Tanagra, élégance de l'antiquité

Bien qu'elle soit la patrie d'Hésiode, du grand Pindare et du sage Plutarque, la Béotie avait dans l'Antiquité une fâcheuse réputation de lourdeur et de rusticité

Et nous en serions encore à croire les mauvaises langues d'Athènes si la charrue n'avait pas exhumé par hasard les merveilles de goût, de fantaisie, d'élégance et de charme que gardaient enfouies depuis des siècles une bourgade béotienne

Tanagra s'élevait au nord du Parnès, dans l'argileuse vallée de l'Asopos

Les femmes, disait-on, y étaient fort jolies et passaient pour être les plus élégantes de toute la Grèce

Cet enviable renom ne serait plus qu'un souvenir littéraire si des statuettes par milliers, trouvées dans des nécropoles au bord des routes, n'étaient là pas là pour en témoigner

Les Tanagréens enfouissaient des offrandes pour plaire à leurs morts, et avec elles, dans les tombeaux des riches, des figurines

Le souffle de la vie, et de la vie la plus simple, anime et meut leurs menus corps d'argile

Dans ces corps de femmes, c'est la grâce sereine des déesses du ciel qui s'est humanisée

Racontant mille choses que les savants ignorent, elles connaissent tous les secrets du charme féminin et de l'art d'embellir les gestes les plus coutumiers

Constituant tout un monde d'une infinie variété, elles sont l'instantané des moments les plus humbles et les moins solennels de l'existence antique

Ces adorables merveilles sont pleines de verve, de naturel et de saine allégresse

Il y a dans leurs drapés ingénus la science de la ligne et du rythme, l'amour dans les justes oppositions des plis droits ou obliques, l'instinct des jeux de l'étoffe et la poésie qu'elles exhalent sont un hymne éternel à l'art de se vêtir et de faire du vêtement le miroir de la plastique et de la beauté du corps

La plupart des figurines tanagréennes étaient faites au moule

Mais chaque épreuve retouchée à l'ébauchoir, et agrémentée d'accessoires recevait une physionomie particulière qui transformait en ¿uvre d'art l'industrielle réplique

La tête, les bras, les pieds et les parures étaient fabriquées à part ce qui permettait à l'assemblage de donner à chaque personnage un aspect imprévu, une expression songeuse, provocante, mélancolique ou joyeuse

Pour les humaniser le plus possible, les modeleurs avaient recours à la couleur

Une fois cuite au four, la glaise repassait entre les mains des ouvriers pour être coloriée

On la trempait d'abord dans un lait de chaux, puis, de la tête au pieds, on l'enluminait

Les drapés étaient peints de rose, de rouge ou de bleu, de vert, de violet clair ou de jaune

Les ornements, bracelets, diadèmes, pendants d'oreilles étaient passés à l'or

Les cheveux devenaient d'un brun vénitien, les bouches s'avivaient de carmin, et sous l'arc des sourcils le bleu des yeux des nymphes éclairait les regards

Leur long séjour sous la terre leur a fait perdre leur éclat primitif

Mais cela n'enlève rien à leur délicieuse fragilité, et on y retrouve le frais printemps de la Grèce éternelle

J'ai voulu vous faire partager ce printemps, bien modestement

Si vous voulez, vous pouvez ajouter des illustrations autres que celles que j'ai extraites d'un vieil ouvrage, et vos commentaires seront les bienvenus

Intéressant. Peut-on parler de fastes dans les sépultures de ces femmes et y voir éventuellement un rapport avec une place particulière, de leur vivant, dans cette région ?

Peux-tu nous situer dans le temps, à peu près, ces nécropoles et statuettes ?

tout d'abord, je te remercie de ton intérêt pour mon petit exposé, Magus

de faste...si on veut, dans la mesure où on a retrouvé ces figurines principalement dans des tombes apparemment destinées à des gens riches

reste à savoir ce que nous appelons riches dans ce contexte, c'était à la base des produits manufacturés, même s'ils sont très personnalisés, donc peut-être pas très onéreux, mais il est difficile de le mesurer avec un tel éloignement dans le temps

curieusement, les chercheurs ne trouvaient pas de fours ni d'ateliers dans la région de Tanagra qui auraient pu être spécifiquement destinés à cette production

il a été démontré depuis qu'elles étaient fabriquées à Athènes, car si on les a retrouvées principalement à Tanagra, d'où leur nom, on en a aussi trouvé en Turquie, et en Egypte, mais plus parcimonieusement, peut-être commandées par des Grecs ayant émigré dans ces régions

on pense même que cette production a pu être elle-même exécutée ensuite par des ateliers égyptiens, rien ne s'oppose à cette thèse, beaucoup de Grecs vivaient en Egypte à cette époque

elles se situent dans un espace historique assez réduit, autour de -500, avec un flottement d'un siècle plus ou moins autour de cette date, puis ont subitement disparu des tombes plus récentes

phénomène de mode? ou changement d'habitude? je te laisse le choix des hypothèses

@ j'ajoute, parce qu'un détail de ton post m'avait échappé, qu'elles n'étaient pas seulement destinées aux tombes féminines, on les trouve aussi bien dans les tombes masculines ou enfantines