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  1. Danza da lúa en Santiago ¡Fita aquel branco galán, fita seu transido corpo! É a lúa que baila na Quintana dos mortos. Fita seu corpo transido, negro de somas e lobos. Nai: A lúa está bailando na Quintana dos mortos. ¿Quén fire potro de pedra na mesma porta do sono? ¡É a lúa! ¡É a lúa na Quintana dos mortos! ¿Quén fita meus grises vidros cheos de nubens seus ollos? ¡É a lúa! ¡É a lúa na Quintana dos mortos! Déixame morrer no leito soñando na frol d'ouro. Nai: A lúa está bailando na Quintana dos mortos. ¡Ai filla, co ár do céo vólvome branca de pronto! Non é o ar, é a triste lúa na Quintana dos mortos. ¿Quén xime co-este xemido d'imenso boi melancónico? Nai: É a lúa, é a lúa na Quintana dos mortos. íSi, a lúa, a lúa coroado de toxo, que baila, e baila, e baila na Quintana dos mortos! Danza de la luna en Santiago Mira aquel blanco galán mira su transido cuerpo Es la luna que baila en la Quintana de los muertos Cinta su cuerpo transido negro de somas y lobos Madre: la luna está bailando en la Quintana de los muertos. ¿Quién hiere potro de piedra en la misma puerta del sueño? Es la luna Es la luna en la Quintana de los muertos ¿Quién hita mis grises vidrios llenos de nubes sus ojos? Es la luna Es la luna en la Quintana de los muertos Me deja morir en el lecho soñando con flores de oro Madre: la luna está bailando en la Quintana de los muertos ¡Ay hija, con el aire del cielo me vuelvo blanca de pronto! No es el aire, es la triste luna en la Quintana de los muertos. ¿Quién brama con este gemido el inmenso ir melancólico? ¡Madre: Es la luna, la luna coronada de tojos que baila, y baila, y baila en la Quintana de los muertos! Traduction : André Belamich Danse de la lune à Saint-Jacques Quel est ce galant ou blanc ? Regarde comme il frissonne ! C’est la lune qui danse sur la Grand-Place aux Morts. Regarde son corps transi noir de morsures et d’ombres. Mère, la lune danse sur la Grand-Place aux Morts. Qui blesse un poulain de pierre aux portes même du songe ? C’est la lune ! C’est la lune sur la Grand-Place aux Morts ! Qui regarde à la fenêtre avec des yeux pleins de brume ? C’est la lune ! C’est la lune sur la Grand-Place aux Morts ! Laisse-moi mourir dans mon lit. Je rêverais de fleurs d’or. Mère, la lune danse sur la Grand-Place aux Morts. Ah, ma fille, l’air du ciel m’a rendue toute blanche. Ce n’est point l’air, c’est la triste lune sur la Grand-Place aux Morts. Qui brame avec ce plaintifs meuglement de bœuf énorme ? Mère, c’est la lune, la lune sur la Grand-Place aux Morts. Oui, la lune, la lune toute couronné d’ajoncs et qui danse, danse, danse sur la Grand-Place aux Morts. La lune, l’air, la mort sont les thèmes de prédilection de Lorca. « Danza da lúa » c’est la danse de la mort. Il y a l’apparition de la lune (la mort) que la mère qui va mourir confond avec un galant. Sa fille essaye de la sortir de son erreur. Le galant (la mort) insiste pour être vu. A la fin du poème, la mère accepte la mort qu’elle espère douce.
  2. – La facticité Elle fait de nous des héritiers. Nous sommes nécessairement en situation. Cela veut dire que nous naissons ici et pas là-bas, dans tel pays non pas dans tel autre, à tel moment de l’histoire que je ne choisis pas. Nous sommes des héritiers, d’une certaine façon prisonniers d’une situation, d’un contexte, dans lequel nécessairement nous devons vivre. Et néanmoins cette facticité qui nous fait comprendre que nous sommes des héritiers, des êtres en situation qui héritons d’une situation historique est par définition ce qui va nous commander de poser notre liberté. C’est-à-dire que le corrélat de la facticité, contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est la sommation philosophique qui nous est faite pour que nous nous découvrions des êtres libres et que nous posions notre liberté et que, au travers de notre existence, nous nous accomplissions et nous accomplissions comme êtres libres. Être en situation doit nous conduire à choisir et doit nous conduire à la liberté. – La transcendance Sur le plan de la connaissance l’envers c’est l’opacité de la conscience. La conscience est conscience de quelque chose comme le dit Husserl, elle ne se laisse jamais saisir, jamais définir. Elle est mouvement qui pose un objet et qui ne peut se ressaisir que dans ce mouvement positionnel de l’objet ce qui lui permet de se ressaisir comme conscience réflexive. On ne peut pas faire de la conscience un objet en tant que tel. On ne peut pas la saisir, elle est transcendante, elle est opaque, elle est obscure à elle-même. Sur le plan de la connaissance arrêtons de promouvoir [idéalisme] une conscience claire [cogito cartésien] cela n’est pas possible. Quand j’essaye de me penser [conscience réflexive] c’est le « je » qui pense le « moi ». Mais le « je » n’est pas le « moi ». Le « je » est sujet, le « moi » est ce qui du sujet se sépare du sujet pour devenir objet, et là on est dans la scission. – La liberté Si la conscience ne peut pas se connaître parce qu’elle n’est pas un objet, elle se découpe sur la liberté. Mais ce dernier concept a, comme les autres, un corrélat. Être libre c’est aussi ce qui nous commande d’être responsable. Si je suis libre alors je suis responsable. Je suis responsable, non seulement de moi, mais au travers de moi je suis responsable de tous les autres. Chacun de mes actes n’engage pas que moi en tant qu’individu, mais au travers de moi engage l’humanité tout entière [on reconnaît là une empreinte kantienne] si nous voulons nous revendiquer comme des sujets de droit pour devenir des personnes. Nous sommes protégés par le droit, nous avons une dignité, nous avons une valeur absolue, nous ne pouvons pas être moyens. L’envers est que ce sujet de droit qui est forcément un sujet universel fait que, alors, je suis aussi tout le temps responsable de tous. Ce sujet de droit universel qui fait que je puis me revendiquer comme sujet libre, fait de moi un sujet responsable non seulement pour moi, mais pour l’humanité puisqu’au travers de chacun de mes engagements, c’est L’humanité tout entière que j’engage. Avant de m’engager je dois me poser la question. La responsabilité est totale, et c’est parce qu’elle est totale que je puis, une fois que j’ai bien choisi, vivre au bout, à fond, sans remords, sans culpabilité.
