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  1. Russie, lettre 18 : le règne de Pierre 1er le Grand 1694-1725 20 mars 2020, Samuel, 4) Épilogue Les réformes de Pierre eurent un impact fort sur la population. Certains firent de lui un héros mais d’autres au contraire virent en lui l’Antéchrist [ Antéchrist : ennemi de Jésus qui doit venir prêcher contre le christianisme avant la fin du monde ]. Les Vieux Croyants notamment (voir annexe 1) comme tous ceux qui considéraient l’Occident comme un ennemi, voyaient dans les réformes une atteinte à l’identité russe médiévale. Des légendes affirmèrent que Pierre n’était pas le fils du Tsar Alexis mais un imposteur venu pour détruire la Russie. Pierre, lui-même exaspéré par la mentalité des moscovites, repliés sur un passé mythique, contribua à entretenir la légende en quittant Moscou pour installer la capitale de l’Empire à Saint-Pétersbourg, symbole de l’ouverture sur l’Occident (voir annexe 2). Ce conflit entre l’ancienne Moscovie et la nouvelle Russie impériale divisa la famille même de Pierre. Alexis, le fils qu’il eut en 1690 de sa première femme Eudoxie, s’opposa à lui et devint le point de ralliement de l’opposition. Pierre finit par intenter un procès à son fils qui fut condamné à mort en 1718. Alexis mourut avant même l’exécution, dans la forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg, probablement des suites de torture. Il laissait une fille, Nathalie, née en 1714, et un fils, Pierre, né en 1715, qu’il eut d’une princesse allemande, Charlotte, elle-même décédée en 1715. Pierre se remaria en 1712 avec une femme d’origine populaire, Catherine, qui le seconda avec énergie, pendant tout son règne et dont il eut plusieurs enfants. Mais tous moururent en bas-âge. Le 8 février 1725 Pierre décéda sans avoir désigné de successeur. Annexe 1 Les Vieux-Croyants (voir lettre 16-4, le schisme) voyaient dans le rasage une atteinte à l’image de Dieu (représenté avec une barbe). La réforme du calendrier volait du temps à Dieu (on passait de l’an 7208 à l’an 1700). La réforme de l’alphabet était une insulte faite aux anciens écrits religieux rédigés dans l’ancien alphabet slavon. Enfin l’abolition du patriarcat était une attaque directe contre l’orthodoxie. Pierre n’apprécia pas leur insoumission. Il leur interdit d’entrer dans les villes, les contraignit à payer double impôt et à porter des vêtements distinctifs. Nombre de Vieux Croyants, refusant les oukases de l’Antéchrist, allèrent vivre dans des toundras inhospitalières ou choisirent encore la « mort rouge » c’est-à-dire l’immolation par le feu où ils entraînèrent la population de villages entiers. Au début du règne de Pierre ils étaient quatorze millions, ils n’étaient plus qu’un million à la fin de son règne. Annexe 2 Saint-Pétersbourg fut fondée en 1703. La première construction fut la forteresse Pierre-et-Paul destinée à protéger les chantiers navals. La ville doit son nom à l’apôtre Pierre (qui fonda l’Église chrétienne selon les Évangiles) dont l’Empereur portait le nom. En 1706 ce dernier décida d’en faire la capitale. Des dizaines de milliers de serfs et d’ouvriers en assurèrent la construction au prix d’innombrables morts provoquées par la fièvre des marais, le scorbut, la dysenterie, la faim voire l’épuisement. C’est en 1712 que la ville devint de fait la capitale de l’Empire quand Pierre y transféra la Cour, les ambassades et le Sénat. Elle resta la capitale de la Russie jusqu’en 1918. En 1714 les trois cent cinquante plus grands propriétaires nobles et les trois cents plus riches marchands de Russie durent y construire leur maison. A l’origine la ville, construite notamment par de nombreux architectes français, fut centrée sur le palais de l’Amirauté qui était en fait un centre de construction navale (aujourd’hui il ne reste rien de ce bâtiment qui fut reconstruit en authentique palais au début du dix-neuvième siècle). Des canaux concentriques entouraient ce bâtiment et trois grandes artères, trois perspectives, dont la perspective Nevski, convergeaient sur lui. Le premier navire de fort tonnage y fut construit en 1712 et fut appelé : le Poltava. Pierre installa sa résidence à Peterhof, ville située à 25 kilomètres au sud du centre de la capitale sur la rive sud du golfe de Finlande, appelée le plus souvent aujourd’hui par les Russes : Petrodvorets (son ancien nom). Cette ville somptueuse est encore appelée le Versailles russe, parce que conçue par des architectes, pour la plupart français, sur le modèle de la ville royale. Je t’embrasse, Je t’aime
  2. Lettre 60-21 3 mars 2020, Samuel, XVII siècle Histoire de la communauté juive D) Menasseh ben Israël Antonio de Montezinos, marrane portugais, pendant son voyage qui devait le conduire de la Nouvelle Grenade (Colombie actuelle) à la province de Quito, en Équateur, entendit ses porteurs parler d’un peuple persécuté par les Espagnols, caché dans la forêt. Antonio s’appelait, de son premier nom, Aaron Levi. Cette allusion à un peuple caché éveilla sa curiosité. Il avait entendu une rumeur qui soutenait qu’une des dix tribus perdues d’Israël était l’ascendante des peuples indiens. En 1641, accompagné par Francisco, un guide local, qui lui assura que ce peuple existait bien, il s’enfonça dans la jungle. Tous deux arrivèrent sur la rive d’un fleuve. Ils virent sur la rive opposée trois hommes et une femme monter dans un canot et venir à leur rencontre. Francisco à qui Antonio avait révélé qu’il était juif lui dit : « Ce sont tes frères ». L’embarcation arriva à la hauteur des deux voyageurs, deux hommes sautèrent sur la rive et étreignirent Aaron qui ne comprit rien à leur langage. Ils se mirent de part et d’autre d’Antonio et soudain ils se mirent à réciter le début du Shema en hébreu, la prière d’affirmation quotidienne : « Écoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un ». Puis Francisco traduisit leur idiome. Ils expliquèrent qu’ils étaient les enfants d’Abraham, d’Isaac, d’Israël (Jacob) et de Ruben (le fils aîné de Jacob). Mais ils refusèrent à Antonio le droit de les suivre dans leur forêt. Aaron voyagea alors jusqu’à Amsterdam pour raconter à un rabbin bien connu de la ville, Menasseh ben Israël, qu’il avait découvert une tribu perdue d’Israël en Amérique. Menasseh hésita entre enthousiasme et doute. Antonio disait-il vrai ? Avant de mourir, ce dernier réaffirma sa découverte. Un mourant pouvait-il mentir ? Menasseh savait que, selon la tradition, avant que le Messie n’apparaisse, il fallait que fut accomplie cette prophétie, la dispersion des Juifs, annoncée dans le Deutéronome, chapitre 28, verset 64 : « Et l’Éternel te dispersera parmi tous les peuples, d’une extrémité de la terre à l’autre ». On savait déjà qu’il y avait des Juifs en Chine, en Inde, en Afrique (Éthiopie), se pouvait-il qu’il y eut une tribu perdue en Amérique ? Si oui, alors la prophétie serait sur le point d’être réalisée, annonçant la venue prochaine du Messie. L’histoire d’Antonio s’ébruita et finit par arriver aux oreilles de protestants anglais. Ces derniers attendaient le retour de Jésus, retour conditionné par la dispersion achevée des Juifs, suivi par leur conversion au christianisme. (Il est possible que cette histoire parvint aussi aux oreilles de Sabbatai Tsevi, le confortant dans sa certitude qu’il était le Messie ; mais pour Sabbatai il n’était pas question de réunir les Juifs pour qu’ils se convertissent, mais pour qu’ils marchent ensemble vers la reconquête de Jérusalem) Mais il fallait encore, pour que la dispersion des Juifs fut achevée, que ces derniers s’installent en Angleterre puisque seul ce pays leur restait encore fermé depuis leur éviction par Édouard 1 en1290. Devant l’engouement de nombreux protestants anglais Menasseh bascula. Il ne douta plus de la véracité du récit d’Antonio. Il se mit en tête de convaincre les autorités d’autoriser le retour des Juifs en Angleterre car pour lui aussi le Messie allait apparaître dès lors que la dispersion en Angleterre fut achevée. Il écrivit une géographie et une histoire des Tribus perdues, Mikveh Israël (Espérance d’Israël) exposant leur dispersion, y compris en Amérique, où vivait donc, cachée depuis des siècles, la dernière tribu perdue. Menasseh diffusa son livre en Angleterre où il débarqua en 1655 pour négocier avec les dirigeants le retour des Juifs. Cromwell qui était alors au pouvoir (lettre 60-6) accueillit favorablement la requête de Menasseh. Il est probable qu’il ne croyait en rien aux prophéties diverses ni aux tribus perdues, mais il espérait que l’installation des Juifs en Angleterre lui permit de concurrencer le monopole commercial des Hollandais sur les mers. Il soumit cette requête au Conseil d’État (le cabinet qui assurait autour de Cromwell le pouvoir exécutif). Mais le Conseil se divisa sur la question et finit même par refuser d’autoriser publiquement le retour des Juifs. Les bourgeois londoniens s’opposaient à ce retour, craignant que les Juifs finissent par les supplanter dans leur activité de négoce international. Menasseh revint à Amsterdam. Il avait calculé les dates de l’arrivée du Messie en s’appuyant sur des prophéties bibliques. Ce retour il l’avait prévu d’abord pour 1648 puis pour 1656, mais le Messie n’apparut pas, de toute façon l’achèvement de la dispersion des Juifs en Angleterre n’avait pas eu lieu. Ainsi mourut-il profondément déçu en 1657. Cromwell décida d’autoriser officieusement les Juifs à s’installer en Angleterre. Entre-temps les juristes estimèrent que l’édit d’expulsion de 1290 n’avait pas force de loi car il n’avait pas été approuvé par le Parlement. Donc les Juifs n’étaient pas officiellement autorisés à s’installer en Angleterre mais rien ne leur interdisait de le faire. Progressivement ils se réinstallèrent en Angleterre et constatèrent qu’ils étaient bien accueillis. Le successeur de Cromwell, Charles II, leur octroya en 1664 une proclamation formelle de tolérance. Puis, en 1673, la liberté de culte leur fut garantie. Certes les Juifs ne se convertirent pas, le Messie, après l’échec de Sabbatai Tsevi, ne s’imposa pas, Jésus ne revint pas mais la vie reprit son cours en attendant de nouvelles prophéties. J’espère que ton voyage en Iakoutie s’est bien passé. Je t’embrasse, Je t’aime
  3. Lettre 60-20 29 février 2020, Samuel, XVII siècle Histoire de la communauté juive C) Amsterdam c) Baruch Spinoza Baruch Spinoza (1632-1677) était le fils de Michaël d’Espinosa, marrane du Sud du Portugal arrivé à Amsterdam en 1623 où il reprit son identité juive séfarade. La famille Spinosa était à l’origine issue d’Espagne d’où elle fut chassée par les rois catholiques en 1492. Michaël vivait du commerce international d’huile d’olive et de fruits secs. Il intégra rapidement la haute bourgeoisie juive amstellodamoise. Son fils Baruch reçut une éducation juive à la yeshiva Kéter Torah. Il arrêta ses études relativement tôt pour aider son père dans son exercice professionnel, mais il ne cessa jamais de s’instruire auprès de précepteurs privés, apprenant le latin, l’allemand, le français, le grec ancien mais aussi la philosophie notamment celle de Descartes. A partir de 1650 les affaires de Michaël déclinèrent. Baruch prit la succession de son père, à sa mort, en 1654, mais il ne put enrayer le déclin de l’entreprise commerciale. L’Angleterre en lançant une guerre maritime contre la Hollande entrava sensiblement les échanges commerciaux. La dernière redoute hollandaise au Brésil, Recife, tomba aux mains des Anglais ce qui tarit une autre source de revenus pour Baruch : le commerce du sucre importé du Brésil. Ces revers militaires ruinèrent en outre les marranes brésiliens qui émigrèrent à Amsterdam. L’arrivée de ces nouveaux migrants inquiéta la communauté qui tenait à garder son statut bourgeois et privilégié en Hollande. Aussi fut-il recommandé aux séfarades de rester discrets, malgré leurs embarras, et de continuer à répondre à l’attente de leurs hôtes qui avaient, dès 1615, par la voix de leur illustre juriste Hugo Grotius, ainsi défini le cadre de l’accueil des Juifs : ceux-ci devaient rester fidèles aux préceptes de leur religion, croire en un Dieu unique, suivre les directives de leurs prophètes dont Moïse, et admettre une vie après la mort dans laquelle les justes seront rétribués et les méchants punis. C’est par référence à ce cadre religieux que le maamad avait excommunié Uriel da Costa. Aussi quand Baruch se mit, à partir de 1655, à nier l’origine divine de la Loi juive et même à estimer qu’il n’existait de Dieu que philosophique, comme, par surcroît, ruiné dans son commerce, il refusa d’honorer ses dettes en avançant le fait juridique qu’il était mineur et avait ainsi le droit de refuser la succession du père (la majorité à l’époque était fixée à 25 ans) le maamad déjà échaudé par les critiques d’Uriel da Costa n’hésita pas, en 1656, à prononcer contre Baruch un herem. Ainsi fut-il excommunié et rejeté hors de la communauté. Après son exclusion Baruch abandonna définitivement les affaires commerciales. Il devint philosophe-artisan, suivant l‘enseignement de l’université de Leyde, gagnant sa vie en taillant des lentilles optiques pour lunettes et microscopes et écrivant son œuvre philosophique. De santé fragile, il mourut pauvre à l’âge de 44 ans, en 1677. Son médecin, Lodewilk Meyer emporta ses manuscrits et les fit publier. Sa sœur tenta de vendre ses maigres biens à la criée, dans la rue, sans y arriver. Ainsi ne