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satinvelours

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Tout ce qui a été posté par satinvelours

  1. Il y a un lien très évident entre Levinas et Kierkegaard. On voit comment l'éthique n'est pas un vain mot, une catégorie abstraite, pas seulement un concept philosophique, c'est quelque chose qui doit non seulement s'enraciner dans l'existence, mais se confondre avec l'existence au point de devenir visible. Ce qui est important chez Levinas c'est de montrer que l'éthique de notre rapport à l'autre doit être visible, et incarnée dans le visage. Le visage c'est l'éthique incarnée, c'est-à-dire l'éthique faite chair. Le visage a une dimension d'emblée éthique puisque par sa nudité, par le fait que ce visage est totalement exposé, la nudité est radicale. Dans l'agression c'est le corps tout entier qui sert à protéger le visage. Par sa nudité absolue le visage me confronte à la violence. Cette vulnérabilité m'invite au meurtre. La violence est souvent induite par le sentiment plus ou moins obscur que notre victime est fragile. La vulnérabilité nous invite à la violence et en même temps elle est ce qui nous prescrit le « tu ne tueras point ». C'est pour cela que Levinas en conclut que le visage est à lui tout seul signification éthique et qu'il refuse absolument toute forme de relativisme. Le visage « est sans contexte ». Je n’ai le droit de remettre un individu, un visage, de le référer à un contexte. C’est l’absolu kierkegaardien.
  2. Il n'est pas question de diluer la subjectivité dans l'universalité, mais il est question d'arracher l'individu à ses limites et les lui faire dépasser. Or l'individu ne va pouvoir dépasser les limites propres de sa subjectivité qu'en contractant d'un point de vue moral, avec la communauté dans laquelle il vit, en faisant sien un ensemble complexe de droits et de devoirs. En acceptant la morale objective (Hegel), en acceptant de se soumettre à ses règles collectives, le sujet ne se perd pas lui-même et accède à un niveau non pas d'universalité mais de généralité qui l’amène à se dépasser lui-même. Pour Kierkegaard, dans l'éthique, l'individu réalise son humanité générique. Il ne fait pas que se réaliser lui-même subjectivement mais il réalise l'Homme, il réalise une part de l'humain. Le stade éthique nous commande d'universaliser notre existence sans toutefois rien perdre de notre singularité. L'éthique se propose donc comme l'objectivation de nos rapports à autrui. L'éthique aussi chez Kierkegaard se propose comme l'objectivation de nos rapports à autrui. Les rapports à d'autres doivent d'abord se penser sur le mode du devoir. L'objectivation est de ne pas se laisser porter à vivre ce que l'on vit avec l'autre, mais poser l'autre comme quelque chose qui me renvoie en permanence un devoir, une nécessité à accomplir par rapport à lui. Donc, éthique comme objectivation de nos rapports à autrui, et de la même façon puisque c'en est le corrélat, l'éthique apparaît désormais comme ce qui est d'abord visible de ce rapport à l'autre. La construction d'une éthique c'est ce qui me permet d'objectiver, et en objectivant, d'extérioriser, de rendre visible. L'éthique est cette construction d'une visibilité de mes rapports à l'autre. Cela est très présent chez Kierkegaard et cela le sera autant chez un autre penseur qu'est Emannuel Levinas. Tant qu'une chose n'est pas rendue visible nous pouvons toujours faire en sorte qu'elle n'existe pas. Dans tous les domaines. Cette visibilité du rapport à l'autre on la retrouve magnifiquement exprimée et manifestée chez Levinas, particulièrement dans ce texte très difficile intitulé « Éthique et infini » de 1982 où Levinas va défendre une de ses grandes thèses : l'éthique est la marque de l'exigence de l'infini, en l'homme et chez l'homme. S’élever à la dimension éthique c'est s’élever à l'absolu et d'une certaine façon à l'infini. Cette visibilité est tellement présente chez Levinas qu’on la retrouve dans le visage. Texte absolument magnifique sur le visage humain. C'est l'éthique parachevée aussi bien chez un penseur comme Kierkegaard que chez Levinas.
  3. C’est une erreur de parler ainsi de Maroudiji. Ce que vous appelez « faits et concepts » en les faisant passer pour objectifs sont déjà, pour lui, des produits subjectifs d’une certaine civilisation, la nôtre, en quoi il a raison. Il pense autrement. Pour comprendre sa pensée, il faut s’intéresser à ses sources culturelles, qui ne sont pas les nôtres. Je ne perçois pas ce que Maroudiji veut nous dire. Mais j’ai l’intuition que ce qu’il a à nous dire est important. Comme il ne pense pas comme nous pensons nous exigeons sans cesse de lui que, d’abord, il s’exprime comme nous nous exprimons, en se soumettant à nos règles dites « rationnelles » de pensée, pour l’écouter. Pourquoi se soumettrait-il ?