  3. Ay voz secreta del amor oscuro ¡Ay voz secreta del amor oscuro! ¡ay balido sin lanas! ¡ay herida! ¡ay aguja de hiel, camelia hundida! ¡ay corriente sin mar, ciudad sin muro! ¡Ay noche inmensa de perfil seguro, montaña celestial de angustia erguida! ¡Ay perro en corazón, voz perseguida, silencio sin confín, lirio maduro! Huye de mí, caliente voz de hielo, no me quieras perder en la maleza donde sin fruto gimen carne y cielo. ¡Dejo el duro marfil de mi cabeza, apiádate de mí, rompe mi duelo! ¡que soy amor, que soy naturaleza! Traduction : André Belamich Ô voix secrète de l’amour obscur ! ô bêlement sans laine! ô vive plaie ! ô aiguille de fiel, fleur étouffée ! torrent loin de la mer, ville sans murs ! ô nuit immense avec un profil sûr ! cime céleste d’angoisse dressée ! cœur aux abois et voix persécutée ! silence sans limite et iris mûr ! Fuis loin de moi, brûlante voix de glace. Tu ne veux pas me perdre au labyrinthe où gémissent sans fruit et la chair et l’espace. Laisse-le dur ivoire de ma tête et prends pitié de moi, mets un terme à mes larmes : je suis amour, je suis nature vierge ! Ce sonnet nous rappelle qu’en 1935, Lorca se trouvait déjà officiellement dans une nouvelle étape de son travail (le retour au classicisme après avoir traversé l’aventure du vers libre). Sur le plan thématique, la nouveauté par rapport aux autres sonnets du sombre amour est de ne pas être dirigé vers un interlocuteur personnel, mais vers la « voix secrète », c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’un poème sur l’amour sombre, mais sur l’angoisse de devoir écrire sur une expérience si personnelle qu’elle se confond avec son propre être (parce que le soi se définit en étant « amour, » « nature »). Concernant le plan esthétique, certaines images et composition (voix chaude de glace, chair et ciel …), le ton hyperbolique (nuit immense, montagne céleste, silence sans frontières...) et le sentiment douloureux qui traverse le poème nous font penser à la poésie qui correspondrait au classicisme formel, mais aussi au romantisme par la vision tourmentée donnée par le poète lui-même. Amancio Prada Miguel Poveda nous offre une interprétation "flamenca" du poème de Lorca.
  4. J’ai fait une erreur pour la traduction de la casida des pleurs. Elle n’est pas de André Belamich mais de Claude Couffon et de Bernard Sesé.
  5. – La contingence Elle a pour « doublure négative » ce sentiment existentiel qui sera la Nausée. La Nausée est une émotion métaphysique et existentielle. La contingence, cette découverte que nous ne sommes pas nécessaires et que nous aurions pu très bien ne pas exister, que nous sommes gratuits et que tout est gratuit dans le monde, me donne ce vertige existentiel et métaphysique, puisque je découvre que je n’ai pas de fondement, que mon existence ne saurait être fondée sur rien. Ce vertige, Sartre le qualifiera de Nausée. Cette Nausée, qui est sentiment, a pour corrélat l’action. Ce sentiment existentiel que nous éprouvons dans notre chair, dans notre esprit, dans notre conscience a pour corrélat la nécessité de nous faire agir pour nous donner l’illusion d’exister, c’est-à-dire de nous justifier à être. Il faut que j’aie une justification : si j’existe c’est pour telle chose. L’action par définition doit se justifier. En tant qu’être rationnel et raisonnable je choisis d’agir, et si j’agis c’est dans tel but. L’action induit la notion de finalité chez l’être humain. Quand j’agis en tant qu’être rationnel et raisonnable je sais en vue de quoi j’agis. La notion d’action pose automatiquement la notion de fin. Il faut bien que nous nous nous donnions illusion d’exister puisque notre existence est un fait, mais nous ne pouvons la déduire de rien, nous ne pouvons la fonder sur rien et nous ne pouvons surtout pas la justifier. La seule façon que nous aurons d’essayer de la fonder et de la justifier, c’est l’action, c’est-à-dire l’action politique, l’engagement, mais tout autre type d’action étant entendu que tout ce que je fais vingt quatre heures sur vingt quatre c’est agir. Cela peut être par exemple engagement amoureux qui est une forme d’action. Aimer pour Sartre, c’est chercher une légitimité, une justification dans ma propre existence. Puisque moi je ne peux pas me donner tout seul, étant un être radicalement contingent, une justification, j’attends de l’autre, du désir de l’autre, qu’il me fonde et me justifie. Chez Sartre l’amour est toujours un drame ontologique. Dans tous ses romans et pièces de théâtre la relation amoureuse est un échec parce que c’est ce drame là dont il est systématiquement question, c’est le soubassement philosophique.
