dans le sillage des caravelles - suite....

Nous sommes en 1419, en France on est en pleine guerre de cent ans

Au large de Lagos, la Constança, une barca de petit tonnage à voile carrée, fait route vers le sud

Une vingtaine d'hommes d'équipage

Un capitaine, João Zarco, et ses deux pilotes, Bartolomeu Perestrelo et Tristão Vaz Texeira

Une barca à voile carrée, navire utilisé avant la caravelle

Aucun des trois n'est marin

João Zarco est le fils d'un négociant de Porto, que l'océan attirait plus que le commerce

Bartolomeu Perestrelo est le fils d'un représentant d'une banque lombarde à Lisbonne

Son père entendit parler d'une certaine expédition maritime, et il proposa son fils, qui avait suivi les cours de Jehuda Cresques et savait se servir de cartes et de boussoles

Tristão Vaz Texeira est probablement écuyer du Prince Henrique, il avait participé à la bataille de Ceuta et s'était fait remarquer par sa hardiesse

C'est à Lagos qu'ils embarquent sur la Constança pour leur mission : filer sans escale, et le plus au large possible des côtes marocaines, jusqu'aux Canaries

En effet, l'Espagne, profitant de ce que les Portugais étaient occupés à s'entre-tuer avec les Maures, venait tout simplement de déclarer qu'elle prenait possession de l'archipel

la mission de 1419 et la découverte de Madeira en 1424

Cela faisait longtemps que le litige durait ! Espagnols et Portugais se disputaient la découverte, pour rien d'ailleurs, car les Canaries été visitées depuis le Vème siècle avant J.C. par toutes les civilisations, grecs, romains, carthaginois, arabes...

on les appelait alors les îles Fortunées

Redécouvertes au début du XIVème siècle par les Génois, elles avaient été presque oubliées, et les cartes étaient tellement fausses qu'on aurait été bien en peine de les situer

Presque désertes, un peuple y vivait pourtant sur les îles de Tenerife et de Fuerteventura: les Guanches, d'origine berbère, ou peut-être venus d'Egypte

Au cours du XVème siècle, les Espagnols tentent de les coloniser, mais devant la résistance acharnée de ces indigènes, ils leur déclarent une guerre sans merci, jusqu'à leur extinction presque totale: c'est le premier génocide connu de l'histoire

Reddition des Guanches (par Alfonso de Lugo)

Pyramide Guanche

Au bout de trois jours et trois nuits de navigation, poussés par la tempête, Zarco et ses hommes abordent enfin une île qu'ils appellent Porto Santo

Prévoyants, nos navigateurs ont apporté des lapins, qui s'égaillent joyeusement dans la nature : deux ans plus tard, les bestioles avaient fait de tels ravages qu'il fallut les exterminer

Puis ils reprennent la mer, atteignent les Canaries, font le tour de l'archipel, et s'aperçoivent alors que hors Lanzarote, où mouillent quelques navires espagnols, pas l'ombre d'un Castillan !

La Constança prend le chemin du retour à la bouline, luttant durement contre les vents contraires, et rejoint Lisbonne : il est urgent de rendre compte au Roi et à l'Infante Henrique du succès de la mission, afin de revendiquer la propriété des îles

Cependant, nos compères, en quittant Porto Santo, avaient vu qu'à l'horizon, vers le sud, apparaissait toujours un nuage sombre et bleuté

En 1424, Zarco repart en expédition pour résoudre l'énigme : il découvre une île merveilleuse, pleine de cascades et couverte d'une forêt très dense, il la nomme Madeira, l'île boisée

Madeira - les vignobles

Zarco se fait attribuer le gouvernement de l'île et avec Vaz et quelques volontaires, ils entreprennent de la défricher

Mais les colons travaillent avec une telle vigueur qu'ils ne peuvent maîtriser les feux allumés et un gigantesque incendie se déclare

L'île brûle pendant sept années, la forêt primaire, trésor inestimable, disparaît presque entièrement

Sur cet immense brûlis, les Portugais, un peu plus tard plantèrent des pieds de vigne rapportés de Crète

C'est ainsi que Henrique, l'Infante qui ne buvait jamais d'alcool, offrit à Madeira son fameux vin

