Aller au contenu

satinvelours

Banni
  • Compteur de contenus

    3 006
  • Inscription

  • Jours gagnés

    1

Tout ce qui a été posté par satinvelours

  1. J'ai lu votre message et je vais tenter d'y répondre. Je l'ai dit par ailleurs, je ne suis pas physicien, je découvre donc la théorie de la relativité, elle m'intéresse surtout dans le cadre de mes recherches actuelles : je pense que nous passons notre temps à humaniser le monde, autrement dit : il n' y a pas d'objectivité pure possible. Étudier la relativité m’embarque dans des recherches inattendues. Par exemple je pense de plus en plus que l'espace et le temps sont effectivement des formes de notre sensibilité et non des "objets" qui existerait sans notre façon humaine d'appréhender le monde.Sur d'autres points, comme la théorie de l’évolution je me rends compte à quel point nous projetons notre monde de valeurs sur le monde dit objectif sans nous en rendre compte (la sélection naturelle est une "passion" humaine, ce ne peut pas être un concept scientifique). Nous retrouvons cette humanisation dans le concept de forces aussi en physique. Le concept de "force" est encore une projection de notre monde interne, celui de certaines sensations. Je tente de découvrir comment nous humanisons le monde. Tout cela pour vous dire que je découvre la relativité avec vous. Qu'il faut me laisser le temps de vous répondre.
  2. Cet englobant peut donc se définir de trois façons : on peut le comprendre comme conscience universelle qui est la condition de l'existence de ma conscience empirique, la mienne propre dans sa réalité. Conscience universelle qui transcende la conscience individuelle et empirique, qui est aussi la condition de possibilité et cet horizon sur lequel toute conscience empirique peut apparaître et s'apparaître à elle même, qui éclaire ma conscience empirique et qui va maintenir ensemble ces trois modalités humaines, le sentir, la perception, le penser. Cette notion d'englobant révèle que, pour Jaspers également, l'existence est à la lettre impensable et n'est donc pas un objet. Elle n'est pas objectivable car tout l'être du monde renvoie à ma conscience et l'idée est que tout ne saurait être pensé par la partie, et je suis une partie. De cela Jaspers conclut que notre être propre est ouvert vers le monde, vers autrui, vers Dieu. Il faut donc nous penser comme ouverture particulièrement vers le divin c'est-à-dire comme transcendance. On abandonne, et c'est le propre de tout existentialisme, l'idée d'un moi ou d'une conscience qui serait une substance, pour lui substituer l'idée d'une transcendance, la conscience. 1ère idée La conscience n'est pas une substance. On rompt définitivement avec cette conception traditionnelle de la conscience qui veut en faire une chose, y compris chez Descartes. La conscience est transcendance, ouverture, dépassement vers autre chose qu'elle-même ce que les phénoménologues appellent intentionnalité. 2ème idée Cette ouverture que je suis pour moi-même constitue à la fois notre finitude. Si toujours nous nous rapportons à autre chose qu'à nous-mêmes, si nous n'existons que dans ce qui nous dépasse, dans ce qui nous transcende, cela veut dire que nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes. Nous ne sommes pas. Nous ne pouvons trouver notre fondement en nous-mêmes (contingence–facticité : Sartre). Nous n'avons pas en nous-mêmes notre propre fondement, il faut que nous allions le trouver ailleurs, chez l'autre, dans l'amour ou en Dieu être transcendant par excellence. Mais on peut également conclure que cette ouverture c'est également notre richesse, puisque nous ne nous constituons qu'au travers de cet excès par rapport à nous-mêmes, de cet élan vers autre chose que nous-mêmes, vers l'autre, dans ce don de soi, vers Dieu.
  3. Oui, car Einstein, enfin sa théorie de la relativité n’est pas actuellement compréhensible par l’intuition [l’esthétique transcendantale de Kant] sauf peut-être par quelques individualités rarissimes. Sans les maths je ne connais personne qui « comprenne » les deux théories de la relativité et de la mécanique quantique par la puissance de sa seule intuition (sans les maths). Pourquoi ? Parce que l’intuition (au sens de Kant) ne se saisit des choses que sous l’action de l’espace et du temps qui sont les deux formes de notre sensibilité, formées par des siècles d’habitude et d’adaptation à une réalité qui n’intégrait pas le monde atomique ni le monde des infinis spatiaux. Il nous faut transformer le mode de fonctionnement de ces deux formes pures de la sensibilité. C’est pour cela que je m’interroge sur leur façon actuelle de se saisir des phénomènes. Est-il possible de transformer cette « façon »? Si c’est possible alors cela signifie que sous l’impulsion des découvertes actuelles ( dans le domaine de la physique notamment) notre cerveau évoluera, organiquement s’entend. C’est cela qui m’intéresse ici : explorer cette hypothèse.J’aboutirai peut-être à une impasse, on verra. Dans ce qui va suivre je vais tenter de décrire le mode de saisie actuelle de nos deux formes pures de notre sensibilité : l’espace et le temps. Je vais passer à des exemples pratiques.
