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Loufiat

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Tout ce qui a été posté par Loufiat

  1. Loufiat

    Sur le Cogito

    J'ai du mal à comprendre pourquoi il semble y avoir un regret ou une vexation à la seule lecture du raisonnement que je propose. Il n'est pas du tout exclusif d'une curiosité active pour les découvertes de la physique comme les hypothèses de la cosmologie. J'essaie seulement de remettre au centre une question ou disons une expérience qui est... centrale. "Incontournable" et quasiment enfantine. Pourquoi refuser la simplicité naïve de ces choses ? Elles nous mèneront plus loin mais enfin si on reprend à ce point on comprend nettement mieux le cogito lui-même il me semble. Remettre du relief dans ce qui est usé voilà peut-être ma vocation ?
  2. Loufiat

    Sur le Cogito

    Et la manifestation, Zen, c'est que tu existes, et tout ce dont tu peux faire l'expérience. Je suis étonné que tu ne vois pas ça ? La rue, les gens, les arbres, les planètes, tout ceci existe-t-il oui ou non ? Y a t il "de l'existence" oui ou non ? Si oui, etc. Et sinon... eh bien... je laisse les volontaires poursuivre cette voie. Bonne chance !
  3. Loufiat

    Sur le Cogito

    Comme le fait que tu existes, et dans l'exact même mesure. Pas tout à fait. Mais si je dis qu'il y a un dernier "après". Après ? Eh bien, après, c'est encore un après. C'est donc que le temps doit être "plastique" si on y tient, il peut y avoir différentes formes d'être pour le temps, il peut sans doute se dilater à l'extrême, dans un sens ou dans l'autres ; mais sitôt qu'une chose existe, même un peu, un tout petit peu, c'est dans l'éternité. Vous ne voyez pas que, si l'éternité n'existe pas, nous ne pouvons en aucune manière formaliser le temps ?
  4. Loufiat

    Sur le Cogito

    Mais nous n'entendons aucune forme à l'éternité. Nous savons seulement qu'elle existe et qu'elle est au-delà de notre entendement, de notre capacité de représentation, du fait que l'existence "est" (je ne sais pas le dire autrement). C'est du même ordre que le rapport de l'univers à ses représentations. Ses représentations ne sont pas l'univers, aussi précises, fines qu'elles soient. Mais ça ne signifie pas que ma propre existence et ces représentations ne renvoient à rien de réel, qu'on appelle "l'univers". Mais si l'univers n'existe pas, je n'existe pas non plus. Et qu'il existe des trous noirs n'y change rien, n'est-ce pas. Ce n'est qu'un raffinement dans la compréhension de l'univers, qui reste au-delà de l'entendement. L'éternité, même combat, nous en avons l'idée et l'intuition, qu'on l'admette ou non (et c'est simple, si nous ne l'avions pas, nous ne percevrions pas de passage du temps), mais la représenter, l'éternité, c'est en soi un paradoxe. Mauvais joueur
  5. Loufiat

    Sur le Cogito

    Je n'arrive pas à le dire plus clairement : si l'éternité n'existe pas, nous n'existons pas. Tu n'existes pas, je n'existe pas, tout ça, cette impression que nous avons d'exister, ce que nous vivons, nos expériences tout n'est alors que barbouillis inintelligible. Je ne suis pas d'accord avec l'interprétation psychologique du concept, qui ne change en aucune façon ma condition quand il est pensé pour lui-même, en lui-même. Je vais mourir, moi. Mon existence, pour tisser la métaphore du collier de perles, c'est une infime poussière à peine perceptible dans l'immensité intérieure d'une petite perle de temps elle-même perdue dans quelque recoin de l'éternité. L'éternité comprend tout ce qui existe ; une chose ne peut pas ne pas y être. Ou bien quelque-chose existe, et c'est elle, c'est ce principe de l'existence ; ou bien rien n'existe. Mais je ne peux rien concevoir de positif, pas le moindre atome, pas le moindre brin d'herbe qui existe, qui ne soit pas compris dans son concept. Dire que l'éternité n'existe pas, c'est un suicide philosophique. Mais l'expérience se tente. Simplement si on la mène sérieusement à la fin on se disloque totalement comme personne. On ne peut plus parler de rien puisque rien n'existe.
  6. Loufiat

    Sur le Cogito

    Je crois que le terme de votre discussion c'est de dire au final par définition le seul univers observable est celui qui permet cette observation. Entre nos conditions d'existence et l'univers que nous observons, il ne peut y avoir qu'un "match", pas seulement un peu mais jusqu'à la moindre miette. Pour en revenir à Dieu ou à l' "Intelligence" ; l'évolution se déroule dans le temps, où tu contestes qu'il y ait une finalité, mais quand on en arrive aux questions qui concernent la connaissance de l'univers ou la nature du temps, on peut se permettre de changer de perspective sur les choses. Notre époque a un peu perdu la notion des concepts, il faudrait remettre un peu de scolastique dans tout ça.. C'est un fait que l'esprit conçoit l'éternité, qu'il en a l'idée. On pourrait me répondre "l'éternité, c'est la négation du temps, parce qu'on en fait l'expérience, on a le concept du temps, mais ça n'a pas d'existence réelle, c'est une construction de l'esprit". Mais dans mon coin, ça va peut-être vous heurter, mais je fais bien l'expérience d'être présent, dans la durée, d'une durée composée d'instants, et je perçois clairement l' "instantanéité" égale de tous ces instants, qu'ils sont également "présents" au "moment" où ils "sont", et que cette présence-là des instants successifs est tout à fait réelle, bien qu'elle ne se laisse pas toucher du doigt. J'en conçois l'éternité, tout simplement, comme ce qui comprend tous les instants, et je vois aussi clairement que possible alors que l'éternité existe bel et bien, puisque c'est leur façon d'être, aux instants, que d'exister. Et je vois aussi que cette chose, son concept c'est d'être parfaite, puisqu'elle comprend toute l'existence - rien n'en est retranché, rien ne lui manque. Alors d'accord, j'ai beau me concentrer très fort, je suis seulement pris de vertiges, parce que ça dépasse infiniment mes capacités d'imagination et bien sûr ce n'est pas quelque chose qui tombe sous mes sens. C'est au-delà de moi-même et j'en ai seulement l'idée. Mais si on ne peut pas toucher l'éternité du doigt, on l'a donc quand même au bout de la langue ; il va falloir imaginer, construire des "topos" (aïe, Zenalpha va me taper sur les doigts) alors je propose cette image de torsades infinies qui forment comme des colliers de perles où chaque instant sort de lui-même et où tous les instants s'impliquent mutuellement. Sous le rapport de l'éternité il n'y a pas d'avant ni d'après, tout tient ensemble, et il ne peut pas y avoir de finalité, puisque tout instant y est compris et y rayonne d'une égale présence, avec une égale dignité. Ca existe, rien ne manque, tout y est. Cette éternité est réelle, elle existe, je dois le conclure si du moins j'existe moi-même, si je crois que l'expérience que je fais du temps, d'être présent, d'exister n'est pas une illusion , et alors il est très clair que si j'existe, c'est en vertu, c'est dans l'éternité. Enfin donc voilà l'étonnant, c'est que vous et moi soyons en rapport à l'éternité dans la mesure où nous existons, et que si l'éternité n'existe pas, nous devons en conclure que nous n'existons pas nous-mêmes. Mais bon, comme disait un prophète, la philosophie s'arrête là où je me cogne l'orteil au pied du lit.
  7. Loufiat