  6. Casida II Del llanto He cerrado mi balcón porque no quiero oír el llanto pero por detrás de los grises muros no se oye otra cosa que el llanto. Hay muy pocos ángeles que canten, hay muy pocos perros que ladren, mil violines caben en la palma de mi mano. Pero el llanto es un perro inmenso, el llanto es un ángel inmenso, el llanto es un violín inmenso, las lágrimas amordazan al viento y no se oye otra cosa que el llanto. Traduction : André Belamich II Casida des pleurs J’ai fermé mon balcon car je ne veux pas entendre les pleurs, mais derrière les murs gris on n’entend rien d’autre que les pleurs. Il y a très peu d’anges qui chantent, il y a très peu de chiens qui aboient, mais les violons tiennent dans la paume de ma main. Mais les pleurs sont un chien immense, mais les pleurs sont un ange immense, les pleurs sont un violent immense, les larmes bâillonnent le vent, et l’on n’entend rien d’autre que les pleurs. Ici, le poétique est le seul protagoniste. Le poème communique une vision désolée du monde, mais aussi un désir de solidarité avec ceux qui souffrent. Le poète semble se rendre compte qu’il n’est pas possible de vibrer dans une tour d’ivoire, car le pleureur (c’est-à-dire la souffrance d’autrui) est omniprésent et ne peut laisser personne indifférent. Le poète semble donner une orientation sociale forte à sa poésie. C’est une nouveauté thématique, mais une nouveauté, qui résulte d’abord d’une évolution personnelle, puisque Lorca a toujours manifesté sa solidarité à l’égard des marginalisés et des persécutés, tant dans les ballades tziganes que dans le poète à New York. Le but de ce poème est le même que celui qui le conduit a déclarer peu de temps avant sa mort : « En ce moment dramatique du monde, l’artiste doit pleurer et rire avec son peuple. Il faut laisser le bouquet de lys et aller vers la boue jusqu’à la taille pour aider ceux qui cherchent les lys ». Lorca affirme qu’il est immoral de chercher une certaine beauté ( les lys, les anges dans le poème) alors qu’il y a de la douleur et de l’injustice dans le monde. – Francisco Gallardo – Deux interprétations très différentes de ce poème. J'aime la voix de Marisa Sannia, mais je regrette le choix des images accompagnant le poème, images qui, selon moi, sont totalement inadaptées.
  7. Lettre 59-3 11 juillet 2019 Samuel, XVI siècle Evolution générale en Europe (partie 3) : la Réforme La Réforme est un mouvement religieux initié par Martin Luther (1483-1546) puis développé par d’autres prédicateurs, notamment Jean Calvin (1509-1564). Il s’ensuivit la création d’Églises réformées (luthéranisme, calvinisme, anglicanisme, etc.) l’ensemble des ces Églises formant le protestantisme, branche du christianisme concurrente du catholicisme et de l’Église orthodoxe. Les chefs de l’Église catholique se distinguaient par leur immoralité : corruption, débauches, incestes, assassinats, oisiveté, étalement de richesses… Face à ces comportements dévoyés le peuple mais aussi les classes dominantes vivaient dans l’angoisse. Le contrecoup du cataclysme de la peste, les guerres, la nouvelle menace turque, les changements économiques, tout cela engendrait peur, angoisse et même terreur tant le sentiment de la mort et du châtiment à venir hantaient les esprits. L’Église catholique enseignait qu’après la mort les hommes seraient, après le jugement dernier, aiguillés vers le Paradis ou le Purgatoire (lieu de transition douloureux en attendant d’accéder au Paradis) ou l’Enfer lieu de souffrances éternelles selon leurs bonnes ou mauvaises actions accomplies dans ce monde. Or chacun se pensait pécheur et donc promis à l’Enfer. Le péché seul pouvait expliquer les cataclysmes vécus, le péché avait séparé l’homme de Dieu conduisant celui-ci à l’ abandonner. Dans ces conditions comment trouver le Salut ? Les Papes imaginèrent le système des Indulgences. Contre des dons en argent faits pour financer les œuvres ecclésiales les chrétiens pourraient être remis de leur péchés par l’autorité papale. Il devenait donc possible d’acheter la rémission de ses fautes et d’éviter le châtiment éternel. Les Papes activèrent sérieusement ce système quand il leur prit l’idée de construire une nouvelle basilique à Rome qui fût de proportions phénoménales et d’une beauté inégalée. Prêtres et envoyés de Rome sillonnèrent alors les terres européennes pour lever de l’argent. Martin Luther naquit en 1483 à Eisleben en Allemagne orientale. Il rentra chez l’ordre des ermites augustins d’Erfurt puis fut sacré prêtre en 1507. C’était un esprit inquiet et tourmenté. Il pensait que toutes ses prières ne suffiraient pas à lui assurer le salut. En 1513, réfugié dans une tour d’un couvent il comprit que le salut ne pouvait pas venir du repentir mais de la foi. L’homme est de toute façon déchu, en raison du péché originel, mais le Christ est venu le sauver. C’est la foi en Jésus, fils de Dieu, seul apte à faire la jonction entre les hommes et Dieu, qui, seule, peut sauver le pécheur. La religion doit devenir personnelle et intérieure, il faut rejeter les dogmes, la tradition et la théologie telle qu’ils sont enseignés et en revenir à la lecture directe des Livres saints, sans plus s’abandonner à l’autorité et à l’exégèse des prélats. Luther alla encore plus loin. Alors que l’Église romaine enseignait que l’homme pouvait contribuer à son salut en