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Loufiat

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Tout ce qui a été posté par Loufiat

  1. Loufiat

    Merci pour...

    Le chant du beurre dans la poêle, l'eau fraiche qui roule sur ta peau brunie, la morsure du soleil et le pépiement de la source sauvage, le vent dans les arbres, la première bouffée glaciale d'un matin d'hiver, la chaleur moite et torve d'un pub miteux un soir de décembre, le regard des gens, les clapotis de l'eau sur la coque, la panique, les terreurs de la nuit et les éclaircies du matin, le café qui roucoule et embaume le salon, la cuillère qui tinte dans ton mug, ce coeur qui bat à 100 à l'heure, les cuivres rutilants et fiers du paquebot, l'horizon sans fin du désert, les mains et les avant-bras, une nuque une chute de reins, l'herbe fraîche entre les orteils, les enfants qui courent et crient et rient, les pleurs aussi, les nuages qu'on se raconte, les dénouements étranges du destin, le mystère insondable d'une naissance, une église qu'on voit renaître aux chants grégoriens, les ruines, le passé, la nostalgie, l'envie, l'élan, la danse, la joie, la certitude qu'on existe et qu'on existera à jamais, la santé après la maladie, la façon qu'on a de marcher, le feu dans l'âtre, le dégel du sol spongieux, les mots qu'on susurre la nuit et qui coulent au fond de l'âme, l'amitié, la bravoure qu'on découpe en morceaux, ces mots que j'effacerai bientôt, ton rire éclatant, mes bras autour de toi, la biere perlant dans la barbe du gigantesque Bruno, les petits plats de Samy, l'éternité dans l'instant, le flash d'un appareil, nos têtes hébétées, les allées d'un marcher où l'on s'est perdus, le labyrinthe étincelant de Syros, la poétesse de Naxos, l'avenir qu'on lit dans le marc de café, les regards complices et les rires étouffés.
  2. On dirait que ta mère a sauté du coq à l'âne pour te faire des reproches qui n'ont rien à voir avec ce dont tu lui parlais. Ça a dû être agaçant. Le mieux dans ce cas est de lui demander de quoi elle parle en fait. Cela dit, mon petit doigt me dit que ce que ta mère te reproche en fait, dans cette histoire, c'est de ne pas entretenir tes relations avec assez de serieux. C'est un vieux truc de mamans : "on ne sait jamais ce qui peut arriver et de qui on pourrait avoir besoin un jour". Si ta mère réfléchit comme la mienne réfléchissait, elle a du trouver que ton amie, qui t'as fêté ton anniversaire deux fois malgré que tu aies oublié le sien deux fois, s'est montrée plus adulte et responsable que toi, ce qui a pu l'irriter, si elle estime que c'est à elle de t'apprendre à entretenir ton réseau de connaissances- car c'est vraiment, réellement quelque-chose d'utile dans la vie, et qui peut faire toute la différence dans un moment de difficulté. Apprendre que tu as oublié, deux fois, de souhaiter son anniversaire à cette ancienne copine a pu faire sonner une alarme dans sa tête "ma fille ne sait pas entretenir son réseau de connaissances !" Et elle n'a peut-être pas trouvé les bons mots pour le dire.. Enfin, ce n'est qu'une idée, je me plante très certainement
  3. Non chacun a besoin de l'autre pour développer sa pensée. La raison est un phénomène socio-historique qui se reflète et se répercute en chacun. Et on peut synthétiser ce phénomène comme le fait que les êtres humains s'interrogent entre eux. Mais c'est peut-etre trop simple pour vous ? L'ego c'est le moi. Le moi n'a pas rien à voir avec la personnalité, évidemment. Ce qui suscite la formation du moi, c'est d'abord d'être identifié à un nom. Vous vous appelez Jacques Bidul, vous êtes né à Grenoble en 1977. Vos parents s'appellent... etc. Ce qui amène la constitution d'un individu psychologique c'est en particulier la responsabilité à laquelle les autres renvoient celui-ci. On fait "comme si" il est capable de poser des actes et d'en répondre. C'est un artifice de la langue, au même titre qu'une date de naissance repose sur des conventions. Mais c'est très utile pour la vie en société. En tout cas, on n'a pas encore trouvé mieux. Bien sur puisqu'il faut déjà tout un travail de la langue pour en arriver à s'interroger les uns les autres et tenter d'y répondre. La logique se développe par contradictions successives. On prend conscience, ou on découvre la non-contradiction, etc., par le dialogue. On découvre et on édifie en même temps les règles de la grammaire, syntaxe, ce que c'est que la langue. Elle se forme sur des siècles. C'est un développement socio-historique. Ce développement suppose au moins l'existence du nom, donc ego et personnalité. La langue commence par le nom. Le chien comprend le nom, l'association entre un son et une chose. Mais il ne dépasse pas ce stade. Alors que chez les êtres humains la langue va bien plus loin et parvient notamment au concept. Pierre n'est pas Jacques ni Ahmed mais ce sont trois noms qui renvoient à trois personnes. Nom et personne sont des concepts. Un concept est un artifice. Un voile qui dévoile, permet d'ordonner une certaine fraction de chaos. Chaque brin d'herbe est différent, singulier, etc. Sans le concept il y a un brin puis un brin et nous ne ferions pas le rapport. Mais le concept opère en même temps une coupe, et on y perd la singularité. Quand nous vivons enfermés dans les concepts, nous étouffons, au même titre que nous nous noyons dans le chaos si le concept fait défaut. C'est l'expérience autistique du monde.