    Sur le Cogito

    Ca pose quand même de sacré problèmes de logique, je trouve, qu'à partir du minéral se forme le vivant. (Mais on sait qu'il y a des intermédiaires, enfin ça n'enlève rien au problème de comprendre comment du différent surgit au sein du même). Admettons donc : c'est hasardeux. Ca pousse dans tous les sens et "se retient" ce qui est plus efficace. Mais pas par vocation, seulement parce que, étant plus efficace, ça perdure. Perdurer, est-ce une finalité du vivant selon toi ? (et alors c'est le minéral qui se trouve au sommet de l'évolution, en quelque sorte, plutôt que le vivant !) Ou bien est-ce plutôt comme un jeu de quilles où il y a celles qui tiennent et celles qui tombent, au hasard des combinaisons chimiques et des aléats de toute nature, cosmiques, terrestres.. ? Mais alors pourquoi cette consistance, cette unité du vivant ? Mais tout ça, pourquoi on se le demande ? On tente de comprendre l'esprit. Enfin je crois, au départ. On se demande ce que c'est. Bon, ce sont a priori des êtres vivants qui pensent. Mais en fait, c'est que nous élargissons la pensée, que nous nous réservions d'abord. Je pense, tu penses, René pense.... Est-ce que j'existe précède ? Oui et non, "il y a" précède, je ne peux pas en dire plus. Il y a une chose qui, tant que la pensée ne s'en est pas saisie, pour elle n'existe pas, mais qu'elle saisit et qui la fait être du même coup. Connaître. Conscience. Faire et savoir que je fais, le connaître tout ensemble et d'un seul coup. Recul sur l'automatisme, sur le réflexe. Mise à distance des pressions matérielles, des impératifs. L'esprit conçoit la possibilité de devenir maître et possesseur de la nature, d'orienter les choses vers une finalité qu'il entrevoit. Et ça, ça arrive comment ? Je crois que c'est parce qu'à un moment, quelqu'un nous a demandé quelque-chose. Quelqu'un a posé une question qui nous a fait nous demander ce que nous faisons et tenter de le décider et de le dire. Une question qui a dû nous arrêter, alors que nous étions englués dans la chaîne des automatismes, en somme que nous étions sans y penser et sans le penser. Alors, les premiers à qui c'est arrivé ? C'est ce moment où l'enfant commence à organiser un comportement, non plus seulement guidé par sa nécessité intérieure, mais à cause aussi de ce que nous lui disons et de ce qu'il nous répond. Là oui nous savons qu'il pense.
  8. Loufiat

    Sur le Cogito

    Je te rejoins sûrement là-dessus, mais cette réponse, par rapport au problème que je posais, c'est comme si je demandais à un médecin pourquoi je suis malade et qu'il me réponde "mais parce que vous avez le nez qui coule, et puis de la fièvre, et des courbatures". D'où viennent les dérives ? Si nous sommes ces sujets et que ça nous engage à quelque-chose. Du coup je ne comprends pas pourquoi la démocratie ne s'impose pas naturellement. D'où vient que la pente naturelle ne soit pas si naturelle, ou si pentue ? Mais d'où peut bien venir cette influence de Descartes ? C'est le même problème, il me semble, auquel je renvoie ; comment admettre qu'un philosophe du fond de son poêle ait pu dévoyer la vérité vraie, la situation réelle, naturelle et souhaitable de l'homme, sans contredire aussitôt que ce soit la situation réelle, naturelle et souhaitable de l'homme ? Peut-être que ça te semble un faux problème, oisif, à côté de la plaque ?
  9. Loufiat