faisant de bonnes œuvres (dont notamment celle de faire des dons à l’Église) Luther affirma le contraire. Les bonnes œuvres ne pouvaient aucunement assurer le salut. C’est la foi qui assure le salut. Qu’est ce que la foi pour Luther ? C’est ce sentiment éprouvé par le pécheur quand il sent l’irruption en lui de Dieu venu de sa propre initiative le sauver. C’est Dieu qui décide de sauver le chrétien en se révélant, par l’intermédiaire de Jésus, révélation qui s’accompagne de ce sentiment, éprouvé par l’élu : « J’ai la foi ». Alors seulement le croyant réalise des bonnes œuvres, celles-ci étant une conséquence naturelle de la foi. Ainsi s’explique la formule que Luther affectionnait et qu’il avait emprunté à Paul : « Le salut par la foi, indépendamment des œuvres ». Quand en 1517 un marchand d’indulgences vint se présenter à Wittenberg, en Allemagne, résidence de Luther, ce dernier s’emporta et placarda sur la porte de l’église quatre-vingt-quinze thèses qui dénonçaient le marchandage des indulgences. Cette protestation connut un succès foudroyant dans toute l’Allemagne grâce au relais de l’imprimerie. La condamnation des indulgences suscita d’âpres querelles, renforçant Luther dans ses prises de position radicales. « En dehors de la foi tout le reste est superflu affirmait-il, y compris l’Église et ses prêtres. Chacun doit devenir son propre prêtre, nul ne doit plus se fier aux dogmes de l’Église. C’est dans la Bible que chacun doit rechercher les intentions de Dieu et dans la Bible seule » Ces affirmations conduisirent le Pape Léon X à l’excommunier en1520. L’empereur d’Allemagne, Charles V dit Charles Quint mit Luther au ban de l’Empire en 1521 ce qui signifiait qu’il était désormais hors la loi, que nul ne devait l’assister, que chacun pouvait même le tuer. Le prince de Wittenberg, le duc de Saxe, surnommé Nathan le Sage vint à son secours et le cacha dans son château, la Wartbourg. Là Luther traduisit la Bible dans une nouvelle langue, synthèse des différents dialectes germaniques de l’époque, donnant ainsi naissance à une nouvelle langue : l’allemand. Pendant ce temps les idées de Luther, rassemblés sous le nom de luthéranisme se répandaient dans l’Empire. Les paysans interprétèrent ses idées comme une invitation à ne plus obéir qu’à sa conscience et à rejeter tout maître. Ils se révoltèrent contre les propriétaires terriens provoquant de grands troubles sociaux. Nombre de princes quant à eux se convertirent au luthéranisme voyant ainsi un moyen de s’affranchir de la tutelle religieuse du Pape et surtout un moyen de s’approprier les biens fonciers de l’Église. Luther put sortir libre de sa cachette en 1522. Il condamna les révoltes paysannes et prit parti pour les princes rebelles. Les paysans rentrèrent dans le rang. Il organisa le culte propre à sa nouvelle religion (il autorisa notamment le mariage des pasteurs, diffuseurs de sa doctrine) et il plaça son Église sous la dépendance des princes convertis à sa doctrine. Ainsi rompit-il définitivement avec la Papauté et avec le catholicisme. Charles Quint tenta d’étouffer le luthéranisme mais les princes convertis protestèrent (d’où le nom de protestants donné aux partisans de la Réforme). En définitive, malgré l’emploi de la force, Charles Quint ne parvint pas à éradiquer la nouvelle religion. De guerre lasse, il laissa son frère Ferdinand signer en 1555, avec les princes allemands, le compromis connu sous le nom de paix d’Augsbourg. Les princes se firent reconnaître le droit d’être à leur gré catholiques ou luthériens. Il y eut désormais deux Allemagnes, l’une catholique, l’autre luthérienne. Au milieu du siècle le luthéranisme finit par remplacer le catholicisme dans la moitié de l’Empire, en Prusse et dans les pays scandinaves. La nouvelle religion augmenta le pouvoir des princes convertis mais elle détruisit aussi l’unité de l’Allemagne déjà affaiblie politiquement par le morcellement politique de son territoire. En France les idées de Luther commencèrent à diffuser à partir de 1520. Jean Cauvin, qui prit le nom de Jean Calvin, né en 1509 à Noyon, mort à Genève en 1564 modifia quelques points de théologie de Luther et fonda sa propre Église appelé Calvinisme ou Religion réformée, variante chrétienne du luthéranisme. Des Églises calvinistes furent fondées non seulement en France mais aussi aux Pays Bas, en Hongrie, en Allemagne occidentale, en Suisse et en Écosse. Les rois catholiques, restés fidèles au Pape entreprirent de contrer ces nouvelles religions. Il s’ensuivit ce que nous appelons : les guerres de Religion. Nous en parlerons dans la prochaine lettre. En Angleterre la réforme fut introduite par les souverains. Cette rupture avec Rome eut des causes privées. Le roi Henri VIII (1491-1547), d’abord catholique et hostile au luthéranisme, voulut divorcer de sa femme et épouser sa belle-sœur. Ce qu’il fit alors que ce type de mariage endogamique (ainsi que le divorce) était interdit par la papauté, sauf à demander une dérogation. Ensuite il voulut à nouveau divorcer et se marier avec une demoiselle d’honneur, Anne Boleyn. Pour régulariser sa situation il demanda au Pape d’annuler ses précédents mariages. Mais le Pape n’en fit rien. Ce qui excéda le roi qui décida de s’affranchir de l’autorité de Rome. Il contraignit le clergé anglais à rejeter l’autorité du Pape et à accepter le