laissa-t-il rien. Sauf son œuvre, qui, une fois connue, brilla et brille toujours dans le ciel de la pensé des humains. Nous ne développerons pas ici la philosophie de Spinoza qui est dense et complexe. Mais nous allons exposer en quoi ses vues contredisaient celles des orthodoxes juifs. Pour lui la Torah était un manifeste politique écrit non par Moise mais par les scribes et les religieux dirigés par Esdras lors de l’exil à Babylone. De retour en Judée Esdras utilisa cet écrit pour fonder un nouvel Israël. La Torah n’était pas un texte révélé. Comme Uriel da Costa il disait « que les âmes mouraient avec les corps et qu’il n’ y avait de Dieu que philosophiquement ». Pour lui, Dieu, réalité sans cause (incréé donc), était identique à la Nature. Dieu était l’univers naturel en mouvement, un système qui avançait imperméable aux faits et gestes des hommes. Ce « Deus sive natura » (en latin) soit ce « Dieu ou la Nature » ou encore « Dieu c’est-à-dire la Nature » était moralement indifférent, autosuffisant, sans histoire. Ce Dieu-Nature était universel, il n’appartenait à aucune religion révélée. Ce faisant Spinoza rompait avec le judaïsme. Il rejoignait ce que beaucoup, Juifs y compris, appelaient et appellent les Juifs séculiers, c’est-à-dire les Juifs athées (à ne pas confondre avec Juif laïque, Juif qui ne croit pas en un Dieu anthropomorphique mais qui n’est pas pour autant athée). Certes il ne croyait plus en un Dieu anthropomorphique mais il refusa toujours avec vigueur l’athéisme. Spinoza répétait que l’univers n’était pas une machine matérielle qui se serait créée d’elle-même (comme le pense par exemple l’illustre physicien Hawking). L’essence de l’univers pour lui était identique au Dieu sans cause. Formule obscure, incompréhensible. Du coup nul ne comprit rien à Spinoza (et pratiquement personne encore aujourd’hui comprend quelque chose à Spinoza). Il fallut attendre des hommes tel Albert Einstein pour que quelqu’un finisse par le comprendre. En effet Albert Einstein ne croyait pas non plus en un Dieu anthropomorphique mais il se voulait juif sans équivoque et ne voulait pas se dissocier de l’histoire juive. Mais que dit Einstein, lorsqu’en 1929 il fut pressé de s’exprimer sur sa croyance ? Il dit ceci : « Je crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l’ordre harmonieux de ce qui existe et non à un Dieu qui se préoccupe du sort et des actions des êtres humains ». Par ailleurs il éprouvait un certain mépris pour l’athéisme commun qui, disait-il, restait sourd à la « musique des sphères ». Parlant ainsi Einstein, spirituellement, réintégra Spinoza dans la communauté juive. Il est nécessaire d’être attentif à ce dit Einstein. Il dit que le Dieu de Spinoza se révèle dans l’ordre harmonieux de la nature » ou encore dans « la musique des sphères ». Mais cet ordre harmonieux ou cet ordre musical n’est pas un ordre Pensé c’est un ordre Senti. Einstein tout de même que Spinoza ne sont plus dans la pensée spéculative, ils sont dans le sentiment, ils ne se positionnent plus comme des penseurs mais comme des artistes. Ils « sentent » en eux l’émerveillement les envahir, grâce à la conscience même qu’ils ont qu’il existe une réalité. Et ce sentiment (émerveillement, paix, étonnement, etc.) pour eux révèle l’existence d’un Inconnu qu’ils appellent Dieu par commodité lors même que ce Dieu reste en fait un Mystère. Pour comprendre Spinoza puis à sa suite Einstein il est donc nécessaire d’abandonner la pensée classique faite de raisonnements et de relations de causalité, il faut adopter l’attitude de l’artiste qui perçoit par le sentiment qu’un mystère se révèle à lui. Lisons Einstein dans son texte enregistré au profit de la Ligue des droits de l’Homme en 1932 : « L’expérience la plus belle et la plus profonde que puisse faire l’homme est celle du mystère. Sentir que derrière tout ce que nous pouvons découvrir il y a quelque chose qui échappe à notre compréhension, et dont la beauté, la sublimité ne peuvent nous parvenir qu’indirectement, voilà ce que c’est que le sentiment du sacré. Et il me suffit de pouvoir m’émerveiller devant ces secrets et de tenter humblement de saisir par l’esprit une image pâlie de la sublime structure de tout ce qui est » Le « indirectement » signifie que le mystère ne nous est pas révélé directement mais qu’il se signale par le sentiment qu’il imprime en nous, tel un être invisible qui se manifesterait à nous par la marque de son empreinte dans notre esprit, cette empreinte étant le sentiment, le « senti ». Sans doute, tout ce que je t’écris là est difficile à comprendre. Mais tu parviendras tôt ou tard à comprendre tous ces mots, car tu as en toi cette tension inextinguible qui te porte à toujours aller plus loin dans l’élucidation des mystères. Même Spinoza et Einstein sont appelés à être dépassés par ces chercheurs inlassables que sont les « étoiles vagabondes » comme le furent Uriel da Costa ou encore Spinoza. Je t’embrasse, Je t’aime, Je pense toujours à toi
  4. Lettre 60-19 28 février 2020, Samuel, XVII siècle Histoire de la communauté juive C) Amsterdam b) La dramatique histoire de Gabriel-Uriel da Costa Né à Porto, au Portugal, Gabriel da Costa était le fils d’un père « nouveau chrétien » ancien juif authentiquement converti au catholicisme, et d’une mère marrane qui continuait de pratiquer le judaïsme en cachette. D’abord acquis aux idées chrétiennes il formula de premiers doutes à l’âge de 22 ans, vers 1606, quant à l’immortalité de l’âme. Il se mit alors à étudier le judaïsme. Il décida de se soumettre à la Loi juive en se convertissant au judaïsme ce qui lui valut de devoir partir du Portugal. Il émigra vers Amsterdam en 1614 avec sa mère et ses frères (son père étant mort dans l’intervalle). Il prit le nom d’Uriel da Costa. Mais il ne tarda pas à découvrir dans le judaïsme tel qu’il était enseigné par les séfarades les mêmes doctrines « nocives » selon lui sur l’immortalité de l’âme. En 1616 il publia des écrits dans lesquels il exposa ses critiques allant jusqu’à rejeter l’authenticité de la Loi orale (le Talmud) et ne reconnaissant comme vraie que la Loi écrite (il rejoignait en cela les Sadducéens, les Maîtres du Temple de Jérusalem avant la destruction de 70). Ses positions lui valurent d’être excommunié de la communauté en 1623. Uriel finit par penser que l’ancien testament était une pure création humaine. En cela il annonçait Baruch Spinoza. Mais en cela aussi il fut rejeté par la communauté chrétienne (qui, aussi, ne lui pardonnait pas son scepticisme quant à l’immortalité de l’âme). Seul, pauvre, partout rejeté, il tenta de réintégrer la communauté en expliquant qu’il voulait désormais « vivre en singe parmi les singes » formule qui ne fut pas vraiment appréciée. La communauté exigea de lui qu’il se soumit au rituel officiel de la flagellation. La procédure était une humiliation publique traumatisante. Vêtu de noir, comme en deuil, l’expiant devait tenir un cierge de cire noire, tandis qu’on lisait ses transgressions à voix haute. Les vingt-neuf coups de fouet prescrits, autrefois physiquement administrés, étaient réduits au simple contact d’un fouet sur les épaules nues, puis l’expiant était tenu de s’allonger au sol tandis que les fidèles lui passaient dessus en l’enjambant. Uriel se soumit à ce rituel mais revenu chez lui, trop profondément humilié, il se suicida (en 1640). Quand on retrouva son corps son autobiographie était posée sur une table. Des luthériens la publièrent, non pour soutenir Uriel, mais pour dénoncer le coté borné des rabbins juifs. Par l’effet d’une curieuse ruse de l’histoire les Juifs réformateurs des générations suivantes découvrirent cette autobiographie mais ils en eurent une vision différente de celle des chrétiens. Pour eux Uriel était le héros de la libre pensée juive. Un dramaturge allemand, non juif, Karl Gutzkow (1811-1878) tira de la vie et de la mort d’Uriel un drame (Uriel Acosta) qui trouva aussitôt une place de choix dans le répertoire des compagnies théâtrales yiddish d’Europe centrale et orientale. Sholem Aleichem (1869-1916), juif d’Ukraine, défenseur du yiddish, auteur de « Un violon sur le toit » qui inspira la comédie musicale du même nom, en fit une pièce favorite de sa compagnie itinérante dans son célèbre roman : « Étoiles vagabondes ». La légende s’incrusta : Uriel était mort afin que les Juifs puissent penser librement et se considérer comme Juifs si vifs que soient les anathèmes proférés par les rabbins et les orthodoxes. Simon Schama, historien juif, professeur à l’université Columbia, né en 1945, auteur d’une Histoire des Juifs, écrit : « Sans la témérité d’avant garde d’Uriel da Costa, [ selon les juifs laïques], jamais Baruch Spinoza n’aurait osé penser et écrire comme il le fit, et le monde eût été différent, soumis à une orthodoxie plus oppressante » Le même homme écrit encore, toujours dans l’histoire des Juifs, : « Le moment qu’il [Uriel] incarna dans l’histoire juive ne manquait pas de profondeur : la douloureuse naissance et la mort prématurée du Juif profane, rationnel et polémique jusqu’à l’obsession, mais désireux de rester juif malgré son scepticisme. En d’autres temps, le nôtre, il aurait trouvé une synagogue qui eût accueilli ses doutes, ses questions et même ses accès de rage. Un rabbin, pas nécessairement barbu, l’aurait fait asseoir et calmé puis aurait essayé de trouver le moyen qu’il reste juif » N’oublions pas néanmoins que cette façon de sentir et de penser, celle de Simon Schama, vient de ses origines juives lituanienne et turque, cette façon de penser donc vient d’un juif qui a su enrichir sa sensibilité séfarade de sa sensibilité ashkenaze. Une définition du judaïsme laïque est donnée par le couple (juifs français contemporains) Ajchenbaum dans leur livre : « Les Judaïsmes » : « Le judaïsme laïque est une tentative de tourner le dos à la loi et à ses obligations sans pour autant rompre avec une histoire millénaire, avec ce qu’on pourrait appeler une civilisation » Concernant le judaïsme laïque nombreux utilisent l’épithète : « judéité » qui renvoie à une culture historique millénaire enrichie d’innombrables cultures singulières, du fait de l’errance « chez toutes les nations du monde » de nombreux Juifs (plutôt que judaïté, mot qui renvoie à la seule religion) Je t’embrasse, J’espère que tu passes de belles vacances avec ton ami Sergueï, Je t’aime
  5. Lettre 60-18 26 février 2020, Samuel, XVII siècle Histoire de la communauté juive C) Amsterdam a) La Terre d’asile Dès le début du siècle un premier groupe de marranes s’installa à Amsterdam. En 1602 fut fondée Beit Yaacov « Demeure de Jacob » première congrégation juive d’Amsterdam. En 1608 fut fondée Névé Shalom « Maison de la Paix » seconde congrégation, puis en 1618 Beit Israël « Demeure d’Israël » la troisième congrégation. En 1639 les trois congrégations s’unifièrent pour former la « Communauté sainte de Talmud Torah » nom officiel de la communauté séfarade d’Amsterdam. Ainsi progressivement les marranes et les nouveaux chrétiens purent renouer officiellement avec le judaïsme. Les familles les plus influentes créèrent le syndic ou maamad de Talmud Torah, soit le comité directeur de la communauté. Ce fut le maamad, et non les experts rabbiniques, qui s’appropria le pouvoir de prononcer l’excommunication ou herem de tout Juif pouvant porter atteinte à l’unité de la communauté. Ce pouvoir exorbitant visait à contrer les trop fortes personnalités marranes que les épreuves et les expériences spirituelles (conversion, simulée certes, au catholicisme mais conversion tout de même vécue) avaient conduit à adopter des visions du monde souvent éloignées du judaïsme orthodoxe. Le scepticisme rationaliste ou encore le mysticisme kabbalistique (incarné par Sabbataï Tsevi) déplaisaient aux tenants de l’orthodoxie. La deuxième partie de ce chapitre sera dédiée à l’étude de ces « fortes têtes » marranes. Les marranes et les nouveaux chrétiens ne cessèrent d’arriver à Amsterdam pendant le XVII siècle. En 1616 leur présence fut légalisée par les dirigeants des Provinces Unies. Rappelons que ces Provinces (les sept États du Nord) étaient majoritairement acquises au calvinisme, doctrine religieuse opposée au catholicisme, ce qui explique que les immigrés Juifs séfarades ne furent plus, dans ces Provinces, confrontés à l’antisémitisme des Rois catholiques d’Espagne et du Portugal. Mieux les calvinistes comme l’ensemble des protestants, étaient de fervents lecteurs de l’Ancien Testament (les catholiques étant plus orientés vers le Nouveau Testament). La Bible hébraïque était au cœur des deux identités juive et protestante, ce qui conduisait les Hollandais à se penser comme de nouveaux enfants d’Israël. En Grande Bretagne les protestants comparaient l’Écosse et l’Angleterre aux deux anciens royaumes d’Israël et de Juda. Guillaume le Taciturne (voir lettre 59-5) lui-même était représenté en Moïse moderne. En 1632 la construction de synagogues fut autorisée et, date historique, le 17 juillet 1657, les États Généraux (voir lettre 60-12) accordèrent leur protection à tout Juif néerlandais se trouvant à l’étranger. Pour la première fois dans histoire européenne, un État traitait ses ressortissants juifs de la même manière que ses ressortissants non-juifs. En 1672 les séfarades représentaient la moitié des 5 000 Juifs d’Amsterdam (sur 200 000 habitants) l’autre moitié étant constituée de Juifs ashkénazes arrivés en nombre après les massacres de 1648 en Petite Russie. La communauté séfarade d’Amsterdam tint à donner d’elle une image avenante. Habillés de la même manière que les Hollandais les séfarades menèrent aussi le même style de vie qu’eux. [Notons que les ashkénazes en revanche gardèrent leurs costumes polonais et leurs chapeaux à large bord]. Les séfarades riches et puissants pour la majorité d’entre eux intégrèrent les cercles des notables, des industriels et des marchands hollandais. Ils fournirent grâce à leur argent et à leurs réseaux d’affaires un appui sérieux à l’expansion du commerce des Provinces Unies jusqu’au début du XVIII siècle [Ils surent garder le contact avec les acteurs économiques espagnols et portugais du continent mais aussi des colonies, d’où un soutien précieux pour l’activité commerciale internationale des sept Provinces]. Ils détinrent jusqu’au quart des actions de la Compagnie des Indes orientales. Ils furent banquiers, négociants, assureurs, agents de commerce internationaux et détinrent le monopole de l’industrie diamantaire mondiale. Notons qu’un diamantaire, Mosseh Pereyra de Palva, parti en 1685 à la recherche de pierres précieuses en Inde, arrivé dans le comptoir hollandais de Cochin, au sud de l’Inde, y rencontra à sa plus grande surprise des Juifs « noirs » déjà mentionnés par un grand voyageur juif du Moyen-Âge, Benjamin de Tudèle (1130-1173). Mais il y rencontra aussi des Juifs « blancs » originaires d’Espagne, de Palestine, de Syrie, de Turquie, de Perse et d’Afrique du nord, installés là depuis au moins un siècle. Du coup il devint ethnographe. A son retour à Amsterdam il relata dans le détail la vie de ces communautés orientales juives. Je t’embrasse, Bravo pour ta cavalcade équestre cosaque, sabre au clair, avec la troupe du maître de danse, qui est aussi, finalement, un maître d’armes ! Je t’aime