  4. Puisque tout est démontré il n’y a plus rien à dire. Vous confondez description et démonstration. Même en mathématique il y a des propositions indémontrables. Avec vous la biologie c’est encore mieux que les maths : tout est démontrable. Une fois que les choses « sont » il est aisé de les décrire ! De décrire les chemins empruntés. Mais pourquoi sont-ce ces chemins qui sont empruntés et pas d’autres ? A cause de la sélection naturelle ? Mais ce concept est un concept psychologique issue de votre culture, ça n’a rien de scientifique. Si tout est démontrable en biologie, puisque tout répond à une logique encore plus implacable que celle des maths, j’attends que me disiez vers quoi l’homme va évoluer biologiquement parlant. Décrire comme vous le faites le passé permet de corriger les enchaînements des choses. En cela la description est nécessaire, elle permet d’intervenir dans ces enchaînements pour modifier ceci ou cela. Mais vous n’avez pour autant rien démontré. Vous avez la même attitude que celle des économistes. Une fois que les choses sont arrivées ils expliquent que ce qui est arrivé devait arriver ! Mais seulement lorsque les choses sont arrivées, jamais avant ! Vous ne savez rien des choses qu’une fois qu’elles sont effectives. Tant qu’elles ne le sont pas, aucune de vos démonstrations n’est capable de les anticiper. Il ne s'agit donc pas de démonstrations. Il s'agit de descriptions qui attendent que les choses deviennent effectives pour continuer de les décrire. Vous êtes en quête de certitude. Pour vous tout est certitude. Pour moi tout est hypothèse. Vous conviendrez que l’abîme psychologique qui nous sépare ne permet aucun dialogue : nous ne conduisons pas notre pensée de la même façon. Pas de rencontre possible entre nous. Je vous fais perdre votre temps et vous me faites perdre le mien. Adieu.
  5. Manifestement vous ne comprenez pas ce que je vous dis. Pour vous tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Tout ce qui s’est passé ne pouvait pas être autre que ce qui s’est passé. Face à votre pensée, dogmatique à l’extrême, il est impossible de discuter. Adieu. Puisque tout est démontré il n’y a plus rien à dire. Vous confondez description et démonstration. Même en mathématique il y a des propositions indémontrables. Avec vous la biologie c’est encore mieux que les maths : tout est démontrable. Une fois que les choses « sont » il est aisé de les décrire ! De décrire les chemins empruntés. Mais pourquoi sont-ce ces chemins qui sont empruntés et pas d’autres ? A cause de la sélection naturelle ? Mais ce concept est un concept psychologique issue de votre culture, ça n’a rien de scientifique. Si tout est démontrable en biologie, puisque tout répond à une logique encore plus implacable que celle des maths, j’attends que me disiez vers quoi l’homme va évoluer biologiquement parlant. Décrire comme vous le faites le passé permet de corriger les enchaînements des choses. En cela la description est nécessaire, elle permet d’intervenir dans ces enchaînements pour modifier ceci ou cela. Mais vous n’avez pour autant rien démontré. Vous avez la même attitude que celle des économistes. Une fois que les choses sont arrivées ils expliquent que ce qui est arrivé devait arriver ! Mais seulement lorsque les choses sont arrivées, jamais avant ! Vous ne savez rien des choses qu’une fois qu’elles sont effectives. Tant qu’elles ne le sont pas, aucune de vos démonstrations n’est capable de les anticiper. Il ne s'agit donc pas de démonstrations. Il s'agit de descriptions qui attendent que les choses deviennent effectives pour continuer de les décrire. Vous êtes en quête de certitude. Pour vous tout est certitude. Pour moi tout est hypothèse. Vous conviendrez que l’abîme psychologique qui nous sépare ne permet aucun dialogue : nous ne conduisons pas notre pensée de la même façon. Pas de rencontre possible entre nous. Je vous fais perdre votre temps et vous me faites perdre le mien. Adieu.