    Sur le Cogito

    D'accord, mais j'ai beau torturer les mouches et épingler des papillons, je ne vois pas qu'ils en concluent que j'existe, pas plus qu'ils existent. Si nous reprenons nos questions de tout à l'heure, on peut dire que dès qu'il y a formation d'un organisme, d'une forme de vie que nous pouvons constater, il y a une forme de perception et l'adoption d'un comportement déterminé en rapport à l'environnement, et pourquoi pas donc une forme de pensée ; mais c'est tout un. Mais alors on tombe sur ce problème, qu'il nous faut nous demander ce qui, en l'absence de pensée et de vie, a produit un forme animée pensante. C'est de cet ordre là, notre problème. Après, on peut dérouler à loisir, c'est du quantitatif. Mais il y a un seuil qui est passé ; comment ? Socrate répond : l'intelligence était déjà là, latente si on veut, dans un oubli de soi, et elle s'est souvenue d'être, et elle devient sans cesse plus ce qu'elle est, mais qu'elle est de toute éternité (en gros). Et ce que je peux connaître, c'est ce que je suis, à savoir une participation à cette intelligence éternelle. Mais Socrate a toujours à l'esprit que cette option est une option face à un mystère qui résiste à l'entendement, bien qu'il aille jusqu'à sacrifier sa vie pour cette idée, quand-même. Les religions révélées répondent : d'abord, tu n'y comprendras jamais rien, ça te dépasse radicalement, alors humilie toi pour de bon ; et ensuite, nous te prions de bien vouloir croire que c'est par amour si Dieu t'as créé comme toute chose, parce qu'Il les veut, et, pour les chrétiens, par amour encore s'il s'est incarné sous la forme de l'homme le plus banal, extérieurement. (Si Socrate joue aux cartes avec Platon, je me demande s'ils ont encore quelque-chose à se dire, mais en tout cas l'un et l'autre nous parlent encore aujourd'hui.)
  10. Loufiat

    Sur le Cogito

    Dieu, c'est à Descartes ce que la mère est à l'enfant, quand l'enfant réalise que sa mère est autre que lui, qu'elle est quelqu'un en propre, et que donc lui aussi. Soustraire Dieu au cogito, c'est nier l'altérité, détruire la difference, retomber dans l'identité du soi à soi, l'indifferenciation du sujet qui s'ignore. Me voilà encore en thuriferaire de Descartes, ce qui ne manque pas de piquant, mais enfin, il faut bien reconnaître qu'on ne comprend plus rien à sa preuve de l'existence de Dieu, qui nous paraît complètement farfelue. Pourtant, pourtant... Le problème au fond, est de comprendre comment il se peut que j'ai en moi l'idée d'une chise differente de moi, que donc l'intelligence ignore, dont elle n'a pas idée ; comment il se peut, en quelque sorte, que deux droites parallèles à un moment biffurquent et fassent irruption l'une au milieu de l'autre. Et en la matière, il n'y a pas dix mille solutions, il y a la réponse Socratique du souvenir et celle des religions révélées. Le reste est inconsistant et prend pour acquis ce qui précisément pose problème, à savoir la possibilité ou non de connaitre, d'apprendre quelque-chose. Mais pour Socrate aussi il y avait Dieu, et l'âme est immortelle.
  11. Loufiat