  4. Lettre 49-3 22 janvier 2019 Samuel, Comme à l’époque hellénique le judaïsme connut auprès de l’islam une révolution culturelle. La nouvelle culture judéo-arabe se distingua : - d’abord par sa langue, l’arabe littéraire, écrit avec des caractères hébraïques ; cette langue fut adoptée avec enthousiasme par les lettrés juifs. - ensuite par l’évolution de l’activité économique des Judéens qui passèrent de l’agriculture à l’activité commerciale et artisanale (voir lettre 48). L’administration de la vie communautaire juive à l’intérieur du califat abbasside continua d’être organisée en Babylonie (et non en Palestine) en continuité avec l’ancienne administration sassanide (voir lettre 45) et ce d’autant plus que la capitale du nouvel empire fut Bagdad, située en Babylonie. Cette administration continua d’être tenue par l’Exilarque (mot qui signifie : chef de l’Exil), ou Reish Galuta représentant l’autorité temporelle (pouvoir sur les corps et les biens) et le geon représentant l’autorité spirituelle et religieuse (voir lettre 45). L’Exilarque devint une sorte de calife juif traité avec déférence et attention par le calife abbasside. Les geonim (pluriel de geon) à la tête des Yechivot (maisons d’études qui disent le droit religieux) restèrent en contact avec l’ensemble des communautés juives de la diaspora par l’intermédiaire de leurs réseaux d’émissaires qui arpentaient le monde, porteurs de questions et de réponses touchant aux aspects essentiels de la vie juive. Les Yechivot babyloniennes organisaient deux fois l’an, à la veille des fêtes de Pessah et de Souccoth des réunions publiques au cours desquelles étaient débattues les questions religieuses parvenues des quatre coins du monde. A l’issue des délibérations les geonim rédigeaient et signaient solennellement leurs réponses qui avaient aussitôt force de loi dans les communautés de la diaspora y compris celles situées à l’extérieur de l’aire impériale islamique, dont les communautés installées en Europe. C’est ainsi que fut préservée l’identité des juifs malgré leur dispersion. Cette communication incessante entre le centre juif babylonien et la diaspora fut portée par le formidable développement du commerce international initié par l’Empire abbasside. Au lieu de continuer une politique de conquête territoriale ainsi que le firent les Omeyyades, les Abbassides se lancèrent dans le commerce. Cette activité renouait avec le génie propre des bédouins arabes dont les caravanes en Arabie assuraient les échanges entre la Méditerranée et l’Orient via les ports du Yémen (sud de l’Arabie). C’est l’intensité de ce commerce qui engendra le développement économique de l’Empire suivi par son développement culturel. L’échange de marchandises induisit la production de biens propres à être échangés, production qui induisit à son tour le développement de l’activité artisanale et manufacturière. Si les Arabes ont toujours été des maîtres dans l’art du commerce ils ont été vite rejoints dans l’exercice de cet art par les Judéens partis de leurs terres pour rejoindre les centres urbains. En Europe les Carolingiens, impressionnés par l’essor abbasside, comprirent qu’ils devaient devenir eux aussi des acteurs de cette activité commerciale mondiale s’ils voulaient développer l’économie et la puissance de leur Empire naissant. Mais sur qui s’appuyer pour intégrer ce nouveau monde ? Sur les musulmans eux-mêmes ? Les Carolingiens se méfiaient de la puissance montante des musulmans. Alors ils pensèrent aux Juifs lesquels ne présentaient aucun danger du fait de leur trop faible nombre. Rompant avec l’antijudaïsme de leurs prédécesseurs, les Mérovingiens, (chrétiens), qui avaient persécuté les Juifs (le roi Dagobert fut un des plus ardents persécuteurs) les Carolingiens décidèrent de protéger les quelques rares communautés juives résidant encore dans quelques villes du pays franc ainsi qu’en Lombardie (Nord de l’Italie) et d’aider de nouvelles communautés à s’installer en Europe afin de prendre en main les rênes du commerce international. C’est ainsi qu’à l’initiative des rois carolingiens Pépin le Bref et de son fils Charlemagne des Juifs s’installèrent en Rhénanie (province située aujourd’hui en Allemagne, traversée par le Rhin). Deux des premières familles à s’y établir furent celles des célèbres rabbins Kalonymos de Lucques (en Italie) et Aboun l’Ancien du Mans (en pays franc). Bientôt rejoints par d’autres Juifs influents ces familles et leurs descendants devinrent l’élite dirigeante des trois grandes cités rhénanes : Mayence, Worms et Spire. Ce sont eux qui fondèrent ce que nous appelons aujourd’hui le judaïsme ashkenaze. Laissons parler le géographe perse du IX ème siècle Ibn Khurradadhbed qui parle ainsi des Radhanites, nom donné à l’époque aux juifs commerçants : « Ces marchands parlent arabe, persan, grec, franc, espagnol et slavon. Ils voyagent d'ouest en est et d'est en ouest, partiellement sur terre, partiellement sur mer, ils transportent depuis l'Occident des eunuques, des femmes réduites en esclavage, des garçons, des soieries, des castors, des martres et d'autres fourrures et des épées. Ils prennent le bateau en Firanja (soit la France) sur la mer occidentale (la Méditerranée) et vont jusqu'à Farama (Pelusium en Basse-Egypte, port qui donne sur la Méditerranée). Là-bas, ils chargent leurs biens à dos de chameau et vont par terre jusqu'à al-Kolzum (Suez, port d’Égypte qui donne sur la mer Rouge). Ils embarquent sur la mer Rouge et naviguent d'al-Kolzum à al-Jar (port de Médine en Arabie) ou Djeddah (port en Arabie) ensuite ils vont à Sind, en Inde, et en Chine. Sur le chemin du retour de Chine, ils emportent du musc, de l'aloès, du camphre, de la cannelle et d'autres produits des pays orientaux vers al-Kolzum et les ramènent à Farama, où ils embarquent sur la mer Occidentale. Certains naviguent vers Constantinople pour vendre leurs produits aux Grecs [On appelle alors Grecs les habitants de l’Empire