  6. Lettre 60-17 25 février 2020, Samuel, XVII siècle Histoire de la communauté juive B) En Pologne Nous avons vu (lettre 59-11-4) que les Juifs de Pologne-Lituanie s’étaient installés en grand nombre dans les latifundia, propriétés des nobles dont ils devinrent les régisseurs. Après l’unification de la Pologne et de la Lituanie en 1569 (Union de Lublin, lettre 60-13) les nobles lancèrent de vastes entreprises de colonisation dans les steppes d’Ukraine. Ayant eux-mêmes peu de goût pour la gestion des terres et la commercialisation des produits ils firent appel aux Juifs. Un système de fermage (location) fut mis au point : « l’arenda ». Moyennant une redevance fixe, le fermier juif gérait les domaines ce qui impliquait qu’il avait la haute main sur les biens immeubles et les moyens de production y compris les serfs. Notons ainsi, parmi bien d’autres, la réussite de Maître Abraham fils de Samuel qui obtint d’un prince polonais au prix annuel de 5 000 zlotys-or le fermage d’un ensemble d’agglomérations avec moulins, auberges, tavernes, étangs, terrains de chasse, pâturages, forêts, bois et bétail. Ou encore la réussite de Lejba Anklewiez Subiennik qui obtint l’arenda de débits de boissons et de champs de céréales d’une ville importante de la Petite Russie. C’est ainsi que le paysan ukrainien et orthodoxe, réduit quasiment à l’esclavage dans l’exploitation des terres du fait de l’organisation féodale de la Pologne -Lituanie commença à voir dans le Juif le représentant du noble polonais catholique et oppresseur. Devenu objet de haine pour la population rurale le grand fermier juif fut dès lors la première cible des révoltes populaires. En 1648 menées par le cosaque Bogdan Khmelnitski qui voulait créer une Petite Russie autonome les masses paysannes se soulevèrent. Les Juifs furent les victimes de la vindicte populaire : 40 000 périrent en 1648-1649. Beaucoup fuirent en Europe, notamment à Amsterdam et en Allemagne. Ces massacres eurent un retentissement important dans les communautés juives d’Europe et inspirèrent pour une grande part le messianisme de Sabbataï Tsevi (lettre 60-16). En 1648 Tsevi avait 22 ans. Il voulut trouver dans ces massacres un sens. Il le découvrit dans l’espérance messianique. A partir de cette année il rentra dans des états d’exaltation suivis de phases dépressives et se sentit de plus en plus fermement convaincu qu’il était le Messie qui rassemblerait tous les Juifs et les conduirait en Palestine. En 1666 deux Juifs polonais partirent voir Sabbataï à Gallipoli (lettre 60-16) et diffusèrent le message du maître en Europe orientale. Le retentissement fut immense mais en 1670 le Conseil des Quatre Pays, représentant en Pologne la nation juive, excommunia Tsevi. Pour autant l’influence de Sabbataï ne s’éteignit ni avec sa conversion à l’islam ni avec son excommunication ni même avec sa mort en 1676. En 1700 un rabbin sabbatéen de Doubno (ville d’Ukraine) Juda Hassid partit pour la Palestine avec 400 adeptes. Mais dès son arrivée il mourut ce qui désorganisa ses disciples. Malgré cet échec beaucoup voient aujourd’hui dans l’action de Juda Hassid la préfiguration du futur mouvement sioniste. Au XVIII siècle le sabbatéisme connut une dernière poussée avec l’apparition de Jacob Frank dont nous parlerons lorsque nous étudierons ce siècle. Je t’embrasse, Je t’aime
  7. Lettre 60-16 17 février 2020, Samuel, XVII siècle Histoire de la communauté juive A) Le moment sabbatéen En octobre 1665 un navire, dérouté par une tempête alors qu’il devait accoster à Amsterdam, arriva dans un port écossais. Sur la grand-voile était inscrit en lettres rouges : « Ceux-ci viennent des dix tribus d’Israël ». Nul ne parvint à bien comprendre l’hébreu parlé par l’équipage. La même année la communauté juive d’Amsterdam se mit à bruire d’étonnantes rumeurs. De partout arrivaient ces nouvelles : les dix tribus d’Israël étaient en marche. Elles arrivaient soit d’au-delà des montagnes du Caucase, soit d’Anatolie ou de Perse, soit d’Arabie, d’Afrique ou d’Amérique. Un million d’hommes conduits selon certains par un général nommé Jéroboam progressait vers Israël, armé d’arcs, de flèches, de lances et de psaumes. Déjà cette troupe renversait les Ottomans dont les balles et les boulets rebondissaient contre les boucliers des soldats sans les toucher. A Fès il fut révélé qu’une autre armée d’Israélites marchait en direction d’une montagne de sable pour y creuser une galerie jusqu’à une cave secrète où reposait une trompette en laiton. Un Judéen en jouerait, alors la terre tremblerait, tous les croyants formeraient un seul peuple convergeant vers Sion. Tout cela, bien sûr, n’était qu’imaginaire. Dans les derniers mois de 1665 ces rumeurs s’intensifièrent. Des navires appareillaient en Inde et en Zélande pour rallier la Palestine. Les persécuteurs d’Israël allaient être écrasés dans le sang. Les fils de Moise venaient de franchir la Sambatyon. [Le Sambatyon est un fleuve légendaire de la mythologie juive qui charrie pierre et sable. Il a la particularité de cesser de s'écouler pendant le sabbat. Au-delà du fleuve sont exilés les dix tribus d’Israël ou encore les enfants de Moïse]. Ces signes signifiaient que le Messie était sur le point d’apparaître, qu’il conduirait son peuple jusqu’à Jérusalem où le Temple serait reconstruit. A Gaza vivait un homme de Dieu, Nathan. En 1665 il eut 22 ans. Il avait étudié dans une yeshiva, il était aussi kabbaliste. Le légalisme talmudique l’ennuyait, la mystique kabbalistique l’inspirait. Il suivait des jeûnes prolongés suivi d’isolement complet qui le plongeaient dans des transes. Dans son ouvrage « Le livre de la création » il écrivit qu’il s’était élevé assez haut pour voir la totalité de la création. Il s’était même élevé jusque dans la mer des étoiles où il vit le char céleste [la Merkavah citée dans l’écrit majeur de la kabbale, le Zohar] conduit par un homme au doux visage. Ces paroles étaient naturellement venues à Nathan, en voyant le cocher : « Sabbataï Tsevi est son nom. Il fait éclater sa voix, il pousse le cri de guerre, il déploie sa puissance contre les ennemis » Revenu sur terre Nathan vit venir à lui un homme qui lui demanda de le guérir de ses sautes d’humeur trop radicales. Nathan alors reconnut Sabbataï Tsevi et lui révéla qu’il était le Messie. Le 31 mai 1665 Sabbataï se déclara publiquement Messie. Tsevi était né à Smyrne (Izmir actuellement, en Turquie) d’un père séfarade et d’une mère ashkénaze. Il avait reçu une éducation talmudique et kabbalistique. Il était né un 9 Av (mois du calendrier hébraïque) jour anniversaire de la destruction du Temple. Or selon la tradition le Messie devait naître un 9 Av. Il se fit remarquer par ses penchants mystiques et ses extravagances. Il jeûnait souvent, rentrait en transes, prononçait sans cesse des formules kabbalistiques et répétait dans l’indifférence générale qu’il était le Messie. Il finit par être expulsé de Smyrne. Il erra de cité en cité, répétant toujours qu’il était le Messie, son comportement était étrange, un jour il promena dans un berceau un gros poisson habillé en enfant. Après de multiples péripéties il échoua en Palestine, là il rencontra Nathan. Les deux hommes s’entendirent. Nathan était un homme qui maîtrisait la parole, Sabbataï était un homme d’action. Tous deux et surtout Nathan connaissaient suffisamment les textes kabbalistiques pour révéler des signes formant une trame prophétique. De plus dans les années 60 la kabbale était devenu le judaïsme normatif, les Israélites ayant besoin de retrouver des motifs d’espérance, fussent-ils délirants, après l’assommoir de l’expulsion d’Espagne mais aussi après les massacres dans la petite Russie commis par les Cosaques en 1648 après la révolte de Bogdan Khmelnitski (voir lettre 16 sur la Russie, chapitre 5). C’est ainsi que la grande aventure sabbatéenne commença. L’apparition du Messie enflamma l’imaginaire de toutes les communautés juives. Cet engouement étonnant se coupla avec la résurgence de mythes chrétiens. En effet pour ces derniers le nombre 666, contenu dans l’année 1666 annonçait la venue de la Bête (Lucifer dont le signe est le nombre 666) avant le retour glorieux de Jésus-Christ. La concordance de ces mythes convainquit la majorité de la communauté juive que Sabbataï était réellement le Messie. Un immense mouvement de ferveur populaire, accompagné de processions, de prières publiques, d’extases hystériques de fidèles prophétisant la fin des temps et appelant à la repentance générale se saisit des masses. Des dévots se versaient de la cire fondue sur le corps, d’autres se flagellaient avec des branches épineuses, d’autres encore se nouaient des cordes d’orties sur le corps. Nathan fixa pour l’été 1666 la date de la rédemption (c’est-à-dire le jour où Dieu viendra sauver les Juifs). Au cours des quatre années à venir prédit-il, des phénomènes surnaturels allaient bouleverser l’univers. Sabbataï s’emparerait de la couronne du sultan, ramènerait les dix tribus perdues et rassemblerait tous les Juifs en Israël. Sabbataï voyageait tel un roi, vêtu de soie, agitant un sceptre en argent. Il renversait les usages, transformait les fêtes religieuses de deuil en réjouissances, transgressait les lois alimentaires, faisait remplacer dans les prières le nom du sultan par le sien. L’agitation messianique gagna toutes les communautés de toutes les villes de l’Empire ottoman puis elle gagna toute l’Europe. De nombreux Juifs vendirent toutes leurs possessions préparant leur voyage en Israël. Certains proclamèrent que Dieu transporterait son peuple sur un nuage jusqu’à la Terre sainte. En Grèce un Juif voulut sauter sur un nuage et se tua. Ainsi le sabbatéisme s’opposait au fatalisme résigné, à la fuite sans fin devant les calamités, les exodes, les massacres. Le sabbatéisme inaugurait une avancée vers la rédemption, vers le retour à Sion. Face à l’agitation croissante le grand vizir Koprülü décida de calmer les esprits. Il ordonna à Sabbataï de se présenter à Constantinople en février 1666. Le Messie vogua jusqu’à la capitale. Le vizir aussitôt l’arrêta et l’enferma dans un château à Gallipoli (au sud de Constantinople) où il bénéficia de conditions d’incarcération confortables. Entouré d’amis il transforma sa prison en cour royale, recevant d’innombrables visiteurs appartenant à toutes les couches de la société juive. Les autorités ottomanes laissèrent faire pensant que la tension retomberait, le Messie étant désormais entravé dans ses mouvements. Ce dernier prononçait des homélies enflammées, il rédigeait des missives qu’il signait : « Fils aîné de Dieu » ou « Fiancé de la Torah ». La fièvre messianique alla en s’exacerbant à l’approche de la date de la rédemption prédite par Nathan. Des émeutes éclatèrent en Europe du Nord, à Vilna, Lublin, Pinsk, Amsterdam, Prague, Francfort. Les croyants se couchaient nus dans la neige et se fouettaient avec des orties. Par milliers ils se rassemblaient devant les portes de la forteresse de Gallipoli. L’effervescence atteignit son paroxysme en juillet et août 1666. Tous attendaient que se produisit un grand événement surnaturel d’autant plus fascinant que nul ne parvenait à l’imaginer. Le sultan décida d’arrêter les frais. Il annonça à Sabbataï que ses archers allaient faire de lui leur cible. S’il était le Messie les flèches rebondiraient sur lui. S’il refusait l’épreuve il serait empalé. Il lui proposa encore une troisième voie : se convertir à l’Islam. Sabbataï choisit de se convertir. Il prit le nom de Aziz Mehmed Effendi, reçut une bourse d’argent et un costume correspondant à sa foi nouvelle puis il fut libéré. Le sultan satisfait se dit que la menace d’une implosion sociale dans son Empire était écartée. La nouvelle de la conversion du Messie doucha tout le monde. L’attente surnaturelle fut brusquement abrégée. Beaucoup ne voulurent pas y croire. Ils se dirent que le Messie était en train de ruser pour s’emparer du pouvoir ottoman ou qu’il avait voulu se sacrifier pour éviter le massacre des Juifs. Le vizir et le sultan laissèrent la désillusion faire son œuvre. Les Juifs finirent par reprendre leur vie normale, mentalement brisés. Sabbataï devint une sorte de marrane musulman, fréquentant la mosquée le vendredi, observant le shabbat le samedi. Cette attitude lui valut d’être dénoncé pour injure à l’islam. Le vizir l’exila en Albanie. Il y mourut, seul, en 1676. Nathan mena une vie de vagabond errant de ville en ville. Il mourut, lui aussi seul, en 1680 à Skopje en Macédoine. La chute du mouvement sabbatéen laissa de profondes séquelles dans les communautés. En Europe cet effondrement prépara le terrain à de nouvelles formes de vie juives dont nous parlerons ultérieurement. Mais dans la communauté juive méditerranéenne séfarade cette chute la laissa dans un état d’épuisement spirituel. Elle ne se releva pas de ce nouveau coup du sort. La belle et rayonnante communauté séfarade d’Espagne ainsi perdit encore un peu plus de sa lumière. Le cœur du monde juif battit désormais au rythme de l’histoire européenne dans la communauté ashkenaze. Mais l’âme séfarade en mourant dans l’effondrement de Sabataï émit un message ultime. Comme l’arbre expirant, qui, au printemps, produit une dernière abondante floraison, avant de s’éteindre, l’âme séfarade envoyait ainsi pour l’éternité à venir son message au monde : Jérusalem renaîtra. La tragédie de Sabbataï reste une coupe ouverte à cette prophétie : celui qui connaît la catastrophe un jour reviendra, animé par la force de l’Esprit. Je t’embrasse, Je t’aime