    Sur le Cogito

    J'en sais foutrement rien J'ai l'impression de comprendre, mais avec un peu de difficulté, les questions que tu poses. Il y a le "je pense que je pense ; je pense que je pense que je pense" qui effectivement vient nous étourdir. C'est sans doute plus efficace que de compter les moutons : penser que je pense, que je pense en le pensant. Le sujet recule, et à chaque fois, il semble s'évanouir un peu davantage, pour laisser finalement place à cette expérience brute que : "ça pense". Ne restent que l'acte et l'attention à cet acte, ce qui est rare, une perception pour le moins étonnante et mystérieuse c'est vrai, car on touche au néant du sujet et de la pensée (mais comme dans toute décision, tout acte ; et, autre question que je pose là, un acte n'est-il pas toujours aussi une pensée ? si je ferme le poing en y pensant, je pense que je ferme le poing, j'en perçois la décision en moi-même, mais si j'ai fermé le poing sans y penser, n'y a-t-il aucune pensée de ce que "le poing se ferme", simplement parce que je n'ai pas fait attention à cet acte et à cette pensée ?). Parce que dans la vie courante, quand on pense, on ne pense pas qu'on pense, c'est comme quand on respire. Cette attention est dormante tant qu'on pense en acte, directement, sans y faire attention. Et puis on pense ce qu'on pense, quelque chose qui est en rapport avec un contexte, des échos de ceci ou cela, mais qui est bien toujours aussi de l'ordre d'un acte, d'une opération avec un objet. "Un éléphant rose" : paf. C'est un acte, en acte. Et pourquoi j'ai pensé à écrire un éléphant rose ? Je suis incapable de restituer les causes, c'est infini, parce que ça se perd dans les méandres du néant d'où surgit tout acte, qui, volontaire ou non, reste toujours planté comme ça, aussi mystérieux et apparemment arbitraire dans son centre. On ne s'identifie pas forcément à ces pensées, d'ailleurs, qu'on a. Je veux dire, on peut penser des choses simplement parce qu'elles adviennent dans le cours d'une conversation, sans qu'on se sente par elles engagés au-delà du fait qu'on y a pensé, de même qu'on fait des choses sans nous sentir par elles engagés, involontairement ou sans y penser. Il me semble que, quand on en vient à développer une pensée propre, une pensée continue, une pensée dont on puisse dire qu'elle est "nôtre", c'est quand on y travaille - et par là, je veux pas dire qu'on s'y contraint, même s'il va y avoir de la rigueur si on a une exigence de vérité importante, mais au fond c'est parce qu'on y tient et même, pour renverser le truc, parce que cette pensée nous travaille. Ca nous passionne, ça nous saisit mais c'est très mystérieux là aussi, pourquoi ça nous saisit, c'est comme une femme très belle qui nous coupe le souffle alors qu'on s'attendait à rien, on demandait rien ; mais, enfin, voilà, ce genre de choses arrive. C'est seulement dans ces cas qu'on sort un peu des sentiers battus, des lieux communs et des opinions majoritaires ou même subversives, pourquoi pas, mais en tout cas faciles et factices ; quand un sujet nous tient vraiment à coeur, ce qui reste très faible pour dire par exemple la relation de certains mathématiciens avec leurs recherches (mais des gens "très communs" vont très loin dans ce qui les anime, toi par exemple, je crois !). Je ne sais plus quel savant antique légendaire, au moment d'être égorgé dans l'invasion de sa cité, demandait aux assassins un délai pour dénouer une démonstration, indifférent au massacre. Bon, ça nous laisse plein de questions en suspens, alors pour relancer le truc, je vais bifurquer encore un coup, mais je ne sais pas si ça aura vraiment un rapport avec ce que tu m'écrivais. Je parlais d'une femme dont la beauté nous coupe le souffle, parce que ça m'est arrivé pas plus tard qu'hier, et vraiment très fort. Il faut dire qu'à Paris, sous la chaleur et alors que les uns et les autres rentrent de vacances, l'atmosphère en ce moment est sensuelle. Enfin donc, cette femme je l'aperçois d'un coup comme ça et je suis arrêté par son visage, elle est là assise à une table en train de siroter un verre et vraiment en elle quelque-chose m'atteint d'indéfinissable. Et là, moi qui suis d'humeur cérébrale en ce moment, je me dis "la vache, t'aurais pu ne jamais savoir que cette femme existe, ne jamais connaître cette beauté, l'ignorer toute ta vie". C'est vrai, c'est hasardeux que je l'aie vue, et d'ailleurs elle a bientôt disparu, mais elle m'a marqué, tu vois, au point que je t'en parle et que je me suis dit ça. Eh ben, je me dis que "les idées", c'est un peu pareil. On peut en croiser une ou deux qui au moment propice nous arrêtent et marquent, parfois, un tournant dans nos vies. Généralement ça nous vient d'autrui, bien sûr, quoi qu'autrui ne soit que l'occasion ou l'intermédiaire, comme cette femme a été pour moi l'occasion d'une émotion violente. Enfin, l'expérience consiste bien à la fois en elle, là, et moi, ici ; on ne peut ôter aucun des termes de l'expérience. Mais donc, où je veux en venir, il y a des idées comme ça qui "ne nous laissent pas indifférent", on pourrait dire , assez comme avec cette femme, pour une raison que j'ignore, je me suis trouvé aussitôt par elle engagé, je me suis senti à devoir décider quelque-chose en et de moi-même (l'aborder ? ne rien faire, ne rien dire ? savourer l'instant ?) Je devais faire quelque-chose, ne serait-ce que ne rien faire, mais décider de ne rien faire. De la même façon, on ne sait pas à quoi exactement une idée nous engage quand on en crois une qui nous interpelle fort, mais du moins on se trouve devenu non-neutre, en demeure de décider quelque-chose qu'on ne comprend même pas au départ, donc qu'on ne peut pas choisir. C'est absurde mais c'est comme ça, je crois. Tiens, pour illustrer, je vais retomber dans un registre qui va t'ennuyer peut-être, en évoquant la question de savoir si Dieu existe ou non, mais c'est si on ne l'envisage pas comme une question de "philosophie", mais comme une question personnelle, si jamais elle s'est posée, avec toute sa profondeur terrifiante, à quelqu'un de soi à soi par exemple dans son lit le soir ; c'est une question qui ne laisse pas indifférent. Il y a tout de suite quelque-chose de décisif et de l'engagement à se poser cette question. Eh bien, si cette idée comme ça, ou cette question qui nous interpelle et dont on sent qu'elle nous engage, si on la poursuit, si on en poursuit l'expérience jusqu'au bout, c'est comme une femme qu'on n'aborde pas ou à laquelle au contraire on se lie, qu'on conquiert peu à peu en même temps qu'elle nous change, et qu'on peut appeler "notre" pour autant qu'elle se livre encore à nous et que nous continuons de lui appartenir. C'est ça qui fait, il me semble, que chez certains auteurs on peut dire qu'on a "une pensée". Une pensée à la fois originale, poursuivie, avec ses moments de crise, ses sommets, ses divorces éventuellement, etc., mais en tout cas "une pensée".
  12. Loufiat

    Sur le Cogito

    La question ne se pose pas tellement de mon point de vue. Il y a autant de sujets qu'il y a de sujets : ça n'engage à rien. Nous ne savons pas si un rapport au monde est meilleur que les autres ou si c'est inconcevable, et pourquoi - en quoi est supérieure, par exemple, telle façon de faire société, pour celui qui admet d'autres rapports au monde, d'autres subjectivités ? Celui qui donc s'en remet à la parole - et donc à la démocratie ? Mais pourquoi ? Foule de gens qui s'en sont remis aux paroles des autres ont opté pour la dictature, la tyrannie, l'aristocratie... ça ne semble pas suffire. Je ne vois pas où on va pouvoir cheminer à partir de là. Pourquoi ne pas avancer un peu de ton côté pour libérer le chemin ? Et comment sortir de cette difficulté, si la situation que tu décris, la Conscience de soi libérée du cogito, tu me dis aussi que c'est la situation naturelle des êtres humains, leur condition réelle, inée. Mais, alors, pourquoi tout le monde ne s'en remet pas à la démocratie ? Pourquoi les hommes se déchirent, et puis, pourquoi ils ne le feraient pas ? Ou bien, je me trompe quant au statut que tu donnes à cette Conscience de soi, et ce n'est pas quelque-chose qui va de soi, en fait. Si ça ne va pas de soi, pourquoi ? Et alors, d'où ça vient ? Comment ça vient, et pourquoi ça s'impose ? Certes, très souvent les êtres humains sont hic et nunc autant d'êtres au monde singulier qui s'accordent simplement en paroles les uns aux autres. Mais, bon. Je ne pense pas que tu veuilles dire non plus que Descartes aurait créé la conscience de soi, si ? Je pense que tu dis plutôt qu'il l'a proclamée (et enfermée, donc), il a mis le doigt sur quelque chose qui n'était pas clairement aperçu et est devenu évident ou semi-évident. Mais alors pourquoi n'était-ce pas aperçu ? En quoi la subjectivité "moderne", quand on dit que Descartes est l'inventeur de la subjectivité moderne, est-elle "moderne", qu'est-ce que ça veut dire ça, et est-ce à cause de Descartes ? Tout le monde n'est pas académicien. Par quelle magie l'enfermement du cogito chez Descartes aurait effacé ou dévoyé la vérité inverse, la vérité vraie ? Et alors, sur quoi compter pour qu'elle s'impose ? Si un Sartre ou un Heidegger n'ont pas su s'en sortir... Comment en sortir mon boulanger ?
  13. Loufiat