  6. Vous expliquez l’évolution en projetant sur le monde les valeurs morales transitoires de notre époque. Vous projetez ainsi sur le passé les concepts de sélection et d’adaptation qui norment la structure de nos sociétés actuelles. Vous humanisez le passé en le subsumant sous les sentiments contemporains. Nous ne sommes pas dans l’ordre de la raison mais dans l’ordre du sentiment. Nous ne sommes donc plus dans le champ de la science. Mais même en rentrant dans votre vision psychologique du passé rien ne vous permet de dire que C ou D n’aurait pas encore plus performé que B dans l’ordre d’une idéale sélection.
  7. C’est dommage ! Je t’ai coupé l’herbe sous le pied. Que cela ne t’empêche pas cependant de mettre en musique l’un des poèmes de Lorca, il y en a tant et ils sont si beaux. Je n’ai pas terminé de les explorer. Et c’est vrai, beaucoup supporteraient bien une mélodie.
  8. Je suis de ton avis. La première traduction ne me satisfaisait pas. J'ai essayé d'en trouver une autre, et c'est celle de Belamich qui m'a séduite. Cette traduction est beaucoup plus harmonieuse que la précédente.
  9. Crótalo Crótalo. Crótalo. Crótalo. Escarabajo sonoro. En la araña de la mano rizas el aire cálido, y te ahogas en tu trino de palo. Crótalo. Crótalo. Crótalo. Escarabajo sonoro. Traduction : Pierre Darmangeat Crotale Crotale Crotale. Crotale. Scarabée sonore. Dans l’araignée de la main tu frises l’air chaud, et tu t’étouffes en ton trille de bois. Crotale. Crotale. Crotale. Scarabée sonore. Crotale, de « Six caprices », Poèmes offerts au guitariste Sainz de la Maza ; le poème mime, par la musique et le découpage rythmique de son nom, le son des castagnettes. Le krotalon grec désignait les claquettes, claquettes ou crécelles qui accompagnaient les danses rituelles consacrées au culte de Cybèle. Crótalo signifie « castagnettes ». ( Poésies II).
  10. On pourrait traduire cette idée chère à l'existentialisme que, à travers chacune de mes pensées, chacune de mes décisions, chacune de mes volontés, et surtout chacun de mes actes je suis confronté à cette question existentielle fondamentale : « que suis-je ? » C'est-à-dire ce que je fais de mon existence en pensant cette chose comme je la pense, en voulant cette chose comme je la veux, en faisant cet acte tel que je le fais ou au contraire en refusant de le faire ? C'est l'idée que chaque acte de pensée doit toujours se dérouler pour moi dans ma conscience sur cet horizon là, c'est-à-dire il met en perspective à chaque fois la totalité de ce que je suis. Mais en même temps avec cette idée que rien n'est jamais fini. Je ne cesse de me construire avec cette idée que je puis tout le temps reprendre mes actes. Dans ces pensées de l'existentialisme rien n'est jamais fermé. Chaque acte nous engage totalement et comme totalité. C'est dans l'ensemble de mon existence qui est posé et remis en question au travers de chacun mes actes, de mes volontés, de mes intentions, que je découvre ma liberté. J'ai fait, mais il m'appartient aussi de le remettre en cause. C'est la tâche qui est la mienne et qui construit, qui élabore ce que l'on appelle la substance même de l'existence L'englobant ne fait que s'annoncer, ne fait que s’indiquer, d'où l'idée que tout dans ce qui nous entoure doit être interprété un peu à la manière des signes. Jaspers a beaucoup travaillé le langage et a consacré tout un volume à la philosophie du langage. Les phénomènes, nous fait comprendre Jaspers, sont, comme le veut l'étymologie, absolument des apparences, mais l'apparence n'est qu'un signe de l'être. Ce qui veut dire que tout dans ce qui nous entoure nous invite à découvrir qu'il y a un au-delà de cette apparence et à découvrir notre propre transcendance. On retrouve le couple traditionnel « être-apparaître ». Jaspers va montrer que j'appréhende l'englobant sur plusieurs modes. Il y en a trois. Il