  8. Lettre 60-15 16 février 2020, Samuel, XVII siècle Le Maroc (suite de la lettre 59-7) Le Maroc connut son apogée politique au XVII siècle grâce au plus célèbre de ses souverains : Mulay Isma’il. Au XVI siècle l’Afrique du Nord dut s’incliner devant l’invasion ottomane sauf le Maroc qui résista grâce à l’action d’une famille arabe : les Saadiens. Le prestige de cette famille s’accrut encore grâce à sa victoire contre les Portugais lors de la bataille d’Alcaçar-Quivir en 1578, bataille au cours de laquelle le roi du Portugal, Sébastien 1er, mourut. Le saadien al-Mansour (le Victorieux) prit alors le pouvoir et fonda l’Empire chérifien en prenant le contrôle de la vallée moyenne du Niger. A sa mort, en 1603, le pays s’enfonça dans une guerre de succession. Les Saadiens furent évincés, d’autres chérifs se prétendant aussi descendants du Prophète se rendirent maîtres du Maroc oriental : les Alaouites. [Un chérif est un descendant de Mahomet par sa fille Fatima]. L’un d’entre eux, Mulay al-Rachid (1631-1672) parvint à contrôler l’ensemble du territoire avant de le léguer à son demi-frère, à sa mort, en 1672 : Mulay Isma’il. Ce dernier régna pendant 55 ans de 1672 à 1727, il fut surnommé le Louis XIV marocain. Pendant les 15 premières années de son règne il s’appliqua à étendre son autorité sur l’ensemble du territoire en créant un vaste réseau de villages fortifiés appelés : casbahs, qui lui permirent de tenir tête aux tribus rebelles, aux Ottomans et aux Européens. Il reprit progressivement tous les ports que les Européens avaient aménagés sur les côtes. Il reprit Tanger aux Anglais en 1684, Larache (en 1689) et Asila (en 1691) aux Espagnols. A la fin de son règne il ne restait plus que cinq ports européens : sur l’Atlantique Mazagan, appartenant au Portugal, et sur la Méditerranée quatre ports, dont Ceuta, appartenant aux Espagnols. Seul Ceuta reste encore aujourd’hui possession espagnole. Sur le plan extérieur il réussit à tenir tête à toutes les convoitises européennes et ottomanes. Il signa de nombreux traités commerciaux qui enrichirent le pays. Sur le plan intérieur il assainit les finances, il leva une armée de 150 000 esclaves noirs qui, non concernés par les questions intérieures, firent régner l’ordre sans faillir. Enfin il construisit à Meknès, dont il fit sa capitale, un palais impérial digne du château de Versailles, palais aujourd’hui disparu. Je t’embrasse, Je t’aime
  9. Lettre 60-14 6 février 2020, Samuel, XVII siècle Evolution générale en Europe L) La Russie (le texte qui suit est un résumé des lettres 14 à 17 sur la Russie) Nous en sommes restés, voir lettre 59-9, au règne du fils d’Ivan le Terrible, Féodor, qui régna de 1584 à 1598. A la mort de ce dernier commença le Temps des Troubles. A la mort de Féodor, sa femme la tsarine Irina assura la régence. Mais au bout de neuf jours elle renonça à sa charge et elle convoqua un Zemski Sobor. Le Zemski Sobor était une institution composée de délégués des quatre classes dominantes : l’Église, l’armée, l’administration de l’État, les négociants et entrepreneurs. Cette institution élut Boris Godounov Tsar de Russie. Il fut le premier Tsar élu de la Moscovie (avec la mort de Féodor s’était éteinte la dynastie des Rurik, les fondateurs de la Rus de Kiev). Il mena une politique internationale apaisée. En revanche sur le plan intérieur la situation dégénéra. Le servage des paysans imposé par le Terrible devint insupportable. Beaucoup s’enfuirent pour aller défricher les terres lointaines des khanats annexés par le Terrible. Certains allèrent grossir les rangs des Cosaques. Cette migration affecta l’exploitation des terres. Une famine survint en 1603 et dura trois ans. Les Russes moururent par milliers, des pillards apparurent. L’armée intervint pour réprimer des soulèvements populaires. La popularité de Boris s’écroula. C’est alors qu’une rumeur se répandit : le jeune frère de Féodor, Dimitri, un descendant de la dynastie Rurik donc, que l’on pensait mort, serait en fait vivant et caché en Lituanie. En effet un homme apparut, il affirma : « Je suis Dimitri, fils du Terrible ». Soutenu par les boyards qui voulaient rétablir la dynastie, il entra en Russie à la tête d’une armée de gueux, marcha sur Moscou. Son armée fut arrêtée à Novgorod-Severski. Le 1er avril 1605 Boris mourut subitement, vraisemblablement empoisonné. Son fils Féodor, âgé de 16 ans lui succéda. Dimitri réapparut à la tête d’une armée composée de Cosaques du Don et Zaporogues. Soutenu par les boyards il fit une entrée triomphale à Moscou et prit le pouvoir. Féodor et sa mère furent assassinés. Le 30 juillet 1605 il fut couronné Tsar en l’église de l’Assomption. Mais Dimitri n’était pas Dimitri, lequel était vraiment mort. Dimitri était un imposteur, c’était un moine nommé Grigori Otrepiev. Cela n’empêcha pas la nonne Marfa, la mère du vrai Dimitri, de reconnaître son fils en l’imposteur. Le règne de Dimitri dura peu de temps : du 30 juillet 1605 au 17 mai 1606. Lors de son mariage avec Marina Mniszek, fille d’un gouverneur militaire polonais, le 8 mai 1606, Vassili Chouïski, membre de la famille princière des Chouïski, ourdit un complot contre lui. Dimitri fut assassiné, Marina fut renvoyée en Pologne. Vassili Chouïski devint Tsar le 29 mai 1606 sous le nom de Vassili IV Chouïski. A peine Vassili eut-il réussi à imposer son autorité qu’apparut à nouveau Dimitri. Ce dernier aurait réussi à se sauver, un autre que lui aurait été tué. Il suffit à cet homme de déclarer « Je suis Dimitri, le fils du Terrible » pour être rallié par des rebelles, des Cosaques et des chefs de guerre polonais emmenés par Marina Mniszek. En fait il s’agissait à nouveau d’un imposteur appelé Bogdanko. Cela n’empêcha pas Marina de le reconnaître comme étant son époux et la nonne Marfa de le reconnaître comme étant son fils. Dimitri-Bogdanko marcha sur Moscou mais il ne put prendre la ville. Il s’installa à Touchino près de Moscou ce qui lui valut le surnom de « Brigand de Touchino ». Vassili Chouïski demanda l’aide militaire de la Suède qui la lui donna à condition que la Russie renonce à toutes visées sur la Livonie et qu’elle signe une alliance avec elle contre la Pologne. Le brigand fut chassé de Touchino. Il se réfugia à Kalouga (160 km au sud-ouest de Moscou). Mais le souverain de la Pologne-Lituanie, Sigismond III, furieux de l’alliance conclue entre le Suède et la Russie, attaqua la Russie. Son chef des armées Zolkiewski enleva Smolensk puis rentra à Moscou le 27 septembre 1610. Cette débâcle précipita la fin du Tsar, les boyards le renversèrent et prirent le pouvoir. Le pays fut dirigé par la Douma des boyards représentés par sept d’entre eux. Ils trouvèrent un accord avec l’occupant polonais en acceptant que le fils de Sigismond, Ladislas,devienne Tsar. Dans leur esprit le nouveau tsar devait défendre les intérêts de la Russie. Mais le père de Ladislas, Sigismond, ne l’entendait pas ainsi. Il voulait, lui, faire main basse sur la Russie. Voyant la résistance des boyards il se prépara à envahir le pays avec une puissante armée. Entre-temps le choix de Ladislas par les Russes comme Tsar déplut aux Suédois. Ils envahirent par le Nord la Russie et assiégèrent Novgorod. Occupés par un détachement polonais, menacés d’être annexés à la République des deux Nations, menacés par les Suédois, toujours sous la menace d’une contre-offensive du brigand de Touchino, réfugié à Kalouga, les Russes étaient mal partis. Le problème posé par le brigand fut résolu par son assassinat le 10 décembre 1610. Puis une milice composée de nobles, de paysans, d’anciens soldats et de Cosaques marcha sur Moscou. Le détachement polonais qui y résidait mit le feu à la ville et se réfugia dans le Kremlin. La milice rentra dans Moscou. Mais ses chefs ne s’entendirent pas. Du coup la milice se débanda. Sigismond III s’approchait de Moscou. Les Suédois prirent Novgorod. En province un troisième faux Dimitri apparut. Mais il ne parvint pas à fédérer de forces autour de lui. Dans ce chaos, l’Église orthodoxe mobilisa les Russes. Sous son impulsion des hommes courageux se révélèrent. A Nijni-Novgorod (actuelle Gorki) un homme simple, Kouzma Minime parvint grâce à son charisme à mobiliser sa ville puis le pays. Un chef de guerre Dimitri Pojarski parvint à lever une armée. Minime et Pojarski, soutenus par l’Église montèrent à l’assaut de Moscou. Ils prirent la ville. Le détachement polonais qui l’occupait se rendit. Les polono-lituaniens furent chassés de Moscou le 4 novembre 1612. Un Zemski Sobor fut réuni. Le 7 février 1613 il élut Tsar Michel Romanov. Ce dernier fut couronné le 21 juillet 1613. La dynastie des Romanov devait durer de 1613 à 1917. Ainsi s’acheva le Temps des Troubles. Aujourd’hui en Russie en commémoration de la victoire sur les polono-lituaniens est fêté le jour de l’unité nationale ou jour de l’unité du peuple. Michel Romanov régna de 1613 à 1645. Il parvint à rétablir l’ordre, à fixer les paysans à la terre et à développer l’industrie en ouvrant les frontières à des entrepreneurs étrangers. Avec les Suédois il signa la paix de Stolbovo en 1617. Novgorod fut rendue aux Russes mais toutes les terres en front de la Baltique restèrent à la Suède ce qui empêcha la Russie d’accéder à cette mer. Avec la Pologne-Lituanie fut signée la paix de Deulino le 1er décembre 1618. Les Russes y perdirent Smolensk et Tchernigov. Sigismond renonça à envahir la Russie, mais son fils Ladislas ne renonça pas à son droit d’en devenir le Tsar. Michel Romanov reconstitua l’armée et attaqua la Pologne pour récupérer Smolensk en 1633. Il fut vaincu et dut signer la paix de la Polianovka en 1634 qui confirma les pertes entérinées par le traité de Deulino. En revanche Ladislas renonça à ses droits sur le trône de Russie (contre paiement d’une lourde indemnité). Michel Romanov continua la conquête de la Sibérie. Dans les années 30 les colonisateurs atteignirent les rives de la Léna, ils fondèrent la ville de Iakousk. En 1636 des Cosaques atteignirent les rives du fleuve Amour. Le fils de Michel Romanov, Alexis Mikhaïlovitch succéda à son père. Il régna de 1645 à 1676. Il fut surnommé Alexis le Très-Paisible. Il produisit d’abord un nouveau code de lois, l’Oulojénié qui fixa les devoirs de la société envers l’État puis il consolida l’ordre dans le pays en en confiant la charge à une police politique. Enfin il leva de nouveaux impôts pour rétablir les finances mises à mal par les guerres incessantes. Ces impôts entraînèrent des révoltes populaires que le Tsar parvint tant bien que mal à contenir. Dans les années 30, en Pologne-Lituanie, les Cosaques zaporogues, jaloux de leur liberté, se révoltèrent contre les instances dirigeantes. Ils parvinrent à faire sécession politique en étendant leur autorité sur le territoire de la Petite Russie (Ukraine actuelle). [lettre 60-13]. Puis en 1654 ils demandèrent leur rattachement à la Russie. Alexis accepta. Le souverain de la République, Jean II Casimir, n’accepta pas cette mainmise si bien que la guerre reprit entre la République et la Russie. Les Russes furent victorieux. La guerre cessa en 1667 avec le traité d’Androussovo grâce auquel la Russie récupéra Smolensk et la région de Tchernigov. Elle annexa aussi la Petite-Russie orientale sur la rive gauche du Dniepr (Kiev y compris), la Petite-Russie occidentale, sur la rive droite, restant propriété de la République (mais elle finit par passer sous la domination ottomane). Le Tsar Alexis mourut le 30 janvier 1676. Comme il avait eu des enfants de deux mariages il s’ensuivit une longue guerre de succession de 1676 à 1694 dont sortit vainqueur Pierre, fils du second mariage d’ Alexis. Pierre prit le pouvoir en 1694, à l’âge de 22 ans, c’est lui qui devait construire l’Empire de Russie. Pendant cet interrègne les Russes continuèrent de conquérir la Sibérie atteignant le Kamtchatka et faisant contact avec la Chine. En 1689 le traité de Nertchinsk fixa la frontière entre les deux pays. Je t’embrasse, Toutes mes pensées sont avec toi