roi comme chef religieux (puis il épousa Anne Boleyn). C’est ainsi que naquit l’anglicanisme, religion assez proche du catholicisme mais influencée aussi par le luthéranisme, gouvernée désormais non par le Pape mais par les rois. Cette naissance fut officialisée par l’Acte de Suprématie (1534) acte qui stipulait que le Pape était interdit d’exercer une autorité en Angleterre et que Henri VIII devenait l’unique et suprême chef de l’Église d’Angleterre. L’ anglicanisme, sous l’influence des calvinistes, enfanta un autre mouvement : le puritanisme. Ce mouvement rejetait toutes les influences catholiques subsistant encore dans l’anglicanisme (ils voulaient purifier l’Église d’Angleterre de ce qui subsistait « d’idolâtrie papale »). Ils rejetaient l’Acte de Suprématie car cet acte soumettait la nouvelle religion aux rois, alors qu’ils étaient partisans d’une élection des chefs religieux par les fidèles. Le conflit entre les puritains et les anglicans dressa nombre de gentilshommes anglais contre le roi, conflit qui joua un rôle capital dans l’histoire de l’Angleterre au XVII siècle. Passe de belles vacances, Je t’aime
  8. Sartre avait commencé à poursuivre ce but avant même de devenir le chantre de l’existentialisme. À ce sujet, avant cette fameuse conférence, Sartre a déjà publié des textes philosophiques : – La transcendance de l’ego 1936 – Esquisse d’une théorie des émotions 1939 – L’imagination 1940 – L’Etre et le Néant 1943 Ces textes là réalisaient implicitement cette visée en désubstantialisant la conscience. Tous ces textes portent l’empreinte de la phénoménologie que Sartre découvre à Berlin. Il lit Husserl, Heidegger qui vont le convaincre de l’importance de cette nouvelle philosophie. L’existentialisme doit beaucoup à la phénoménologie. Pourquoi la phénoménologie est-elle une philosophie importante ? Parce qu’elle rompt avec l’idéalisme, montre que la conscience n’est pas une chose, n’est pas une substance au sens aristotélicien, que conséquemment on ne peut pas en faire un objet que l’on peut totaliser, que l’on va pouvoir analyser et donc connaître, mais qu’au contraire la conscience est un mouvement [ intentionnalité], un mouvement vers, c’est-à-dire une façon de se rapporter aux choses qui jamais ne s’épuise. Transcendance de la conscience, et donc soyons cohérents dit Sartre, si la conscience est intentionnellement transcendante, forcément elle nous confère une liberté qui est irréductible. En finir donc avec l’idéalisme. Sartre a entrepris ce cheminement. Et à partir de là, on comprend déjà les grandes notions propres à l’existentialisme sartrien. Quels sont les grands thèmes sartriens qui vont faire l’armature de ce que l’on appelle l’existentialisme sartrien, existentialisme tel que Sartre et ses amis le concevront ? Il y en a fondamentalement quatre autour desquels vont graviter ensuite des petits satellites. – la contingence – la facticité – la transcendance – la liberté Ces grands concepts philosophiques vont à chaque fois, pour chacun d’entre eux, avoir leur doublure sur un autre plan.
  9. – Raisons sociologiques propres à l’époque Ce n’est pas seulement un nouveau mode de penser mais aussi une façon de vivre. Et Sartre va vraiment enthousiasmer la jeunesse. Être existentialiste c’est afficher dans ses goûts, dans son mode de vie, une façon de réinventer la vie. La jeunesse brisée par la guerre va suivre : glorieuses années de Saint-Germain et découverte du Jazz. La volonté aussi féroce de briser la conscience du temps social, à ce temps bergsonien qu’est la durée s’ajoute, et en même temps vient contrarier un temps social [comme 68 sera un éclatement où l’on a retrouvé cette belle énergie qui s’était déjà éteinte et qu’on redécouvre]. Intérioriser le temps social c’est pour Sartre déjà s’avouer bourgeois. C’est reconnaître la société avec ses normes, ses valeurs, ses intérêts, ses objectifs, sa finalité. C’est avouer l’emprise du social sur soi. Cela on n’en veut plus. Si on est libre on doit pouvoir manifester sa liberté jusque dans ses modes de résistance. Donc il n’y a plus d’heures de repas, on traîne dans les cafés, on passe la nuit à boire écouter des musiques, à peindre. La scansion du temps social et tous ses repères qui fabriquent la vie sociale sont contestés. L’existentialisme c’est la philosophie qui n’est plus coupée de la vie, c’est un creuset ou s’invente des modes de vie, c’est une forme de révolution permanente [une idée trotskiste qui essaie de se répéter en 68]. Dans La critique de la raison dialectique Tome I et dans ce texte appelé " Questions de méthode ", Sartre écrit : « Nous refusâmes l’idéalisme officiel au nom du tragique de la vie, au sens nietzschéen, c’est au concret absolument que nous voulions arriver » [tragique, au sens nietzschéen : je sais que je suis ce danseur sur une corde tendue qui vient du néant et qui y retournera, et justement je danse. Je ne m’étourdis pas en essayant d’oublier ce néant, je l’assume et c’est précisément parce que j’essaie de l’assumer que cela libère des forces vives et peut-être une exaltation de la vie]. C’est dans la vie, à la vie, par la vie que la philosophie doit conduire. Rajeunir, dépoussiérer la philosophie mais aussi les sciences humaines et l’université : voilà le projet existentialiste (page 27 du Magazine littéraire : L’offensive existentialiste).
