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Une opposition chinoise s'organise...


Black Survitual

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Black Survitual Membre 1 513 messages
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S'inspirant de la Charte 77 rédigée à Prague au temps de la guerre froide par des opposants tchèques au régime communiste, une poignée de dissidents chinois viennent de publier, il y a quelques jours, à Pékin, un texte inédit et audacieux. La "Charte 08" n'y va pas de main morte : elle appelle à la fin du monopole du parti unique et propose un texte en 19 points destiné à promouvoir la transition vers un système démocratique à l'occidentale.

Ecrit collectivement par un groupe de défenseurs des droits de l'homme, le texte a été initialement signé par 300 personnes. Grâce à sa mise en ligne sur la Toile et en dépit des "pare-feu" érigés par la police chinoise de l'Internet, plusieurs milliers de signataires lui auraient à ce jour apporté leur soutien. Outre les activistes des droits de l'homme connus pour leurs prises de position en faveur des libertés, la Charte a été signée par des membres du Parti communiste, des professeurs d'université et des fonctionnaires locaux, qui n'ont pas hésité à prendre le risque de cautionner le texte. A l'échelle chinoise, l'impact est minime. Mais l'initiative vient de créer un précédent.

Le gouvernement chinois a pris immédiatement des mesures : le 8 décembre, deux jours avant la publication de la Charte, la police a embastillé son principal rédacteur, l'intellectuel Liu Xiaobo. Les milieux de la dissidence estiment que le régime, alerté par la mise en ligne prochaine de ce brûlot, a voulu envoyer un message rapide : soutenir l'esprit et la lettre du texte expose toute personne à des représailles autoritaires.

On est toujours sans nouvelles de M. Liu, qui n'a pas fait l'objet d'une procédure judiciaire, mais a été arrêté à son domicile par des policiers munis d'un mandat l'accusant de "subversion d'Etat". Cet ancien professeur de littérature de 53ans avait participé au mouvement de Tiananmen, en 1989, et son engagement lui avait valu vingt mois de prison. En 1996, il avait été incarcéré pour trois ans dans un camp de "rééducation par le travail" après avoir été accusé de "fomenter régulièrement des troubles et de provoquer des atteintes à l'ordre public".

Quelque 160sinologues, professeurs et intellectuels de renommée internationale, viennent de prendre sa défense et ont envoyé une lettre au président chinois, Hu Jintao, pour exiger sa libération. Des signatures comme celles de Salman Rushdie ou d'Umberto Eco côtoient celles de célèbres personnalités chinoises en exil mais aussi celles d'experts étrangers de la Chine peu enclins, à l'ordinaire, à soutenir ce genre d'initiative.

"La Charte 08 propose une refonte complète du système en abordant tous les éléments constitutifs du régime chinois. Et elle évoque notamment, de manière précise et argumentée, la question du respect des droits non appliqués qui sont cependant inclus dans la Constitution de la Chine populaire", remarque le sinologue Jean-Philippe Béja, chercheur associé au Centre d'études français sur la Chine contemporaine (CEFC), basé à Hongkong.

Pour le célèbre avocat pékinois Mo Shaoping, qui a signé la Charte, "il s'agit de mettre en avant l'universalité des valeurs du concept des droits de l'homme. On ne peut pas utiliser les spécificités culturelles d'un pays pour justifier le fait que ces dernières puissent rendre impossible l'application de telles valeurs". Sous-entendu : les autorités chinoises, même si elles ne cessent d'affirmer leur volonté de réformer le système dans une direction plus libérale et démocratique, défendent le fait que les valeurs chinoises sont le produit d'une histoire non soluble dans les concepts politiques hérités de l'Occident.

L'originalité de cette Charte réside dans sa volonté de proposer une séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire tout en appelant à l'abandon du principe du monopole du Parti communiste. Elle demande qu'à tous les niveaux de représentation politique des élections sanctionnent la volonté populaire. En un mot, elle prône clairement l'émergence d'un système "garantissant les principes d'une compétition libre et juste entre partis politiques". Cette exigence est impossible pour le Parti-Etat dont la nature repose précisément depuis 1949 sur la prééminence du Parti sur l'Etat. "C'est un texte important mais modéré, pas révolutionnaire : il demande l'application des lois", tempère pourtant Mo Shaoping.

Tous les opposants au régime pékinois ne parlent pas d'une seule voix : certains ont signé la Charte du bout du clavier, par principe, et sans en accepter toutes les propositions. D'autres, très critiques du système, n'ont pas adhéré au texte et se sont abstenus. L'essayiste et activiste chrétien Yu Jie, inspirateur de la mode des messes à domicile du protestantisme officieux, a signé la Charte, mais avec la réserve du croyant : "Elle n'explique pas l'origine historique du concept des valeurs universelles. Elle est un document inachevé, un cours d'eau qui ne connaît pas sa provenance, elle occulte la dimension spirituelle de l'individu", juge-t-il.

L'avocat des droits de l'homme Li Jinsong, qui ne cesse d'¿uvrer pour l'application des droits inscrits dans la Constitution chinoise, est encore plus critique : "Le texte est en faveur de la transition vers une république fédérale. Cette proposition me paraît en décalage avec la réalité de la Chine qui a d'autres priorités aujourd'hui, notamment le souci de faire face à l'impact de la crise financière." Et il ajoute : "Et puis je n'aime pas le ton de cette Charte qui a l'air de dire : on a trouvé les valeurs ultimes qui doivent présider au destin de l'humanité." La réflexion de M. Li évoque un vieux débat ressassé en Chine : celui de la pertinence des thèses de l'Occident dans le monde chinois. Pour Wang Lixiong, un autre écrivain critique du régime de Pékin, "il est insuffisant de s'inspirer du seul modèle occidental pour assurer la transition vers la démocratie. Je n'ai pas signé cette Charte parce qu'elle ne me semble pas en phase avec la nature de la société chinoise et du degré de son évolution".

En attendant, la répression s'est accrue, ces derniers jours, à l'encontre des signataires. "Vous voulez faire trois ans de prison ? Quatre ?" ont dit, menaçants, des policiers à l'écrivain Wen Kejian, qui habite dans la ville de Hangzhou.

Bruno Philip

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