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La guerre à Paris


colchique7551

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colchique7551 Membre 93 messages
Baby Forumeur‚
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Paris années 44/45. Comme des centaines d'enfants, ma grande soeur, mon petit frère et moi, sommes dans l'orphelinat Saint Vicent de Paul, situé rue de Ménimontant à Paris.

Ce dimanche, nous avons été en visite chez maman, et nous sommes en route pour le retour. Soudain ! Le hurlement assourdissant des sirènes se déchaîne. Comme tous les parisiens, maman accélère la marche. Sa vitesse de croisière nous oblige toujours à prendre le trop, là, c'est le galop, mais nous sommes habitués. Mon frère et moi nous cramponnons à sa jupe, tandis que Micheline, ma grande soeur, aide l'un ou l'autre.

Comme un ouragan, la sirène emporte et propulse tous les passants fébriles dans les caves et les abris qui sont signalés partout par des affiches. Nos galoches claquent sur le macadam. Le faible éclairage des rues venait juste de traverser le soir tombant, quand l'alerte les fit s'éteindre d'un seul coup. Les raies jaunes qui filtraient au travers de persiennes closes, ont disparu elles aussi. C'est le couvre feu. (Obligation d'éteindre toutes les lumières).

Nous entrons en trombe dans l'immeuble, et la colonne d'humains en transe nous emporte dans un boyau noir où nous nous engouffrons, c'est une cave. Je les reconnais aux marches étroites et glissantes, à l'odeur écoeurante de poussier, d'humidité et de renfermé qui s'en dégage. Quelque chose en moi se réjouit du contre temps qui nous retient un peu plus avec maman. En même temps, je m'inquiète de notre retard, les religieuses n'aiment pas ça.

Nous avions eu la chance d'attraper un des rares métro qui circulent en ce moment. Nous étions presque arrivées quand l'alerte nous a surpris, mais les voilà déjà que hurlent de nouveau, c'était une fausse alerte, nous sortons.

La bousculade habituelle des sorties de cave s'engage. Quelqu'un me soulève très haut. Une mer de chapeaux, de casquettes, de boucles ondule sous mes yeux. Et je redescends aussi vite que je suis montée. L'homme me pause près de maman qui remerci. La bousculade continue encore un peu à la sortie, puis elle s'estompe, chacun part de son côté.

La notre est toujours l'orphelinat. Brusquement maman s'énerve, elle nous pousse et je comprends pourquoi. La bas, au fond de la rue qui se jette en pente raide sur Belleville, monte un chant que je connais bien. Il est accompagné du martelage de bottes qui vide les rues. C'est le "pas de l'oie" des Allemands qui met tous le parisiens sur leur garde. Je pense : est-ce qu'il est déjà si tard ? est-ce que c'est l'heure du couvre-feu ? Si oui, est-ce que maman à un laissez-passer ? Je sais que ce document est exigé par les Allemands, pour toute personne se trouvant dehors après une certaine heure décidée par eux.

A tous moments et partout, les patrouilles Allemandes peuvent nous surprendre, nous contrôler, nous effrayer et nous emmener pour vérification des papiers.

Notre sauveur, le haut mur de l'orphelinat qui d'ordinaire m'angoisse du plus loin que je l'aperçois. Il fait l'angle de la rue de Ménilmontant et la rue de pyrénées. L'appréhensions et le contentement se mélange en moi. Nous nous arrêtons devant l'affreuse petite porte en ferraille de l'établissement. Maman tire sur une poignée suspendue au bout d'une tige de fer, ce qui actionne une clochette, le judas s'ouvre. Pour mieux nous dissimuler, nous nous écrasons contre la porte, ainsi masqués par l'épaisseur du mur. Au fond de la rue la patrouille allemande avance terriblement vite. Le chant tant redouté approche, le martèlement des bottes aussi. Pour une fois, nous somme impatients, ça ! Je n'aurais jamais cru qu'un jour j'aurais hâte de rentrer. Un bruit de clefs nous apaise, les gongs gémissent et la porte s'ouvre juste de quoi nous faire entrer d'un seul jet, propulsés par maman et tirés par la religieuse. Maman rabat la porte en douceur sur ses talons.

Nous restons plantés là sans bouger, personne n'a besoin de nous ordonner le silence. Nous savons que nous devons ni bouger, les graviers nous trahiraient, ni parler et retenir notre respiration accélérée par la course. Nous attendons que la patrouille passe, mais subitement ! Le bruit des bottes cesse, le chant aussi. C'est souvent mauvais signe quand une patrouille s'arrête.

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