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22 juin 1627. Louis XIII et Richelieu font décapiter deux comtes amateurs de duels.


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22 juin 1627. Louis XIII et Richelieu font décapiter deux comtes amateurs de duels.

Montmorency-Bouteville et des Chapelles ont osé braver l'édit royal interdisant les duels. L'affaire est vite tranchée.

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Le 22 juin 1627, la place de Grève (aujourd'hui, place de l'Hôtel de Ville) fourmille de monde comme à chaque fois qu'une exécution est annoncée. Cette fois, les Parisiens sont gâtés, les deux vedettes du spectacle appartiennent à la fine fleur de la noblesse française : le comte de Montmorency-Bouteville, 27 ans, et son cousin, le comte de Rosmadec des Chapelles, 29 ans. Ils paient lourdement un crime effroyable. Ont-ils attenté à la vie de Louis XIII ? Pire ! Ont-ils eu des amours contre nature ? Bien pire encore ! Êtes-vous prêt à entendre l'innommable ? Ils se sont battus en duel malgré l'interdiction formelle du roi et du cardinal de Richelieu. Et peu importe qu'ils appartiennent à deux des plus grandes et plus vieilles familles françaises, pas de passe-droit. Et d'un duel avec un bourreau on ressort rarement vainqueur.

Il faut dire que cette tête brûlée de Bouteville est un multirécidiviste. Le genre à faire défaillir ce pauvre Guéant. Il en est à son 21e duel ! Tous ses adversaires ne sont pas morts, mais son palmarès dépasse largement celui de beaucoup de tueurs en série actuels. On ne sait combien de duels a livrés son parent des Chapelles, son bilan devait être également important. Malgré le siège des deux familles, le roi ne se laisse pas fléchir. Il faut que ces deux têtes roulent à terre pour décourager la noblesse française de s'entretuer. Entre 1589 et 1608, les duels auraient fait plus de 8 000 victimes ! Plus que la guerre ! Bouteville livre son premier duel à 22 ans (en 1622) contre le comte de Pontgibaud. Depuis ce jour, jouer sa vie pour un regard de travers, pour une femme, devient pour lui une passion dévorante. Et l'interdiction des duels importe peu. Du reste, par deux fois, cela lui a déjà valu d'être déclaré par le Parlement "déchu du privilège de noblesse, ignoble, roturier et infâme", et condamné à "être pendu et étranglé à une potence croisée". Mais, jusque-là, sa haute naissance lui a permis d'éviter la sentence.

Six combattants

Revenons-en au duel qui va leur faire perdre la tête à tous deux. Tout commence en 1626, quand Bouteville tue en duel le comte de Thorigny. L'année suivante, il blesse le baron de La Frette devant la cour, ce qui met le roi fort en colère. Ce dernier envoie donc trois compagnies de Suisses pour le saisir, obligeant le comte à se réfugier à Bruxelles, auprès de l'archiduchesse gouvernante des Pays-Bas à qui il promet de ne pas se battre sur son territoire. Conciliante, celle-ci plaide la cause de Bouteville auprès de Louis XIII, mais ce dernier refuse son pardon et met en garde le duelliste de ne pas paraître à la cour ou dans Paris. Cette réponse rend le comte furieux : "Je me battrai en bref à Paris, et dans la place royale, puisqu'on me refuse une abolition."

L'occasion ne se fait pas attendre : le marquis de Beuvron, qui veut venger la mort de son parent Thorigny, accourt à Bruxelles pour défier Bouteville. Or le voilà démasqué dans son auberge par les forces de l'ordre locales. L'archiduchesse tente de réconcilier les deux hommes, lesquels font semblant de se faire des mamours tout en se promettant de remettre à plus tard leur petite explication. Rendez-vous est pris sur la place Royale (place des Vosges).

Le 12 mai 1627, Bouteville s'y présente vers 14 heures avec ses deux témoins : le comte des Chapelles et son écuyer, le sieur de La Berthe. Le marquis de Beuvron les attend avec aussi ses deux témoins, Bussy d'Amboise (son beau-fils), malade à crever, et son écuyer Choquet. À l'époque, les témoins ne se contentent pas de compter les points, mais se battent entre eux. En garde ! Les six combattants ferraillent avec vaillance, chacun est armé d'une épée et d'un poignard. Ils ne font pas semblant. Les assauts n'ont pas la violence d'un tweet de Valérie Trierweiler, mais c'est tout comme. Les passants se demandent qui sont ces fous pour défier l'édit du cardinal en pleine journée. De La Berthe, blessé par Choquet, arrête le combat. Bussy est mortellement blessé par des Chapelles. Bouteville et le marquis décroisent le fer, car les hommes du cardinal vont bientôt surgir. Il faut fuir.