y a plusieurs modes possible de saisie et d'approche de cet englobant. - Je l'appréhende, dit-il, d'une certaine façon lorsque je suis un entendement (on est dans la logique), face a des réalités objectives. Lorsque je ne fais fonctionner que mon entendement avec des catégories logiques, je me rapporte à cet englobant d'une certaine façon. L'englobant c'est la tâche aveugle de la connaissance. - Il y a une deuxième façon, dit Jaspers, de s'y rapporter. C'est une façon plus vitale. Je me saisis également comme un être vivant, un bios, qui est aux prises avec son milieu, qui réagit à son milieu, doit s'adapter, se transformer. A chaque fois que je me saisis comme vivant et ayant des échanges avec d'autres vivants et nourrissant ma propre vie de ces échanges, j'ai un certain accès à l'englobant. L'englobant est aussi ce qui se donne au travers de tout ce qui est la vie, l'élan vital comme dirait Bergson, qui fait que la vie me traverse et que j'ai beau être abattu, déprimé, il n'empêche qu'il y a encore une force vitale que je puis sentir même si elle peut s'affaiblir. Cette idée là est une certaine approche pour Jaspers de l'englobant. Il existe une certaine force qui me tire et qui fait que je ne puis jamais m'arrêter. - Il y a une troisième modalité. Je suis aussi une existence braquée sur l'être, c'est-à-dire sur Dieu. Et dans cette dimension-là je suis tout à fait disposé à concevoir que tous ces phénomènes qui m'entourent, qu'ils soient logiques, matériels et vitaux, ne sont que des chiffres, des symboles qu'il me faut sans cesse déchiffrer.
  11. Voici une autre traduction du poème édité ci-dessus. Celle-ci d’André Belamich. Nuit de l’amour insomnieux Nous remontions tous deux la nuit de pleine lune. Je me mis à pleurer, et toi à rire. Ton dédain semblait un dieu, et mes soupirs des colombes et des moments en chaîne. Nous descendions tous deux la nuit. Cristal de peine, toi, tu pleurais des lointains infinis et ma douleur groupait des agonies parmi le sable de ton cœur trop faible. L’aurore nous unit sur le lit, toute blanche, bouche appuyée contre le jet glacé d’un sang interminable qui s’épanche. Et le soleil entra par les volets fermés, et le corail de vie ouvrit ses branches sur le linceul de mon cœur consumé.
  12. Je ne vois pas comment il est possible d’affirmer que la théorie de l’évolution est vraie et démontrée. Pour moi cette théorie est vraisemblable. Dire qu’elle est vraie me parait abusif. J’y vois de sérieuses failles. Notamment quand on passe d’une espèce à une autre. Soit une espèce A au temps t(0). Et une nouvelle espèce B au temps t(1). Une fois que B existe je peux toujours retracer son origine et, en l’occurrence, affirmer que A est son origine. Parce que je peux retracer l’origine de B je peux en faire une description fine. Mais le fait d’expliquer que B, pour exister, a besoin de l’existence de A ne peut pas conduire à ce radicalisme des évolutionnistes (qui sont en définitive des déterministes) que A ne pouvait donner que B. Bien sûr ils vont argumenter en incluant dans leur théorie quelque finalisme du genre : le but d’une espèce est de se conserver (certains disent même que ce sont les gènes qui tendent à se conserver), le but de la vie est de se reproduire, etc. bref de transformer l’observation des conséquences de certains actes en intentions originelles. Avec tout ce matériel idéologique ils vont déclarer leur théorie comme étant vraie. Tout cela me semble sommaire. Quand nous sommes en A je suis convaincu que nous pourrions tout aussi bien aller en B, C ou D, etc. étapes certes inimaginables puisqu’elles ne se sont pas concrétisées. Pour autant rien ne permet de dire que B était la seule étape possible, à suivre, déjà contenue en A. Qu’est ce qui fait que B soit finalement choisi comme étape suivante après A, plutôt qu’un éventuel C, D, etc. ? Nul ne le sait.