  10. Lettre 60-13 3 février 2020, Samuel, XVII siècle Evolution générale en Europe K) La Pologne Nous avons vu, lettre 59-8, que, sous le règne de Sigismond II Auguste, le dernier des Jagellons, fut signé, en 1569, le traité de l’Union de Lublin qui réunit le Royaume de Pologne au Grand-Duché de Lituanie. Cet ensemble forma la République des Deux Nations. Nous avons vu aussi comment Etienne 1er Bathory régna sur la République de 1576 à 1586. (Il fut précédé dans la gouvernance de l’Union par Henri III, roi de France, qui ne laissa pas une empreinte notable. Notons que les gouvernants de la République étaient alors élus par des pairs, des nobles issus des dynasties européennes). En 1587 succéda à Étienne Bathory, par élection, Sigismond III, issu de la dynastie des Vasa. Il régna de 1588 à 1632. Sigismond Vasa était le fils du roi de Suède Jean III. Comme il n’avait pas renoncé à ses droits sur le trône suédois il devint roi de Suède à la mort de son père, en 1592. Cette double royauté ne plut à aucun des deux peuples. En 1599, au terme d'une guerre civile, Sigismond fut destitué dans ses droits héréditaires au trône suédois par son oncle, le duc Charles, qui lui succéda sous le nom de Charles IX. Mais Sigismond ne renonça pas à ses droits, ce qui entraîna un guerre qui dura (sporadiquement) de 1600 à 1629. Le traité d’Altmark (1629) marqua la fin du conflit. Par ce traité, une partie de la Livonie fut cédée par la Pologne à la Suède avec le port de Riga. L’Église dominante de la République fut d’abord orthodoxe du fait de l’intégration dans son territoire de nombreuses minorités slaves orientales alors que les slaves occidentaux (polonais) étaient catholiques. Par l'Union de Brest (ville de la République, en Biélorussie actuelle), en 1596, l'Église orthodoxe de la République passa de l'autorité du Patriarche de Constantinople à celle du Pape. Cette décision rencontra l'opposition des minorités russes du territoire toutes orthodoxes. Un nouveau métropolite orthodoxe fut ordonné à Kiev, en 1620, par le Patriarche orthodoxe de Jérusalem Théophane. Tout cela créa au sein même de la République une tension religieuse. Sous l’impulsion de Sigismond III la République mena une attaque contre la Russie affaiblie par des troubles internes. Un détachement de l’armée de la République, emmené par Zolkiewski, après avoir pris Smolensk, entra dans Moscou le 27 septembre 1610. Les Russes dynamisés par l’Église orthodoxe, organisés autour de Kouzma Minime et de Dimitri Pojarski reprirent Moscou chassant les polono-lituaniens le 4 novembre 1612 (voir lettre 14-3 et 4 sur la Russie). Par le traité de Deulino signé en 1618, la République acquit les régions autour de Smolensk. La guerre reprit en 1633 la Russie étant décidée à reprendre Smolensk. Les Russes perdirent cette guerre et durent signer la paix de la Polianovka en 1634 par laquelle ils furent contraints de laisser Smolensk aux polono-lituaniens (voir lettre 15 sur la Russie). En 1620-1621 un conflit éclata entre l’Empire ottoman et la République des Deux Nations à propos de la Moldavie. Cette principauté formait un État souverain, vassal de la République. Les Ottomans excédés par les raids des Cosaques zaporogues qui utilisaient la Moldavie comme base arrière pour piller leurs territoires organisèrent une expédition punitive. En 1620, le sultan vainquit les armées polonaises, zaporogues et moldaves à la bataille de Tutora en Moldavie. Puis en 1621, à la tête d’une puissante armée le sultan (Osman II) se dirigea vers la frontière polonaise avec l’ intention de conquérir l'Ukraine (qui s’appelait alors Petite Russie et formait le sud-est du territoire de la République). L’armée polonaise épaulée par les Cosaques zaporogues repoussèrent les Ottomans. Un traité de paix suivit. La République des Deux Nations promit de ne plus intervenir dans les affaires moldaves tandis que la Moldavie passait sous la suzeraineté de l’Empire ottoman. En 1632 le fils de Sigismond III, Ladislas IV Vasa lui succéda et régna de 1632 à 1648. C’est sous son règne que fut signée la paix de la Polianovka (voir ci-dessus). Un nouveau problème se posa aux souverains de la République : les Cosaques. Ici nous reprenons le contenu de la lettre 16 sur la Russie : « Sur les terres du sud-est de la République habitaient les Cosaques du Dniepr ou Cosaques Zaporogues appelés aussi Tcherkassiens. Leur quartier général, la Sietch, se trouvait sur une île au milieu du Dniepr : l’île de Khortitsia. [ Cette île est une terre sacrée pour les Cosaques ukrainiens. La Sietch fut rasée par Catherine II, impératrice de Russie, puis reconstruite à l'identique après l'indépendance de l’Ukraine en 1991]. Jaloux de leur liberté, considérés comme dangereux en raison de leur esprit guerrier, il était difficile de les contrôler. Pour contenir leur nombre le roi de Pologne-Lituanie avait établi un Registre où était recensés les seuls Cosaques reconnus comme tels. Ils élisaient leur chef, le hetman (à ne pas confondre avec l’ataman, nom du chef des Cosaques du Don). L’État leur versait une solde et les employait parfois pour des opérations de guerre. Avec la généralisation du servage de plus en plus de paysans rejoignaient les Cosaques. Les Polonais, catholiques, commencèrent en outre à persécuter les orthodoxes ukrainiens. Les Cosaques que la question religieuse n’intéressait pas vraiment, finirent quand même par prendre partie pour la religion de leur patrie. Des révoltes commencèrent à éclater en Ukraine menées par les Cosaques. En 1638 ils furent écrasés. Le Registre limita le nombre de Cosaques à 1200 contre 6000 auparavant. Ils perdirent leur droit à élire leur chef. Alors un Zaporogue charismatique Bogdan Khmelnitski prit la tête de la Sietch comme hetman. Épaulé par les Tatars venus du khanat de Crimée il vola de victoire en victoire. Bientôt il étendit son pouvoir sur toute l’Ukraine. En 1648 il rentra à Kiev. [La même année,1648, Ladislas mourut. Il fut remplacé par son frère Jean II Casimir qui régna de 1648 à 1668]. En 1649 le traité de paix de Zboriv fut signé donnant une certaine autonomie au Hetmanat ukrainien. Cette victoire libéra la rage des paysans contre leurs exploiteurs. Comme les Juifs avaient eu la malheureuse idée de s’interposer comme régisseurs entre les serfs et les propriétaires ils furent massacrés. Mais cette paix était fragile et les hostilités contre la Pologne-Lituanie reprirent. Les Cosaques demandèrent alors l’aide de Moscou. Le 8 janvier 1654 la Rada (assemblée) de l’armée zaporogue décida de rattacher l’Hetmanat à Moscou. Moscou accepta le rattachement de la Petite-Russie (nom donné à l’époque à l’Ukraine) à la Russie. Ainsi Alexis devint le Tsar de toutes les Russie, Grande et Petite. Mais les Ukrainiens déchantèrent. Moscou abolit l’autonomie de l’Hetmanat, renforça le servage et envoya des fonctionnaires moscovites administrer le pays. Puis le Tsar partit en guerre contre la Pologne-Lituanie pour défendre ses nouvelles possessions. En février 1654 l’armée russe prit Smolensk puis en 1655 elle occupa une partie de la Lituanie (Biélorussie actuelle). Alexis devint Tsar de toutes les Russie, Grande, Petite et Blanche. En 1656 la Moldavie orthodoxe se rangea sous l’autorité de Moscou. En 1655 les Suédois rentrèrent en guerre pour contrer l’avancée des Russes vers la Livonie. Il s’ensuivit une mêlée confuse entre Russes, Polonais, Lituaniens et Suédois. La guerre entre la Suède et la Russie prit fin en 1661.La Russie dut rendre la Livonie qu’elle avait occupée. La guerre entre la Pologne-Lituanie et la Russie prit fin en 1667 avec le traité d’Androussovo. Le Petite-Russie fut divisée en deux parties. La rive gauche du Dniepr ( rive orientale), fut cédée à Moscou, Kiev y compris (bien que située sur la rive droite). La rive droite revint à la Pologne-Lituanie. Smolensk resta à la Russie. La partie de la Lituanie occupée par les Russes (Biélorussie) fut rendue à la République. Avant même ce partage les Cosaques de la Petite-Russie occidentale s’étaient organisés. En 1665 Dorochenko, élu hetman, projeta d’étendre son pouvoir sur toute la Petite-Russie, y compris la rive orientale. La paix de 1667 le prit de court. Un autre hetman fut élu sur la rive gauche, inféodée au Tsar (Khmelnitski était mort en 1657). En 1669 Dorochenko s’allia avec l’empire ottoman. Les armées ottomanes et zaporogues (de la rive droite) prirent la Podolie qui devint une province ottomane tandis que l’Ukraine occidentale devint territoire cosaque sous protectorat ottoman. Mais la guerre avait considérablement affaibli le pays et l’arrivée des Ottomans musulmans choquait les Ukrainiens orthodoxes. L’hetman ne pouvait plus rester sous la domination ottomane. Il renonça à son titre et rejoignit Moscou où il fut emprisonné (il fut gracié par le successeur d’Alexis). Désormais la rive droite était totalement sous contrôle ottoman ». La guerre contre les Suédois s’acheva par le Traité d’Oliva signé en 1660. Ce sujet a été traité dans la lettre 60-5 dont l’extrait relatif la Pologne-Lituanie est repris ci-dessous : « Le Traité d’Oliva (près de Gdansk en Prusse royale ou Prusse occidentale) fut signé entre la Suède et la Pologne-Lituanie représentée par Jean II Casimir, le Brandebourg-Prusse représenté par Frédéric-Guillaume et l’Empire représenté par Léopold 1er, en avril 1660. Par ce traité la Pologne renonçait et à la suzeraineté sur le duché de Prusse qui devint donc indépendant et rattaché au Brandebourg, et au trône de Suède. Cette ancienne revendication (le trône de Suède) provenait de ce fait : les Rois de Suède, de 1587 à 1668, et les rois de Pologne-Lituanie, de 1587 à 1668, descendaient d’une même dynastie (même famille) : les Vasa ». En définitive à l’issue de ces guerres la Pologne-Lituanie perdit sa suzeraineté sur le duché de Prusse, elle dut en outre céder la Podolie aux Ottomans, la Livonie avec Riga aux Suédois, la partie orientale de la Petite-Russie à la Russie tandis que la partie occidentale de la Petite-Russie passait sous la suzeraineté de l’empire ottoman. Enfin Smolensk fut rendue à la Russie. En 1669 Jean Casimir fut remplacé, par élection, par Michał Wiśniowiecki, issu de la dynastie des Jagellons. Ce dernier régna jusqu’en 1673 et fut remplacé par Jean III Sobieski qui régna de 1674 à 1696. Jean III Sobieski devint le héros de l’Europe occidentale. Il participa au rassemblement de l’Europe continentale chrétienne contre l’Empire ottoman musulman en s’alliant au Saint-Empire romain germanique et en rejoignant la Sainte Ligue (catholique). [Rappelons que Louis XIV ne participa pas à ce rassemblement] Lorsque le sultan Mehmed IV lança le siège de Vienne, Sobieski participa activement à la défense de la ville. Le 12 septembre 1683 il vainquit les Ottomans. Son action permit de repousser puis de pourchasser l’armée ottomane commandée par Kara Mustapha. Impressionnés par sa bravoure les Ottomans le surnommèrent le Lion de Lechia (« Lion de Pologne »). Quant au Pape et aux dignitaires étrangers ils le surnommèrent « Sauveur de Vienne et de la civilisation occidentale ». Frédéric-Auguste de Saxe, dit « le Fort » succéda à Sobieski. Il fut élu à la tête de la République des deux Nations en 1697. Il régna jusqu’en 1733 sous le nom d'Auguste II. Nous en parlerons lors de l’étude du XVIII siècle. C’est sous son règne que fut signé le traité de paix de Karlowitz, en 1699, avec l’Empire ottoman grâce auquel la Pologne-Lituanie récupéra la Podolie. Auguste ne récupéra pas la suzeraineté sur la Petite Russie occidentale laquelle suzeraineté passa, de l’Empire ottoman à la Russie (voir lettre 60-11). Note sur la carte jointe : la Moldavie est la partie hachurée bleue du bas de la carte (ville indiquée : Pererita). Kijow est le nom polonais de Kiev. Le fleuve qui passe par Kiev est le Dniepr. La partie orientale du Dniepr (Petite-Russie orientale, rive gauche du Dniepr) devint donc propriété russe par le traité d’Androussovo. Notons que la région de Czernichow (Tchernigov), au-dessus de Kiev qui avait été prise par les Polonais avec Smolensk revint à la Russie, avec la région de Smolensk, lors de la signature du traité d’Androussovo. La rive droite du Dniepr (Petite-Russie occidentale) passa sous suzeraineté ottomane avant de passer sous la suzeraineté russe en 1699 (traité de Karlowitz) La partie hachurée rose du haut de la carte jusqu’à Riga revint à la Suède (Livonie) après la signature du traité d’Altmark. La partie hachurée rose sous Riga (ville : Mitawa) resta sous la suzeraineté de la Pologne. Le duché de Prusse, partie hachurée rose (ville Krolewiec, nom polonais de Konigsberg devenue : Kaliningrad) sortit de la suzeraineté de la Pologne pour devenir partie intégrante de l’Électorat du Brandebourg, en Allemagne, lors de la signature du traité d’Oliva. La Podolie est la région centrée sur Lwow (Lviv aujourd’hui, en Ukraine). Je t’embrasse, Je t’aime Je suis toujours là, près de toi.