  4. Non c'est face à la règle que l'empirisme s'édifie. Pas face à l'inédit. Empirisme et inédit = chaos². La colonne vertébrale de l’empirisme c'est la règle théorique, qui lui permet de se placer en altérité par rapport à elle, et de revenir sur elle, pour l'ajuster. Mais toujours en vue de la règle. Bref au fond ce n'est pas une question d'empirisme ou non. C'est un argumentaire poussé à l'extrême pour éviter une condamnation qui est due. Mais dont il pourrait être "empiriquement" gracié, par notamment du sursis au lieu de prison ferme. Mais entre l'esprit de la loi et son application empirique, il peut y avoir un monde. Mais si on détruit l'esprit de la loi, alors il n'y a plus de justice à rendre, soi-même ou non.
  5. Bonjour, La raison est le fait que les êtres humains s'interrogent entre eux. Elle est historique. Elle connaît un développement. Des régressions. Ce que vous appelez l'égo, j'appelle ça la personnalité. Elle est un artifice de la langue. Mais sans elle la raison n'est pas possible. Pas plus que la mémoire au sens historique, etc. Vous tenez un premier paradoxe. Je me permets de vous conseiller : faîtes la paix avec ce que la langue permet. Elle permet beaucoup de choses. Mais ce sont des artifices, ce sont des "jeux". La langue, comme le prénom, comme l'égo, n'ont pas vocation à enfermer le tout de l'être. La vie reste sauvage et pure, aussi brute qu'on puisse le sentir. Quels que soient les artifices de la langue, il y a une dimension où tout reste intact de toute éternité. Sachant que vous baignez là-dedans, soyez-vous même. Les deux sont possibles.
  6. Loufiat

    Philosophie

    Voilà j'imagine un topic où discuter ce que c'est la philosophie. Une sorte de banquet où, un peu ivres, entre amis, on se livre à l'exercice : c'est quoi la philosophie ? Je donne une réponse provisoire : la faculté de mettre en question des sentiments. À vous...
  7. D'ailleurs @Neopilinaje voulais te demander ce qu'il y a de spécifique avec l'ancien testament selon toi, plus precisement où tu vois que la mauvaise conscience prendrait le dessus ? Ou si tu arrives à synthétiser la lecture Nietzscheenne (dans mes souvenirs Nietzsche regarde favorablement l'ancien testament, c'est davantage le christianisme qui pose problème - et je me suis d'ailleurs demandé, penses-tu que Nietzsche connaissait les traditions védiques, notamment les lois de Manu ?)
  8. T'es gentil le troll tu me cites plus, d'accord ? Coucouche panier
  9. Faut voir... Dans mon entourage, les syriens sont plus quheureux et pour certains la question du retour se pose. Dans certaines regions les pressions de l'armée se faisaient de plus en plus sentir ces dernières années, avec des visites répétées dans les foyers dont les jeunes hommes étaient partis (quand on entendait les enroler). Si tout ou parti des jeunes hommes avait emigré, leurs parents, restés sur place, étaient donc des traîtres... pour eux, savoir que cette situation s'arrête est déjà un immense soulagement. Ce sont des familles entières qui vont pouvoir envisager de se réunir à nouveau, partout dans le pays. Je doute que la "diaspora" européenne rentre en masse au pays. Mais le seul fait que les relations se normalisent va jouer beaucoup : possibilités de voyager, d'investir... or il y a une manne énorme puisqu'il faut tout reconstruire. Tout va dépendre des prochaines semaines, prochains mois. Quels cartes va jouer la Turquie ? (La Syrie va-t-elle devenir une province turque ?) Que vont faire les kurdes ? Et les Russes qui ne peuvent absolument pas perdre leurs accès à la méditerranée et donc à l'Afrique ? Ils semblent totalement dépassés, mais ça ne dure généralement pas longtemps.. Je pense qu'on a peu de chance de voir un dictateur surgir, en tout cas d'abord. Parce qu'il y a trop d'intérêts en jeu. Le risque c'est plutot que le pays reste morcelé et dévoré par les guerres par proxy des puissances régionales et internationales..