  13. Contrairement à ce que l'on pense les objets précis que l'on se donne à penser ce sont des objets transitionnels, c'est-à-dire ce sont des leurres. Ce sont des choses que nous nous donnons puisqu'il faut bien que notre pensée s'accroche à quelque chose, mais c’est ce qui en assure le dynamisme profond, ce qui fait qu'elle est toujours en mouvement, qu'elle ne se laisse jamais épuiser par quelconque objet, que toujours elle varie ces objets. La pensée peut penser en extension et en compréhension. Je puis penser en ouvrant le champ de pensée, en démultipliant le champ des objets ou je puis penser à la recherche scientifique et là il y a plutôt une recherche en compréhension c'est-à-dire l'on construit un concept, un système conceptuel. A ce moment-là je vais travailler non pas en extension mais en compréhension, car je vais rentrer de plus en plus profondément dans tel ou tel concept. On travaille avec les deux ; on ne peut se contenter d'un axe, mais on peut en favoriser un au profit d'un autre. C'est vrai que la pensée scientifique travaille plutôt en compréhension. L'idée générale est que ce qui assure le moteur de la pensée c'est quelque chose que Jaspers va nommer le mystère qui est de l'ordre de l'impensable, notre rationalité logique et notre pensée logique ne peuvent pas enfermer cette chose « de l'être » dans les catégories qu'elle a construites dans son histoire. Néanmoins il faut poser de l'impensable pour mettre en acte la pensée elle-même. La littérature, en particulier du XIXe siècle, explore cette idée là c'est-à-dire qu'il y a de l'impensable ( Blanchot-Duras). L'englobant est ce terme qui va essayer de dépasser la scission tout en sachant que nul langage, nul concept, logique et philosophique, ne vont être capables d'enserrer cet englobant. L'être ne saurait être véritablement objet de pensée car s'il devenait objet de pensée il s'épuiserait dans ses limites d'objet et subirait le même sort que tout objet de pensée, il se laisserait totalement enserré par les mots, les concepts dont la pensée se sert. Il faut donc poser l'être plutôt comme horizon de pensée, comme condition de cette possibilité de la pensée, même si cette expression est kantienne, elle convient bien ici. « L'englobant pour ma conscience reste obscur ». Jaspers souligne l'obscurité inhérente de l'englobant. Il ne peut être véritablement pensé, ou plus exactement il ne peut-être pensé qu'obliquement, c'est-à-dire au travers d'objets qui s'offrent à moi. On arrivera très vite à l'idée que l'englobant ne peut pas être pensé directement, frontalement, mais qu'il ne se laisse aborder qu'indirectement au travers de tous les objets que la pensée va se donner, des objets mathématiques, philosophiques, des objets de pensée. A chaque fois que je vais poser tel ou tel objet et tenter de le saisir avec ma pensée, je vais en retour éclairer d'une certaine façon mon existence. C'est effectivement la référence systématique de chaque objet à ce que Jaspers appelle l'englobant qui, en retour, va éclairer la vision que j'ai de mon existence de telle ou telle façon.
  14. Le point de départ de toutes nos connaissances ce sont nos cinq sens. Un enfant privé des cinq sens ne peut pas accéder à l’humanité. Les sens permettent la relation avec la Réalité, un R majuscule pour désigner là, cette réalité première qui précède la réalité seconde dans laquelle nous vivons. L’espace et le temps sont les manières humaines appréhender le « phénomène » , cette « impression » que nous recevons. Il semble à tous, religieux, philosophes et scientifiques qu’il y a une origine, un début, une création, suite à quoi, ce qui fut présent à l’origine, la cause première, n’est plus là, ou si elle est encore là (Dieu) elle est désormais extérieure au monde, lequel irait désormais son chemin livré à des lois et à des principes éternels. Non la Réalité des origines est toujours là, non soumise aux formes de notre sensibilité que sont l’espace et le temps. Le monde continue d’être, uniquement par ce que cette Réalité est sans cesse là. Elle provoque ce fait qu’à chaque seconde, à chaque division infinie du temps, il y a quelque chose plutôt que rien. Le monde (pour nous) ne peut développer ce qui nous apparaît être le résultat de ses logiques internes que sur le support de cette Réalité que nous ne pouvons pas percevoir puisqu’elle n’est du ressort ni de l’espace, ni du temps.