romain d’Orient en raison de la langue parlée dans cet empire : le grec, langue empruntée à la Grèce, pays de l’Empire, langue aussi qui était parlée à Byzance avant que Constantin la rebaptise : Constantinople]. D’'autres vont au palais du roi des Francs pour y vendre leurs biens. Parfois ces marchands juifs, quand ils embarquent depuis le pays des Francs, sur la mer Occidentale, se dirigent vers Antioche (port de l’actuelle Turquie). De là par terre jusqu'à al-Jabia (al-Hanaya, au bord de l'Euphrate). Là-bas, ils embarquent sur l'Euphrate et atteignent Bagdad d'où ils descendent le Tigre vers al-Obolla. À partir d'al-Obolla, ils naviguent vers Oman, Sind, Hind et la Chine… Ces différents voyages peuvent aussi être faits par voie de terre. Les marchands qui partent d'Espagne ou de France vont à Sus al-Aksa (au Maroc) et ensuite à Tanger, d'où ils marchent vers Kairouan (ville du Tunisie) et la capitale d'Egypte (Alexandrie). De là, ils vont à ar-Ramla, visitent Damas, al-Kufa, Bagdad et al’Basra (Bassorah actuel), traversent Ahvaz, le Fars, Kerman (ces trois dernières ville se situant en Iran actuel), Sind (ville du Pakistan actuel), Hind, et arrivent en Chine. Parfois, aussi, ils prennent la route depuis Rome et, traversant le pays des Slaves, arrivent à Khamlidj, la capitale des Khazars (l’empire Khazar était situé entre la mer Noire et la mer Caspienne, mers qui bordent le sud de la Russie actuelle). Ils embarquent sur la mer Jorjan (mer Caspienne), arrivent à Balkhj (en Afghanistan), traversent l'Oxus, et continuent leur voyage vers Yurt, Toghuzghuz, le pays des Ouïghours (vivant en Asie centrale et en Chine) et de là vers la Chine". Nous voyons donc combien les civilisations omeyyade puis abbasside ont transformé la vie des Judéens, ceux-ci quittant les terres et devenant des citadins versés dans des activités essentielles comme le commerce, l’artisanat mais aussi l’étude et la pratique des sciences et des arts. Ils se spécialisèrent aussi dans les activités bancaires devenant des acteurs essentiels de l’économie de l’Empire. Concernant le développement des sciences il y eut un formidable essor dans l’Empire des califes entre 750 et 1100. Tous les savants alors sont persans, arabes, turcophones d’Asie centrale, juifs ou chrétiens. S’ils parlent chez eux leur langue maternelle tous écrivent en arabe. C’est pourquoi on utilise l’expression « civilisation arabe » de préférence à « civilisation musulmane ». Ces savants furent d’abord des intermédiaires qui transmirent la science des Grecs, des Persans, des Indiens. Puis pendant l’âge d’or entre le huitième siècle et le douzième siècle ils innovèrent dans tous les domaines du savoir : astronomie, mathématiques, physique, médecine botanique, géographie, philosophie, histoire… Je pense à toi, toi dont le maître de danse a dit avec justesse que tu as l’âme slave. Je t’embrasse, Je t’aime,
  5. On remarquera une filiation avec la morale kantienne qui est une morale du devoir. (Je n’y reviens pas, voir le fil « concept et idée). Dans le stade éthique tel que Kierkegaard nous le décrit se trouvent des éléments empruntés à la philosophie du droit de Hegel particulièrement dans la moralité du droit ce que Hegel appelle la morale dite objective. Qu'est-ce que Hegel appelle la morale objective ? C'est l'ensemble des règles et des principes promus, à un moment donné de l'histoire, dans la société civile bourgeoise. Cette société civile bourgeoise voyait dans ses règles et dans ses principes, qui constituent cette morale objective, l'instrument de son maintien au pouvoir, de sa pérennité. Hegel voit la marque de l'universel. Il est prisonnier de ce que Marx appelle l'idéologie, c'est-à-dire la bourgeoisie porteuse d'universalité, et pour Hegel tous les principes moraux qu'elle essaye de faire triompher ce ne sont pas les revendications qui portent l'empreinte d'une particularité de classe comme pour Marx, mais c'est la voix de l'universel qui parle. Il ne voit pas que la classe bourgeoise est une classe. Il voit dans la bourgeoisie une espèce de phalange qui représente l'humanité toute entière et qui est porteuse des désirs et des ambitions et l'expression du progrès de cette humanité. Pourquoi cette morale est appelée objective par Hegel ? Parce que ses règles et ses principes qui sont imposés de l'extérieur aux individus (la morale nous est toujours imposée), semblent être neutres. Sartre montrera de son côté que cette neutralité est le résultat d'une lecture idéologique des choses et non pas la réalité. Mais pour Hegel comme pour Kierkegaard le but bien réel de cette morale c'est d'assurer la conformité sociale. Au moyen de cette morale objective chacun d'entre nous, c'est-à-dire l'individu, va s'expliquer, se comporter de façon à être en conformité avec les exigences de la société. Il y a dans l'éthique de Kierkegaard une idée qui correspond à cette morale objective. Il est question bien sûr d'obéir à un ensemble de principes et de règles qui s'imposent de l'extérieur à l'individu, néanmoins Kierkegaard rompt par rapport à la pensée hégélienne, puisque là où Hegel demande à l'individu de se fondre dans la société porteuse d'universalité, Kierkegaard impose à l'éthicien un seul projet, un seul but, celui de devenir lui-même. Le seul impératif qui s'impose à l'éthicien, c'est celui de devenir soi-même. Il n'est donc pas question de voir la subjectivité absorbée par l'universalité comme c'était le cas dans la morale hégélienne, mais en même temps ce que Kierkegaard conserve de Hegel c'est l'idée que dans le stade éthique le sujet doit absolument dépasser les limites de sa propre subjectivité. Car s’il reste enfermé dans les limites propres à sa subjectivité il retournera dans le stade esthétique, c'est-à-dire qu'il ne suivra que ses impulsions premières, que ses désirs, que les caprices que lui imposeront ses désirs sans autre considération. On retombera dans la sphère étroite, étriquée de l'esthétique.