  10. La nausée paraît en 1938 et c’est un succès immédiat du point de vue des ventes, et surtout de la critique qui n’hésite pas à propulser Sartre parmi les grands écrivains. Deuxième texte très important, le Manifeste : « L’existentialisme est un humanisme ». Six ans séparent la Nausée de la célèbre conférence prononcée le 29 octobre 1945, et publiée en 1946. Sartre fait cette conférence pour mettre les choses au point et montrer ce qu’il a voulu dire au travers de ce roman qu’est la Nausée. En 1946 il publie Morts sans sépulture – La Putain respectueuse et deux textes philosophiques notoires : Réflexion sur la question juive – Matérialisme et Révolution. Entre ces deux dates 38 et 46, il publie en 43 l’énorme texte : LEtre et le Néant où se trouve le Sartre grand philosophe. C’est la conférence le Manifeste qui propulse Sartre comme chef de file d’une nouvelle pensée : L’Existentialisme. (Cf Simone de Beauvoir La force des choses). C’est un immense succès qui impose l’étiquette, maintenant assumée par Sartre : l’existentialisme. On s’est beaucoup interrogé sur ce succès immédiat. On peut avancer deux raison à ce succès : – Raisons historico philosophiques Fin de la guerre, où l’on observe l’effondrement des grands courants de pensées traditionnels en philosophie et particulièrement cet immense courant qu’est l’idéalisme (Hegel). Les événements dans le monde font que l’on ne peut plus adhérer aux valeurs prônées par l’idéalisme. On n’a plus la même confiance en l’homme, en sa raison, en la vérité. Tout s’effondre. S’effondre également l’héritage des lumières et notamment la raison. Et il n’y a pas d’idéalisme pensable sans le rôle hégémonique que l’on confère à la raison. L’existentialisme va jouer comme troisième voie où l’on tire les leçons de ce qui vient de se passer et où l’on essaye de prendre l’homme tel qu’il est et non tel qu’il devrait être. L’existentialisme présente d’une façon très claire, très limpide une nouvelle façon de penser : l’homme dans son rapport au monde, aux autres, à l’Histoire. C’est une philosophie concrète qui s’intéresse à l’homme dans son quotidien. C’est une philosophie qui prend à bras le corps toutes les vicissitudes de la réalité humaine avec ses grandeurs, mais aussi ses bassesses que l'on ne se contente pas de condamner d’un point de vue moral, comme l’ont fait si souvent les philosophes, car aux yeux de Sartre cela ne sert à rien. Il faut prendre l’homme tel qu’il est. Avec ce souci d’être en prises avec la réalité humaine, le réalisme sartrien est un des ressorts qui lui assure une efficacité, une écoute.
  11. Sartre ne récusera pas la place de l’imagination, du rêve, du songe, de l’illusion, du mensonge, de tout ce qui trahit d’une façon volontaire ou involontaire la vérité comme étant ce dont nous avons souvent besoin pour nous construire, pour élaborer des choses. Dépité il continue d’écrire, et c’est déjà La nausée. La deuxième version s’est enrichie lorsque Sartre en 1934 est pensionnaire de l’Institut français à Berlin et ne s’intéresse pas à la montée d’Hitler. Il est le dos tourné à l’Histoire. Il est plongé dans Husserl, et la lecture des pensées de Husserl lui révèlent l’importance de la phénoménologie. Simone de Beauvoir est scandalisée par l’attitude de Sartre et ne lui trouvera aucune excuse. « Ce sont de jeunes intellectuels bourgeois normaliens très protégés qui ne s’intéressent pas à l’histoire ». Il va poursuivre par la lecture de Heidegger qui va beaucoup compter. Il remanie certains passages de la Nausée. En 1936 c’est d’abord la troisième version de la Nausée qui apporte des pages montrant le pouvoir de déformation de la conscience, les anomalies perceptives. Toutes ces aventures de la conscience sont des prétextes pour Sartre pour investiguer des domaines comme conscience et imagination. Qu’est-ce que l’imagination ? Ce n’est pas une faculté à part, c’est une façon qu’a la conscience de se rapporter aux choses et d’en fabriquer des images. C’est aussi la période où Sartre est très lié au milieu psychanalytique et psychiatrique. Il est l’ami de Daniel Lagache ce qui lui vaut des entrées un peu troubles à Sainte-Anne, il est très intéressé par Michaux, dont beaucoup de texte sont écrits sous l’emprise de la Mescaline. Il travaille sur l’imagination il fait des expériences sur lui-même. À Sainte-Anne il se fait injecter des produits, teste la Mescaline, ne la supporte pas. Il passe un moment de sa vie avec hallucinations, états dépressifs très profonds, états dépressifs qui se manifestent dans la Nausée. La quatrième élaboration de la Nausée sera acceptée. Il travaille sur le plan littéraire, mais il emploie des mots crus, orduriers, obscènes. Il est obligé de relire les pages jugées trop crues qu’il doit d’expurger à la demande de Gallimard, mais il refuse de censurer les passages qui traduisent la fantasmatique sexuelle. Se pose aussi Le problème du titre. Sartre choisit « Melancholia », les aventures extraordinaires d’Antoine Roquentin. Mais c’est Gallimard qui trouve le titre La Nausée. C’est un compromis éditorial pour ne pas effaroucher l’intelligentsia française encore très guindée.
  12. El poeta pregunta a su amor por la "Ciudad Encantada" de Cuenca Te gustó la ciudad que gota a gota labró el agua en el centro de los pinos? ¿Viste sueños y rostros y caminos y muros de dolor que el aire azota? ¿Viste la grieta azul de luna rota que el Júcar moja de cristal y trinos? ¿Han besado tus dedos los espinos que coronan de amor piedra remota? ¿Te acordaste de mí cuando subías al silencio que sufre la serpiente, prisonera de grillos y de umbrías? ¿No viste por el aire transparante una dalia de penas y alegrías que te mandó mi corazón caliente? Traduction: André Belamich Le poète demande à son amour après la « Ville Enchantée » de Cuenca As-tu aimé la ville, goutte à goutte ouvragée par les eaux entre les pins, les visages de rêve et les chemins et les murs de douleur giflés de souffles ? La gorge bleue d’éclats de lune où coule le Jucar au cristal mouillé de trilles ? Tes doigts ont-ils senti le baiser des épines qui couronnent les vieux rochers d’amour ? As-tu pensé à moi quand tu montais au silence que souffre le serpent prisonnier des grillons et des ténèbres ? N’as-tu pas vu dans les airs transparents un dahlia de peine et d’allégresse ? C’est le message de mon cœur brûlant. Ce poème est un petit bijou. Il y a une originalité dans ce poème. Outre l’amour que manifeste le poète, apparaît une description très lyrique d’un lieu très spécifique : celle de la Cité enchantée. C’est très particulier dans les Sonnets de l’amour obscur, cela mérite d'être signalé.