  15. Pour Jaspers la première nécessité philosophique est d'essayer de reconstituer cette unité perdue, cette totalité qui est le fondement même de toute pensée même si elle l'ignore. Et cette totalité qui engloberait le point de vue du sujet et le point de vue de l'objet c'est ce que précisément, faute de mieux, il va désigner sous le terme d'englobant. C'est l'idée qu'il y a là une instance que l'on n’arrive pas à décrire forcément tout de suite, mais qui rassemblerait le point de vue du sujet et le point de vue de l'objet. Cette totalité on l'appelle l'englobant. Le fait qu'il éprouve la nécessité de créer un terme qui n'existait pas avant lui, montre le souci de Jaspers de se décaler malgré tout des objectifs de la métaphysique traditionnelle. Il aurait très bien pu tout de suite nous dire « l'être ». Il avait à sa disposition un vocabulaire vieux de 2500 ans. Mais ce qui intéresse Jaspers c'est de ne pas retrouver les dangers de la métaphysique, faire disparaître au profit de cette catégorie d'être ce qui nous intéresse, c'est-à-dire l'existence. C'est d'essayer de nous ressaisir comme existant et d'essayer de penser un minimum notre existence puisque, à la lettre, l'existence n'est pas pensable. On ne peut pas en faire un objet de pensée avec l'idée que l'on en fait le tour et que ce serait un concept clos, achevé. Néanmoins chaque existant a cette tâche de se mettre en surplomb, un peu comme Kierkegaard, par rapport à sa propre existence pour tenter de la ressaisir de façon à pouvoir la décider, l'orienter. C'est tout le problème de la liberté. Cet englobant est quelque chose qui est mystérieux. Pour l'instant nous avons un mot vide et c'est pour cela que englobant dans la pensée de Jaspers est souvent accompagné du terme mystère. L'idée de Jaspers est de nous dire que forcément si nous sommes clivés, si nous sommes scindés, si notre réalité nous la vivons sous la forme de la scission : sujet obligé de penser objet, des objets quels qu'ils soient, ceci pose, en même temps, l'idée que s'il y a scission, il y a unité première qui a été scindée. Donc l'expérience existentielle qui est la nôtre, celle de tout homme, et qui est l'expérience de la scission induit nécessairement l'idée qu'à origine de la scission il y a une unité, une globalité, une totalité qui est cet englobant mystérieux. C'est ce qui va mettre en route la pensée, ce qu'il y a à penser c'est précisément de l'impensable. C'est le paradoxe. Il y a une très grande proximité au niveau des schémas logiques entre Jaspers et Heidegger.
  16. Puisqu’il nous est impossible de concevoir le monde sans l’inclure dans notre humanité il nous est aussi impossible d’émerger du monde pour le contempler en ce qu’il est, ou pourrait être hors de notre humanité. Les infinis que l’on pense infinis, que nous existions ou pas, ne sont pourtant des infinis que dans notre façon de penser. Nous croyons recevoir les choses d’un extérieur, et ce moment de réception, image d’une passivité, nous fait penser que l’actif nous est extérieur, qu’un extérieur se révèle. Mais l’activité est d’abord celle de nos mondes intérieurs, ceux que l’on qualifient d’inconscients, et la passivité est d’abord celle de notre conscience laquelle reçoit tout non d’un extérieur, indépendant de notre humanité, mais d’un intérieur pétri de notre humanité. Ce qui nous vient d’un extérieur est impulsion, énergie, opposition, etc. L’extérieur ne peut se révéler que dans l’action, la relation. Son extrême variation dans ses intensités conduit à des mises en forme différenciées. La science dite exacte répertorie de manière de plus en plus fine cette extrême variation. Ces sciences sont dites exactes car les impulsions dont elles s’occupent restent identiques à travers le temps, le temps cette mise en forme qui nous est propre. La permanence des sections du monde dont les sciences exactes s’occupent permet d’élaborer des modèles eux-mêmes permanents dans le temps. Il y a de l’autre côté de ce labeur de mise en forme l’existence du désir. Le désir avance, il ne cesse de piloter des intentions que nous ne percevons pas. Même dans ce que nous croyons être une pure objectivité, encore nous sommes pilotés par des intentions dont nous n’avons pas conscience. Choisir dans l’observation dite objective, parmi une infinité de faits, telle ou telle chaîne de faits nous paraît naturel, nous ne voyons pas que ce choix est intentionnalité. Nous retrouvons cette intentionnalité en histoire où nous croyons évoluer vers l’objectivité au fur et à mesure que nous nous