  6. Sur le plan conceptuel la notion même de morale, de loi morale nous enferme dans l'idéalisme. Nous avons une pure idée, une idée pure au sens kantien du terme qui est non applicable dans sa totalité. Kant lui-même le disait jamais aucun être humain ne peut se prévaloir, ni le saint canonisé, d'avoir été un être absolument, radicalement moral. A quoi sert cette idée si on ne peut la réaliser ? Elle sert justement parce que nous ne pouvons pas la réaliser. Un idéal n'est pas forcément une utopie. C'est une idée régulatrice, c'est-à-dire que c'est effectivement une idée que l'on pose qui va fonctionner comme ce que l'on appelle vulgairement idéal, mais c'est à poser cet idéal que, d'une façon rétroactive, nous pouvons concrètement parlant, péniblement, avec beaucoup d'efforts essayer de nous comporter un peu comme un être moral. Ce que l'on appelle d'une façon générale esthétisme est un ensemble de pensée qui concerne l'esthétique, c'est-à-dire la réflexion sur le beau et qui va s'organiser autour du beau comme étant la valeur première, absolue. Kierkegaard est vraiment une exception. Il s'empare de ce terme et lui donne un contenu tout à fait original. Il y a quand même un élément qui peut justifier le choix de cette appellation chez Kierkegaard, c'est l'élément de la forme, car le beau est formel. Le beau est une forme. L'esthète est celui qui ne s'adonne pas comme une bête brute à ses plaisirs, c'est quelqu'un qui à la fois se laisse conduire par ses plaisirs mais en même temps essaye de leur donner une forme : – Le journal du séducteur –. Il ne se contente pas de séduire la jeune fille avec des armes traditionnelles, il les met en forme. La jouissance est également esthétique, c'est-à-dire il joue également de la belle forme que prend son attitude. C'est en prélevant cet élément de la recherche de la belle forme que l'on peut comprendre le choix chez Kierkegaard de cette appellation esthétique. C'est une exception. « Le saut dans l'éthique nait du choix du désespoir, c'est-à-dire du choix de soi dans sa valeur éternelle-autrement dit du choix de vouloir vraiment être soi-même ». Dans cette citation de Kierkegaard il y a bien cette intégration du temps et cette mise en perspective du point de vue de l'éternité. Nous devons nous choisir comme si nous étions immortels ou éternels, comme si nous devions toujours durer et ainsi nous permettre de faire le bon choix, autrement dit du choix de vouloir vraiment être soi-même. Être soi-même vraiment du point de vue du vrai c'est-à-dire parvenir à la vérité de soi. Comment être assuré de ne pas nous rater, de ne pas aliéner ce moi naguère malmené par les caprices infinis, multiformes de notre désir ? On ne peut être assuré de devenir soi-même qu'en se pliant à l'ensemble des règles et des principes qui constitue ce que philosophiquement nous appelons le devoir. Seule l'obéissance au devoir nous assure fidélité à nous-mêmes. A la figure du séducteur correspond maintenant dans la sphère de l'éthique celle de l'époux. Donc une glorification du mariage très étonnante chez Kierkegaard. Le mariage est présenté comme ce qui nous contraint par l'engagement de fidélité à l'autre à une fidélité à nous-mêmes. Au travers du mariage et de cet engagement à la fidélité je me reconnais dans l'amour que je porte à l'autre. C'est l'amour que je porte à une autre personne qui, en retour, va m'engager par rapport à moi-même. A la figure du séducteur correspond maintenant la figure de l'époux.
  7. satinvelours

    Le racisme en 2019

    Le racisme c’est partir de ce postulat : nous sommes déterminés par des facteurs (physiques) qui s’imposent à nous. Le racisme c’est nier la liberté et la responsabilité qui en découle. Le racisme c’est la lâcheté du médiocre. Celui qui, incapable d’affirmer sa volonté de puissance, va en chercher les fondements dans une volonté autre que la sienne : la nature. Bref le raciste est un produit de cette idéologie de la culpabilité : le christianisme, idéologie qui continue de faire ses ravages même parmi les athées d’origine chrétienne. Les Grecs n’avaient pas besoin de se réfugier dans l’ADN pour s’affirmer supérieurs, ah ah ah !!! Ils avaient le courage et le culot de leurs affirmations.
  8. Je donne mon temps à ceux qui vont créer le monde, pas à des gens comme vous qui sont déjà morts.
  9. La science : « une méthode rigoureuse qui traque l’erreur » ? Quelle horreur ! Bien sûr il ne faut pas exagérer la portée de votre pensée. Vous n’êtes pas un scientifique et votre pouvoir social, en matière de transmission scientifique (vous n’êtes d’évidence ni prof, ni chercheur) est nulle. Mais quel esprit totalitaire que le vôtre ! La science n’a jamais été créée pour traquer l’erreur ! J’imagine la tête de mes élèves les plus brillants si je leur disais cela ! C’est fatiguant cette médiocrité de l’esprit, qui diffuse à tout va sur les réseaux sociaux. Permettez-vous l’erreur ! vous tous qui lisez ces messages, bien sûr, permettez-vous l’erreur, l’erreur est la vie, l’erreur est l’origine de la création.
  10. Lettre 49-2 19 janvier 2019 Samuel, En 751 les Francs régnaient sur un territoire allant de la vallée du Rhin jusqu’aux Pyrénées. Leur chef Pépin le Bref, fils de Charles Martel, l’homme qui arrêta les Arabes à Poitiers en 742 prit de force la royauté cette année-là. Avec lui une nouvelle dynastie commença d’exercer le pouvoir : celle des Carolingiens faisant suite à la précédente, celle des Mérovingiens, fondée par Clovis le premier roi franc, en 481. A sa mort en 768 son royaume fut partagé entre ses deux fils : Charles et Carloman. Ce dernier mourut en 771. Charles devint le seul maître du royaume et se fit appeler Carolus Magnus, Charlemagne. Il entreprit aussitôt d’agrandir son territoire. Il est porté par la foi chrétienne qui lui donne pour mission d’assurer la transmission du message chrétien jusqu’aux limites de l’univers. C’est ainsi que chaque printemps il inaugure une nouvelle campagne militaire, bataillant à l’est, au sud-ouest et au sud du territoire franc. En 805 il stoppe cette politique de conquête. Il règne alors sur un territoire qui comprend (références aux pays actuels) les trois-quarts de l’Allemagne, une partie de la Belgique, les trois-quarts de l’Italie, presque toute la