Civilisation Choloepus - Totem de l'Aï

Tout petit déjà, j'avais remarqué que ce jeune garçon était attiré par cet étrange animal qui ne se nourrissait que de feuille. Depuis plusieurs générations, j'attendais qu'un médium apparaisse. J'avais décidé de reprendre depuis le début si les 5 prochaines générations ne me menaient à rien de concluant. Mais maintenant qu'il est apparu, je ne compte pas le laisse mourir avant d'être arrivé à un résultat concluant.

J'ai donc attendu qu'il grandisse un peu. Un médium incapable de communiquer, ça ne sert à rien ; d'autant plus s'il n'est pas capable d'amener une certaine réflexion de lui-même. L'expérience m'a appris qu'un membre d'une civilisation est mieux enclin à convaincre ses semblables s'il trouve et utilise ses propres arguments. Mais peut-on parler de civilisation pour le moment ? Certes, le futur que je vois est très prometteur, mais un groupe d'une vingtaine d'éléments peut-il être considéré comme une civilisation ?

Quoi qu'il en soit, je pense que le moment est venu de commencer le façonnage de la future civilisation.

Une nuit, Aaaooooeeehaa eu une révélation. Il ne pu jamais expliquer comment elle apparu, ni comment il la comprit. Mais à la fin de ses jours il raconta ce qu'il savait vrai au fond de lui-même: une entité supérieure lui soufflait tout ça. C'est de cette façon qu'il apprit comment observer la nature, la comprendre, et s'en inspirer pour vivre en harmonie. Et c'est la raison pour laquelle mon rôle, celui du sage du village, est de vous raconter l'histoire de notre peuple. Pour que nous puissions vivre selon les principes de la nature.

Il vient de s'endormir. Je m'insinue discrètement dans son esprit et, comme une légère brise matinale qui vient effleurer un visage, lui inspire doucement des idées. Tout doucement, pour ne pas risquer un choc. Je n'utilise pas les images ni des mots provenant d'une incarnation. Ces méthodes sont à mon goût trop vulgaires, même si elles ont l'avantage d'être comprises facilement. C'est pour cela que j'ai dû attendre un médium fort. Je sais qu'il comprends les idées. Et les idées ne trompent pas, ne peuvent pas être interprétées : elles sont sincères. Tout en lui soufflant ce qui sera plus tard sa future inspiration, je m'attarde sur sa compréhension des choses. Bien, c'est celui que j'attendais. Il est puissant et intelligent. Peut-être un peu trop d'ailleurs. Je vais m'arrêter là pour le moment et voir sa réaction. Je suis impatient, mais je dois prendre des précautions : la précipitation est le plus grand risque. Inspirer au mauvais moment pourrait avoir des conséquences désastreuses ; et je n'ai pas envie de rater ce peuple comme je l'ai fait avec mes 3 premiers essais.

éa y est, il se réveille. Sur son visage on peut lire l'incompréhension, étrangement mêlée avec la compréhension. De toute évidence, mon rôle s'achève là pour le moment. Tout dépend de sa réaction désormais ; ainsi que de celle de son peuple. Si ça ne marche pas, je recommencerai à zéro. Il est déjà tard pour ce peuple et s'il ne s'organise pas il ne survivra pas longtemps. Mon petit élu est maintenant sorti de la grotte où ses semblables vivent. Ils le regardent étrangement, ce n'est pas encore le moment d'aller cueillir des fruits. Deux autres personnes le suive. Je crois que ce sont les deux personnes les plus proches de lui : un couple qu'il connait depuis presque toute sa vie. Ils le rejoignent dans la jungle alors qu'il grimpe à l'un des nombreux arbres. Indécis, ils le voient s'installer sur une branche... et s'endormir. Bien, cette fois c'est sûr, la machine est en marche. Et de toute évidence, elle tourne beaucoup mieux que mes meilleures espérances. Rapidement, je cherche un animal féroce. J'avais repéré un groupe pas loin d'ici. Ah, trouvé !

La manipulation des animaux est une chose étrange. Plus facile à faire que des humanoïdes, et pourtant mille fois plus délicat. Agir sur le cerveau primitif demande toujours du doigté, et je manque d'expérience. Mince, alors que ça s'annonce si bien, je n'ai vraiment pas envie de rater ce coup. Je me calme, met au clair ce que je dois faire et je me lance. Au lieu de m'insinuer discrètement, j'ouvre la porte d'un coup sec. Mais sans la claquer: il faut que le message soit un choc, mais je ne dois pas le traumatiser. Je laisse apparaître une odeur qui titille son appétit et le rapproche doucement du couple en train de regarder le jeune homme dormir.

