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Tout ce qui a été posté par Loufiat
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Eriu, tu n'y peux rien, l'enfant n'est pas d'abord en position de comprendre certaines choses, il y a donc un rapport d'autorité et des interdits, implicites ou explicites (ta barrière pour l'empêcher d'accéder à l'espace cuisson). Je veux bien que tu aies ta pédagogie bien propre, mais enfin, si c'était l'inverse qui était vrai, il n'y aurait jamais aucune nécessité de mettre en garde ni d'expliquer quoi que ce soit, puisqu'il n'y aurait jamais de bêtises faites dans le dos des parents - plus ou moins graves, parfois avec des conséquences dramatiques, etc. C'est l'arbre de la connaissance du bien et du mal, qu'on a pris l'habitude de réduire à la connaissance. Mais ce n'est pas ce qui est écris dans le texte et on en perd tout le sens.
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C'est l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
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Je pense que l'arbre est une image de la vie morale tout court. Et on entre dans la vie morale par l'interdit d'abord, puis par la faute - on y a alors les deux pieds.
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Oui et donc si on reprend la Genèse à partir de là. Imaginons un interdit justifié, type "ne va pas jouer près de la route". Si tout s'aligne, dans un cadre normal, on a l'obéissance. L'interdit est respecté bien qu'il ne puisse pas être compris (puisqu'il n'y a pas encore de connaissance du bien et du mal, de la notion de faute, etc. : c'est encore l'innocence). Alors le texte nous dit qu'il faut un intermédiaire, qui va être le serpent, le "plus rusé" des animaux. Que fait le serpent ? Il suggère que la chose interdite est désirable. Qu'elle est interdite dans un esprit de jalousie et sous un faux prétexte (vous ne mourrez pas ; vous serez semblables aux dieux). Je ne sais pas vous, mais moi, on était 6 gosses à la maison (pourtant pas cathos) et ce renversement, je l'ai observé de très nombreuses fois.
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C'est le cas de tout interdit. Tu ne vois pas des interdictions de stationner à des endroits où il n'y a pas lieu de stationner. Tu implantes une interdiction de stationner là où c'est possible mais gênant pour telle ou telle raison. Moi, j'arrive en voiture, je suis pressé, je vois une belle place tout confort, et là j'aperçois l'interdiction de stationner. J'hésite... et je choisis. De respecter l'interdit ou de m'en foutre. Donc tu ne crée pas un interdit pour faire naître une alternative etc. Tu interdis pour défendre. "Ne va pas jouer près de la route c'est trop dangereux." Bon. Le but est bien que quand je serai occupé ailleurs, l'enfant garde l'interdit en tête. Le but n'est pas qu'il aille jouer près de la route. Mais du point de vue de l'enfant, dans sa rencontre avec l'interdit, il y a des implicites qui se dévoilent à mesure qu'il prend conscience de ce que ça implique. Notamment qu'il est en réalité libre de le faire. Mais que s'il le fait, il s'expose à commettre une faute.
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Fais abstraction de moi : c'est un caractère général de l'interdit, de n'être pas une impossibilité pure et simple. Tu n'interdis pas à un enfant de s'envoler vers Haïti sur un poix-chiche volant. Ca n'a pas de sens. Tu interdis toujours une chose qu'il est en capacité de faire. En l'interdisant, tu fais naître une alternative. Je peux, mais je ne dois pas. Un choix. D'où une situation de liberté.
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La raison d'être de l'interdit ? Pourquoi interdisons-nous quoi que ce soit ? Je ne comprends pas ta question.