France et les régions espagnoles de Pampelune et de Barcelone. Il connut une seule défaite contre les Arabes ommeyades d’Espagne. Comme ils faisaient souvent des incursions en Septimanie (le Languedoc-Roussillon actuel ) et en Provence, Charlemagne entreprit de les soumettre en conquérant l’Espagne. Mais il dut battre en retraite non sans perdre son arrière-garde commandée par Roland. Elle fut massacrée par des montagnards basques. Cet épisode malheureux est relaté dans la chanson de geste : « La chanson de Roland ». Note : à cette époque la notion de nation, France, Allemagne, Italie, etc. n’existe pas. Seules existent les notions de lignage – origine familiale - et de fief – règne d’un maître sur un territoire. Il n’y a pas non plus de langue unifiée même si le latin continue d’être couramment parlé. L’unité de l’Europe est portée par le christianisme occidental, le catholicisme, dont l’Église c’est-à-dire la communauté des croyants, est dirigée par le Pape établi à Rome. Les Carolingiens veulent obtenir une consécration spirituelle. En 752, Pépin, le père de Charlemagne, reconnaît au Pape Étienne II un droit de possession sur des terres situées au nord-est de Rome, appelées Exarchat de Ravenne. En échange de cette reconnaissance le Pape sacra en 754 Pépin, roi, au nom de Dieu. En 756 Pépin conquiert les terres de l’Exarchat de Ravenne alors revendiquées par des seigneurs locaux et les donne au Pape. Ainsi naissent les États pontificaux et se noue entre les Carolingiens et les dirigeants spirituels du catholicisme une alliance politique. Charlemagne réaffirmera cette alliance et protégera les Papes contre toutes attaques territoriales. Le 25 décembre 800 alors que Charlemagne était venu à Rome pour arbitrer un différend local, le Pape Léon III couronna Charlemagne en faisant prononcer par l’assemblée cette adresse : « A Charles, auguste, couronné par Dieu, grand et pacifique empereur des Romains, vie et victoire ! » Le titre d’empereur qui n’avait plus plus été porté en Occident depuis 476 ressuscitait ainsi en faveur de Charles. Ce nouvel Empire, fierté des Occidentaux, ne pesait toutefois pas lourd face à l’empire abbasside. L’historien anglais Richard Fletcher dans son livre : « La croix et le croissant » édité en 2010 écrit ceci : « Comparé à l’Empire de Haroun al-Rachid, l’Empire de Charlemagne faisait figure de petit poisson face à une baleine ». Rome par exemple la ville la plus peuplée de ce nouvel Empire comptait, en 800, 30 000 habitants alors que Bagdad en comptait plus d’un million. En 800 se faisaient face, autour de la Méditerranée, au sud, l’Empire abbasside centré sur Bagdad, au nord-est et au nord l’Empire byzantin (l’Empire romain d’Orient) centré sur Constantinople, au nord l’Empire de Charlemagne (considéré par les Occidentaux comme le nouvel Empire romain d’Occident) centré sur Rome ( résidence du Pape) et sur Aix-la-Chapelle (résidence de Charlemagne) et à l’ouest l’Espagne des Omeyyades centrée sur Cordoue. Nous parlerons de l’Empire byzantin et de l’Espagne ultérieurement. Nous allons maintenant voir comment les Judéens prirent place dans ce vaste monde.
  11. Kierkegaard dit que ce choix de soi est le plus important à faire. Quel type d'être humain je peux moi, par mon existence, réaliser ? Pour que cette question soit posée dans toute sa radicalité et qu'elle ne soit pas abandonnée dès la première difficulté rencontrée, c'est d'injecter la question du temps. Kierkegaard va donc nous expliquer que cette question nous devons nous la poser du point de vue de l'éternité. L'éthicien est celui qui doit se demander quel type d'être humain il veut réaliser « quel moi éternel il veut être ». Il doit construire une représentation de soi sous la catégorie de l'éternité. Il y a là quelque chose de nietzschéen. Il nous faut nous penser sous cette forme de l'éternité. Nietzsche récupère de Kierkegaard cette idée mais cela deviendra : il nous faut nous hisser jusqu'à la pensée d'éternel retour, c'est-à-dire est-ce que je vais être capable d'assentir à la vie, de dire oui à la vie si ce que je vis ici maintenant est susceptible de se reproduire une infinité de fois, est susceptible de se reproduire dans l'éternité de tous les temps. Si mon esprit supporte cette idée, je deviens un surhomme, celui qui montre son amour illimité de la vie qu’elles que soient les catastrophes que la vie apporte à l’espèce humaine dans son ensemble. Il y a quelque chose de commun entre ces deux penseurs. La manipulation du temps sert de critères de sélection et d'instrument de radicalisation. Le devoir ne supporte pas le temps, il s’inscrit dans l'éternité. Je ne peux pas imaginer la loi morale en choix qui serait limité dans le temps. Si ce « tu dois » exprimant la loi morale est bien l'expression de la moralité pure, alors sa valeur doit être éternelle. Cela doit être vrai aussi bien pour les temps qui ont précédé que pour maintenant, que pour ceux qui ouvriront. Si je dois faire des exceptions, je ne suis pas dans la moralité. C'est vrai que le temps ici va jouer un rôle très important. Les sphères de l'esthétisme, de l'éthisme et du religieux ce sont des formes que devraient prendre notre existence. Ce sont des schémas conceptuels philosophiques qui normalement permettent de construire concrètement et d'orienter son existence. Cela ne veut pas dire qu'au travers de ces schémas on a un découpage de chaque vie humaine en tant que serait enfance-adolescence-maturité. Le stade esthétique n'est pas forcément la jeunesse, même si dans la réalité notre immaturité nous porte davantage à être des esthètes, au sens de Kierkegaard, que des éthiciens. C'est le fait mais ce n'est pas le droit. En droit il conviendrait de traverser au plus vite ces sphères de l'existence. La sphère de l'éthique n'est pas le renoncement à la jouissance parce qu'on n'a plus l'énergie et que l'on vieillit. Dans la réalité nous voyons bien combien l'existence se marque par des retours. Nous pouvons tomber à nouveau dans le stade esthétique à un âge très avancé. Chez Kierkegaard ces sphères en fonction de l'existence sont des figures emblématiques, des modèles, des archétypes qui nous montrent des constellations d'éléments qui doivent nous servir à organiser et en même temps orienter notre existence.