éloignons temporellement des faits observés. Mais en nous éloignant ce que nous faisons c’est de nous saisir de chaînes de faits différentes, aboutissant à des conclusions certes différentes, mais pas plus objectives que les conclusions précédentes. Le choix des faits est toujours intentionnalité. L’histoire est simplement réinterprétée en fonction des intentionnalités du moment, il est impossible de parvenir en histoire à une quelconque objectivé c’est-à-dire à une écriture de l’histoire qui ne serait pas marquée par notre humanité, nous ne pouvons pas sortir de notre humanité, nous ne pouvons pas devenir autre que ce que nous sommes. Les historiens n’écrivent pas l’histoire, ils récrivent l’histoire. Il n y a rien qui n’existe dans l’esprit humain qui ne soit pas intentionnel. Nous sommes à chaque instant engagés dans un processus de création auquel nous sacrifions tout. Le désir nous apparaît, lui aussi, matérialisé par nos modes d’appréhension humain, mais ce qui parait du désir n’est pas le désir à sa source, il est lui-même interprété dans nos formes temporelles et spatiales de notre moralité. Quand certains pensent que le désir d’immortalité par exemple est un fait en soi originel, non ce désir est encore l’humanisation d’un désir originel que nous ne percevons pas. Désirer l’immortalité conduira l’homme vers la pose d’actes dont les conséquences ultimes ne seront pas l’immortalité visée mais la création d’un autre type d’homme en qui la forme du désir prendra d’autres visages, qui ne seront peut-être plus celles de l’immortalité. Le désir révèle un esprit qui suit son chemin, et qui use de l’instrument « homme » pour réaliser la création. Tout est ruse dirait Hegel, que ce soit la ruse de Dieu, la ruse d e la Raison ou la ruse du Désir. Toutes nos actions nous mènent en des lieux que nous ne cessons de découvrir et qui sont toujours autres que les lieux que nous avions imaginés avant d’entrer en action.
  17. Nous humanisons constamment le monde. Cette humanisation tombe sous le sens dans nos rapports sociaux mais elle semble disparaître lorsque nous pratiquons les sciences dites dures, qualifiées jadis d’exactes. Pourtant même lorsque nous adoptons l’attitude de l’observateur détaché, dit objectif, nous continuons d’humaniser le monde. Nous continuons d’organiser le monde avec des réflexes mentaux dont nous avons du mal à prendre conscience. Ces réflexes mentaux sont un acquis de notre longue histoire et ces réflexes mentaux dérivent de relations éprouvées depuis des millénaires, relations qui finissent par nous convaincre de l’existence objective, indépendante de notre humanité, d’objets physiques et mentaux. Ces objets nous les prenons comme étant vrais des lors qu’ils permettent l’action, la relation. Tout dans un premier temps dérive de l’action et tout y revient. Ce n’est pas l’intelligence qui pilote le monde, c’est la capacité à l’action. Les plus grands génies scientifiques n’ont de valeur que pour autant ils servent les femmes ou les hommes d’action, fussent-ils, ceux là, des imbéciles.
  18. Je ne puis jamais vraiment être assuré qu'il existe un monde sous-tendu, un monde qui existe objectivement à l'extérieur de moi et indépendamment de moi et qui existe donc indépendamment de ma pensée. Le solipsisme est la pire des conséquences de l'idéalisme. Une des conséquences à trop hypertrophier le sujet, la conscience finit par exclure le monde. Le monde existe à l'intérieur de ma pensée et non plus à l'extérieur. Donc je vais me replier sur moi-même et je vais explorer ce monde qu'est la pensée et inventer. Ce risque est vertigineux puisque lorsqu'on regarde le texte cartésien l'on voit que la deuxième méditation métaphysique de Descartes pose le cogito comme origine de toutes choses, et troisième méditation de Dieu qu'il existe. Descartes est obligé de faire intervenir l'instance divine pour l'arracher à ce solipsisme. Qui va m'assurer que le monde existe ? Dieu qui est garant de vérité. Si l'on élimine Dieu, si l'on ne fait pas intervenir cet artifice, une fois que l'on a mis le pied dans ce blockhaus on n'en sort pas. Il faudra attendre Kant pour ruser et montrer qu'il y a peut-être une voie médiane qui est que l'on pose l'existence du monde, de la chose en soi, mais en même temps on pose que cette connaissance n'est pas possible et on pose donc forcément que je ne puis connaître les choses que ce dont moi, sujet, je puis avoir l'expérience. Toute l'histoire de la philosophie occidentale est ce cheminement là, c'est-à-dire on pose l'objet, on pense