    Sur le Cogito

    Tu as raison, j'ai dépeint Descartes en mystique. Je l'imagine comme ça, passionné, violent, véritablement animé par quelque-chose, une "vocation" si l'on veut, et en tout cas plein de reliefs. Pas comme ce texte usé par trois mille générations de lecteurs (au bas mot). Mais maintenant que j'ai, sans succès, essayé de rendre du relief à Descartes, on peut essayer de comprendre le sens de ta critique, ce que tu essaie de me dire. Et forcément alors c'est ton rapport au monde qui est en question. Tu ne vas pas développer une critique du cogito parce que tu as un meilleur système à me proposer, ce qu'il se passe, ce que tu me montres, c'est que le cogito t'a fait violence, a mis en danger quelque-chose qui t'est vital, en quoi, disons, tu crois, ou même mieux, que tu es. Le cogito fait violence à ton rapport à l'être, à ce que tu es, à ce qui est. Je retranscris simplement ce que tu m'as dit, tu diras si c'est faux ou inapproprié ou bizarre. Et je me demande alors où on peut en venir, à partir de là, sauf à se mettre d'accord sur la violence que le cogito exerce sur nos vies. Je suppose que tu n'entreprends pas simplement de relire toute la philosophie continentale en décelant partout ses traces. Alors, tu dis qu'il y a autant de rapports au monde qu'il y a de subjectivité, de sujets. Que donc la discussion et la démocratie s'imposent, puisqu'on doit vivre ensemble. (Mais je ne vois pas en quoi on doit sortir du cogito pour en arriver là.) Et une question me vient. Je ne crois pas que ta réflexion sur le rapport au monde et sur la subjectivité soient restées inchangées après ta rencontre avec le cogito. C'est bien l'inverse que tu m'expliques : le cogito t'as fait violence, tu as réalisé un danger et par la suite ta réflexion a été infléchie. Tu es sans doute devenu attentif à des choses auxquelles tu n'étais pas attentif avant, tu as dû développer une longue expérience intérieure en même temps que ton enquête. Alors, enfin, as-tu réussi à te libérer du cogito ? Je veux dire, vois-tu se dessiner un autre horizon qui ne soit plus ou même plus tout-à-fait cogito-dépendant ?
  14. Loufiat

    Sur le Cogito

    Il ne suffit pas de le dire Et il ne suffit pas d'être tête brûlée, ou d'avoir enduré de nombreuses souffrances, que sais-je.. Tiens je joindrai peut-être un extrait de Kierkegaard, à l'occasion. Ou il nous rappelle le rôle de la chance dans ce genre de percée. Enfin, donc, tu n'admets pas ma lecture. Soit, c'est ainsi.
  15. Loufiat

    Sur le Cogito

    Nous traduisons cogito par pensée, et nous n'y pensons plus. Si tu fais lire le texte à un lycéen, il va de soi pour lui que penser ici, c'est penser au sens où il l'entend ; c'est une évidence. Parce ce qu'il ne s'est jamais dit qu'il y a penser et penser. Mais tout le texte nous montre que "penser" prend ici un sens actif au plus haut point. J'essaie de mettre le doigt sur une erreur courante de lecture, quand le latin met en exergue l'activité qu'il y a à penser. (C'est une racine du mot cogito : agitation.) Assez comme avec le terme "méditation" qui pour nous signifie maintenant une sorte d'arrêt de la pensée, quand il signifiait une activité de concentration intense sur un sujet donné. C'est ignorer toute la partie consacrée à Dieu (cf. la réponse à Zen ci-dessus). Sans Dieu, toute l'évidence du cogito s'effondre selon Descartes lui-même. Pas depuis le cogito, depuis bien avant. Cette expérience est archi connue depuis l'antiquité : la caverne, etc. Elle est connue, mais peu commune, et on n'en parle que par métaphores, de façon détournée et toujours impropre. C'est qu'il n'y a, entre l'avant et l'après, aucune commune mesure. Tu ne peux pas deviner le paysage où tu trouveras quand tu auras sauté, tu ne peux pas le déduire de là où tu te trouves (tu général). La raison n'y aide donc pas, elle peut seulement amener au bord du précipice. Il faut le saut, et après seulement, tu explores. Je pense que Descartes a sauté et qu'un nouveau paysage s'est présenté à lui, dont il a rendu compte tant bien que mal.
  16. Loufiat