  12. Baladilla de los tres rios A Salvador Quinteros El río Guadalquivir va entre naranjos y olivos. Los dos ríos de Granada bajan de la nieve al trigo. ¡Ay, amor que se fue y no vino! El río Guadalquivir tiene las barbas granates. Los dos ríos de Granada uno llanto y otro sangre. ¡Ay, amor que se fue por el aire! Para los barcos de vela, Sevilla tiene un camino; por el agua de Granada sólo reman los suspiros. ¡Ay, amor que se fue y no vino! Guadalquivir, alta torre y viento en los naranjales. Dauro y Genil, torrecillas muertas sobre los estanques, ¡Ay, amor que se fue por el aire! ¡Quién dirá que el agua lleva un fuego fatuo de gritos! ¡Ay, amor que se fue y no vino! Lleva azahar, lleva olivas, Andalucía, a tus mares. ¡Ay, amor que se fue por el aire! Traduction : Pierre Darmangeat Le fleuve Guadalquivirva parmi oranges et olives. Les deux rivières de Grenade descendent de la neige au blé. Hélas, amourqui s’en fut et ne vint !Le fleuve Guadalquivira la barbe grenat.Des rivières de Grenade, l’une pleure et l’autre saigne. Hélas, amourqui s’en fut dans l’air !Pour les bateaux à voiles, Séville a un chemin ; mais dans l’eau de Grenade rament seuls les soupirs. Hélas, amourqui s’en fut et ne vint ! Guadalquivir, haute touret vent dans les orangers. Darro et Genil, tourelles mortes sur les étangs. Hélas, amourqui s’en fut dans l’air !Qui dira que l'eau emporte un feu follet de cris ! Hélas, amourqui s’en fut et ne vint ! Porte la fleur d'orange, porte l'olive,Andalousie, à tes mers. Hélas, amourqui s’en fut dans l’air. Le son lorquien est aussi un son enfoui, caché dans les feuilles et l’obscurité, d’où il jaillit. Et l’Andalousie toute entière en témoigne juste dans ses fleuves.Le cri crépite ; il est Loiseau et il est le feu. Si « l’eau apporte un feu follet de cris », la convocation par Lorca de cette nature chargée de musique fait également signe à son maître et ami Manuel de Falla, auteur de El amor brujo de la fameuse danse du « fuego fatuo » (feu follet) : on ne peut pas croire que la citation soit ici inconsciente. https://www.youtube.com/watch?v=7BP7nIpjNs0
  13. Lettre 49-1 17 janvier 2019 Samuel, Pour bien comprendre le rôle que tinrent les Judéens dans la période historique qui commence en 750 avec l’avènement des Abbassides et qui sera étudiée, dans cette lettre, jusqu’au début du neuvième siècle, il est nécessaire de présenter les deux Empires de cette époque : l’Empire des Abbassides et l’Empire carolingien. Des relations nouées entre ces deux empires surgira une nouvelle branche judéenne qui s’établira en Europe occidentale, centrale et orientale : les ashkénazes. L’empire abbasside de 750 à 809 Les Omeyyades avaient fini par fonder une aristocratie arabe héréditaire fondée sur leurs armées et le paiement de tributs. Une opposition se forma progressivement. Pour partie elle était composée de malawi, nom donné aux convertis à l’islam issus de populations non arabes, qui revendiquaient l’égalité avec les seigneurs arabes, égalité promise par le Coran à tous les musulmans qui leur aurait permis de ne plus payer l’impôt. Pour une autre partie elle était composée de nombreux Persans qui supportaient mal la domination arabe et enfin pour partie par les chiites, partisans de Hussein le fils du quatrième calife Ali, qui avait réclamé le califat et avait été tué par les Omeyyades. Une coalition de révoltés finit par lever une armée rassemblée sous le drapeau noir d’un descendant d’Abbas, un oncle de Mahomet. Cette armée massacra les Omeyyades en 749-750. Une nouvelle dynastie régna sur l’empire arabe pendant cinq siècles, la dynastie des Abbassides (nom dérivé de Abbas) dynastie dont le dernier calife fut tué par les Mongols en 1258. Cette dynastie rompit avec le principe aristocratique de descendance. La plupart des califes abbassides furent des fils de mères esclaves d’origine étrangère, seule l’origine arabe du père étant désormais prise en compte. Un Omeyyade échappa au massacre : Abd al-Rahman. Il débarqua en Espagne en 755 et, à la tête d’une petite armée, il renversa le gouverneur qui avait prêté allégeance aux Abbassides. Il s’empara de Cordoue en 756, établissant une dynastie omeyyade d’Espagne qui dura jusqu’en 1031. Le deuxième calife de la dynastie des Abbassides, Al-Mansour, qui régna de 754 à 775, transféra la capitale de l’Empire, de Damas en Syrie à Bagdad en Mésopotamie, ville qu’il construisit près de l’ancienne capitale de l’Empire sassanide, Ctésiphon (voir lettre 45). Dans ce choix il faut voir un déport du centre de gravité de l’Empire musulman vers l’ancienne Perse. Les Persans ayant formé l’essentiel de l’armée des révoltés c’est sur eux que les nouveaux maîtres arabes s’appuyèrent. C’est ainsi qu’influencés par la culture orientale perse les califes arabes devinrent des autocrates religieux revendiquant une origine divine. Mais l’influence sassanide se concrétisa surtout dans l’administration de l’Empire. Rompus à l’exercice du pouvoir les Persans restèrent nombreux dans l’administration impériale qu’ils dirigèrent par leur représentant : le vizir. Ils furent rejoints par une nuée de fonctionnaires recrutés chez les mawali originaires des toutes les ethnies du royaume. Depuis le début du règne des Abbassides le vizirat se transmit de père en fils dans l’illustre famille persane des Barmakides. L’influence arabe s’estompa, le brassage des populations commença à réunir dans une même communauté arabes, demi-arabes et non arabes, les vecteurs de l’unité étant la religion et la langue arabe. Même les Arabes versés dans la pratique de la guerre furent progressivement évincés au profit d’une armée constituée de troupes payées, recrutées parmi des esclaves turcs appelés les mamelouks. Sous ce double pouvoir, le pouvoir religieux exercé par les Arabes et le pouvoir administratif exercé d’une main de maître par le vizir, de culture persane, l’empire musulman connut un développement économique prodigieux qui rayonna dans le monde entier. Il est légitime de parler ici d’une culture arabo-persane, dont les principes unificateurs furent la religion et la langue, et dont les effets civilisationnels furent déterminants dans l’histoire de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique. Ce développement économique d’envergure, agriculture, artisanat, production manufacturière, métallurgie, textiles, papeteries (la production de livres produits à moindre coût grâce au papier eut un impact intellectuel et culturel puissant sur la littérature, les sciences, la religion…) s’accompagna d’une activité commerciale intense qui dynamisa non seulement l’économie impériale mais aussi l’économie mondiale. Les marchands de l’Empire ne cessèrent de faire des opérations d’import-export avec l’Inde, la Chine, l’Empire byzantin, la Scandinavie et les peuples de la Baltique (via les Khazars et les Bulgares) l’Afrique et même mais modérément avec l’Europe de l’ouest, région restée relativement repliée sur elle-même. Le développement des relations commerciales et des activités entrepreneuriales induisit la création d’une activité bancaire. Les changeurs qui assuraient la conversion entre les deux monnaies en circulation, le dirham d’argent d’Orient et le denier d’or d’Occident finirent par créer des établissements bancaires qui facilitèrent et accélérèrent le rythme de l’économie en créant de nouveaux modes de paiement (chèques, lettres de crédit) et en distribuant des prêts. L’Empire connut son apogée sous le règne d’Haroun al-Rashid (786-809). Ensuite il connut d’importantes divisions politiques sur lesquelles nous reviendrons (mais l’influence de ces divisions sur l’activité économique resta d’abord limitée). Notons que le basculement géographique de l’Empire vers l’Orient provoqua des déclarations d’indépendance politique à l’ouest. L’Espagne en 756, le Maroc en 788, la Tunisie en 800 installèrent des dynasties locales qui restèrent toutefois largement assujetties économiquement à Bagdad. Note : Haroun al-Rashid prit en affection le fils du vizir, Djaafar, d’origine persane. Celui-ci tomba amoureux de la sœur du calife, Abbassa. Il la demanda en mariage. Haroun le prit mal et accepta à condition que les amoureux n’aient pas de relation conjugale. Ils acceptèrent mais un enfant naquit quand même dans la clandestinité. Haroun finit par en être informé. Alors il fit assassiner Djaafar et tous les adultes de la famille des Barmakides. Il est probable que cette décision brutale permit à Haroun de se débarrasser d’une famille dont il commençait à craindre le pouvoir. Cette élimination provoqua des frictions entre arabes et persans, ce qui explique les divisions politiques mentionnées ci-dessus. Notons enfin que les rapports compliqués entre le calife et le vizir inspira de nombreux contes du recueil des « Mille-et-une nuits » ce qui contribua à faire de Haroun un personnage légendaire, symbole de l’Orient fabuleux.