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Oui, ou alors ? S'il ne comprend pas ? S'il n'obéit pas ? Alors... ? Il y a manifestement un tabou de l'autorité. J'ai pu l'observer de tous les côtés dans ma propre famille. Des adultes qui, éduquant leurs enfants, en viennent à renoncer à toute forme d'autorité, et des enfants qui, en conséquence, loin d'être rassurés, éduqués, accompagnés, sont perdus et en proie au plus grand désarroi affectif. L'autorité bienveillante s'impose, dans une sorte de retrait : je te laisse libre, mais je t'avertis. Ne fais pas ça, ou bien ceci ou cela arrivera. L'enfant au début ne comprend pas de quoi il est question. C'est inévitable qu'à un moment l'interdit ne soit pas encore justifié, justifiable parce que son principe même n'est pas encore clair à l'enfant. Comment en demanderait-il la justification ? C'est nous qui, dans nos propres affres avec la morale, l'interdit, l'autorité, anticipons et esquivons jusqu'au plus tard le moment où l'enfant va être confronté à l'arbitraire de l'autorité. L'autorité est toujours arbitraire dans sa première apparition. C'est ce sens-là qui est naturel, commun, et pas celui d'un enfant surdoué, saint béni parmi les saints qui comprend instantanément tout ce que ses parents entendent lui apprendre, et devance toute nécessité de la morale. Ca peut sans doute arriver chez quelques élus, quelques chanceux... mais pour le reste de l'humanité c'est une autre paire de manches. A un moment, le refus de l'autorité devient pathologique, et on se trouve devant des grands enfants de 40 ans qui, voyant que leurs propres enfants demandent des comptes et les tiennent responsables pour leurs actes, se trouvent terrorisés et se tournent vers leurs papa et leurs maman, ou vers leurs psy, pour résoudre quelque-chose qu'ils n'ont toujours pas résolu. Je suis pour une autorité aussi ferme que bienveillante. Explicite. Ca, je te l'interdis. Quand tu seras en âge de demander pourquoi, tu auras mes raisons. Mais l'interdit est toujours questionnable. C'est dans sa nature. Il n'y a donc pas besoin de le redoubler encore par la mauvaise conscience... l'enfant en viendra naturellement à le questionner.
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En somme, puisque vous êtes un homme, vous ne pourrez jamais rien écrire qui sorte de ce conditionnement. D'ailleurs n'est il pas de notoriété publique que ce sont les ouvriers et les moins éduqués qui ont pensé le communisme... Il y a un interdit de l'interdit, une morale contre-morale qui entraîne d'infinies complications la ou tout ça est en réalité assez simple. Mais vous jouez à l'imbécile et au provocateur
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Ce n'est pas un prétexte c'est un constat. On interdit une chose possible. Que l'autre a la liberté de faire. Sinon l'interdit n'a pas de raison d'être.
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Tu es manifestement une mère aimante à l'image de la mienne. Le moment où tu enlèves les barrières c'est le moment de l'interdit. L'interdit vise à être compris et respecté dans son développement complet. Comme il est entendu que nous comprenons les raisons de la loi et la respectons des lors que nous sommes "majeurs". Être mineur c'est n'être pas responsable, etc. Être sous tutelle. Mais la loi peut-etre injuste, et l'interdit arbitraire, ou devenir arbitraire parce que ses motifs premiers ne sont plus et qu'il se perpétue par habitude et contrainte extérieure. C'est comme un arbre pourrit qui ne tardera pas à tomber. Scabreux ? En quoi ?
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C'est également ma première impulsion, et pourtant je comprends qu'en interdisant quelque chose je laisse l'autre libre de faire ce que je lui défends. Que l'interdit implique déjà un premier relâchement. En somme si vous voyez l'interdit comme pervers et mauvais des le départ, vous dites que la voix aurait dû contraindre l'homme, ne pas le mettre en situation de liberté... C'est la loi qui permet entre adultes d'interdire, en définitive. Bien sur mais enfin les imprévus arrivent. Ou bien trouvez vous que tout arrive toujours au mieux dans toutes les familles... si mon enfant se drogue à 20 ans c'est forcement parce que j'ai été un mauvais parent...?
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Oui c'est pour l'aspect pédagogie. Mais regarde aussi l'interdit entre égaux. Entre homme et femme par exemple. La tromperie n'est pas rare. Pourtant chacun sait ce qu'il risque en s'y adonnant. Rompre l'interdit c'est briser la confiance, c'est souvent détruire la relation, en tout cas la remettre entièrement en jeu. T'interdire une chose implique que je suis dans un rapport de confiance avec toi, que je pose une limite que tu es libre de franchir mais que je te demande de ne pas franchir. Ca implique de se lier moralement l'un à l'autre. L'idéal étant de n'avoir pas même à énoncer d'interdit tout en conservant cette relation. Mais l'idéal est généralement plus clair en théorie qu'en pratique. Eh non, ils meurent en effet, ils deviennent mortels. D'ailleurs il ne fait en soi qu'énoncer des conséquences quand il punit. Mais énoncer un interdit ce n'est pas du tout pousser à la faute, Eriu, si ? Quand on éduque on en arrive toujours à un moment ou un autre à des interdits, qui ont ceci de particulier qu'ils laissent libre, en supposant que tu es capable de choisir de ne pas faire ceci ou cela, parce que je te l'ai demandé.
