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Plus rien...


Arkon

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Membre, 44ans Posté(e)
Arkon Membre 202 messages
Baby Forumeur‚ 44ans‚
Posté(e)

Cette nouvelle a été inspiré d'une chanson des cowboys fringants du même nom. Lorsque je l'ai entendu, j'ai tout de suite eu des images de la scène qui me venaient à l'esprit... et le seul moyen de les faire quitter mon cerveau était de les coucher sur papier.

Bonne lecture

Arkon

Plus rien

Chaque pas me coûte de plus en plus¿

Mes sandales m'ont lâché il y a bien longtemps et c'est désormais la corne de mes pieds qui doit amortir toutes les irrégularités du sol. Mes mollets sont douloureux, mes genoux sont raides, ma démarche est saccadée. Ma peau aurait pu avoir une belle couleur bronzée si elle n'avait cet aspect parcheminé, parsemée de croûtes de sel, restes d'une sueur abondante. Mes yeux blessés par l'intensité lumineuse ne voient plus que des formes floues. Ma bouche, délaissée de toute salive depuis des heures abrite une langue qui me semble aussi dure que du bois. Ma gorge est serrée, comme sous le coup de l'émotion. Mes poumons crispés peinent à aspirer un air chaud et sec.

Passant devant une maison visiblement abandonnée depuis de nombreuses années, je me laisse gagner par l'épuisement et je m'adosse contre le mur blanc. De toutes façons, à quoi bon continuer ? Traîner ma carcasse sur quelques centaines de mètres avant de m'effondrer en plein désert comme l'a fait mon frère hier ? Autant attendre que la faucheuse vienne me chercher ici. Je n'ai même plus la force de me relever pour me mettre à l'ombre de l'autre côté de la maison.

Espérant qu'elle me prenne pendant mon sommeil, je ferme les yeux et me laisse aller. Je sens enfin un peu de répit dans ma vie. Tant de souffrance pour rien. Depuis tout petit, je lutte pour redonner de l'espoir à l'humanité mais maintenant, il est trop tard. La voix qui me disait « Courage ! Les hommes n'ont pas mérité ça. Il faut se battre pour eux. » est morte en même temps que toutes les personnes qui m'accompagnaient. Je me sens terriblement las. Toute une vie pour rien, c'est un dur constat. Heureusement pour moi, mes réflexions n'arrivent plus à me tenir éveillé et dans un frisson, je me sens partir.

Lorsque je rouvre les yeux, il fait noir autour de moi. J'espère un moment que je sois mort mais en jetant un coup d'¿il autour de moi, je me rends compte que je suis toujours assis contre la maison. Le jour brûlant a laissé place à une nuit glaciale. Mon corps complètement déshydraté peine à se lever. J'ai l'impression que mes muscles crispés ne vont pas supporter leur propre poids. Je me met debout avec difficultés et titube jusqu'à la porte d'entrée. Etonnamment, celle-ci est toujours intacte et s'ouvre aisément. Je pénètre dans la bâtisse dans l'espoir de trouver un peu de protection. Un nuage de poussière accompagne chacun de mes pas. Il ne me faut pas longtemps pour trouver une couverture. Je m'enroule dedans en vitesse. Son contact doux et chaud me laisse échapper un très léger sourire. Il est tellement rare de trouver un peu de réconfort dans ce monde désolé. Je m'assieds doucement sur le canapé pour ne pas que la poussière m'asphyxie, et de nouveau mes pensées m'assaillent.

Comment a t'on pu en arriver là ? Les hommes créèrent il y a fort longtemps le concept d'argent. Cela était très ingénieux car auparavant, tous les échanges étaient basés sur le troc. Pendant de nombreux siècles, cela se passa bien et même si certaines personnes, notamment des marchands, amassèrent beaucoup d'argent, le peuple en avait toujours suffisamment pour se nourrir. C'est vers la fin du vingtième siècle, d'après les historiens, que tout commença à changer. Les progrès technologiques furent impressionnants, de grandes industries virent le jour, l'argent prit une place prédominante dans la vie de tous les citoyens. Le vingt-et-unième siècle vit l'apparition de la bourse. Tous les gens purent acheter une partie du capital des entreprises et profiter des bénéfices si la société était performante. Ce système était plutôt habile et permettait de faire tourner l'argent. Il n'y avait quasiment plus d'argent enterré au fond du jardin, tout le monde le plaçait soit en bourse, soit à la banque ce qui fournissait un capital aux entreprises ou à l'Etat. Cela fonctionna bien pendant plus d'un siècle, mais après le système montra ses limites. Des personnes, intelligentes mais surtout avides d'argent, exploitèrent la bourse. Personne ne se rendit compte, ou du moins, personne ne fit quelque chose, lorsque petit à petit les petits épargnants perdaient leur argent tandis qu'un nombre très réduit d'actionnaires, qu'ils soient entreprises ou particuliers, s'engraissaient de manière exponentielle. De grosses sociétés multinationales furent créées avec à leurs têtes des multimilliardaires insatiables, tandis que les conditions de vie des gens du peuple devenaient de plus en plus médiocres. Les gens ne se rebellèrent pas et lorsqu'ils voulurent le faire, il était trop tard, ces « PDG » contrôlaient officieusement les pays et les armées.