  10. Or donc l'homme se crée une morale. Se trouve insatisfait de ce que la nature lui a donné. Refuse la peine, la souffrance, la mort et se trouve en même temps incapable d'y échapper : les vit comme condamnations. Les tuniques sont un premier acte de rébellion à l'égard de sa propre condition qui commence à lui apparaître. Il ne se contente pas de voir quelque-chose (il est nu), cette prise de conscience le pousse à agir dans un certain sens (il s'habille), et cette action porte en elle la marque de la prise de conscience, de la connaissance qui a motivé son acte. La Bible ne dit pas du tout que la morale est une bonne chose, à ce stade. Elle la situe comme un premier acte à la fois de rébellion et de déchéance, dans une sorte d'enfoncement de l'homme, de retrait et d'enfermement vis à vis du monde. Il n'accepte plus sa condition originelle, première, de sa "création" : il va se construire son propre monde en face et contre sa condition. Bref il va tenter de se libérer. Mais rien ne pourra faire qu'il accède à la vie éternelle : vie et mort resteront hors de sa portée en même temps qu'elles lui apparaîtront comme telles. A partir de là il y a, encore une fois, inimitié. La femme jalouse l'homme, l'homme domine sur la femme, l'homme peine à la tâche pour finalement retourner d'où il est venu... La poussière, l'oubli, la mort. Et en face de ça il se constitue une morale (des idoles), une descendance, une mémoire, il se dote d'une histoire. Et ce qui est curieux alors ensuite c'est comme constamment Dieu intervient pour briser ses certitudes, entraver ses tentatives, l'empêcher d'atteindre à "la vie éternelle". Pharaon, qui est quasiment un Dieu sur terre, qui domine sur tous les êtres, vient buter sur le petit caillou qu'est le peuple élu : le plus misérable des peuples, un peuple d'esclaves. Comment osent-ils contester Pharaon, son empire ? Et le voilà balayé, il n'est plus qu'un souvenir, même pas une momie puisqu'il finit avalé par les eaux.
  11. Et voilà qu'on passe d'une séquence à l'autre sans suite logique, avec même, au contraire, les contradictions les plus évidentes. Bon. Pourquoi pas après tout. Et là donc toute cette séquence sur laquelle je disserte sans fin depuis des semaines. L'Arbre de vie, celui de la connaissance du bien et du mal, et enfin la mort. Là aussi il me semble y avoir une progression rigoureuse, très cohérente (mais à l'intérieur d'une allégorie). Je suis assez conscient aujourd'hui, je crois, de la continuité de mon être. Le fait que chaque instant succède à chaque instant et que je suis à travers eux. Donc qu'à la fois je change - je suis pluriel - mais je reste le même. En cela je suis pour ainsi lié à un principe, un principe de vie, qui se perd ultimement dans ma naissance : jusque-là, si j'étais, c'était sans être. Rien n'y fait, c'est une contradiction pour la raison, mais c'est la réalité à laquelle je fais face, du moins aussitôt que la notion de "moi" apparaît. (Et je crois qu'elle apparaît avec la morale, c'est-à-dire avec la responsabilité, qui est toujours amenée par autrui - autrui me tenant responsable, autrui me ramenant à tel ou tel évènement, telle ou telle parole - autrui grâce ou à cause duquel je suis "moi".) Bref. L'arbre de vie symbolise à mon sens cette prise de conscience de l'unité de la personne et du principe de vie : il y a un jaillissement qui me fait être moi dans la durée, qui est d'abord incarné dans mon corps, et en même temps en esprit dans le "moi" lui-même. J'appartiens à une chose : la vie. Qui est un regard "en arrière" si on veut et qui ultimement se perd dans toute l'histoire de l'univers : big bang, formation de la Terre, apparition de la vie dans les océans... Bref. Il y a "vie". Et en face, aussitôt, il y a mort. Je crois qu'il y a en réalité prise de conscience de la mortalité. Que c'est ça qu'il se passe. Jusque-là ni Adam ni Eve n'ont de noms. Il n'y a pas vraiment de temps. On n'a aucune indication du temps qu'il se passe entre l'énonciation de l'interdit et la faute. Aucune. On peut imaginer que ce soient des centaines de milliers d'années. Mais Adam et Eve vivent dans un monde sans temps, et sans se connaître eux-mêmes, sinon comme semblables, l'un provenant de l'autre, l'un se tenant auprès de l'autre. Et même avant qu'ils se tiennent l'un "à côté" de l'autre, il y a la création des animaux. Alors qu'au chapitre précédent, cette création est présentée de façon totalement différente ! C'est, je crois, que ce n'est plus le même sujet. Et qu'y a-t-il de particulier cette fois ? Dieu présente les animaux à l'homme pour voir comment il les nommera. C'est la création de mots, encore plus explicitement qui est en question. La mise en correspondance des êtres qui peuplent cette conscience avec des noms. Mais Adam et Eve n'ont