  14. Le stade de l'éthique Le choix de l'éthique se construit autour de deux éléments centraux. 1) L'existence L'existence va se reconstruire autour du choix. L'existence comme éthique arrache l'individu à l'indifférence et va le contraindre à choisir. Non seulement le contraindre à choisir, mais le contraindre à se choisir. La propriété marquante de ce moment de l'éthique qui reconstruit notre existence, c'est l'idée que l'individu va s'arracher à l'indifférence qui était la sienne et va être dans la nécessité de choisir et de se choisir lui-même. 2) La soumission La soumission à des normes, principes et valeurs d'ordre général. Soumission d'obéir à des principes, de servir des valeurs qui ne sont pas individuelles mais qui appartiennent à la communauté à laquelle on vit. L'individu va s'élever à la dimension morale et éthique. L'individu a épuisé tout ce que ce stade esthétique pouvait lui apporter. Il a compris que la jouissance qui lui procure cette sphère esthétique est illusoire que c'est le masque du désespoir, c'est le masque de sa mélancolie qui se laisse davantage guidé par ses plaisirs plus qu'il ne les guide. Donc le stade éthique commence par le choix et particulièrement le choix de soi. L'esthète devient donc éthicien lorsqu'il se pose la question de ce qu'il veut devenir, c'est-à-dire à terme ce qu'il veut être. Mais cette question, que devenir, quel type d'homme, d'être humain je choisis d'être, en implique une autre qui est assez complexe et qui est celle du temps. En effet l'esthète vivait dans un éparpillement de ses désirs et cet éparpillement impliquait nécessairement une fragmentation du temps. Au fond l'esthète est celui qui jouit de chaque instant sans lier nécessairement entre eux l'ensemble de ces instants. L'éthicien lui, veut unifier son existence d'où les normes, les principes, et pour ceci il va lui falloir changer son rapport au temps. Il va donc falloir qu'il apprenne à s'inscrire dans cette chose qu'il ignorait jusqu'à présent, et cette chose est tout simplement ce que Bergson appellera ce temps intérieur qui est la durée. Apparaît donc la durée. Cette découverte qu'il ne s'agit pas de fragmenter le temps, de s'enfermer dans les limites de l'instant, mais que maintenant se pose la question du lien entre tous ces instants qui finissent par constituer un certain temps, qu'on appelle la durée, va communiquer à l'éthicien une autre conception de l'infini. On a vu que pour celui qui vit emprisonné dans la sphère de l'esthétique l'infini apparaît sous forme de l’infinité des jouissances. Ici pour l'éthicien l'infini apparaît comme cette durée que l'on découvre et qui est illimitée. On ne voit pas ni pourquoi ni comment elle s'arrêterait, ni sur quoi elle ouvre. C'est pour cela que Kierkegaard va répéter que le propre de l'éthicien, de celui qui maintenant essaye de vivre sur un plan éthique, c'est cette capacité qui lui faut travailler à se projeter dans la durée c'est-à-dire projeter son existence du point de vue de l'éternité.
  15. Barrio de Córdoba Tópico nocturno En la casa se defienden de las estrellas. La noche se derrumba. Dentro hay una niña muerta con una rosa encarnada oculta en la cabellera. Seis ruiseñores la lloran en la reja. Las gentes van suspirando con las guitarras abiertas. Traduction : Pierre Darmangeat Quartier de Cordoue Topique nocturne Dans la maison, l’on se défend des étoiles. La nuit s’effondre. À l’intérieur est une enfant morte avec une rose rouge cachée dans sa chevelure. Six rossignols la pleurent sur la grille de la fenêtre. Les gens soupirent avec leurs guitares ouvertes. Autre traduction : Thomas Le Colleter (?) On se protège des étoiles dans la maison. La nuit s’effondre. À l’intérieur, il y a une enfant morte Avec une rose écarlate cachée dans les cheveux. Six rossignols pleurent aux grilles. Des gens soupirent avec les guitares ouvertes. Ce poème illustre avec une acuité particulière ce lien profond du chant et de la mort. Le cante naît de l’expérience du deuil. Au centre du poème, au cœur de la maison, « la niña muerta » rayonne comme point focal et origine du chant. C’est elle qui suscite dans la suite du poème le chant des rossignols et le soupir des guitares ; c’est par elle que la guitare va venir répondre au repli initial de l’espace sur lui-même, à la nuit effondrée, par l’ouverture du chant, les « guitarras abiertas ». On assiste au même phénomène de concentration sous l’effet de la mort, puis la résolution en musique, dans le poème « Muerte de la Petenera (cité plus haut p.6). La mort dans la maison ; elle exerce son pouvoir d’attraction comme un trou noir, en attirant à elle tout l’espace alentour : les ombres effilées dessinent un mouvement de resserrement de l’espace et de convergence vers le point nodal de la maison, lieu de l’agonie de la chanteuse. De ce phénomène de resserrement naît le chant. Tout se passe comme si le son de la guitare n’éclatait ( « se rompe ») qu’au prix d’une extrême concentration de l’espace, suscitée à son tour par l’expérience de la mort. Le rapport privilégié que les musiciens entretiennent avec la mort leur donne un statut à part. Lorca confère en effet aux différents chanteurs qui peuplent son Poème une véritable dimension de mythification ( La guitare fait pleurer les songes).