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Effectivement, ni non plus Eve. C'est tout le basculement du texte. C'est aussi la situation de tout enfant dès lors qu'il rencontre l'interdit pour la première fois, tant qu'il ne peut encore qu'avoir un vague pressentiment de ce que ça signifie. Le texte traçant une trajectoire qui va à la faute, découverte de la honte, culpabilité, etc. Avec ces trois intermédiaires : énonciation de l'interdit, le serpent qui bascule le rapport initial posé par l'interdit, et enfin Eve qui donne à Adam.
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Voilà des années que je n'ai pas lu Nietzsche et, a priori, sur ces lointains souvenirs, je ne lui ferais pas confiance pour me guider dans le dédale dont il est question. Sans doute a-t-il beaucoup trop d'avance sur moi et je ne comprendrais même pas correctement ses écrits. De plus il me semble écrire dans un contexte très particulier, l'Allemagne, avec sa chape de plomb religieuse à l'époque, et ses tentatives aussi pour en sortir, après Kant, etc. Un écorché vif qui tente de sortir des pièges du romantisme, de son époque. Mais si tu veux poursuivre la discussion en ce sens je te lirai avec beaucoup d'attention.
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Oui, c'est étonnant. Pour nuancer encore ce que je viens de dire, Eve est fautive également, puisqu'elle n'ignore pas l'interdit, le discours du serpent supposant qu'elle en a bien aussi connaissance. Mais Adam est tenu pour responsable - répondre de. C'est à lui que la voix a adressé l'interdit, c'est lui l'aîné que la voix a mis en charge de "garder" le jardin, et c'est lui qu'elle interroge en premier pour répondre de la faute. Eve est également tenue pour responsable, mais secondairement. Le serpent n'a pas l'occasion d'expliquer son acte - il n'a pas à répondre de quoi que ce soit ; il est seulement châtié. Et il y a encore tellement d'aspects que je n'arrive même pas à commencer à aborder.
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Salut ! Que veux-tu dire ? Peux-tu être plus explicite ?
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Non c'est à Adam. Eve est créée après l'énonciation de l'interdit. "L'éternel dieu prit l'homme, et le plaça dans le jardin... donna cet ordre à l'homme : tu pourras manger de tous les arbres du jardin, mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.... Dieu dit : il n'est pas bon que l'homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui... L'Eternel forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme..." Tu as raison j'ai fais une variation où c'est le plus âgé qui convainc le plus jeune et ce n'est pas la situation que présente la Genèse. Il reste au total que c'est Adam qui a merdé, l'interdit lui ayant été adressé à lui, avant même qu'Eve ne vienne au monde. Il s'est laissé convaincre et Eve est l'intermédiaire - malheureuse, également punie - de sa faute. Regarde la réponse d'Adam à Dieu quand celui-ci l'interroge car il se cache : "j'ai entendu ta voix .. j'ai eu peur car je suis nu... la femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé". Adam se défausse non seulement sur Eve, mais sur Dieu même ! "La femme que tu as mise auprès de moi". Adam est pitoyable ! Apeuré, il se cache, découvert, il se défausse. Eve a bon dos ! Mais donc, Dieu interroge Eve aussi, et que répond-elle ? "le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé". Alors vient la distribution de claques, la premiere au serpent, une seconde à Eve, mais surtout celle à Adam, et regarde comme il ne lui est pas accordé de se défausser sur Eve "puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre : tu n'en mangeras point ! Le sol sera maudit à cause de toi. C'est à force de peines... car tu es poussière, et tu redeviendras poussière..." C'est Adam qui prend la plus grosse tannée dans l'histoire. Et c'est un peu ironique que des religieux enseignent que c'est la faute à Eve. On peut assez facilement leur rétorquer le texte sur lequel ils prétendent s'appuyer.