  13. Si tu chantais ta composition, ce serait l’accomplissement et l’aboutissement de ce travail. Il faudrait que tu puisses y consacrer un peu de temps.
  14. Ce qui frappe chez Sartre c’est l’incroyable fécondité dans la production. La pensée existentialiste Le premier texte important, le prélude au Manifeste : La Nausée parue en 1938, figure la première grande œuvre de Sartre. Cette œuvre va le faire connaître du grand public et de la critique littéraire qui l’encense, le présente et le pose comme un écrivain avec lequel on devra compter dans ce siècle. Dans La Nausée un certain nombre de pages s’apparente davantage à l’essai qu’au roman. C’est une œuvre inclassable dont l’écriture est très complexe. La Nausée a été élaborée en quatre étapes distinctes. Chaque étape procédant à des remaniements, cependant le sujet est resté le même. Or quel est le sujet en 1938, huit ans avant l’apparition du Manifeste (1946 où tous les thèmes seront théorisés par la suite dans ce manifeste) ? On peut dire que le sujet véritable de La Nausée c’est ce concept de contingence. La Nausée est un roman philosophique parce que le sujet réel de ce roman, au travers du personnage emblématique de Roquentin, c’est la contingence. Et c’est peut-être la première fois qu’un concept philosophique devient littéralement un personnage de roman. Donc roman sur la contingence, et l’on peut considérer la Nausée comme l’ouvroir (cf. les Oulipiens) de la doctrine existentialiste. Dès les premiers temps, dans les années 1920, les tout premiers textes de l’adolescent Sartre concernent déjà la notion de contingence. C’est donc dire que cette découverte est vraiment, même dans la vie de Sartre lui-même, une réelle découverte, une expérience qu’il fait dans sa propre chair, qui le bouleverse radicalement et qui ne le quittera plus. Puisque l’ensemble de l’existentialisme est une médiation sur découverte de la contingence et les tenants et aboutissants de ce concept. Dès son arrivée au Havre en 1931, où il va enseigner la philosophie, il élabore ce qui est considéré comme la première version de la Nausée, après ce qu’il considère sa première grande œuvre philosophique intitulée « La légende de la vérité » qui ne sera jamais éditée. Tous les éditeurs refusent le manuscrit et le jeune Sartre prend un premier revers éditorial qui l’a beaucoup remué. Dans cette œuvre, il reprend les grandes idées nietzschéennes comme la vérité est un songe, une illusion, mais dont les hommes ont besoin parce que de cette illusion jaillit un certain nombre de choses. Ceci laissera des marques dans la philosophie sartrienne.
  15. Lorca était un expert du lyrisme Galicien et de la sensibilité de cette terre. En 1917 il écrit dans un article : « Se comprende, viendo el paisaje de Galicia, el carácter triste de sus habitantes y su música, que dice de peñas, de amores, de imposibles. » On comprend, en voyant le paysage de la Galice, le caractère triste de ses habitants et de leur musique, qui parle des chagrins, des amours, de l’impossible. La mer tourmentée, les hautes herbes, la pluie, le vent sont des éléments indissociables de la terre de Galice. Les métaphores et les symboles accompagnent le poème. Eluard disait « Un jour les hommes verront ce que les poètes ont vu ». J’ai trouvé une autre interprétation du Madrigal par le groupe Luar na Lubre avec les voix d’Ismael Serrano et Rosa Cedrón « Chove en Santiago ». Ma préférence reste sur la composition de Prada dont la musique pénètre les mots et nous fait ressentir le trajet que nous espérions accomplir. C’est une musique simple, épurée, avec pour seul accompagnement guitare et accordéon.
  16. C’est beau ! Cette composition est en harmonie avec le poème de Lorca et la traduction que tu en as faite en langue provençale. Au passage, j’aime les modifications que tu as apportées. Merci.