  16. L'on doit à Kierkegaard toute une théorisation philosophique de cette notion qu'est l'ironie. L'ironie chez Kierkegaard est cette attitude qui consiste à nier constamment la consistance de toute réalité finie. Dans la vie l'ironie est une modalité de l'existence. Elle se marque dans les discours, elle a besoin de langage. L'ironie nous décale en permanence des choses. Quand nous sommes ironiques par rapport à un propos nous n'adhérons pas à ce propos mais au contraire nous essayons de creuser une distance, un écart par rapport à ce propos pour essayer de nous protéger, de trop adhérer. L'ironie nous met en surplomb par rapport aux événements, aux autres, cela peut être aussi par rapport à soi-même. L'ironie parce qu'elle est décalage va contribuer à nous arracher à l'immédiateté de la jouissance. Ce n'est pas seulement une figure de style chez Kierkegaard elle constitue une véritable catégorie existentielle au moyen de laquelle l'individu se place au-dessus de lui-même, de ce qu'il vit. Par ironie il se tient comme en surplomb de lui-même. En se tenant désormais décalé, en surplomb avec lui-même, en utilisant l'ironie, progressivement il va s'arracher à la sphère de l'esthétique. « L'ironie c'est l'esprit qui toujours nie » Hegel. L'ironie est la marque de la négativité de l'esprit mais c'est une marque qui est socialement acceptée et acceptable. C'est une négativité qui s'exerce dans des limites, et parce que cette négativité n'est pas radicale et s'exerce dans certaines limites, elle est non seulement acceptée dans la société mais parfois recherchée, valorisée dans certains milieux. Avec l'ironie donc la sensualité va s'observer et va se transformer, c'est-à-dire progressivement se spiritualiser.
  17. c) Le troisième élément est véritablement l'attitude du désespoir. La mélancolie va libérer le désespoir qui est une attitude plus convulsive, plus crispée. Mais en même temps cette attitude bien que plus violente est déjà quelque chose d'intellectuel. Le désespoir suppose en effet que nous puissions réfléchir les choses et en particulier réfléchir l'impasse de la jouissance, impasse à laquelle nécessairement nous sommes amenés si nous dévouons notre existence à la recherche de la jouissance stricte. Le désespoir apparaît chez Kierkegaard comme à la fois le fruit d'une réflexion naissante et en même temps le moteur de cette réflexion. « Tu as scruté la vanité de toutes choses mais sans aller plus loin. A l'occasion tu te plonges dans cet état, et tandis que tu t'abandonnes un moment à la jouissance tu te pénètres en même temps de sa vanité. Tu es ainsi constamment hors de toi-même, je veux dire dans le désespoir ». A partir de là on va rencontrer une idée que l'on ne quittera plus jusqu'à la forme la plus élaborée de l'existence pour Kierkegaard qui est être soi, s’appartenir à soi-même, être en possession de soi. Mais il faut pour cela que nous cessions de vivre sur le mode de l'immédiateté, de la fragmentation qui est le mode du stade esthétique et que nous donnions consistance à ce moi qui pour l'instant, n'en n'a pas. Toutes ces modalités révèlent deux choses. D'abord que ce stade esthétique doit être dépassé, abandonné, comme ne révélant aucune vérité véritable pour le sujet. Ensuite le stade esthétique révèle au sujet de l'existence deux formes d'infini. En effet on a vu que la règle de l'esthète est de ne pas choisir puisque ne choisissant rien il demeure dans l'infinité du possible. Mais ne pas choisir, demeurer dans l'infinité des possibles nous confronte à ce que Hegel appelle le mauvais infini qui n'est que le masque de notre vacuité. C'est progressivement en découvrant cela que l'esthète comme moyen de défense élabore une attitude qui est l'ironie.
  18. Encrucijada Viento del Este; un farol y el puñal en el corazón. La calle tiene un temblor de cuerda en tensión, un temblor de enorme moscardón. Por todas partes yo veo el puñal en el corazón. Traduction : Pierre Darmangeat Carrefour Vent de l’Est ; un réverbère et le poignard dans le cœur. La rue vibre comme une corde tendue, elle vibre comme une mouche énorme. De toute parts je vois le poignard dans le cœur. Autre traduction : Thomas Le Colleter (?) Vent d’Est, un fanal et le poignard en plein cœur. La rue a le tremblement d’une corde en tension, le tremblement d’un frelon énorme. Partout oui je vois le poignard en plein cœur. C’est ce travail de concrétion du sentiment dans l’espace que se livre, de manière emblématique, le poème « Encrucijada ». À partir de l’énonciation de trois éléments symboliques, simplement présentés, énumérés (sans verbe), Lorca parvient à une forme de dramatisation, d’épure du sentiment d’angoisse. Le poème s’oriente vers la cristallisation obsessionnelle de l’image du « poignard en plein cœur », qui finit par occuper tout l’espace mental. Dans ce théâtre, aucun renvoi n’est fait au référent ; le poème nous met sous les yeux une réalité psychique, il l’incarne. Dans cette tentative d’appréhension de l’essence du sentiment, le résidu est purement musical ; autour de l’image du poignard dans le cœur en effet, ne persiste que la perception auditive : le tremblement d’une corde en tension (celle d’un violon ? d’une guitare ?) qui s’apparente au bourdonnement d’un frelon énorme. ( La guitare fait pleurer les songes )
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