Hémorragie des gentilshommes

Le marquis de Beuvron et son écuyer parviennent à échapper à l'arrestation en gagnant l'Angleterre. Bouteville et son cousin des Chapelles, qui empruntent la poste à destination de la Lorraine, sont rattrapés à Vitry-le-Brûlé, et aussitôt conduits à la Bastille par le grand prévôt. Leur procès est immédiatement instruit par le Parlement. Les familles des deux embastillés font le siège du jeune roi pour qu'une fois de plus il fasse preuve de clémence. En vain. Louis XIII ne cède pas, même quand la mère de Bouteville se jette à ses pieds, même quand le prince de Condé lui écrit une lettre, même quand le duc de Montmorency le supplie. Cette fois, le compte du comte est bon. Le souverain se fend, néanmoins, d'une lettre expliquant la nécessité d'un exemple pour mettre fin à l'hémorragie de ses gentilshommes. "Combien de nobles et bonnes maisons ont été éteintes ! Et que l'excès en fût arrivé à ce point que les plus grands de mon royaume fussent sujets à être provoqués au combat sans nulle cause ni fondement. Tous ces désordres parvenus à cette extrémité, faute de punition, m'ont forcé de laisser agir la justice, en quoi Dieu sait combien mon esprit a été agité et combattu..." Le cardinal approuve son roi.

L'évêque de Nantes est envoyé auprès des deux comtes pour leur inspirer des sentiments de religion. Le 21 juin, après avoir été interrogés par le Parlement, les deux cousins sont renvoyés à la Bastille sans qu'un quelconque arrêt leur soit immédiatement signifié, ce qui leur donne quelque espoir. Ils passent une bonne nuit. À un certain Andrenas qui lui demande comment il envisage sa mort, des Chapelles répond : "J'y suis tout résolu, mais mon cousin, qui est jeune, riche, parent des plus grands seigneurs de France, pourra se fâcher quand on lui parlera de mourir." Une dernière fois, la famille de Bouteville tente de rencontrer le roi, qui se défile.

Cheveux coupés

Le lendemain, le 22 juin 1627 vers 11 heures, un guichetier avertit Bouteville de descendre à la chapelle. "À la chapelle !" s'exclame avec colère le comte. "Oui, monsieur... et si vous vouliez avoir la bonté de me donner la bague que vous avez au doigt." Le jeune homme y consent, mais quand l'autre a le culot de lui demander ses gants, il les jette par la fenêtre. Son cousin des Chapelles est également mené à la chapelle, où ils restent en prière avec l'évêque de Nantes et d'autres hommes d'Église jusqu'à 5 heures du soir. C'est alors qu'une charrette vient les chercher pour les mener en place de Grève. Durant le trajet, le bourreau leur coupe les cheveux avec la même dextérité que Franck Provost quand il a touché sa dernière paire de ciseaux, dans les années cinquante. Lorsque l'exécuteur s'apprête à sectionner la moustache de Bouteville, celui-ci l'arrête. "Mon fils, lui dit alors l'évêque de Nantes, il ne faut plus songer au monde. Quoi ! Vous y songez encore ?"

Notre va-t-en-guerre est devenu doux comme l'agneau sous la main d'Abraham. Il est le premier à monter sur l'échafaud, où il s'agenouille à côté de l'évêque durant le salve regina. Bouteville refuse le bandeau avant de s'agenouiller devant le billot de bois, où il pose la tête. L'exécuteur lève haut la hache et l'abat avec la violence d'un revers de Nadal. La tête vole du premier coup. La foule applaudit le joli cou(p). Le comte, qui n'a rien senti sur le moment, se demande pourquoi le ciel bascule. En entendant le bruit, des Chapelles, qui attend dans la charrette, murmure : "Mon cousin n'est plus, prions Dieu pour son âme." À son tour, il pose sa bête sur le billot et s'en va trouver Dieu. Aussitôt, les deux familles récupèrent les corps et les têtes pour les emporter à l'hôtel d'Angoulême, où ils sont embaumés. Durant quelque temps, les duels se font plus rares.

Le Point.

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Doïna Membre+ 19 300 messages
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Fougueux, chauds-bouillants les mecs de cette époque... Pas comme maintenant, donc.

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