Un groupuscule voulut prévenir du désastre écologiste qui était en train de se produire, mais les dirigeants ne parlaient qu'en terme de profit. Ils exploitèrent la Terre pour en tirer toutes les ressources monnayables. Ils commencèrent par le charbon, puis vint le pétrole, ensuite, ils modifièrent la structure génétique des organismes pour les rendre plus profitables. Des signes alarmants étaient de plus en plus visibles, comme le réchauffement de la planète ou la fréquence des catastrophes naturelles comme les tremblements de terre mais cela ne les détourna pas de leur obnubilation pour l'argent.

Et puis, un jour, la nature se vengea. Nul ne sait ce qu'il se passa vraiment. Des séismes d'une magnitude incroyable eurent lieu, des inondations ravagèrent toutes les côtes comme si les océans avaient débordés, de puissants ouragans dévastèrent les habitations. Et bientôt, il ne resta plus rien de tout ce que notre civilisation avait construit. C'est comme si la Terre elle-même avait décidé d'éradiquer ce fléau qu'est l'espèce humaine.

Ma gorge devient trop douloureuse, il faut que je trouve quelque chose à boire. Bien évidemment, cela fait bien longtemps que les robinets ne sont plus alimentés. Tant pis, je me dirige vers la cuisine. Le frigo et les placards ont déjà été pillés. Il ne reste plus rien...

Toujours en quête je regardai sous le placard de la cuisine, et c'est là que je la vis. Malgré le sable, je distinguais facilement le logo « Coca-Cola ». Cette cannette était un souvenir des temps anciens, qui avait survécu à la catastrophe et aux dizaines de pillards passés par là. Je tendis le bras et m'emparai de la boîte de fer avant de me traîner jusque dans le salon.

Assis sur le canapé, je regardais fixement cette cannette. Elle me fascinait. Je savais qu'elle contenait suffisamment de liquide et de sucre pour me redonner de l'énergie mais quelque part, elle représentait la cause de tous mes malheurs.

Je revoyais tous mes amis mourir par la soif ou la faim à cause du développement de ces entreprises. Quelle ironie que de se faire sauver par le symbole de la nouvelle industrie qui causa tant de dégâts... Malgré ma soif intense, j'hésitais. Je n'arrivais pas à me convaincre de boire ce liquide noir. C'était un peu comme approuver les actions de mes ancêtres. En acceptant ce soda du passé, c'était un peu comme leur dire que tout ce qu'ils avaient fait n'était pas grave.

J'essayais d'imaginer la neige que mes grands-parents m'avaient décrite. D'une blancheur pure, elle tombait tous les hivers en donnant un peu de magie à la vie. J'aurais bien aimé en voir au moins une fois¿ mais plus jamais il ne tombera de neige sur la Terre. Les hommes ont défiguré ce monde qu'on leur avait donné¿

En m'allongeant sur le canapé, je me rendis compte qu'il y avait bien longtemps que je ne m'étais pas reposé sur quelque chose d'aussi confortable. Doucement, je fermai les yeux. J'oubliais toute la douleur de mon corps et je me sentais presque bien. Je réfléchis à mon enfance et à tout ce que j'avais vécu depuis...et puis, dans mon songe, j'entendis la voix douce de ma mère qui m'appelait. Je levai les yeux et vis qu'elle était là, au fond de la pièce. Mon père se tenait à côté d'elle, un sourire discret sur le visage. Il y avait aussi mon frère, assis sur les marches de l'escalier qui me regardait en riant. Plus je regardais la pièce et plus je voyais de personnes amicales. De lointaines connaissances comme des amis très proches étaient là, me tendant la main pour que je les rejoigne. La joie m'emplissait et je ne ressentais plus la peur et la tristesse que j'avais connues depuis tout petit. Je n'éprouvais plus de haine, plus de mépris pour mes ancêtres, non, je ne ressentais plus rien de tout ça¿

Une petite larme se forma au coin de son ¿il et glissa doucement le long de sa joue avant de tomber lentement sur le sol dans un petit nuage de poussière. Quelques minutes plus tard, les muscles se décrispèrent et la main s'ouvrit lâchant lourdement la canette par terre. Celle-ci roula sur quelques mètres puis s'immobilisa sous la commode du salon.

Durant la nuit qui suivit, la lune brilla haut dans le ciel, comme pour rendre un dernier hommage à cette espèce qui pensait s'être faite maîtresse de la Terre.

Le 26/07/05

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Membre, Mister PANNEAUX, 43ans Posté(e)
TRiBaLiTy Membre 10 164 messages
43ans‚ Mister PANNEAUX,
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:yahoo:

Classique mais bien !! Pourtant je suis difficile...

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Invité château
Invités, Posté(e)
Invité château
Invité château Invités 0 message
Posté(e)

j'aime bien la référence Coca-Cola, un nom de marque dans un texte littéraire ne fait pas de la pub pour celle-ci puisqu'en fait c'est tellement dans notre culture que ça nous inspire un brin de nostalgie à la lecture du texte sans aucun rapport avec les actionnaires de cette firme

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Membre, Explorateur de gaufrette, 50ans Posté(e)
Sagara san Membre 12 465 messages
50ans‚ Explorateur de gaufrette,
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Bien sympa :yahoo:

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Invité Lucy Van Pelt
Invités, Posté(e)
Invité Lucy Van Pelt
Invité Lucy Van Pelt Invités 0 message
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