    Sur le Cogito

    Le sujet n'est pas érigé en absolu ; il y a Dieu. Et par là l'entièreté du monde et la possibilité de connaître. Je crois pour ma part que nous ne comprenons pas l'expérience métaphysique que tente de relater Descartes. Il nous averti pourtant "Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j’y ai faites ; car elles sont si métaphysiques et si peu communes, qu’elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde : et toutefois, afin qu’on puisse juger si les fondements que j’ai pris sont assez fermes, je me trouve en quelque façon contraint d’en parler." Sauf à penser qu'un auteur écrit ce qu'il écrit sans y penser ? Dieu n'est pas non plus évoqué par accident, dans cette partie. Je ne reprends pas tout l'argument, mais quelques phrases me font tiquer, perso : "ayant remarqué qu’il n’y a rien du tout en ceci, je pense, donc je suis, qui m’assure que je dis la vérité, sinon que je vois très clairement que pour penser il faut être, je jugeai que je pouvois prendre pour règle générale que les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies, mais qu’il y a seulement quelque difficulté à bien remarquer quelles sont celles que nous concevons distinctement." Il y a "quelque difficulté" à "bien remarquer" quelles idées nous concevons clairement et distinctement.. "Ensuite de quoi, faisant réflexion sur ce que je doutois, et que par conséquent mon être n’étoit pas tout parfait, car je voyois clairement que c’étoit une plus grande perfection de connoître que de douter, je m’avisai de chercher d’où j’avois appris à penser à quelque chose de plus parfait que je n’étois ; et je connus évidemment que ce devoit être de quelque nature qui fût en effet plus parfaite." Autrement dit, Dieu. "Mais ce qui fait qu’il y en a plusieurs qui se persuadent qu’il y a de la difficulté à le connoître [Dieu], et même aussi à connoître ce que c’est que leur âme, c’est qu’ils n’élèvent jamais leur esprit au delà des choses sensibles, et qu’ils sont tellement accoutumés à ne rien considérer qu’en l’imaginant, qui est une façon de penser particulière pour les choses matérielles, que tout ce qui n’est pas imaginable leur semble n’être pas intelligible." Descartes fait face à un intelligible, inimaginable, qui est le pendant de la réalisation de son existence comme pensée ou esprit. Spinoza fera la même remarque, que les sens et l'imagination ne nous sont d'aucune aide pour parvenir à Dieu comme intelligible, et que la plupart des erreurs à son sujet viennent de ce que l'imagination et les sens interviennent. Descartes peut douter des vérités des géomètres, mais pas de l'existence de Dieu : "mais je ne voyois rien pour cela qui m’assurât qu’il y eût au monde aucun triangle : au lieu que, revenant à examiner l’idée que j’avois d’un être parfait, je trouvois que l’existence y étoit comprise en même façon qu’il est compris en celle d’un triangle que ses trois angles sont égaux à deux droits, ou en celle d’une sphère que toutes ses parties sont également distantes de son centre, ou même encore plus évidemment (?) ; et que par conséquent il est pour le moins aussi certain que Dieu, qui est cet être si parfait, est ou existe, qu’aucune démonstration de géométrie le sauroit être". Et tout repose sur cette évidence. "Et que les meilleurs esprits y étudient tant qu’il leur plaira, je ne crois pas qu’ils puissent donner aucune raison qui soit suffisante pour ôter ce doute, s’ils ne présupposent l’existence de Dieu. Car, premièrement, cela même que j’ai tantôt pris pour une règle, à savoir que les choses que nous concevons très clairement et très distinctement sont toutes vraies, n’est assuré qu’à cause que Dieu est ou existe, et qu’il est un être parfait, et que tout ce qui est en nous vient de lui : d’où il suit que nos idées ou notions, étant des choses réelles et qui viennent de Dieu, en tout ce en quoi elles sont claires et distinctes, ne peuvent en cela être que vraies." Nous avons quand même ici un complexe assez singulier... J'ignore comment le traiter au fond. Faut-il croire en une duplicité de Descartes ? Faut-il penser qu'il est idiot, ou qu'il s'est simplement fourvoyé, emporté ? Faut-il, pour critiquer le cogito et la nature spirituelle supposée par Descartes, incriminer la croyance en dieu, qui serait la première erreur dont le reste découle ? Pour moi, j'ai donné ma compréhension intime du texte, mais c'est sans certitude véritable au-delà de l'intime conviction. Descartes a vécu quelque-chose dont il n'est pas le seul à nous parler, mais dont il est incapable de parler en fait, parce que ça ne se dit pas ; ça s'éprouve, ça se vit, c' "est". Et c'est d'une autre façon, au-delà de l'imagination et des modalités courantes du penser.
  17. Loufiat

    Sur le Cogito

    J'irai plus loin encore, concernant le "sum" dans "ergo sum", en prenant quelques libertés, car je crois qu'on ne saisit bien l'expérience, dans ce qu'elle a de radical, que de ce point de vue. D'une certaine façon Descartes nous dit qu'il vient de naître, à ce moment-là, au cœur du doute. Sum ne me semble pas à prendre au sens de "je suis" ou "j'existe" comme quelque-chose qui était, qui pré-existait à l'expérience elle-même, au cogito, et qui continue d'être, indifféremment, après sa réalisation. Car jusque-là, j'étais sans être. Il y a vraiment, je crois, un saut, un renversement, un bouleversement et une réorientation radicale à partir du cogito. C'est un évènement de l'ordre de la nuit au jour, du sommeil à l'éveil, bref de la naissance. Et Descartes n'est ni le premier ni le seul à nous parler de cet évènement, de cet "accouchement", et c'est pourquoi je m'autorise cette interprétation. Le contexte, les conclusions, l'extérieur, le cheminement appartiennent à leur temps et sont fondateurs pour la modernité. Mais l'expérience en elle-même, "existentielle" que fait Descartes est connue depuis très longtemps. Et je trouve remarquable son utilisation du "malin génie" qui m'évoque Socrate et son démon, dont il disait qu'il lui soufflait en quoi ne pas croire et ce qu'il ne devait pas faire. Et quitte à risquer de tout mélanger, comment ne pas voir le trait qui s'établit entre le cogito, le connais-toi toi-même et les philosophies asiatiques, indiennes en particulier, qui ne cessent de préconiser un travail d'ascèse, de retournement du sujet sur lui-même, sur l'être - auquel on parvient par une foule de chemins, notamment celui du "ni, ni" : la négation des pensées qui se présentent à soi. D'autre part, on oublie presque toujours que tout de suite après, chez Descartes, il s'agit de Dieu. Or certes Descartes doit composer avec les autorités religieuses, comme Spinoza et toute production littéraire de l'époque. Mais on a quand même cet éclair qui tient tout ensemble : "je pense, je suis, Dieu est". Or Dieu est encore à un degré autre. Nous sommes dans la configuration du démon qui joue le rôle d'intermédiaire entre le divin et le terrestre ; le démon transmet, médiatise, par la parole, de l'un à l'autre, sans qu'ils puissent se toucher, sans qu'ils se confondent. Bref il y a l'être, l'Être, si on veut, qui accompagne le cogito et qui en est le fond inépuisable, l'espèce d'Océan dans lequel "je suis" advient. Descartes entre dans une nouvelle dimension au terme de son effort d'ascèse, de son "expérience de pensée". Mais il y a une rupture, un évènement. Et c'est la même rupture à laquelle Socrate tente d'amener ses interlocuteurs en les faisant accoucher. Accoucher de quoi ? D'eux-mêmes. Pour qu'ils deviennent ce qu'ils sont et qui attend, en quelque sorte, qu'ils percent le fond, qu'ils sortent de la caverne, etc., les métaphores sont innombrables et visent toujours cette trouée, percée, avènement, etc.
  18. Loufiat