Madeira - Funchal

Pendant que Zarco fonde Funchal, que les colons expédient de l'archipel le blé, le vin, les bois de charpente et de teinture, et rationalisent le peuplement des îles avec les marins de l'Algarve, les paysans de l'Alentejo et les juifs conversos qui fuient l'Espagne, Henrique, reclus à Sagres, se penche fiévreusement sur les cartes

l'Infante Henrique à Sagres - azulejos de Lisbonne

Il a installé dans son ermitage une extraordinaire bibliothèque, emplie de livres précieux, de portulans et d'instruments de marine, il a fait aménager le port, il a installé un observatoire, il reçoit des savants venus du monde entier : Juifs, Vénitiens, Génois, Arabes, Scandinaves font de Sagres le premier laboratoire de l'univers, ils y perfectionneront au fil du temps le compas de route, le relevé de latitude, l'arbalète qui permet de mesurer la hauteur du soleil sur l'horizon, le quadrant, les tables de déclinaison

atlas catalan - attribué à Abraham Cresques - 1375

c'est ce genre de carte qui ouvrit la porte aux découvertes maritimes

quadrant - la visée du corps céleste se faisait à travers les deux oeilletons et sa hauteur par rapport à l'horizon était lue grace au fil à plomb

l'astrolabe nautique - ce fut le premier instrument astronomique, il fut ensuite détrôné par le sextant

Mais Henrique n'est pas satisfait, il veut un bateau

Un bateau capable d'aller vers son rêve africain, d'en franchir le premier obstacle : le Cap Bojador, et surtout d'en revenir

Je vous raconterai au prochain épisode la naissance de la caravelle, et nous suivrons un extraordinaire marin, l'un de mes préférés de cette saga, le premier à briser le mur de la peur : Gil Eanes

A bientôt

Pour les curieux :

Il va sans dire qu'à l'époque des grandes découvertes, on naviguait à l'estime...autant dire au pif !

Ce n'était pas grave quand on naviguait sur une mer fermée, comme la Méditerranée, il suffisait de caboter ou de suivre les astres

Mais la chose se compliqua singulièrement lorsqu'il fut question de se lancer sur un océan dont on savait ni où commençait, ni où il finissait

Il devenait donc d'importance d'avoir des instruments pour faire le point

On avait déjà le compas magnétique (la boussole si vous préférez) et le quadrant

Mais ça ne suffisait pas, il fallait aussi pouvoir calculer les distances, et pour cela, pouvoir calculer la vitesse du navire

On utilisait donc le loch (mot anglais donné plus tard à l'instrument)

A l'origine, il était composé d'un flotteur, simple morceau de bois, relié à une corde

On lançait le flotteur par-dessus la proue du navire, et à l'aide d'un sablier, on calculait le temps que le flotteur mettait pour attendre une marque tracée sur le bastingage

Plus tard, on améliora le système, et la corde fut munie de noeuds à intervalles réguliers, distants de 14,40m en général, bien que chacun fut libre d'adapter les mesures à ses habitudes de calcul

C'est ainsi que le « n¿ud » est devenu l'unité de vitesse de la marine

loch

utilisation du loch

T'aurais pû nous dire que t'étais une prof d'histoire !!!

Très intéressant en tout cas, ça change des autres sujets.

Bon travail

moqueur!

merci pour l'appréciation, ça me fait plaisir

@ si tu l'as loupé, il y a un résumé précédent

et je vais poursuivre jusqu'au passage du Cap Horn

moqueur! :D

merci pour l'appréciation, ça me fait plaisir

@ si tu l'as loupé, il y a un résumé précédent

et je vais poursuivre jusqu'au passage du Cap Horn

Tu veux parler de la première partie ???? T'inquiètes je l'ai lu aussi . Et je lirais aussi la suite, t'en fais pas pour ça !!! éa fait tellement de bien de voir des sujets comme ça, surtout quand on voit les sujets du moment sur le fofo...

Bref, continues, je continuerais à te lire, enfin dans la mesure du possible évidemment.

Au revoir Maîtresse

Tu veux parler de la première partie ???? T'inquiètes je l'ai lu aussi :D . Et je lirais aussi la suite, t'en fais pas pour ça !!! éa fait tellement de bien de voir des sujets comme ça, surtout quand on voit les sujets du moment sur le fofo...

Bref, continues, je continuerais à te lire, enfin dans la mesure du possible évidemment.

Au revoir Maîtresse

si tous les écoliers étaient aussi gentils que toi, suis sûre que ça éveillerait des vocations :D

merci encore, suis ravie que le sujet te plaise

à +, élève Misteroms