pas de nom, pas plus encore que d'histoire. L'histoire fait irruption avec la morale, et d'abord dans le nom. Ils se nomment eux-mêmes (et se nommer n'est-ce pas un peu comme se vêtir : se couvrir, se manifester dans un apparat). Et à partir de là il y a relation de parents à enfants. Et puis ensuite tout le déroulement de l'histoire du peuple juif. Qui découle de ce point. Avant ça il ne peut pas y avoir histoire. Donc je ne pense pas du tout que Dieu "piège" Adam. Je pense qu'il y a prise de conscience à la fois de la vitalité, de la participation à une chose qui est la vie, et de la mort. Et il ne me semble pas juste de Dire que l'avertissement était trompeur "sinon vous mourrez", car c'est bien ce qu'il se passe "tu redeviendras poussière". Mais encore une fois je pense que c'est l'enchaînement d'une prise de conscience, dont il est question. Or, une fois que j'ai pris conscience que mon horizon est la mort, en tant qu'individu ("personne", nom, responsabilité, etc), eh bien je suis déjà un peu comme une feuille morte détachée de sa branche : rien ne fera que la feuille remonte à la branche. Elle ne va plus aller que s'éloignant de cette source de sa vie. Et cette prise de conscience est inéluctable.
  12. Il y a des contradictions flagrantes, que, pour ma part, je tente de résoudre les unes au regard des autres. Clairement les auteur.e.s sont assez peu regardants quant à la cohérence du texte. Par exemple, il est dit, dans la toute première partie, que Dieu crée les hommes et les femmes et leur dit de multiplier (mais comme il a dit à toutes les créatures qui peuplent sa création de multiplier, et les a fait fécondes chacune en son genre). Dans cette séquences, les hommes et les femmes existent déjà et peuplent la terre. Or, tout de suite après, c'est la création de l'homme ! Puis de la femme, selon cette absurdité qu'elle serait tirée de la côte d'Adam plongé "dans un profond sommeil". Quand-même c'est surprenant quand le texte vient de dire qu'hommes et femmes ont été créés et se répandent déjà sur la terre en se nourrissant de l'herbe, des fruits et des animaux. Comment les auteurs peuvent-ils juxtaposer, tels quels, des textes qui apparemment se contredisent de façon aussi flagrante ? La seule solution crédible à mes yeux, c'est qu'ils se contrefoutent de la cohérence, historique ou "scientifique", parce qu'ils n'appliquent pas ces critères. Mais peut-on comprendre néanmoins ce qu'ils disent, ce que ces textes veulent dire ? S'ils veulent dire quelque-chose, clairement ils parlent par énigmes. Ils disséminent des indices tout en les voilant. Ils te disent une chose, puis son contraire, comme si de rien n'était, et toi tu dois te débrouiller avec ça. Bon si je reprends la première séquence, je vois que Dieu crée le monde à partir d'une terre "informe et vide", Dieu se "mouvant au dessus des abîmes". Il faudrait analyser terme par terme, mais si je prends la séquence d'ensemble, j'ai, au total, un verbe auquel vient correspondre une création et en retour un jugement sur cette création. Le même schéma se renouvelle, du plus général au plus concret : dieu dit "que la lumière soit"... "dieu vit que cela était bon". Création de la terre comme ce qui départage les eaux... des végétaux et notamment des arbres qui portent en chacun sa semence (ceci fait l'objet d'un développement en soi, déjà, et comment ne pas anticiper sur les deux Arbres), puis des animaux et des hommes et des femmes. C'est comme un jour qui se lève. Il y a une progression. Comme une prise de conscience progressive. La lumière. L'espace, la géographie. Les astres qui vont marquer le temps, le déroulement de séquences. Et puis les genres : végétaux, animaux... et l'homme "à l'image", dans une relation spécifique de familiarité avec "Dieu" (ce "verbe") et, par rapport à ça, en relation de domination sur le reste de la création (dominera sur la création, etc.). Pour le moment, je pense que nous en sommes à la découverte du pouvoir de nommer, de nommer des choses qui affleurent à la conscience : l'espace. Le temps. Les êtres qui vivent dans l'eau et ceux qui vivent sur la terre et dans les airs. C'est un pouvoir à la fois de création et de distinction, qui s'applique à une matière qui était là sans être proprement formée jusque-là, c'est-à-dire sans "conscience" et sans capacité de la dire. Nous sommes au plus proche de la forge de l'esprit, de la parole et de l'éveil du jugement. Ce jugement, cette parole, ces choses sont encore impersonnelles, elles commencent à peine à se détacher sur le fond de l'abîme, de l'oubli, de l'informe. Premières prises de conscience, premiers signes (les astres), premières paroles. Puis, avec la séquence sur Adam et Eve, on fait un zoom sur cette question de la morale, de la connaissance du bien et du mal.