    Sur le Cogito

    Salut ! Juste quelques réflexions dans le thème, qu'il n'y a pas vraiment lieu d'opposer aux tiennes ; quant à tes remarques sur le devenir du Cogito à travers l'Europe, je n'ai rien de particulier à dire, je les conserve à l'esprit comme indications intéressantes, à fouiller et auxquelles répondre éventuellement. Mais quand on évoque un auteur, j'ai toujours des scrupules, je tente de ressaisir ce qui est dit en substance - forcément avec mes mots et mon approche. Le terme "cogito" n'a pas tout-à-fait les mêmes connotations que le terme "penser". Ce qui s'en approche le plus chez nous c'est encore le terme "cogiter", lequel, quoi qu'ironiquement, a conservé l'idée d'un travail, de labeur, d'activité et d'intensité dont le terme "penser" est a priori dénué. "Penser" en français implique quasiment une absence. "A quoi tu penses", ça se demande quand l'autre nous est absent ; absent, c'est qu'il pense ou qu'il rêve éveillé, bade, etc. "A quoi tu cogites", ça se demande quand l'autre est agité, "intranquille", manifestement aux prises avec un problème, remuant et remué. Et c'est exactement la situation de Descartes, que l'on doit bien croire sur parole ; Descartes cogite, s'active intérieurement, "médite" au sens le plus actif qui soit ; et en quel sens ? Quel en est le contenu, à quel travail intérieur se livre-t-il ? à douter de tout. Et ça, on le répète, mais on oublie d'y insister vraiment alors que c'est fondamental pour comprendre ce qu'il se passe. Descartes se plonge dans le doute comme on plonge dans un bain - il prend tous les objets qui se présentent à sa réflexion pour les jeter au feu, un à un, et voir s'ils endurent ce doute. Les objets des sens ? Au feu. Les idées morales ? Au feu. Les opinions rapportées ? Au feu. Et tout ça s'embrase comme du petit bois. Mais ce qu'il jette au feu, ce sont précisément les "pensées" au sens courant, admis, le plus banal, dans le sens où nous disons "je pense que...". Tous les jugements que nous pouvons énoncer, et tout ce que nous jugeons être des pensées ; tout ce qui se reflète dans le miroir de l'esprit et des sens, toutes ces formes qui s'agitent sous nos yeux et que nous appelons "pensée". "L'herbe est verte" : au feu. "Je suis" : au feu. Le sens du Cogito ne peut pas être "je pense" comme nous le traduisons et l'entendons sans y penser, justement. Puisque l'objet de ce cogito, c'est la négation de ces pensées, disons, de cette modalité du penser ; c'est sa consommation dans le doute. C'est tout cela ensemble que Descartes enveloppe et tient dans le "je pense, je suis" : "Cogito ergo sum". Ce qui résiste au feu, c'est le feu lui-même ; c'est ce brasier intérieur dans lequel la pensée se consume, c'est cette activité de mise en abîme, de renversement, d'inversion de la pensée. Et à cet égard on se fout totalement de définir ou non le "je" car on pourrait aussi bien écrire "ça pense" ou "René pense, René existe" que ça n'y changerait rien. C'est le cogito qui compte, que Descartes expose et qu'il faut suivre à la trace pour y comprendre quelque-chose. Alors, quand on dit que Descartes nous propose une "expérience de pensée", on voit qu'on est encore très loin du compte, que c'est très insuffisant pour indiquer de quoi il s'agit. C'est bien plus intense, profond, radical que ça. Il faut s'imaginer Descartes suant, agité en tous sens, épuisé, à bout de force moralement, impliqué "corps et âme", dans sa chair. Jusqu'à l'éclair. Jusqu'à la trouée, jusqu'à la percée qui intervient finalement, et qu'on ne peut pas décomposer mot à mot, car c'est l'expérience entière qui est comprise. Je ne peux pas souscrire à attribuer à Descartes les mécompréhensions dont son texte a fait l'objet ici ou là. Il a fait plus que sa part. Et à mon avis il rejoint en fait une antique tradition, celle du doute. Mais tout ceci est galvaudé au possible maintenant. On ne saisit plus, ou si rarement, ni l'enjeu ni la profondeur de ce qu'il se passe. Parce qu'à ma connaissance, penser en philosophie, c'est ça, précisément, c'est cet enfoncement de la pensée, c'est cette négation de la modalité courante du penser, qui ouvre sur un tout nouvel espace, mental aussi bien qu'existentiel. C'est le "saut" kierkegaardien. On se tient sur une falaise, un certain paysage autour de nous, et on oscille là, incapables de rester sur place, mais incapables de sauter parce qu'on ignore ce qu'il y aura en dessous ; mais quant ce saut est fait, s'il arrive, un nouveau paysage s'ouvre à nous, qu'on ne pouvait pas deviner ni déduire de là où nous étions. C'est ça "penser" au sens des philosophes. C'est ça "penser" dans le cogito.
  19. Loufiat