qu'un jour on atteindra l'objet parce qu'on atteindra la vérité absolue et en même temps on se confondrait avec le réel. On investit du côté du sujet, on voit les risques, solipsisme, on fait marche arrière, on trouve une troisième voie c'est le kantisme, neo kantisme, jusqu'à l'hegelianisme qui est un moment d'acheminement dans l'histoire, mais pour Jaspers ceci figure chaque fois des impasses. On ne peut pas à la fois trouver une vérité exclusivement du côté de l'objet ou exclusivement du côté du sujet, parcequ’en même temps nous nous éprouvons absolument sur le mode fondamental de la scission. L'oubli du sujet, cette hypertrophie du sujet fait qu'à chaque fois on rate cette première question sur laquelle s'est ouverte la philosophie, qui est l'être, que nous rappelle Jaspers. C'est très exactement dans ce sens là que Heidegger dit que la philosophie occidentale après Parménide s'est développée dans un « oubli de l'être ». L'un des reproches qu'il adresse aux philosophes à partir de Platon c'est précisément d'avoir développé la pensée mais dans un oubli radical de l'être. Et toute la pensée de Heidegger a été de permettre un retour à l'être. Toute la critique heideggerienne très violente contre la technique, l'élaboration des technosciences qui occupent une partie de notre pensée, ce sont des choses réductrices qui finalement nous détournent de cette pensée première et originale que faute de mieux on appelle l'être. Jaspers nous ramène précisément à l'être et puisque nous sommes voués à vivre notre existence sous cette forme de la scission, je suis un sujet voué à penser un objet et même quand je veux me penser moi-même, réflexivité, je ne puis me penser moi-même que sous forme d'objet, je rate cette dimension de l'être, et je ne puis comprendre ni ce qui fonde l'objet ni ce qui fonde le sujet.
  19. Toute vision « matérielle » du monde fait appel à des données liées à nos sens. Si je veux me libérer de la connaissance liée aux sens, si je veux me libérer de la connaissance liée à l’interférence des « effets », je dois poser l’existence d’un « immatériel ». Tant que je suis dans le matériel j’accède à une connaissance non pas d’un « être » indépendant de moi, mais toujours d’un être qui est fonction de moi, de ma nature physique, morale, etc. (non pas fonction unique de moi mais fonction de plusieurs variables dont « moi »). Je ne parviens pas alors à une connaissance totalement détachée de moi, de ma nature, de mon corps, de mes désirs, etc. Si je veux poser l’objectivité totale d’un existant indépendant de l’humain, je dois poser l’existence d’un immatériel puisque tout ce qui est matériel reste toujours subordonné, en partie au moins, à l’humain. Soit je pose qu’il n’ y a rien qui soit indépendant de l’humain, ce qui signifie que si l’humain venait à disparaître l’univers disparaîtrait, soit je pose qu’il existe un indépendant de l’humain, et, alors, je dois poser, si cet indépendant est absolument indépendant de l’humain, que cet être est immatériel, puisque toute référence à une matérialité est encore l’expression d’une modalité de penser de l’humain. Dans cette hypothèse, l’existence d’un immatériel, le matériel est sans cesse en relation avec un immatériel. Nier l’immatériel, identifier le phénomène avec la totalité de la réalité, c’est engendrer une pensée qui finit par se replier sur elle-même pour, in fine, dépérir et mourir. C’est l’extension du champ du réel à l’immatériel qui innerve la pensée humaine et lui permet sans cesse d’être en dépassement d’elle-même. Certains scientifiques en limitant la réalité aux phénomènes ou en confinant la réalité ultime dans une structure figée dont nous finirions un jour par avoir une image achevée annonce la fin de l’homme. Pour ceux-là le seul avenir qu’ils puissent imaginer c’est celui d’une humanité immortelle, aux désirs totalement satisfaits, qui vivrait éternellement dans un monde maîtrisé. Cette vision n’est rien moins qu’une vision d’une mort rendue radieuse. Cette vision radieuse s’appuie sur l’hypothèse que le modèle humain actuel, l’homme actuel est indépassable quant à sa nature physique et morale. Il est l’achèvement pour eux de ce qu’ils appellent l’évolution. Il s’agirait donc pour eux d’éterniser un être, l’homme, considéré comme un être achevé. Il s’agirait d’éterniser l’inachevé, ce qui est l’expression d’un désir régressif ; désir somme toute normal si la fin visée est l’extinction de l’homme symbolisée par son immortalité, soit sa solidification immortelle en une statue exsangue et dévitalisée.
×