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Là-dessus, je ne suis pas d'accord. Car c'est à Adam que l'interdit est adressé. C'est donc lui qui faute au plus haut point. C'est comme si j'interdisais quelque chose à deux frères, l'un plus âgé, plus en capacité de comprendre, et le second plus jeune. Mais voilà que, dans mon dos, le plus âgé convainc le plus jeune de faire ce que j'avais interdit. Le plus jeune aura sans doute honte, mais c'est le plus âgé qui est le plus fautif. C'est Adam qui faute en définitive. De ce point de vue, Eve n'est qu'un intermédiaire, mais c'est bien Adam qui merde au total. Et ça nous indique, il me semble, que la faute résulte d'un entraînement. Non seulement Eve, mais le serpent. Il y a entraînement. On fait des bêtises, plus ou moins graves, à plusieurs, parce qu'à un moment on s'est laissé entraîner. Et cet entraînement passe par un raisonnement qui dit : "regarde, la chose interdite est souhaitable, et sinon, pourquoi serait-elle interdite ?"
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Je pense que ce texte parle de l'introduction de la morale dans le monde et j'essaie de comprendre quelles réponses il apporte à quelles questions. Il me semble que le récit situe un premier espace que règle la vie morale autour de la sexualité, la première conséquence étant l'habillement, ou plus exactement la découverte de la nudité - ils connaissent qu'ils sont nus et se confectionnent des pagnes. On peut imaginer qu'ils ne s'habillent pas parce qu'ils auraient honte mais pour telle ou telle autre raison. Mais il est écrit, plus tôt, qu'Adam et Eve vivaient nus "et n'avaient pas honte". Il est donc quand-même fortement suggéré que l'habillement aura ensuite quelque-chose à voir avec le sentiment de honte. De quoi, pourquoi, je ne sais pas, et le texte ne le dit pas, et je crois qu'il n'a pas besoin de le dire, parce que son propos n'est pas là, ni de rentrer dans le détail du cas par cas - il nous met plutôt sous les yeux un grand fait, un fait énorme, l'introduction de la morale et du vêtement. Peut-être parle-t-il de tout autre chose mais j'essaie de m'en tenir au texte. On peut contester que la morale soit, à un moment, "précipitée dans le monde". On peut envisager qu'elle soit engrammée dans la nature, codée dans les gènes si on veut. Mais on penche alors vers un autre mythe, le mythe de la nature. Et à la fin, il restera qu'il n'y a, dans la nature, que chez les êtres humains que s'observe l'interdit, explicite - la loi, explicite et évolutive - et les règles souvent moins explicites, et d'autant plus évolutives. Cette vie morale étant morale, au sens plein qu'elle prend chez les êtres humains, notamment parce qu'elle passe par la parole. Prenons un cas simple : un bambin approche ses doigts maladroits d'une casserole bouillante. Je comprends son impulsion, ça sent très bon. Mais il aura tout le temps d'apprendre à se bruler et pour cette fois, je vais essayer d'éviter qu'il ne s'ébouillante pour de bon. Donc j'interviens : "non, ça, tu n'y touche pas". "C'est interdit" je lui dis, un peu bêtement - pas sûr qu'il comprenne tout, mais il saisit le message. Pourquoi ? Je veux imprimer l'interdit dans sa mémoire, que mon expression et mes mots, les sons qui sortent de ma bouche annoncent des conséquences terribles s'il approche de la casserole même quand j'aurai le dos tourné, même quand il sera libre de le faire. Car l'interdit implique toujours une situation de liberté et d'autonomie relatives. Ceci, tu ne vas pas le faire, non parce que tu ne peux pas, mais parce que je l'ai défendu. Braver l'interdit, c'est te mettre, vis à vis de moi et de l'interdit que j'ai énoncé, dans une situation de compétition et de faute. Mais c'est parce que je ne vais pas te contraindre physiquement - je te contrains moralement. Le relâchement de la contrainte physique pure et simple implique que l'on passe dans une contrainte morale. C'est de ces situations-là dont le texte parle à mon avis. Voilà la situation qu'implique tout interdit, le principe même de l'interdit, qui n'est donc pas, dans son essence, quelque-chose de particulièrement cruel, mais un principe de pédagogie. Liberté - choix - donc possibilité de faute, c'est inévitable, culpabilité et tout ce qui s'ensuit. L'interdit a vocation a être craint, certes, mais surtout, dans son développement, à être compris et respecté librement. Cette chimie particulière, cette "atmosphère morale" avec ses infinies déclinaisons et ses évolutions historiques, on ne la rencontre pas ailleurs, il me semble, que chez les êtres humains. Outre qu'il vise une action qu'on peut