  11. Lettre 60-12 19 janvier 2020, Samuel, XVII siècle Evolution générale en Europe J) Les Provinces-Unies (voir lettre 60-2 et 60-3 pour la guerre de Quatre-Vingt ans, lettre 60-6 et 60-7 pour les guerres anglo-néerlandaises, et 60-9 pour la guerre de Hollande) Rappel : La République des Provinces-Unies vit le jour en 1581. Leur indépendance acquise contre le royaume d’Espagne fut proclamée par Guillaume 1er d’Orange dit le Taciturne. Cette indépendance fut confirmée en 1648 lors du traité de Westphalie. Cette République regroupait les sept provinces suivantes : Hollande, Zélande, Frise, Groningue, Overijssel, Utrecht, Gueldre. Les États Généraux composés de délégués de chaque Province, cooptés par la bourgeoisie locale, détenaient le pouvoir législatif. Leur représentant était appelé le grand Pensionnaire. Le pouvoir des armées était représenté par le Stathouder. Ces deux pouvoirs se disputaient l’hégémonie politique, les stathouders tendant à créer un pouvoir centralisateur détenu par la maison d’Orange-Nassau (Le Taciturne fut le premier stathouder). Mais chaque province était si jalouse de son autonomie que le stathouder ne put jamais imposer un pouvoir absolutiste. Les stathouders exercèrent le pouvoir politique de 1581 à 1650 puis de 1672 à 1702 (de 1672 à 1702 ce fut Guillaume III d’Orange qui l’exerça, lettre 60-7) Entre 1650 et 1672 le grand Pensionnaire Jean de Witt prit le pouvoir. Pendant son exercice les Provinces connurent la plus grande liberté. Mais la guerre de 1672, engagée par Louis XIV contre les Provinces, fut si désastreuse pour elles, à ses débuts, que le peuple lyncha de Witt, le rendant responsable de cette déroute, et rappela comme stathouder Guillaume III (lettre 60-9). Les Provinces-Unies garantirent dès le début de leur indépendance à leurs citoyens la liberté de culte. Cela entraîna un afflux dans le pays de protestants (huguenots) et de Juifs persécutés dans leur pays d’origine. Le flot régulier de réfugiés issus de classes sociales influentes apporta talents et réseaux d'affaires et bénéficia aux villes qui connurent une croissance exceptionnelle. Entre 1622 et la fin du siècle, Amsterdam passa de cent à deux cent mille habitants, Rotterdam de vingt à quatre-vingt mille, La Haye de seize à cinquante mille. Enfin dans la société néerlandaise, on jugeait du statut social surtout d'après la fortune et le revenu des individus (la réussite dans les affaires était considérée comme une marque d’élection divine), mœurs fort différentes de la norme en Europe du XVII siècle, où le rang social était encore fondamentalement lié à la condition, c'est-à-dire à la naissance. Les Provinces-Unies furent à l’avant-garde de la culture et de la science européennes grâce à la solide instruction dispensée auprès de la population. L'influence protestante, dont le premier enseignement était la lecture des Écritures par tous, fit progresser l'alphabétisation. De plus l'accueil de réfugiés protestants, souvent cultivés voire érudits, permit l’éclosion de « petites écoles » dues à l'initiative privée. L'enseignement secondaire, réservé aux élites, se donnait dans des « écoles latines » où l'enseignement s'étalait sur six années. Le système universitaire sut éviter les défauts de la scolastique médiévale (c’est-à-dire l’enseignement conventionnel). L’Université de Leyde fut la perle de ce système. Son rayonnement attira de nombreux étudiants étrangers. Elle donna asile aux penseurs que les censeurs et les policiers des royaumes absolutistes forcèrent à l’exil : René Descartes notamment. C’est à Leyde que parurent les œuvres de Galilée. Les imprimeries des Provinces-Unies éditèrent la littérature interdite de tous les pays d’Europe dont les livres mis à l'Index par l’Inquisition. Ce siècle fut marqué par des noms tels que ceux de Hugo Grotius (1583-1645), juriste et fondateur du droit international, du physicien Christian Huyghens (1629-1695) (pendule appliqué à l’horloge donnant l’horloge à balancier, découverte des anneaux de Saturne, calcul de la distance des étoiles, découverte de la réfraction de la lumière...), de Leeuwenhoek (1632-1723), inventeur du microscope et microbiologiste, du philosophe Baruch Spinoza, juif espagnol (1632- 1677), de l’opticien Zaccharie Jansz de Middlebourg qui mit au point la lunette qui permit à Galilée (1564-1642) de découvrir les satellites de Jupiter. Les cartes de Mercator, publiées par Jocodus Hondius, inaugurèrent l'apogée de la cartographie néerlandaise, dont Amsterdam devint la capitale. Dans le domaine des arts notons les noms des peintres Rembrandt ou de Vermeer. Dans son Testament politique, Richelieu soulignait « le miracle hollandais » en ces termes : « L'opulence des Hollandais qui, à proprement parler, ne sont qu'une poignée de gens, réduits en un coin de terre, où il n'y a que des eaux et des prairies, est un exemple et une preuve de l'utilité du commerce qui ne reçoit point de contestation » L'hégémonie commerciale des Provinces-Unies reposa sur quatre facteurs : une supériorité navale écrasante, l'extension de l'activité commerciale à toutes les routes océaniques, le contrôle d'une gamme étendue de produits, particulièrement les produits de luxe (épices) ou à valeur ajoutée (porcelaine, soie, etc.), l'optimisation de l'offre de cale : en remplissant les navires à l'aller et au retour, les économies de deux pays quelconques très éloignés pouvaient échanger. C’est le commerce de la Baltique qui fut à l'origine de l'essor de la vie économique hollandaise. Pendant la première moitié du XVI siècle Amsterdam était déjà un centre important de distribution du blé et du bois de la Baltique. En effet la Hollande, ne pouvant pas vivre sur ses seuls produits, organisa un commerce international d’échanges entre les Pays de la Baltique (Pologne-Lituanie, Livonie, Russie, Poméranie), la France, l’Angleterre, l’Espagne ou encore le Portugal. Puis furent financées les premières expéditions outre-mer pour reconnaître les débouchés commerciaux d'Asie et d'Amérique. La Compagnie néerlandaise des Indes orientales (ou VOC) fut fondée en 1602 puis la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales (ou WIC) fut créée en 1621 (lettre 60-2). Du commerce avec les colonies les Pays-Bas tirèrent de grands profits [L’empire colonial des Provinces-Unies fera l’objet d’une lettre séparée]. Plus tard, la Traite des Noirs, qui avait été au début écartée, se développa par attrait du profit, car c'était un commerce particulièrement lucratif. On chercha la justification morale de ce commerce dans la Bible : les Africains étaient fils et filles de Cham que son père Noé avait maudit, ce qui justifiait la libre exploitation de la main d'œuvre noire. Vers 1670, la République comptait environ 15 000 navires, c'est-à-dire cinq fois l'effectif de la flotte anglaise, ce qui revenait à un monopole du transport sur mer. La Banque d’Amsterdam créée en 1609 fut la première banque centrale au monde et l'une des premières banques européennes à utiliser la monnaie fiduciaire. Cet établissement, permit par une formule de crédit commercial inédite (l'escompte) une circulation des paiements beaucoup plus fluide. Les taux d’intérêts intéressants, le secret bancaire, la force du florin et les facilités de crédits offertes attirèrent les investisseurs et les financiers de toute l'Europe. Aux Pays-Bas, l'année 1672 resta comme une année désastreuse. Elle s’ouvrit sur des troubles politiques intérieurs. Deux personnalités politiques de premier plan, les frères de Witt qui avaient débarrassé la République de l'autorité envahissante des stathouders, furent sauvagement lynchés à La Haye, lorsqu'en 1672 éclata la Guerre de Hollande, par une foule pressée d’appeler à la rescousse un chef militaire, le stathouder Guillaume III d'Orange. Avec l’Angleterre la paix fut conclue en 1674. La guerre contre la France se termina en 1678 avec la paix de Nimègue (lettre 60-9). Ensuite à l’issue de la Glorieuse Révolution de 1688 (lettre 60-7), Marie II et son époux Guillaume III régnèrent comme co-souverains d'Angleterre. Cette union personnelle de circonstance, entraîna la République (que dirigeait Guillaume III) dans une coalition anti-française qui finit par nuire à l’expansion néerlandaise et à favoriser la montée en puissance de l’Angleterre qui vint ainsi concurrencer les Provinces. Bon courage pour cette nouvelle étude, te voici avec beaucoup de travail à synthétiser avant les exposés à faire devant ton auditoire. Je pense à toi.
  12. Lettre 60-11 18 janvier 2020, Samuel, XVII siècle Evolution générale en Europe I) L’Empire ottoman À l’aube du XVII siècle et jusqu’en 1683 l’Empire ottoman atteignit des dimensions impressionnantes. Ses territoires et ses zones d’influence (États vassaux) allaient d’Algérie à la Mésopotamie et des confins de l’Autriche jusqu’à la bande du Hedjaz en Arabie. Ces limites avaient déjà été pratiquement atteintes au début du XVII siècle (voir lettre 59-6). A la tête de l’Empire le sultan-calife bénéficiait de tout le prestige religieux lié à son titre de Commandeur des croyants. Son pouvoir s’appuyait sur une administration centralisée. Le territoire était divisé en provinces et les circonscriptions en fiefs. Le centre de cette organisation était Topkapi, le palais du sultan où travaillaient près de 20 000 personnes. Le Divan, Conseil impérial, se tenait chaque semaine et prenait les décisions. Le premier des fonctionnaires était le grand Vizir. Le nom de la porte de Topkapi, la Sublime Porte, finit par désigner l’Empire tout entier. Les fonctionnaires étaient recrutés parmi les « esclaves du sultan » (voir lettre 59-6 : le fonctionnement de l’Empire qui y est décrit valait toujours au XVII siècle).Dans la première moitié du XVII siècle l’Empire commença à se scléroser. L’activité se figeait dans un système quasi féodalqui brisait toute initiative agricole et artisanale (les artisans étaient réunis en corporations aux règles très rigides). Cette activité souffrait aussi d’un manque de vitalité due au fait que les échanges internationaux évitaient l’Empire, réputé trop peu sécurisé et trop rigide, pour emprunter les nouvelle routes commerciales ouvertes par les Européens vers l’Asie par le contournement de l’Afrique. L’institution des « esclaves du sultan » (askers) tomba en désuétude, les fonctionnaires ne furent plus renouvelés, ce qui contribua à une perte de compétences. Les sultans eux-mêmes perdaient toutes compétences plus soucieux de la gestion de leur harem et de leurs plaisirs que de celle de leur Empire. Enfin les janissaires, soldats qui formaient un ordre militaire très puissant, jadis recrutés eux aussi parmi des esclaves européens et chrétiens, virent leur fonction devenir héréditaire. Du coup ils formèrent une caste conservatrice, hostile à l’innovation. Ils jouèrent un rôle politique néfaste allant jusqu’à assassiner certains sultans dont les volontés réformatrices, concernant l’organisation de l’armée, leur déplaisaient. Cette décadence fut combattue avec énergie et succès par une famille de vizirs brillants, la famille des Köprülü, d’origine albanaise, qui exerça le pouvoir réel de 1656 à 1683. [D’autres représentants de cette famille gérèrent ensuite l’Empire mais avec moins d’efficacité]. En 1656 Mehmet Köprülü arriva au pouvoir à plus de 70 ans. D’une main de fer il mata les militaires récalcitrants, tua dans l’œuf toutes révoltes sociales et équilibra les finances. Cette politique fut poursuivie par son fils et successeur Ahmed Pacha(1661-1676) puis par son gendre Kara Mustafa (1676-1686). [Toutefois celui-ci, dans l’exercice de son autorité inflexible, taxa lourdement les marchands étrangers ce qui contribua à détourner hors de l’Empire les routes commerciales]. Ces nouveaux vizirs reprirent l’expansion territoriale de l’Empire. En 1669 ils conquirent la Crète. Puis la même année les Ottomans trouvèrent en Dorochenko, un cosaque zaporogue qui ambitionnait d’étendre son pouvoir sur la petite Russie (Ukraine), province alors appartenant à la Pologne-Lituanie, un allié pour étendre leur influence vers le nord du khanat de Crimée (dont il étaient les suzerains). Ils annexèrent la Podolie, une région du sud de la Pologne-Lituanie et placèrent l’Ukraine occidentale (partie de la petite Russie située sur la rive droite du Dniepr) sous leur protectorat (voir lettre 16 sur la Russie). Enfin le souverain de la Haute-Hongrie, Imre Thököly se plaça sous le protectorat ottoman mais pour un court laps de temps, de 1982 à 1985. Après la percée de l’Empire ottoman dans les Balkans au XVI siècle l’ancien royaume de Hongrie fut divisée en Hongrie royale, qui resta sous la domination des Habsbourg, en Hongrie ottomane et en Haute Hongrie. Les Habsbourg et les souverains de la Haute Hongrie rentrèrent en conflit, les Habsbourg tentant de mettre la main sur la Haute Hongrie. Cette rivalité conduisit Imre Thököly à se mettre sous protectorat ottoman afin de faire front contre l’Empire des Habsbourg. Il fut encouragé dans cette attitude par Louis XIV qui visait à affaiblir le Saint-Empire avant de l’attaquer à l’est, en s’emparant du Palatinat. En 1983 fut lancée la Grande Guerre Turque ou Guerre de la Sainte Ligue. Le sultan Mehmed IV, sous l’influence du grand Vizir Kara Mustafa, venait de décider de poursuivre son avancée territoriale vers l’Autriche. L’archiduc d’Autriche (le souverain) Léopold 1er, également Empereur du Saint Empire, trouva des alliés au sein de l’Empire même (Bavière, Saxe) mais aussi auprès de la Pologne, de Venise, de nombreux autres États italiens, de l’Espagne et du Portugal, tous soucieux de défendre la chrétienté contre l’Islam. Ils formèrent la Sainte Ligue. Menées par le Vizir Kara Mustapha les troupes ottomanes assiégèrent Vienne en 1683. Mais elles furent défaites par les alliés notamment par la charge du Roi polonais Jean III Sobieski. Cette déroute valut à Kara Mustapha d’être étranglé sur ordre du sultan.Les troupes impériales progressèrent en Hongrie, puis débordèrent largement sur le territoire balkanique ottoman. Des guerres de position se tinrent de 1683 à 1699. Dans le même temps la république de Venise s’empara de la Morée (Péloponnèse). Profitant de cette guerre, en 1686, la régente de Russie, Sophie Romanova (lettre 17 sur la Russie) attaqua la Crimée. Ce fut pour elle une déroute. En 1694 Pierre le Grand prit le pouvoir et le relais de Sophie en lançant les campagnes d’Azov en1695-1696. Il parvint à prendre la forteresse d’Azov ce qui lui ouvrit le contrôle de la mer du même nom. En janvier 1699 fut signé le traité de Karlowitz. Les Habsbourg annexèrent la Hongrie ottomane, la Haute Hongrie (Imre Thököly se réfugia à Constantinople) et la Transylvanie. La république de Venise conserva la Morée ainsi que des places en Dalmatie et en Bosnie. La Pologne-Lituanie récupéra la Podolie. Le sultan signa également la paix avec la Russie, par le traité de Constantinople, le 15 juillet 1700. Il perdit la forteresse d’Azov et reconnut la suzeraineté russe sur les Cosaques zaporogues en Ukraine occidentale. Ces guerres signèrent la fin de l’expansion territoriale de l’Empire ottoman et son léger reflux. Commentaires sur les cartes : Azov se trouve à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Rostov-sur-le-Don Le territoire de l’Empire ottoman est délimité par la ligne extérieure rouge sur la carte globale. Attention ce territoire s’arrête à 1683 et non à 1699 comme indiqué au paragraphe « Boundary of the Ottoman Empire » du cartouche [cartouche : encadrement en bas et à gauche de la carte] Une carte de l’ancienne Hongrie est jointe avec : la Hongrie royale (Royal Hungary) sous domination des Habsbourg, qui constituait la ligne de défense de l’Occident contre l’Empire ottoman. Cette Hongrie royale comprenait aussi la : Croatia sur la carte. Sa capitale était Presbourg, notée sur la carte, aujourd’hui appelée Bratislava (capitale de la Slovaquie). La Haute Hongrie (Upper Hungary) formant aujourd’hui la plus grande partie de la Slovaquie. La Hongrie ottomane : Budin Eyalet (où se trouvaient Buda et Pest), Egri Eyalet, Kanije Eyalet, Varat Eyalet, Temesvar Eyalet. Sur cette même carte sont notées les principautés de Transylvanie, de Moldavie et de Valachie, États souverains sous protectorat ottoman. La Valachie, une grande partie de la Transylvanie et une grande partie de la Moldavie forment aujourd’hui la Roumanie. Une carte de l’actuelle Europe de l’Est permet de faire une correspondance visuelle entre l’ancienne carte de la Hongrie et les États actuels (ce n’est pas évident mais ça donne une idée). Je t’embrasse, Je pense toujours à toi, chaque jour,