Carnage, ou pas carnage ? Voilà la question. C'est le mâle, à l'ouïe plus fine, qui entend en premier le prédateur. Il se met à courir en direction de la grotte en espérant échapper à l'animal. Mais on ne s'improvise pas carnivore. Voir ainsi sa proie courir a réveillé un de ses instincts et son envie de tuer. Le festin se déroule sous les yeux des deux survivants, perchés sur l'arbre : ils sont en sécurité, là-haut. Son repas terminé, l'animal retourne vers sa meute : il a trouvé un endroit où la nourriture est bonne et facile à tuer. Ils vont tous revenir bientôt.

Moins de quelques lunes après être monté dans les arbres, la communauté subit son premier conflit interne. Après avoir longtemps réfléchit, Aaaooooeeehaa avait fixé certaines règles. A une époque où l'écriture n'existait pas encore, certaines personnes menaient des actions contraires à ce que demandait l'élu, prétextant agir sous ses mots. Ainsi, à cette époque, Aaaooooeeehaa avait interdit de cueillir certains fruits et de les manger. Pendant plusieurs journées, les gens se se battus à cause de cela. Instaurer des règles n'est pas chose facile. En fin de compte, ce qui évita l'effondrement de ce qu'on pouvait commencer à nommer "tribu" fut l'arrivée des promopyeas. Ces insectes, attirés par le reste des fruits, commencèrent à monter aux arbres. Nous savons tous à quel point ils peuvent être dévastateurs ; mais Aaaooooeeehaa et les autres eurent à l'expérimenter.

La montée s'est déroulée sans trop de problèmes. Un seul mort est à déploré. Je pensais qu'il y en aurait plus, mais j'ai sous-estimé l'agilité de la tribu. Il n'y a pas non plus un grand problème de jeu de pouvoir. Les autres ont bien compris que mon élu leur a sauvé la vie. C'est le moment d'instaurer certaines règles. D'ailleurs, le médium a déjà commencé. Je me demande s'il n'a pas lu une partie de mes pensées pendant son sommeil. En tout cas, il est étonnant ! Mais il n'a pas pensé qu'il pouvait avoir des réfractaires. De toute façon, je n'ai pas à intervenir pour le moment. J'ai obtenu ce que je veux, je vais observer maintenant.

Il faut que je fasse particulièrement attention à la nourriture. Non pas celle du peuple, mais celle de la meute qui rôde toujours en bas des arbres. Si je veux m'en servir plus tard, il faut que je fasse attention.

Mais pour le moment, observons la future civilisation. éa y est, une des règles a été transgressée. Trois personnes ont mangé des fruits défendus. Mince ! Pourquoi ces fruits-là spécialement ? Heureusement, ils n'en ont mangé qu'un chacun. Mais ça sera suffisant pour appâter les insectes. S'ils se font piquer, mes efforts auront été vains. Flûte ! Une solution, vite ! Arrgh, j'en trouve pas ! Me calmer. Je dois me calmer, réfléchir aux possibilités, calmement. Il n'y a pas beaucoup d'insectes. S'ils ont de la chance ça ira. Ils sont attirés par ce fruit, mais mangent l'écorce de l'arbre. C'est pas la peine de paniquer. Après tout, rien ne dis que quelqu'un va se faire pi... NON ! Mais quel idiot celui-là ! C'est de sa faute si les insectes sont venus, et en plus il se fait piquer. ca y est, j'ai encore raté un peuple ! Pourquoi ? Pourquoi à cause d'un imbécile ce qui aurait pu être la civilisation parfaite ne va même pas voir le jour ?

Oh ? Je suis chanceux aujourd'hui ? La branche sur laquelle se tenait l'infecté vient de tomber, le tuant sur le coup. La meute s'approche de lui. Heureusement, l'instinct animal est fiable: ils ne le touchent pas. Je pense qu'on a échappé au pire. Mais la tribu vient encore de perdre un membre. Mais bon, pas grave, le plan se déroule comme il faut et passe à la phase suivante: l'augmentation de la démographie. Le choix du premier arbre n'était pas dû au hasard : les feuilles de cet arbre sont aphrodisiaques.