  13. C'est une interprétation à laquelle je n'avais jamais pensé. Et qui m'a rappelé une période de mon enfance où s'est manifestée la peur que les adultes ne me mangent, dans des rêves récurrents dont je me réveillais horrifié. Mais je ne saurais pas dire à quel âge. Dans la vidéo que j'avais mise en lien sur ce fil, il est indiqué que la structure de la phrase, où Eve voit que l'arbre était bon, prend, mange, eh bien cet enchaînement - voir, prendre, manger avec les mêmes exacts termes hébreux - se retrouve ensuite de nombreuses fois dans le déroulement de l'Ancien testament, très souvent en lien avec la sexualité, et chaque fois, en tout cas, avec une faute. Il semble admis que l'Ancien testament pose un cadre nouveau aux sacrifices, et que c'est, pour les gens des époques dont nous parlons, un sujet décisif. L'origine du sacrifice est d'ailleurs un problème sans solution pour l'anthropologie : ils sont universels, quoi que très variés dans les formes et fonctions. Le sacrifice humain est courant avant que ne se développent les monothéismes (j'ignore pour l'Inde). Cela étant, la lapidation ou l'immolation restent très longtemps des sentences possibles dans certains cas... Or est-ce très différent d'un sacrifice qui serait, lui, rituel, parce que planifié, réglé par avance (le sacrifice n'est-il qu'une ritualisation d'une situation, de comportements qui se présentent déjà régulièrement de façon "naturelle", "spontanée" ?). Je ne sais pas pour le cannibalisme, en particulier des enfants. Je n'ai pas d'infos et je ne vois pas où il est question du sacrifice d'enfants dans l'Ancien testament, sinon en Égypte effectivement avec le meurtre de tous les nouveaux nés, et pour Abraham et le sacrifice d'Isaac, mais alors il faut peut-être replacer le contexte de l'histoire d'Abraham, mis à l'épreuve toute sa vie et jusqu'au dernier moment, où il lui est finalement commandé de substituer un bouc à l'enfant qu'il s'apprête à égorger. (Par ailleurs Dieu lui-même sacrifie son fils selon le christianisme...) Mais il est question de sacrifices d'innombrables fois dans l'A.T. sans qu'il s'agisse de sacrifices humains mais généralement d'animaux et de biens. Ils sont plus centraux encore dans les religions védiques, c'est très étrange de voir à quel point cette civilisation est passionnée par le sacrifice, mais c'est dans un sens si large qu'on en perd le sens précis : on brule des encens, du beurre, etc etc tout cela se retrouvant sous une seule notion que nous traduisons par "sacrifice", l'idée étant, dans tous les cas, de "donner", de "consacrer" quelque-chose à la divinité, de lui "rendre", jusqu'aux paroles et au souffle dans la prière et la méditation. Mais je crois que le sacrifice rituel va déjà avec l'interdit et la morale. Il ne peut prendre sa place que dans un univers où la morale a déjà fait irruption. (Je pense ?) Il implique une relation au sacré : les interdits, les rituels vont avec. Il implique déjà toute une "économie" du sacré engluant la vie, réglant les relations des gens entre eux et au monde et aux êtres qui le composent, réelles et imaginaires. Une relation aux possibles teintés en "bons" ou "mauvais" (présages, divination, etc.). Bref une atmosphère morale. Quand le texte semble justement suggérer que ceci n'existe pas avant "la faute" brisant l'interdit, c'est à dire la découverte du bien et du mal, la "connaissance" du principe même de moralité, de toute moralité. Ce que l'on croit être bon ou mauvais peut varier, mais le fait que ce critère agisse, entraîne un jugement qui imprègne toute la vie, rejoigne effectivement