    Sur le Cogito

    Mais je n'idealise en rien Descartes. Je me marre simplement quand j'entends geindre aujourd'hui à propos de l'animal machine, alors qu à l'époque de Descartes n'importe qui vit au plus à 200 mètres des champs et des élevages.. nous en sommes aux neurosciences, au cas où ça vous aurait échappé... tu ne vois pas le rapport ? Et Aurelien pense-t-il que Descartes n'a jamais vu un chat ? Ou bien qu'il manque de sens de l'observation ?... Quand même si on frise pas le ridicule... mais ça m'amuse moyen cette façon de traiter les œuvres. Ça me lasse au fond, voire ça m'énerve. Pour rien en plus, je ne suis pas un fan de Descartes particulièrement. Mais encore faut il reprendre ce qu'il appelle intelligence, âme, etc. Il faut d'abord prendre l'œuvre en elle-même. Ou bien on s'expose à toutes les confusions. Tous les contre sens. Mieux vaut encore se taire.
  20. Loufiat

    Sur le Cogito

    Je ris. On enfile tous les poncifs sur Descartes. L'animal machine, quelle horreur !... et il ne vous apparaît pas une seconde que nous en sommes à l'homme comme machine... bref... tout ça manque de probité... de sérieux... d'étude attentive... réellement attentive.
  21. Loufiat

    Sur le Cogito

    @Neopilinasaurais tu produire la lettre où Descartes dit avoir été trop loin ? Je réitère, Descartes ne pretend jamais fonder l'existence sur la pensée... Ce n'est simplement pas son objet. Il cherche un point stable à partir duquel construire méthodiquement. Dans le même ouvrage il nous parle de médecine et reconnaît sans ambiguïté la préséance du corps sur la pensée....
  22. Loufiat

    Sur le Cogito

    Mais... Descartes se fout de tout ça, ce n'est pas du tout son propos. Il faut revenir au texte. Le "cogito" nest qu'un moment d'un raisonnement, dans une progression. Il n'y a pas à le prendre comme début et fin. Ce n'est pas le slogan d'une marque de lessive. Je préfère quand tu t'en tiens à tes domaines..
  23. Loufiat

    Sur le Cogito

    Ce n'est pas dans la cadre de l'école de Francfort, c'était un autre sujet.
  24. Loufiat

    Sur le Cogito

    Ok. J'ai du mal avec ça. Qu'il y ait un avant et un après Descartes, sans aucun doute. On a du mal aujourd'hui à se représenter l'évènement que représente Descartes. On le discute partout. Il fixe un horizon pour trois siècles. (Pas souvenir que Nietzsche aborde le sujet explicitement, d'ailleurs ? parce que dans le genre créateur de nouvelles valeurs, Descartes se pose-là.) Mais je ne vois pas en quoi le cogito enferme le sujet. Peut-on reprendre le texte et que tu me montres par le menu comment ça se passe ? J'ai vraiment du mal à saisir ton point, le centre. Je veux bien essayer mais il faut partir du principe que je suis débile. Okay tu as une acception très large du positivisme, d'où sans doute un malentendu. Je me permets d'émettre un doute sur ce point. Je ne crois pas qu'il faille prendre les mots de Socrate à la légère, "ne pas savoir" comme premier savoir. Ce n'est pas une posture. Le philosophe est en proie à quelque-chose, et ce quelque-chose est de l'ordre à la fois d'un manque et d'un appel. Mais certes il en fait quelque-chose. Il y a une "production". Mais quel est l'objet de cette production véritablement ? Chez un Socrate, pour ce que Platon nous en dit, cette production c'est une mise en abîme. Pas d'écriture : Socrate se balade et discute avec tout un chacun. Quand les circonstances s'y prêtent, il met ses interlocuteurs face à leurs contradictions en les interrogeant, jusqu'à ce que, éventuellement, ils les résolvent et élèvent leur compréhension (se rappellent de ce qu'ils savaient déjà). Mais jusqu'à, généralement, atteindre des questions qui restent sans réponses - auxquelles on peut proposer des réponses, mais en sachant qu'elles sont un parti pris et qui rien ne vient les conforter véritablement. Autrement dit des questions qu'on a la force ou pas de maintenir ouvertes. L'effet de la dialectique socratique est de l'ordre de l'hypnose, la victime est véritablement saisie d'un état de stupeur, c'est un effondrement. Où est le positivisme là-dedans ? Et même Platon, qui va platoniser Socrate, répète à satiété que les réponses ou "solutions" auxquelles il parvient peuvent être entièrement illusoires (réminiscence, immortalité de l'âme, etc. ne sont pas fondées en raison ! Ce qui est certain même chez Platon, ce sont les apories fondamentales auxquelles on retourne incessamment). Il n'y a aucune honte à ne l'avoir pas (encore) lu. Je ne suis pas un philosophe professionnel, ce n'est pas non plus ma formation. Mais pas de philosophie d'ermite chez lui. Le moins qu'on puisse dire c'est que c'est vivant et bariolé. Peut-être as-tu une appréhension à cause du fait qu'il était chrétien ? Je te conseille de le lire, vraiment on n'en finit jamais de parler avec Kierkegaard, c'est une amitié pour la vie (ou pas, évidemment, quand on y entre pas). Ca précise le centre de ton propos. En quoi Descartes découvre-t-il la conscience de soi ? Il procède par déduction. Tout est explicite. Il cherche un fondement indubitable. Où est le problème ? Descartes ne dit jamais que c'est la conscience qui pose le monde ou que la conscience est le fait premier, antécédent. C'est un point de départ pour et dans une construction intellectuelle qui tente d'être aussi rigoureuse que possible. Descartes ne dit rien qui soit de l'ordre d'un existentialisme, type "existence avant essence". Ce problème arrive plus tard, il surgit dans des sociétés qui mutent d'ailleurs très rapidement, et de plus en plus rapidement jusqu'à l'espèce de lévitation du changement perpétuel que nous connaissons aujourd'hui. C'est-à-dire ? Je ne vois pas à quel programme ça engage. Ne vas-tu pas être obligé de poser une ligne à la parole ? Pour le dire autrement, tout ce qui t'incline à voir un sujet dans un être vivant ou autre d'ailleurs, c'est ce qui dans son comportement approche d'une parole.
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