faire, l'interdit est toujours aussi questionnable et pose, possiblement, une situation de rivalité, de compétition (donc d'égalité) entre celui qui l'énonce et celui qui doit lui obéir. Son essence est de n'être pas obligatoire par nature ou simple impossibilité matérielle ou contrainte physique, mais par consentement, par un acte de volonté. Il est questionnable. Et c'est ce que fait le serpent. Il convainc que la chose défendue est non seulement désirable mais souhaitable. Il renverse le rapport à l'interdit. Et mettre en question l'interdit, c'est mettre en question celui qui l'énonce. C'est se figurer qu'il a édicté l'interdit dans un esprit de domination et d'assujettissement, de jalousie, etc. L'interdit, outre qu'il peut être bravé, est toujours questionnable. Et il ne peut tenir le coup que si chaque génération reconnaît son sens, ses raisons, et qu'il s'impose, non pas tout seul, mais par l'action renouvelée de chaque génération. Des parents aux enfants. Sans doute parce que les parents auront commis des erreurs, auront constaté ce qui est souhaitable et ce qui ne l'est pas. Chaque nouvelle génération questionne en retour les interdits de ses pères. Parce que l'interdit pose chaque génération dans une pédagogie au terme de laquelle elle en vient elle-même à devoir éduquer une nouvelle génération. La vie morale vise à son propre dépassement, son aboutissement dans la responsabilité, dans le fait de se conduire droitement non plus seulement par crainte ou contrainte mais par conviction et par une libre volonté. On peut alors insinuer que c'est une manipulation. Et effectivement dans combien de cas observe-t-on que la capacité à l'obéissance est manipulée pour des raisons qui ne sont pas du tout celles affichées. Oui c'est vrai, mais ça n'épuise pas le sujet, et il reste que l'interdit est questionnable dans son essence même, et que c'est même si embêtant pour les puissants, qu'ils préfèrent largement, quand ils le peuvent et que les enjeux sont pour eux vraiment décisifs, en arriver à la contrainte physique et sociale la plus féroce. Là où l'interdit s'estompe, là où la vie morale s'effondre la cruauté trouve libre court. C'est simple, on liquide ceux qui ne sont pas d'accord, ceux qui contestent, ceux qui rivalisent. L'interdit a vocation à protéger les plus faibles. Plus exactement, c'est se mettre soi-même dans une situation de faiblesse. Il implique un acte de désintéressement et de générosité. Enoncer un interdit, c'est me mettre entre tes mains en te demandant de respecter cette volonté. C'est poser la possibilité d'un rapport d'égalité où l'un ne cherche pas à détruire l'autre ou à le contester. L'interdit cherche un accord. J'interdis à l'enfant en attendant et en vue qu'il comprenne par lui-même. Si je perçois mon enfant comme un rival, je vais plutôt l'humilier, le battre, le tuer peut-être, le chasser en tout cas. Et quand l'interdit ne tient plus, ne maintient plus les rivaux en respect, c'est l'affrontement pur et simple. Il y a dans nos sociétés un malaise de l'interdit...
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Oui aucun doute que chacun lit avec ses yeux mais des que tu commences à insinuer que tel complexe psychologique interviendrait dans ma lecture, alors que c'est bien du texte dont je parle, et que ça devient pour toi un motif de decredibiliser telle ou telle compréhension, je ne suis plus en confiance. Bref. Je ne m'attarde pas.. Un autre aspect à mon avis décisif que je n'ai même pas commencé à aborder. Nous avons la trajectoire qui va de l'interdit à la faute. Cette trajectoire passe par 3 intermédiaires. D'abord l'interdit lui-meme. (Sinon tu mourras.) Ensuite du serpent à eve. Puis d'eve à Adam. Car l'interdit est adressé à Adam. Peu importe le genre ici. Ça pourrait être eve, mais le texte passe par Adam. Et entre Adam et la faute il faut encore 2 intermédiaires. L'action du serpent, c'est de rendre désirable la chose défendue. 1er renversement. Eve, convaincue, tentée mange et en donne à Adam. Adam se laisse entraîner. Il y a une mécanique de l'entraînement vers la faute. Exactement comme des gamins s'entraînent les uns les autres à braver l'interdit édicté par les adultes. Seuls, ils n'iraient pas. Mais à deux ou trois, on se sent plus fort. On se laisse tenter. Ensuite la nudité. Puis la punition. Et le texte montre comment l'un et l'autre se defaussent maintenant les uns sur les autres ! Comment, autrement dit, ils n'assument pas ce qu'ils ont fait. Eve sur le serpent, Adam sur Eve. Alors que c'est à lui qu'avait été adressé l'interdit. Et la parole divine restaure les responsabilités.