la réalité. Le texte nous dit, je crois, que les individus s'engagent à un moment dans la moralité, et réciproquement se voient précipités dans un univers moralisé (et c'est aussi le début de l'histoire, de la génération, des générations qui vont se succéder les unes aux autres dans un certain rapport les unes aux autres, car jusque-là il n'y a pas d'histoire, pas de familles, et ni Adam ni Eve ne portent encore de noms). Connaissance du bien et du mal = irruption de la possibilité de la faute. Non pas telle ou telle faute, mais d'avoir cette notion même de faute qui se manifeste complètement et préférentiellement dans une relation à un sacré (superstitions, tabous, etc.). Ce qu'on peut appeler la peccabilité : être sujet à la faute, être susceptible, avoir la capacité, la condition pour faire une chose qui soit perçue comme une "faute" pouvant déterminer une certaine culpabilité, débouchant sur des sentiments de honte, d'injustice, de déshonneur, etc., et donc aussi de rachat, de peine, de rédemption, de pardon, de justice, etc etc. Nous admettons qu'il y a un remplacement à un moment d'une divinité féminine par une divinité masculine. J'ignore quel en est le sens. Si ce basculement se fait à mesure que le patriarcat et les populations sédentaires prennent le dessus, si ceci est en lien avec l'agriculture et les débuts de l'accumulation de capital, etc. J'ai lu des analyses qui tendent à le montrer mais j'ai du mal à leur attribuer davantage de valeur qu'à des contes ou des mythes car au fond nous n'en savons strictement rien. Nous ne faisons qu'imaginer. De toute façon nous sommes dans la spéculation. Mais, encore une fois, ce texte me semble aller chercher encore à un niveau plus profond. Se situer antérieurement à ça dans l'expérience qu'il suggère ou exprime. Je viens au monde et je réalise peu à peu à quel point il est dégueulasse et beau à la fois. On doit se tuer à la tâche pour vivre. Il faut se lever chaque matin et remettre ça. Il faut enfanter, faire face à la douleur, à la peine, à toutes les souffrances imaginables, à toutes les injustices, etc. "Augmentez le savoir c'est augmenter la douleur". Réaliser dans quelle condition je me trouve jeté, se trouver comme ça en proie à l'absurdité radicale des choses, se sentir étranger au monde et aux autres. Le texte me dit, j'ai l'impression, que tout ceci ne peut apparaître qu'après, et comme conséquence de l'irruption de la morale, de l'éveil d'un sens moral, avec ses deux pôles, le bien et le mal. Que maintenant l'homme va être confronté et s'interroger sur ce qui est bien et mal. Que le monde va se colorer de cette façon, un peu comme si un colorant se mêle et se diffuse dans l'eau. Et que c'est ça le pécher originel. Au même moment la relation initiale à Dieu et au Jardin, au monde, est rompue et renversée. Jusque-là tout allait "ensemble", tout allait sans question, sans interstice pour que s'engouffre la réalisation de cette condition en termes de bons ou de mauvais, de bien ou de mal. Mais cette fracture survient. Et à partir de là, c'est l'inimitié entre la femme et l'homme, entre la mère et sa progéniture qui lui cause souffrance, entre l'homme et la terre. Et nous parlons de "chute". Il y a une chute. Une descente, une ouverture et une lumière nouvelle par laquelle l'homme est jeté dans une lucidité cruelle sur sa condition. Et aussitôt il entreprend de changer cette condition : il s'habille, parce qu'il se trouve nu. Je trouve qu'il y a quand-même une folle cohérence du texte, mais je sais aussi que je ne fais que des conjectures. Au fond je n'en sais rien.