  13. Lettre 60-10 17 janvier 2020, Samuel, XVII siècle Evolution générale en Europe H) La France de 1661 à la fin du siècle b) La politique extérieure de Louis XIV 4) Troisième guerre : la politique des Réunions 1679-1684 Les traités de Westphalie et de Nimègue stipulaient que les territoires cédés à la France le seraient avec leurs dépendances. Comme le périmètre de ces dépendances n’avait pas été précisé Louis XIV décida d’annexer tous les territoires qui, selon lui, faisaient partie de ces dépendances. C’est ainsi que le Roi s’empara de Montbéliard et de villes du Duché de Lorraine, du Luxembourg, de la Sarre et d’Alsace (dont Strasbourg). Les annexions de Courtrai et de Luxembourg (qui faisait partie des Pays-Bas espagnols) entraînèrent une courte guerre contre l’Espagne, appelée guerre des Réunions en 1683 et 1684. L’Espagne dut s’incliner car ses alliés potentiels, les Habsbourg du Saint Empire, étaient occupés à repousser les Ottomans qui faisaient le siège de Vienne. L’annexion de Strasbourg provoqua néanmoins en Europe une grande indignation, accrue bientôt par la révocation de l’Édit de Nantes en 1685 (de nombreux États européens étaient protestants), puis par les prétentions de Louis XIV à la succession du Palatinat, État du Saint Empire. En 1685 l’électeur palatin Charles II mourut sans héritier. Un comte palatin, Philippe-Guillaume, lui succéda selon les accords locaux. Mais Charles II avait une sœur Charlotte-Elisabeth qui s’était mariée en 1671 au frère de Louis XIV, Philippe d’Orléans. Elle avait signé une renonciation à tous droits de succession sur le Palatinat mais Louis XIV réclama quand même au nom de sa belle-sœur la moitié du Palatinat. Les ambitions du Roi de France entraînèrent la formation de 1686 à 1690, d’une ligue dirigée contre lui, la ligue d’Augsbourg, comprenant, par adhésions successives, l’Empereur du Saint Empire, Léopold 1er, plusieurs princes allemands (de Bavière, du Brandebourg, de Saxe, de Hanovre, de Hesse-Cassel), le Roi d’Espagne Charles II, l’Angleterre et les Provinces Unies représentées par Guillaume III d’Orange (devenu roi d’Angleterre en 1689 en plus de dirigeant des Provinces-Unies, lettre 60-7), Victor Amédée II, le Duc de Savoie, Léopold, le duc de Lorraine. (La Suède et le Danemark un temps associés à la ligue s’en retirèrent et choisirent la neutralité). Louis XIV de son côté assura le sultan Mehmed IV qu’il n’interviendrait pas contre lui dans sa guerre contre l’Empire. 5) Quatrième guerre : la guerre de la ligue d’Augsbourg 1688-1697 [Cette guerre est encore appelée : guerre de Neuf Ans ou guerre de la Succession palatine] Constatant que l’Empire prenait l’avantage contre les Ottomans, Louis XIV décida d’attaquer avant que l’Empereur soit en mesure de se retourner contre lui. En 1688 il envahit le Palatinat au nom de Charlotte-Elisabeth. Mais l’Empereur et les princes allemands parvinrent à mobiliser rapidement des troupes pour contrer cette invasion. Pour gêner la contre-attaque allemande les Français dévastèrent le Palatinat en rasant villes et villages en 1689. La guerre se déporta dans les Pays-Bas espagnols, en Catalogne et dans le Duché de Savoie. Après quelques succès pour les Français, dont l’invasion de la Catalogne et la mainmise sur le Duché de Lorraine, les fronts se stabilisèrent. La France ne parvint pas à prendre un avantage décisif. Après neuf ans de guerre les adversaires, également épuisés, signèrent la paix de Ryswick (près de la Haye) en 1697. [En 1696 Victor Amédée II de Savoie signa un traité de paix séparé avec Louis XIV dans lequel, menacé par les troupes françaises, il acceptait de devenir l’allié de la France] Par ce traité Louis XIV gardait Strasbourg et les quatre cinquièmes de l’Alsace. Il annexait également la Sarre. Il rendit pratiquement tous les territoires qu’il avait pris à l’Espagne dans les Pays-Bas espagnols après le traité de Nimègue annulant ainsi les acquisitions de la politique des Réunions. Il restitua à l’Espagne la Catalogne. Il restitua le Duché de Lorraine au duc Léopold. Enfin il reconnut officiellement Guillaume III comme roi d’Angleterre [Louis XIV ménagea temporairement l’Espagne car il projetait d’intervenir plus tard dans la succession prévisible du royaume d’Espagne, le Roi de ce pays, Charles II, ayant une santé déclinante] [La guerre de la ligue en Europe entraîna un conflit en Amérique du Nord et en Asie appelé : première guerre intercoloniale, mettant en opposition les puissances européennes quant à leurs possessions coloniales. Cette guerre ne changea rien aux possessions acquises, sinon que l’Espagne, lors de la signature du traité de Ryswick, dut reconnaître l'occupation par la France de l’ouest de l’île Saint-Domingue située dans les Antilles]. Une cinquième guerre suivit, appelée guerre de succession d’Espagne. Elle sera traitée lors de l’étude du XVIII siècle. Les cartes jointes permettent de constater les positions territoriales en Europe après le traité de Ryswick, de visionner le territoire du Duché de Savoie (comprenant le Duché proprement dit, le Piémont, le Duché d’Aoste et la région de Nice) et celui de la Sarre. [Aujourd’hui les départements du Rhin-et-Moselle, du Mont-Tonnerre et de la Sarre appartiennent à l’Allemagne, celui des Forêts appartient au Luxembourg, ceux de Sambre-et-Meuse, d’Ourthe, de Dyle et de Jemmapes appartiennent à la Belgique] Je t’embrasse, Je t’aime
  14. Lettre 60-9 15 janvier 2020, Samuel, XVII siècle Evolution générale en Europe H) La France de 1661 à la fin du siècle b) La politique extérieure de Louis XIV 1) L’administration de l’armée La réforme de l’armée fut organisée par Michel le Tellier puis par son fils Louvois. Elle consista à écarter les officiers qui achetaient leur droit au commandement par des officiers directement nommés par le roi. L’administration militaire fut confiée à des fonctionnaires contrôlés par l’État. Le service de santé fut amélioré par la création d’hôpitaux fixes dans les places fortes et d’hôpitaux ambulants (ou ambulances) qui suivaient les militaires lors des campagnes. Pour recevoir les mutilés de guerre le Roi fit élever l’Hôtel des Invalides. Enfin l’armée devint permanente. Elle était dirigée au sommet par la Maison militaire du Roi dont les chefs appartenaient aux plus grandes familles de France. L’armée était composée d’une cavalerie légère, d’une infanterie équipée de fusils à baïonnette, imaginés par Vauban, ce qui permit de réunir l’arme à feu à l’arme blanche. Certains fantassins tiraient des grenades : ce furent les grenadiers. Louvois créa des compagnies de canonniers et de bombardiers (bombarde : machine de guerre qui, à l'aide de cordes et de ressorts, servait à lancer des projectiles). Comme les guerres menées par Louis XIV étaient des guerres de siège elles nécessitèrent un nombre important d’officiers de génie, appelés ingénieurs (affectés aux constructions de fortifications, de routes, de ponts…). Leur chef Vauban inventa un nouveau système de fortifications qu’il appliqua en France à trois cents places et qui fut adopté par toute l’Europe. Grâce à une population importante, près de 21 millions d’ habitants, Louis XIV disposa d’une armée qui compta jusqu’à 300 000 hommes. Face à cette puissance démographique les autres pays étaient moins bien lotis : 5 millions d’habitants pour l’Angleterre seule (hors pays de Galles), 15 millions pour le Saint Empire, 2,5 millions pour les Provinces-Unies. 2 ) Première guerre menée par Louis XIV : La guerre de Dévolution 1667-1668. Quand Philippe IV le Roi d’Espagne mourut en 1665, son fils Charles II (à ne pas confondre avec Charles II d’Angleterre) lui succéda. Comme il n’avait que quatre ans il fut placé sous la tutelle de sa mère Marianne d’Autriche. Louis XIV revendiqua aussitôt des droits sur la succession de la maison d’Espagne en s’appuyant sur les droits de sa femme Marie-Thérèse, fille aînée de Philippe IV. Cette dernière avait renoncé à ses droits sur la succession en échange du versement d’une dot qui ne fut jamais payée. C’est en prétextant ce non-paiement que Louis XIV décida de s’attaquer aux Pays-Bas espagnols et à la Franche-Comté, possession espagnole. Turenne et Condé occupèrent l’un, une partie de la Flandre, l’autre la Franche-Comté. L’invasion française inquiéta les Provinces-Unies. Elles étaient à ce moment-là alliées avec la France dans la guerre contre l’Angleterre appelée par les historiens : la deuxième guerre anglo-néerlandaise (voir lettre 60-7). Elles se désengagèrent rapidement de cette guerre en signant le traité de Breda en 1667 (voir même lettre) et en s’engageant en 1668 dans la Triple-Alliance de la Haye où elle s’associèrent avec l’Angleterre et la Suède pour contrer l’ambition du Roi de France. Devant la menace constituée par cette alliance Louis XIV préféra temporiser et signer en 1668 le Traité d’Aix-la-Chapelle. Il se contenta d’annexer une dizaine de villes espagnoles (dont certaines étaient restées possession du Roi d’Espagne lors de l’annexion de l’Artois en 1659, lettre 60-4) dont Lille, Douai et Charleroi. Il restitua la Franche-Comté à l’Espagne. 3 ) Deuxième guerre : la guerre de Hollande 1672-1678 Louis XIV résolut de soumettre les Provinces-Unies seules capables de le contrer dans ses ambitions. A cet effet il préféra annexer les villes espagnoles citées ci-dessus, plutôt que la Franche-Comté, afin d’ouvrir une voie terrestre vers l’invasion des Provinces-Unies. Colbert le poussait aussi à mener cette guerre car il voulait briser le monopole commercial des Provinces sur les mers. Le Roi cassa d’abord l’unité de la Triple-Alliance de la Haye. Il signa en 1670 un traité d’alliance secret avec Charles II d’Angleterre (lettre 60-7) puis il obtint le soutien du roi de Suède Charles XI en lui versant une rente annuelle. Louis XIV et Charles II d’Angleterre lancèrent l’attaque contre la Hollande en 1672. Les troupes françaises brisèrent la résistance des Hollandais, complètement débordés. Ces derniers, acculés, ouvrirent les écluses et crevèrent les digues, inondant leurs terres et mettant la mer entre eux et les envahisseurs. Louis XIV dut reculer. La même année Guillaume d’Orange prit la direction de la république des Provinces-Unies. Les États allemands de Brandebourg (dirigé par Frédéric) et d’Autriche (dirigé par Léopold 1er qui était également Empereur du Saint Empire) entrèrent en guerre contre le Roi de France, déportant la guerre en Allemagne. Les Impériaux envahirent l’Alsace. Les armées françaises toujours dirigées par Turenne et Condé repoussèrent les Allemands. A leur tour le Duc de Lorraine et le Roi d’Espagne rentrèrent en guerre contre la France. Les Français renversèrent leurs adversaires et occupèrent la Franche-Comté. En 1674 le parlement anglais opposé à cette guerre força le Roi Charles II à signer la paix de Westminster (lettre 60-7). Louis XIV se retrouva seul. En 1675 la Suède rentra en guerre du côté de la France. Elle attaqua le Brandebourg, le prenant ainsi à revers. Pour contrer les ambitions de son voisin le Danemark entra en guerre contre la Suède. Celle-ci céda. La Scanie et la Poméranie occidentale furent occupées (voir carte lettre 60-5). En Allemagne la guerre s’enlisa. Turenne y fut tué et Condé, usé, prit sa retraite. En 1676 les Français consolidèrent leurs positions en Artois et en Flandre. Mais ils ne pouvaient toujours pas envahir les Provinces-Unies. En 1677 Marie, la fille de Jacques II d’Angleterre (lettre 60-7) se maria avec Guillaume d’Orange. Ce mariage laissait augurer un rapprochement futur entre l’Angleterre et la Hollande. Louis XIV décida alors de pousser ses avantages terrestres avant que cette alliance ne lui porta préjudice sur le terrain et il signa la paix de Nimègue en position de force. La paix de Nimègue comporta sept traités signés en 1678 et 1679 à l’issue desquels les dispositions suivantes furent prises : l’Espagne céda à la France la Franche-Comté ainsi que plusieurs villes des Pays Bas espagnols dont Valenciennes, Cambrai, Maubeuge, Saint-Omer. Le Brandebourg et le Danemark, sur ordre de Louis XIV, durent restituer la Scanie et la Poméranie occidentale à la Suède. Dans la mer des Caraïbes (mer des Antilles) la France prit Tobago aux Hollandais, la Trinité aux Espagnols et les Anglais reconnurent comme possessions françaises : Saint-Vincent, la Dominique et Sainte-Lucie (situées dans les Caraïbes aussi). En définitive la Hollande s’en sortit bien en ne cédant pratiquement aucun territoire tandis que l’Espagne vit encore sa puissance décliner. Je t’embrasse, Je t’aime,
