Tertre noir

De toi j'ai tout gardé, de tes joies à tes larmes

Et ce soir tu es là, claire dans ma pensée.

Tu te souviens les jours où nous prenions les armes ?

Et ceux des flâneries dans les rues de Paris ?

Mais qu'importe puisque tu es là, insensée !

Pars, je t'en supplie, pars ! Ma splendide tumeur.

Va t-en sale putain ! Hâte-toi ou je meurs.

Je saigne. Tu saignes. Nous ne serons donc que deux êtres

Sans joie ni souvenirs de ce que "Nous" put être;

Trop tôt ivres d'un vin qui voila de délices

Les danses qui en vrai furent tantôt les nôtres —

Stupides pantomimes, ou obscènes parades,

Et mouvements informes des amants malades —

Je me sens proche de toi lorsqu'en moi tu glisses.

Je la sens, ta longue griffe dans mon dos rond

Courbé, aux prises avec tes hanches vagabondes.

Attends encor ! Laisse-moi te montrer dans mes yeux

Ces villes mortes qui, rebâties à nous deux,

Formeront ce royaume aux nuits sans lendemain.

Faisons de notre lit un terrifiant navire,

Pour que, main dans la main, au bord des gouffres noirs

Nous puissions regarder les étoiles échoir

Du plafond.

Mais, tout cela t'est bien égal et tu m'embrasses !

Resserrant encore plus fort tes jambes crasses.