  14. Bon, je n'aurai pas de réponse concernant la promesse. Mais le lien entre promesse et interdit est pourtant assez direct et éclatant. Nous partons du principe, intellectuel, idéologique, qu'un interdit doit être justifié. Ca n'a rien d'évident en réalité. En fait, si on creuse, c'est même l'inverse. La première forme que peut prendre l'interdit ne peut pas être justifiée. C'est tout le problème du sacré. C'est tout le problème de l'interdit. Il implique qu'il existe, antérieurement à lui, une relation de subordination, disons, pour être plus neutres à nos lecteurs, une relation de tutelle. Comme un enfant. L'enfant est sous tutelle. Voilà qui ne choque pas nos oreilles. L'interdit implique, a priori, un rapport de tutelle. Seul celui qui domine radicalement, de façon incontestable, peut poser un interdit (sous entendu que ce ne soit pas vain : être obéi). Et c'est bien le cas de l'enfant en très bas âge. Malgré la révolte que cette seule inégalité peut inspirer à nos idéologies. Donc nous avons effectivement ce rapport d'inégalité, de tutelle de l'être humain en passe d'entrer dans la dimension morale. Néanmoins l'interdit introduit une liberté. C'est inévitable. Nous pouvons, même enfants, faire une foule de choses. Toutes étant également possibles, ce n'est pas le critère qui détermine ce que nous faisons. Nous sommes attirés par certaines choses, repoussés par d'autres, et nous le signifions dans la mesure de nos moyens. Mais sans conscience de ce que nous signifions. Nous pleurons parce que l'univers entier pleure. Nous rions parce que l'univers entier rit. Il est très visible ce passage où un enfant commence à rire parce qu'il comprend, il prend conscience qu'il rit, et de ce que ça fait aux autres. L'enfant semble parfois se forcer à rire. Et nous voyons qu'il guette notre réaction. Il a donc appris quelque-chose. Et il veut en savoir plus. Bref, enfants, une foule de choses s'offrent à nous, à mesure que nous découvrons notre capacité à saisir, à nous tenir debout, à hurler ou au contraire, etc. Si le contexte familial est serein, une foule d'opportunités s'offrent sans cesse plus élargie, à nos capacités. Ca va très vite, du point de vue de l'adulte. Mais l'enfant, lui, fait une expérience par une expérience. Et il mouline. On voit que son petit cerveau mouline, enregistre, comprend une chose, puis une autre, et progresse de cette façon parfois très lente, parfois fulgurante. L'enfant engendre des expériences qui débouchent parfois tout d'un coup, comme une transformation de son être même, de sa qualité. Il devient sans cesse quelqu'un d'autre, ou quelqu'un "de plus" sous nos yeux. Or donc, c'est inévitable, l'enfant rencontre l'interdit. Mais l'interdit n'a pas à être justifié, ce n'est pas ça qu'il se passe en réalité dans sa petite tête. C'est la relation qui compte d'abord. L'enfant vous croit. Quand vous lui interdisez quelque-chose il y a cet espèce d'équation qui met en relation la désirabilité de la chose et le lien qui l'attache à vous. C'est stupéfiant d'imaginer qu'un enfant vous obéit à cause des raisons suivant lesquelles vous justifiez vos ordres, implicites ou explicites. Non, il vous obéit parce qu'il vous aime. Parce que se trouver en défaut par rapport à vous lui est impensable, tout court. Puisque vous êtes sa vue, son ouïe, son expérience, son médiateur entre l'univers et lui. Pourquoi soupçonnerait-il que vous lui mentiez ou que vous lui interdisez une chose par erreur ou par tromperie ? C'est absurde. C'est bizarre comme façon de penser. C'est le lien qui est premier. La relation entre lui et vous. Il ne vous obéit pas parce qu'il comprend le sens de telle ou telle injonction, mais parce que vous la dîtes. Vous l'énoncez, directement ou non. Et c'est ce lien qui fait qu'il va devoir comprendre ce que vous dîtes en réalité. Sauf que l'interdit va dire deux choses, que l'enfant va comprendre. D'une part, si ce n'est pas déjà évident, c'est quelque chose qu'il peut faire. Qui peut arriver. Il n'y a rien entre l'action proscrite et lui, que votre parole, mais votre parole, c'est pour lui le monde - ou presque. Et dans ce presque il y a beaucoup. Et c'est ça qui va lui apparaître. L'enfant va rencontrer la possibilité de la faute. De faire quelque-chose que vous avez proscrit. De se mettre en défaut vis-à-vis de vous. C'est inévitable qu'il comprenne que c'est possible. Et aussitôt alors le voilà en proie à la morale. Et s'il faute, ce qui n'est peut-être pas inévitable mais du moins extrêmement, extrêmement probable (une fois, un truc), alors il sera définitivement précipité dans une atmosphère morale, où il devra sans cesse plus discriminer paroles et expériences en fonction les unes des autres selon des critères moraux.
  15. Loufiat

    penser à quelqu'un

    Eh oui... un an ici... sans espoir mais sans résignation non plus. Donc assez serein finalement. À un moment on accepte le manque comme une vieille amie qui vient vous visiter, pas une substitution mais encore un quelque chose qui veut dire que tout ça n'a pas été rien. Et que peut-être... quelque-part... un autre jour...
