenu le

voyageur sans billet que j'étais à sept ans: le contrôleur

est entré dans mon compartiment, il me regarde, moins

sévère qu'autrefois: en fait il ne demande qu'à s'en aller,

qu'à me laisser finir le voyage en paix; que je lui donne

une excuse valable, n'importe laquelle, il s'en

contentera. Malheureusement je n'en trouve aucune et,

d'ailleurs, je n'ai même pas l'envie d'en chercher: nous

resterons en tête à tête, dans le malaise, jusqu'à Dijon où

je sais fort bien que personne ne m'attend.

J'ai désinvesti mais je n'ai pas défroqué: j'écris

toujours. Que faire d'autre?

Nulla dies sine linea.

C'est mon habitude et puis c'est mon métier.

Longtemps j'ai pris ma plume pour une épée, à présent

je connais notre impuissance. N'importe: je fais, je ferai

des livres; il en faut; cela sert tout de même. La culture

ne sauve rien ni personne, elle ne justifie pas. Mais c'est

un produit de l'homme: il s'y projette, s'y reconnaît;

seul, ce miroir critique lui offre son image. Du reste, ce

vieux bâtiment ruineux, mon imposture, c'est aussi mon

caractère: on se défait d'une névrose, on ne se guérit pas

de soi. Usés, effacés, humiliés, rencognés, passés sous

silence, tous les traits de l'enfant sont restés chez le

quinquagénaire. La plupart du temps ils s'aplatissent

dans l'ombre, ils guettent: au premier instant

d'inattention, ils relèvent la tête et pénètrent dans le

plein jour sous un déguisement: je prétends sincèrement

n'écrire que pour mon temps mais je m'agace de ma

notoriété présente; ce n'est pas la gloire puisque je vis et

cela suffit pourtant à démentir mes vieux rêves, serait-ce

que je les nourris encore secrètement? Pas tout à fait: je

les ai, je crois, adaptés: puisque j'ai perdu mes chances

de mourir inconnu, je me flatte quelquefois de vivre

méconnu. Grisélidis pas morte. Pardaillan m'habite

encore. Et Strogoff. Je ne relève que d'eux qui ne

relèvent que de Dieu et je ne crois pas en Dieu. Allez

vous y reconnaître. Pour ma part, je ne m'y reconnais

pas et je me demande parfois si je ne joue pas à qui perd

gagne et ne m'applique à piétiner mes espoirs d'autrefois

pour que tout me soit rendu au centuple. En ce cas je

serais Philoctète: magnifique et puant, cet infirme a

donné jusqu'à son arc sans condition; mais,

souterrainement, on peut être sûr qu'il attend sa

récompense.

Laissons cela. Mamie dirait:

« Glissez, mortels, n'appuyez pas. »

Ce que j'aime en ma folie, c'est qu'elle m'a protégé,

du premier jour, contre les séductions de « l'élite »:

jamais je ne me suis cru l'heureux propriétaire d'un «

talent »: ma seule affaire était de me sauver — rien dans

les mains, rien dans les poches — par le travail et la foi.

Du coup ma pure option ne m'élevait au-dessus de

personne: sans équipement, sans outillage je me suis

mis tout entier à l'oeuvre pour me sauver tout entier. Si

je range l'impossible Salut au magasin des accessoires,

que reste-t-il? Tout un homme, fait de tous les hommes

et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui.

Sartre
,
Les Mots
.
Modifié par jean ghislain
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Membre, ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée, 53ans Posté(e)
Amazones Membre 13 439 messages
53ans‚ ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée,
Posté(e)

Bonjour et enchantée,

Penser contre soi-même est de facteur à suggérer que l'on peut controverser notre attitude en se donnant une autosuggestion à notre entendement, qui poserai réflexion à ce que l'on estime être juste de propos et accentuer la pensée pour qu'elle ne soit que davantage réfléchie. Cela dit, penser n'est pas agir donc de la manière à porter attention, ne sera pas forcément le résultat de notre directive, telle qu'elle soit ... Penser contre soi-même, pourquoi pas, dirais-je, mais à force de perturber notre raison, on ne fait qu'émettre confusion et ralentir à ce que l'on aura voulu, par ce qui fait être de soi.

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