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Coucou Ambre, cette lecture ne me satisfait qu'à moitié parce qu'il y a bien un objet à la connaissance du bien et du mal - la seule chose qui me semble assurée c'est que ce texte parle de l'introduction de la morale dans le monde, au niveau de ses origines et principes - et puis parce qu'il y a manifestement un rapport d'un côté entre nudité et sexualité - ce sont leurs organes génitaux qu'ils voilent, pas leurs visages ou leurs dos - et ensuite entre faute, nudité et honte - ils se cachent de Dieu, et autant le fait de mettre des pagnes peut passer pour neutre, mais se cacher de Dieu trahit qu'effectivement ils sont en proie à la honte, ils fuient, se sentent vulnérables, etc. Et comment ne pas observer que le premier réflexe quand on a fauté c'est de se cacher, de cacher ce qu'on a fait, etc. Par ailleurs je ne réduirais pas non plus tout ça à une question de sexualité, c'était justement au départ le propos de mon échange avec un intervenant : la sexualité semble bien en jeu, mais pas de raison de croire que ce soit tout ce dont nous parle ce texte, qui me semble bien plus large que ça.
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Non en effet ça ne devient la norme que dans les sociétés bourgeoises. Un auteur allemand a fait une étude à ce sujet qui m'est revenue en tête à ce moment-là. Nous créons des sphères "symboliques" (mais matérialisée architecturalement), et la configuration de ces sphères renvoie à des sociétés et des individus qui se perçoivent et vivent différemment. La société bourgeoise favorise l'individu psychologique, avec ses notions de l'intimité et du public, avec son importance de la lecture, la liberté, etc. Ce qui renvoie à des configurations politiques différentes. Certaines anciennes frontières s'effacent, de nouvelles s'élèvent. Mais donc l'être humain ne cesse d'établir des distinctions entre un dedans et un dehors à la fois symbolique et matérialisé. Souvent sociétés ces frontières sont une déclinaison de la distinction entre sacré et profane. Plus on approche du sacré, plus on est soumis à des tabous et des obligations strictes, en matières vestimentaires notamment, mais pas seulement. Et quand on étudie ce système de "passages", en Grèce antique, on s'aperçoit qu'ils forment comme une défense de quelque-chose symbolisé ou contenu dans les temples. Ce qui semble devoir être conservé avec toutes les précautions du monde c'est en particulier la mémoire, les textes, la connaissance (les prêtres, prêtresses).
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Bonjour Ambre ! C'est donc ça, selon toi, le nœud : la capacité à projeter, imaginer le mal ? Et par suite, la nécessité ressentie pour l'un et l'autre de mettre un vêtement entre eux ? Oui, ça m'aide a mouliner. Tiens, hier, des inconnus devaient venir chez moi. J'ai fais le ménage et en nettoyant et en rangeant, je me suis fait cette réflexion, que j'étais à la fois dans le fait de présenter un certain ordre, et d'effacer ce qui aurait fait désordre ou sale. Ça m'a conduit à réfléchir à la notion d'intimité et aux cercles que nous construisons autour de nous, qui a la fois cachent et protègent, en permettant une rencontre codifiée, respectueuse de l'autre, qui éventuellement par la suite en viendra à pénétrer plus en avant les sphères de notre intimité. J'ai réfléchi au moment dans l'histoire où l'on a considéré que l'enfant devrait avoir une chambre pour garder son intimité, etc. La constitution de ces cercles me semble assez importante en général dans la vie humaine et ne cesse de minterroger dans ses raisons profondes. Si j'ai écris des conneries, et c'est à peu près certain, n'hésite pas à me corriger : j'aime qu'on me corrige.
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Merci d'avoir modulé votre réponse. Effectivement je ne maîtrise pas mon sujet. C'est pourquoi j'interroge. Sur l'absurdité de la genèse, enfin nous en venons à vos a priori sur la question. C'est honnête de les expliciter. Je ne suis pas d'accord mais, ne vais pas tenter de vous convaincre. Bonne soirée