... car c'est en étant en harmonie avec la nature que notre peuple a surmonté les difficultés que nous avons rencontrés à travers le temps. Il fallu attendre plusieurs générations après Aaaooooeeehaa avant qu'un nouveau grand pas en avant soit effectué. C'est Eeuhuu, qui se traduit dans l'ancienne langue par "Le Sage", qui en fut à l'origine. Il nous enseigna à comprendre la nature et à l'imiter. Bien que nous n'en ayons aucune trace, d'après la légende, c'est également à cette époque, lors de la première migration, que le rituel d'accouplement fut mis en place. Encore maintenant, une éternité après la mort de Eeuhuu, un mystère reste entier: est-ce face au difficultés que nous progressons, ou bien est-ce le cours des choses ?

Je suis curieux de voir comment mon peuple a évolué. Pour eux, beaucoup de temps s'est écoulé et ils devraient désormais avoir progressé. Mais non. Je suis surpris de ne compter qu'un demi-millier de membres. Pourquoi donc ? En regardant plus attentivement, je m'aperçois qu'ils sont rongés par la maladie. Ah, c'est donc pour cette raison. Quelqu'un semble-t-il savoir la soigner ? Hmm ... c'est pire que ce que je pensais. Ils n'ont même pas remarqué. J'ai l'impression qu'ils sont lents à la compréhension. Une erreur de calcul de ma part ? Bref, pas le temps de m'occuper de ça ; si je ne fais rien ils risquent de tous y passer. En premier lieu, d'où vient la maladie ? Voyons, voyons... Infection ? Non. Insalubrité ? Impossible, tous les excréments sont en bas des arbres. Les arbres ! Bien sûr ! Maintenant que j'y pense, ils sont moins verts que d'habitude. Et puisque toute leur nourriture vient des arbres, c'est normal qu'ils soient malades.

Tant pis pour la meute en bas, je dois faire déplacer mon peuple. éa sera une bonne occasion pour créer des villages. Mais ne laissons rien au hasard. Il me faut trois endroits où fonder un village. Non, deux ! S'ils sont si lents que ça, ce sera mieux avec deux villages seulement.

En voilà un... et un autre. Non, ils sont un peu trop éloignés. N'oublions pas que l'écriture n'existe pas encore. Même la communication orale n'en est qu'à un stade primitif. La proximité est donc obligatoire si je ne veux pas créer deux civilisations. Ces deux endroits ne sont donc pas bons. Ah, ici et là. Parfait ! Et en plus il y a des animaux en bas des arbres. Une espèce peu commune de gorille-tigre. Que demander de plus ? Ils sont même omnivores. Avec ça, je n'ai même plus à me préoccuper de façonner des animaux.

Maintenant, il ne me reste plus qu'à faire comprendre à mon peuple qu'ils doivent se déplacer. Voyons voir ; comment puis-je faire cela ? Ah, j'ai l'impression qu'il y a quelqu'un qui semble être considéré comme le chef et qui est écouté. Je vais essayer de lui faire comprendre. J'attends donc son sommeil, et lui inspire délicatement une idée, comme je l'ai fait précédemment. Au jour levé, aucun signe de changement. Je vais essayer une fois encore, en soufflant plus fort. Si ça ne marche pas, je vais devoir trouver une autre solution. Le jour suivant, toujours aucune réaction. Bon, l'inspiration ne fonctionnera pas sur lui. Je vais devoir user de signes extérieurs. J'aime pas ça, c'est assez hasardeux. Mais je vais quand même tenter le coup, ça devrait être assez facile pour ce cas précis. Quelques envolées d'oiseaux dans la bonne direction et le tour est joué...

Décidément, ce peuple est très lent. Non seulement, les faire bouger m'aura pris une cinquantaine d'envolées, mais en plus ils ont pris leur temps pour arriver au bon endroit. J'ai au moins eu cette chance qu'ils se sont séparés en deux tous seuls. Ou bien est-ce l'intuition que j'avais soufflé qui a en fin de compte porté ses fruits ? Si tous les êtres vivants sont des créatures complexes et particulièrement difficiles à comprendre, ce peuple-là l'est encore plus ! J'aimerai bien leur apprendre des rudiments de construction pour qu'ils s'abritent et puissent utiliser les arbres au mieux, mais je ne penses pas que cette génération ait un médium digne de ce nom. Je vais attendre encore, de toute évidence.

En attendant, je vais m'occuper d'un autre point essentiel. N'importe quel jeune garçon fera l'affaire. Voilà ! Et maintenant tu vas être fasciné par les gorille-tigres... Je ne pensais pas m'occuper de ça tout de suite, mais puisque je n'ai plus besoin de les façonner, autant les utiliser le plus tôt possible.