  17. Je vous communique ce petit texte qu’Aliocha m’a fait parvenir : « Il est intéressant de lire ce qu’écrivit Einstein concernant ses recherches (de mémoire) : « J’imaginais sans cesse un couvreur tombant du toit et j’essayais de voir dans quelle situation d’apesanteur il se trouvait ». Il imaginait. Il parle sans cesse d’imagination quand il détaille sa manière de penser. La particule que l’on devait appeler plus tard « photon » c’est lui qui l’imagina pour expliquer le phénomène photo-électrique. D’une manière générale la physique repose sur l’imagination. Nul n’a jamais vu une particule élémentaire mais nous imaginons qu’elle existe. Ou plus exactement si « l’objet » non observable était une particule ses effets observés seraient les mêmes que les effets réellement observés. Cela échappe au Commun qui finit par croire que les objets fondamentaux de la physique actuelle sont des objets observés. Il en est de même en mathématique. L’espace-temps est un objet de l’imagination. L’espace-temps ne peut pas être observé. Tout ce qui n’est pas observé, tout ce qui n’est pas de l’ordre de la perception est appréhendé ou construit par l’imagination. Le mystère, et c’est un mystère qu’a relevé Einstein, c’est celui-là : comment se fait-il que l’imagination permet d’agir sur le « réel » ? Bien sûr tout imaginaire ne permet pas d’agir avec efficacité, notamment dès lors qu’il s’agit des sciences de la nature, là l’expérience maîtrise l’imagination. L’imagination modèle aussi nos sociétés. Et là l’imagination a sans doute plus de liberté pour se développer. Dans la vie privée je pourrai aussi vous signaler l’importance de l’imaginaire dans la sexualité. Si je prends l’exemple du forum vous ne pouvez que m’imaginer. Du seul fait que vous ne pouvez pas me percevoir spatialement ni temporellement vous ne pouvez que m’imaginer. Le forum fonctionne essentiellement sur l’imaginaire. L’imagination intervient dans la formation même des perceptions selon Kant : confer sa fameuse « synthèse de la reproduction dans l’imagination ». Ce qu’il veut dire par là c’est qu’il nous faut reproduire dans l’imagination nos perceptions brutes. C’est assez vraisemblable. Mais même si nous critiquons sa démarche (la conscience en action a-t-elle besoin de l’imagination?) c’est un fait que la conscience réflexive n’est possible que grâce à cette faculté : l’imagination. Dans l’exercice de la conscience réflexive nous reproduisons dans notre imagination les faits perçus et les informations reçues. Puis nous travaillons sur cette matière première. Sans imagination pas de conscience réflexive. C’est grâce à l’imagination, à notre capacité à reproduire dans notre esprit le réel, que nous pouvons l’analyser. Cette faculté de reproduction est l’une des propriété de l’imagination. Il y a ensuite une autre propriété de l’imagination : créer des modèles. Nous créons des modèles que nous éprouvons ensuite en nous livrant à des expériences. Tiens un souvenir soudain . Lénine : « Il faut d’abord beaucoup rêver avant de passer à l’action » et Dieu sait si ce fut un homme d’action ».
  18. À la suite de Marx, Sartre prend sur lui cette thèse et tente de l’appliquer, de la réaliser. Il emprunte à Marx, dans la dette marxiste, le concept purement marxiste de pratique théorique. Jusqu’à Marx les philosophes ont dûment séparé la théorie de la pratique si bien que cela a abouti à ce type d’adage : ce qui est vrai en théorie ne l’est pas en pratique. Il y a un hiatus, voire un abîme entre la théorie et la pratique. Marx va se trouver avec cet héritage : comment articuler la théorie sur la pratique ? Cela va donner chez Marx le concept de principe théorique. Non seulement il est possible d’articuler théorie et pratique, mais la pensée est déjà une forme de pratique. Être théoricien sur l’économie, sur l’histoire c’est déjà militer dans le monde, imposer des valeurs, soutenir des intérêts. Alors la théorie est une forme de pratique, elle n’est qu’une modalité de la pratique. L’un des effets secondaires de ce concept, pratique théorique, que reprend Sartre [concept très important dans sa pensée], c’est l’idée que l’intellectuel n’est pas quelqu’un d’à part. Au contraire l’intellectuel a une tâche propre en tant qu’intellectuel, c’est de vivre parmi ses semblables, d’expérimenter, de monter sur les barricades et non pas de rester terré pour produire théoriquement. Il doit s’exposer pour comprendre l’histoire, comprendre la vie, ne pas développer de grands systèmes théoriques et s’étonner que dans la pratique cela ne fonctionne pas particulièrement. Cette notion de pratique théorique est importante, car elle a permis à Marx de constituer le concept moderne de l’intellectuel, de l’intellectuel comme homme engagé. C’est ce qui sera repris par Sartre est mis en pratique.
  19. Gacela del recuerdo de amor No te lleves tu recuerdo. Déjalo solo en mi pecho, temblor de blanco cerezo en el martirio de Enero. Me separa de los muertos un muro de malos sueños. Doy pena de lirio fresco para un corazón de yeso. Toda la noche en el huerto mis ojos, como dos perros. Toda la noche, corriendo los membrillos de veneno. Algunas veces el viento es un tulipán de miedo, es un tulipán enfermo, la madrugada de invierno. Un muro de malos sueños me separa de los muertos. La niebla cubre en silencio el valle gris de tu cuerpo. Por el arco del encuentro la cicuta está creciendo. Pero deja tu recuerdo déjalo solo en mi pecho. Traduction : André Belamich Gacela du souvenir d’amour N’importe pas ton souvenir. Laisse-le tout seul à mon cœur, frisson de blanc cerisier dans le martyre de janvier. Un mur de songes mauvais me sépare des trépassés. Je donne une peine de lys frais pour un cœur de plâtre. Toute la nuit, dans le jardin mes yeux, comme deux grands chiens. Tout au long de la nuit, traquant le coing et son venin. Le vent, qui semble quelquefois une tulipe de frayeur, est une tulipe souffrante, par une matinée d’hiver. Un mur de songes mauvais me sépare des trépassés. La brune couvre, silencieuse, la vallée grise de ton corps. Sous l’arche de notre rencontre la ciguë maintenant grandit. Mais laisse-moi ton souvenir, laisse-le tout seul en mon cœur. Cette Gacela est un poème du souvenir, contrairement au reste des poèmes du Diván del Tamarit où l’amour est notoirement plus présent. L’idée de l’amour en tant que passé est peu courante. C’est l’idée du souvenir et de la transformation que le monde présente à la lumière de ce souvenir. Cela renforce l’idée de la distance entre le monde extérieur et le monde intérieur. Mais le souvenir reste. La voix poétique demande à ne garder que le souvenir d’une « blessure qui, toujours ouverte, fait que vous vous sentez toujours en vie ».
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