  16. Ça ne répond pas à ma question concernant la promesse
  17. Une note en passant. La source de certaines réflexions concernant l'interdit et son rapport avec la liberté est Kierkegaard, Le Concept de l'angoisse, que je n'avais pas relu avant d'entamer cette discussion. Je me suis dit que j'irais consulter ce texte de Kierkegaard concernant notamment le serpent. Mais j'ai fais chou-blanc : lui-même reconnaît n'en savoir rien. Quant à l'interdit, j'attends les réponses de @Mite_Railleuseet @eriuquant à savoir si elles auraient plus ou moins honte de rompre une promesse si celle-ci avait ete faite a une personne en qui elles ont confiance ou qui les a souvent trahi. Quant à Adam il me semble assez clair qu'il respecte l'interdit non pour telle ou telle raison qui le justifierait, mais parce qu'il est jusque-là dans un certain rapport à Dieu. Et puis, seconde note, il y a ce moment où, Adam et Eve étant chassés, Dieu entend les empêcher d'accéder à la vie éternelle et met un gardien armé devant le jardin. Cette fois ce n'est plus un interdit c'est une impossibilité pure et simple. On voit précisément cette différence. Il me semble que le texte veut signifier qu'il n'y a pas de retour en arrière possible. La faute ne peut pas être effacée : une fois l'homme entré dans un univers moral, il n'y a plus de retour à l'innocence.
  18. Bon bon alors juste une petite question. Remplaçons interdit par promesse ou engagement (faites pas chier, "c'est pas la même chose blablabla"). Vous avez fait deux promesses. L'une à un effroyable connard qui vous a déjà trahi cent fois, disons votre père, l'autre à votre mère que vous adorez par dessus tout. Les deux promesses deviennent incompatibles. Laquelle brisez vous ? Laquelle vous inspirerait le plus de honte si vous deviez la rompre ?
  19. Pour sûr on aurait été moins emmerdés. Bon je faisais un peu de provoc, j'ai moins de temps pour écrire (mais ça reviendra). J'essaierai de clarifier mes propos sur le rapport entre interdit et liberté... Z'etes chiantes toutes les deux à me contredire tout le temps comme ça.
  20. C'est comme un chien, le moment où je le promène en liberté, c'est le moment où il est suffisamment bien dressé pour n'avoir plus besoin de laisse... il répond à la voix.
  21. Libre à toi. Mais force est de constater, de mon point de vue, qu'il y a une tendance à la surinterprétation et un blocage sur les notions d'interdit et d'autorité, qui m'effraient un peu aussi. Alors que je n'ai rien, mais alors rien d'un tyran et que, PERSO, puisque vous y tenez absolument, je suis extrêmement libéral (mais jusqu'à un certain point) et généralement adoré des enfants ou des jeunes, par exemple ceux avec lesquels je travaille tous les jours et qui viennent me voir quotidiennement s'agissant de leurs problèmes familiaux ou autres, en dehors de tout cadre professionnel. Mais, en l'occurrence, je propose de réfléchir sur un texte où la notion d'interdit de faute de culpabilité est centrale, c'en est l'objet même. De fait si ces notions vous dressent les cheveux sur la tête, mieux vaut s'arrêter là.
  22. Il y a vraiment un blocage étrange sur cette notion d'interdit. Le texte ne permet pas ces interprétations. La voix (Dieu n'est rien d'autre qu'une voix à ce moment, personne ne le voit, il n'a pas d'apparence, etc etc., c'est une voix) met en garde Adam "tu n'en mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras". Quelle intolérable oppression... Sans compter qu'Adam ne peut pas comprendre ce qu'est le bien ou le mal, ni mourir, ni fauter, puisqu'il est dans l'innocence pure. Mais l'enfant seul, réceptif, bien disposé, auquel on interdit une chose (ne touche pas à ça mon chéri d'amour) ne demande pas d'abord pourquoi (il y viendra plus tard), il obéit s'il comprend ce qu'on lui demande, simplement parce qu'on le lui demande. Quelle intolérable oppression là encore... on lui demande de ne pas toucher à quelque-chose sans lui donner tout le détail de la raison du pourquoi ???...
  23. Eriu, tu n'y peux rien, l'enfant n'est pas d'abord en position de comprendre certaines choses, il y a donc un rapport d'autorité et des interdits, implicites ou explicites (ta barrière pour l'empêcher d'accéder à l'espace cuisson). Je veux bien que tu aies ta pédagogie bien propre, mais enfin, si c'était l'inverse qui était vrai, il n'y aurait jamais aucune nécessité de mettre en garde ni d'expliquer quoi que ce soit, puisqu'il n'y aurait jamais de bêtises faites dans le dos des parents - plus ou moins graves, parfois avec des conséquences dramatiques, etc. C'est l'arbre de la connaissance du bien et du mal, qu'on a pris l'habitude de réduire à la connaissance. Mais ce n'est pas ce qui est écris dans le texte et on en perd tout le sens.
  24. C'est l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
  25. Je pense que l'arbre est une image de la vie morale tout court. Et on entre dans la vie morale par l'interdit d'abord, puis par la faute - on y a alors les deux pieds.
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