  15. Lettre 60-8 12 janvier 2020, Samuel, XVII siècle Evolution générale en Europe H) La France de 1661 à la fin du siècle a) Les politiques intérieure et économique de Louis XIV [Cette lettre fait suite à la lettre 60-4] Louis XIV prit le pouvoir pour lui seul en 1661 (Il régna jusqu’en 1715). Il exerça un pouvoir personnel, car il pensait tenir son pouvoir de Dieu et en concluait qu’il était le maître absolu en son royaume. Il finit par prendre le nom de Louis-le-Grand ou encore celui de Roi Soleil. Dans un premier temps pour domestiquer les nobles qui avaient perturbé son enfance avec le déclenchement de la Fronde il développa autour de lui une Cour étincelante. Là attirés par les fêtes et l’espoir d’être remarqués par le monarque et d’obtenir ainsi des faveurs (pensions, nominations, obtention de charges) les nobles se pressaient, plus occupés à plaire qu’à se rebeller. Pour donner encore plus d’éclat à sa Cour et pour flatter l’aristocratie fière de se produire en des lieux somptueux, il fit construire le château de Versailles où il s’installa en 1682 désertant le Palais du Louvre jusque-là résidence des Rois. Il n’eut jamais de premier ministre. Il s’entoura de ministres d’État compétents réunis en Conseil des Affaires appelé encore Conseil d’En-Haut. Le plus connu de ses ministres fut Jean-Baptiste Colbert qui s’occupa notamment des finances de 1661 jusqu’à sa mort en 1683, date à laquelle il fut remplacé par Louvois qui exerça jusqu’à sa mort en 1691. Les ministres nommés ensuite furent de moindre valeur. Louis XIV se signala rapidement par son intransigeance en matière religieuse. Il entra en conflit contre le Pape à propos de la nomination du clergé en France. Le Roi voulait s’arroger le droit de nommer les évêques, droit réservé au Pape. Ce conflit s’acheva par la victoire du Pape, Louis XIV ayant besoin de son appui dans les guerres qu’il entreprit. Faute d’avoir gagné contre le Pape il voulut imposer l’unité de la religion dans son pays, en l’occurrence la religion catholique. Il s’en prit aux protestants et aux jansénistes, ces derniers étant une variante radicale du catholicisme, prônant une morale stricte, une vie ascétique et une indépendance spirituelle par rapport à l’absolutisme du Roi. Contre les jansénistes il détruisit le centre de leur vie religieuse, l’abbaye de Port-Royal des Champs (située au sud-ouest de Versailles). Contre les protestants ou huguenots, il les persécuta, les força à abjurer leur foi par le moyen des dragonnades, méthode mise au point par Louvois. On logeait chez les protestants des soldats qui pillaient les demeures et torturaient leurs occupants jusqu’à abjuration. Le résultat fut efficace : des dizaines de milliers de conversions au catholicisme furent enregistrées. Pour couronner son action Louis XIV signa le 18 octobre 1685 l’Édit portant révocation de l’Édit de Nantes. Les temples furent détruits, le culte fut interdit, les pasteurs qui n’abjuraient pas furent bannis, les dragonnades furent généralisées. Les fidèles en revanche étaient tenus de rester de France et d’élever leurs enfants dans le catholicisme. En définitive les huguenots, même ceux qui avaient abjuré, finirent par émigrer. Leur nombre fut estimé à 200 000. Comme il s’agissait des personnes les plus dynamiques (industriels et commerçants) cette fuite affaiblit considérablement le pays. En outre ces migrants allèrent exercer leur puissance économique créatrice dans des États comme la Prusse qui, plus tard, terrassèrent la France lors de la guerre de 1870. Les protestants qui restèrent ne se résignèrent pas. Ils exercèrent leur culte en secret dans les bois, la nuit, ce fut « le culte au désert ». Plus tard ils se soulevèrent (voir prochaine lettre sur la France, XVIII siècle). Le plus grand ministre du règne de Louis XIV fut Colbert. Son but fut d’augmenter la puissance de la France en développant l’industrie, le commerce et l’empire colonial. Il développa d’abord les industries existantes notamment les fabriques de draps : Abbeville, Arras, Saint-Quentin, Elbeuf, Sedan, Carcassonne ; les tapisseries : les Gobelins à Paris et Aubusson ; les soieries : Lyon. Puis il fit fabriquer en France glaces et dentelles alors achetées à Venise, ou encore l’acier alors acheté en Suède ou en Allemagne. Il augmenta la capacité productrice en favorisant la création de manufactures rassemblant sous la direction d’un même entrepreneur de petits ateliers d’un même métier jusque-là indépendants [attention il ne fut pas confondre avec la manufacture de type capitaliste qui se développa au XVIII siècle en Angleterre ; dans cette dernière manufacture fut introduite la division du travail, c’est-à-dire la décomposition d’un même métier en une série d’actes, accomplis chacun par un ouvrier ; la division du travail introduisit une puissance de production incomparable ouvrant l’ère de la production industrielle]. Colbert fut attentif à la qualité du travail fourni afin de satisfaire les clients extérieurs. Il édicta des normes de production pour chaque corporation, il en fit surveiller l’exécution par des inspecteurs. Pour protéger l’économie française il institua le protectionnisme c’est-à-dire qu’il frappa de droits élevés les marchandises vendues en France par les étrangers. Ensuite il voulut développer une flotte de commerce. Colbert ne supportait pas de devoir passer par la flotte hollandaise, alors dominante sur les mers, avant d’être concurrencée par les Anglais, pour assurer le commerce avec les pays étrangers. D’autant que du commerce international sur mer ressortaient d’importants bénéfices monétaires qui étaient ensuite utilisés pour financer l’effort de guerre. Or la France avait pour adversaires les Hollandais. Colbert fit tout pour encourager les armateurs français en les subventionnant, en aménageant des ports, en créant des arsenaux (chantiers navals militaires). Mais son entreprise se solda par un échec relatif peu d’entrepreneurs s’intéressant à ce type d’investissement. Il voulut aussi créer des Compagnies de commerce à l’image des Compagnie des Indes occidentales et orientales des Hollandais et des Anglais mais là encore ce fut un échec. Seule la Compagnie française des Indes orientales subsista à la fin du règne de Louis XIV, fondant en Inde les comptoirs de Pondichéry et de Chandernagor. Il développa le patrimoine colonial français en mettant en valeur les Antilles et le Canada. Il établit des comptoirs au Sénégal et il acquit, près de Madagascar : l’île Bourbon (aujourd’hui la Réunion) et l’île de France (aujourd’hui l’île Maurice, devenue indépendante en 1968). Pour protéger les relations avec les colonies Colbert développa une marine de guerre efficace faisant de la France une puissance navale de premier ordre. Cette marine se renforça de corsaires dont les plus connus furent Jean Bart et Duguay-Trouin. Pour la mise en valeur des colonies, en 1673, fut fondée la Compagnie du Sénégal qui fournit des esclaves aux Antilles. La traite des Noirs devint la clé de voûte du système colonial : la France qui pratiquait jusqu’ici le commerce direct entre France et Antilles se mit au commerce triangulaire entre France, Afrique et Antilles. Une main d’œuvre servile noire remplaça les travailleurs européens. En mars 1685, Louis XIV promulgua le Code Noir, préparé par Colbert. Ce Code posa ces principes : l'esclave, dépourvu d'existence juridique, est la propriété du maître, il est déclaré « meuble », c'est-à-dire assimilé à un objet ou une marchandise qui peut être vendue (même aux enchères) ou transmise par héritage. [Dès le 16e siècle, un commerce transatlantique appelé « commerce triangulaire » fut mis en place en Europe. Des négriers européens partaient d’Europe avec des marchandises manufacturées qu’ils échangeaient sur les côtes d’Afrique contre des captifs fournis par certains royaumes et négriers africains. Les navires européens transportaient ensuite les Noirs à travers les océans, dans de terribles voyages que des historiens nommèrent la Grande Déportation. Les captifs étaient ensuite vendus à des colons aux Antilles, au Brésil, en Amérique du Nord, mais aussi à la Réunion ou à l’Île Maurice dans l’Océan Indien. Réduits en esclavage, ils travaillaient dans des conditions très dures : en moyenne, l’espérance de vie d’un esclave de plantation ne dépassait pas dix ans. Les marchandises produites par les esclaves (sucre, café, cacao, coton, tabac…) étaient ensuite exportées vers l’Europe. Cette traite permit de réaliser d’énormes bénéfices grâce au faible coût de la main d’œuvre utilisée]. La volonté de Colbert de faire de la France un pays économiquement puissant fut en définitive un échec. La cause principale de cet échec furent les folles prodigalités du Roi Soleil. La construction du château de Versailles, les fêtes et le coût engendré par l’entretien de la Cour, les pensions versées aux courtisans pour obtenir leur soumission et surtout les guerres incessantes que mena le Roi ruinèrent le pays. A cela s’ajoutèrent des conditions climatiques extrêmes entraînant des récoltes médiocres. Une grande misère se répandit dans le pays réduit parfois à la famine. A la mort de Louis XIV la détresse était générale. J’espère que ton retour en Russie se passe bien, bientôt tu manieras le sabre, au galop sur ton cheval, au milieu d’autres cavaliers, ainsi tu connaîtras les sensations uniques que connurent jadis les Cosaques. Je t’embrasse Je t’aime,
  16. Lettre 60-7 10 janvier 2020, Samuel, XVII siècle Evolution générale en Europe G) L’Angleterre de 1660 à 1702 La restauration anglaise de Charles II en 1660 fut bien accueillie par une population fatiguée par la dictature de Cromwell, un puritain (branche : indépendants). En 1661 Le nouveau Parlement (dont les députés étaient des représentants des Communes tandis que les Lords étaient nommés par le pouvoir) était majoritairement anglican ce qui marginalisa les puritains. En outre un équilibre politique fut trouvé entre le Roi et le Parlement celui-ci restant attaché à la Prérogative royale. En revanche les inclinations personnelles du Roi finirent par poser problèmes. En effet Charles II, de la maison Stuart, bien qu’anglican, penchait pour le catholicisme et pour l’alliance avec la France. Sans doute faut-il voir là un attachement à l’ascendante des Stuart, Marie Stuart reine d’Écosse, de 1542 à 1567, catholique dans un pays pourtant protestant, par surcroît mise à mort par la reine anglicane d’Angleterre Élisabeth 1ere laquelle voyait en Marie Stuart une rivale pour le trône d’Angleterre durant son règne même. En effet Élisabeth 1ere n’avait pas d’enfant et ses héritiers les plus proches étaient Marie Stuart celle-ci étant la petite-fille de Marguerite Tudor, sœur de Henri VIII (le père d’Élisabeth) de la maison Tudor, et de Jacques IV , roi d’Écosse, de la maison Stuart. Finalement à la mort d’Élisabeth ce fut le fils de Marie Stuart, Jacques Stuart qui succéda à Élisabeth sous le nom de Jacques 1er et la maison Tudor, faute d’héritier, fut remplacée par la maison Stuart [L’attachement au catholicisme et à la France de Marie Stuart lui venaient de sa mère Marie de Guise, duchesse de France]. Enfin Charles II était aussi le cousin germain de Louis XIV qu’il admirait beaucoup [La mère de Charles II était Henriette de France, catholique, sœur de Louis XIII, lequel était le père de Louis XIV]. Charles II commença par vendre la ville de Dunkerque à Louis XIV en 1662. Puis il signa avec son cousin germain un traité secret en 1670, dit traité de Douvres, dans lequel les deux souverains s’engageaient à faire alliance contre les Provinces Unies. Dans ce même traité Charles II s’engageait à se convertir au catholicisme dès que la situation le permettrait. Charles II avait dû mener une deuxième guerre anglo-néerlandaise de 1665 à 1667 qui comme la première guerre (voir lettre 60-6) eut pour enjeu la maîtrise des mers. La France participa à cette guerre en prenant partie pour les Provinces Unies avec lesquelles elle avait signé un accord de défense mutuelle en 1662. Cette guerre tourna au désavantage des Anglais qui durent signer le traité de Breda (ville néerlandaise) en juillet 1667. Au terme de ce traité l’Acte de navigation fut légèrement assoupli : les navires marchands néerlandais furent autorisés à livrer des marchandises allemandes à destination de l'Angleterre. Cette dernière abandonna ses revendications sur l'île de Run en Indonésie et céda le Suriname et ses plantations sucrières aux Néerlandais (le Suriname est limitrophe de la Guyane française). Elle céda aussi l’Acadie et la Guyane française à la France (qui céda à l’Angleterre quelque sites des Antilles). En 1672 Louis XIV qui voulait annexer les Pays-Bas espagnols et qui était contrarié dans son intention par l’opposition des Provinces Unies décida d’attaquer ces dernières. Ainsi commença la troisième guerre anglo-néerlandaise puisque Charles II s’était engagé à soutenir Louis XIV contre les Néerlandais. Cette guerre déplut profondément au peuple anglais qui, bien qu’adversaire des Néerlandais, était encore plus réticent à s’entendre avec la France. Du coup Charles II arrêta la guerre en 1674 et signa le traité de paix de Westminster, laissant Louis XIV continuer seul le combat. Au même moment en 1672 Charles II tenta de favoriser les catholiques en leur permettant d’accéder à des emplois de fonctionnaires ou à des postes politiques qui leur étaient jusque-là interdits. Le parlement réagit violemment et fit voter un Bill (le Bill du Teste ; bill : acte du parlement) en 1673, interdisant tous ces emplois à quiconque ne rejetait pas l’autorité du pape. Les catholiques qui avaient obtenu des postes au service de l’État durent démissionner et le frère du roi, le duc d’York, converti au catholicisme, dut démissionner de sa charge de grand amiral. C’est alors que la société anglaise rentra dans cette dispute : le frère du Roi étant l’héritier de la couronne, pouvait-on accepter d’avoir un roi catholique ? Le pays se divisa en deux camps, les tories et les whigs, phénomène annonciateur des futurs partis politiques. Les tories comprenaient les partisans du duc d’York, ceux qui, même anglicans, mettaient la personne du roi au dessus de tout, et la majorité des propriétaires terriens. Les whigs comprenaient les bourgeois des villes partisans du pouvoir du Parlement contre la Prérogative royale. En définitive les tories devinrent les champions des droits du Roi et les whigs les champions des droits du Parlement. Les deux partis en présence rentrèrent dans une opposition parfois violente.Les whigs réussirent à faire voter par le Parlement en 1679 le bill de l’habeas corpus (c’est-à-dire : sois maître de ton corps) qui interdit toute arrestation arbitraire limitant ainsi le pouvoir du Roi. Charles II exaspéré par la résistance du Parlement ne le convoqua plus jusqu’à sa mort en 1685 (il eut le temps de se convertir au catholicisme juste avant de mourir). Son frère le duc d’York lui succéda sous le nom de Jacques II. Il favorisa l’accès des catholiques à toutes les fonctions administratives et ecclésiastiques (enseignement, justice, armée, paroisses). De plus il eut un fils de sa seconde femme, catholique comme lui. Ce fils devenait l’héritier (les deux enfants de son premier mariage étaient des filles). Un nombre croissant d’Anglais se mirent à redouter que les papistes finissent par mettre le royaume sous l’autorité spirituelle du pape. Les whigs demandèrent au mari de la fille aînée de Jacques II, Marie (issue du premier mariage), Guillaume d’Orange-Nassau, stathouder des Provinces Unies ( stathouder : chef militaire et chef de la diplomatie) de venir sauver le protestantisme anglais (il était lui-même calviniste, et Marie s’était convertie au protestantisme). Le 5 novembre 1688 il débarqua en Angleterre, marcha sur Londres, contraignant Jacques II à l’exil en France. Le Parlement réuni en 1689 constata le départ de Jacques II, affirma son droit de se choisir le Roi qu’il voulait, refusa de prendre en considération les droits du fils de Jacques II et offrit la couronne à Guillaume et à sa femme Marie, lesquels exercèrent le pouvoir sous les noms de Guillaume III et de Marie II, Rois d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande comme leurs prédécesseurs. Cet événement fut appelé par les historiens : la Glorieuse Révolution [C’est en 1541 qu’Henri VIII devint Roi d’Irlande après avoir définitivement conquis l’île ; ce titre de Roi d’Irlande fut légué ensuite aux souverains anglais. Par ailleurs à partir de 1603, avec la nomination de Jacques Stuart, qui régnait en Écosse sous le nom de Jacques VI, comme Roi d’Angleterre sous le nom de Jacques 1er, (voir lettre 60-6), les fonctions de Roi d’Écosse et de Roi d’Angleterre furent tenues par le même homme, même si les États restèrent distincts]. Avant de devenir Rois, Guillaume et Marie durent accepter la Déclaration des Droits anglais du 13 février 1689 (Bill of Rights) qui devint loi du royaume en décembre 1689. Cette Déclaration, très importante, définit les principes de la monarchie parlementaire en Angleterre. L’apport principal de la Déclaration fut de limiter définitivement la Prérogative royale, d’affirmer les pouvoirs législatifs du Parlement et de définir les libertés anglaises fondamentales. Elle préfigura la déclaration des droits de l’homme de 1789. Une loi de tolérance en faveur des dissidents (puritains) fut votée en 1689 leur accordant la liberté de culte. En revanche les catholiques restèrent marginalisés. Après avoir réprimé les révoltes des Jacobites, les partisans de Jacques II, et après s’être converti à l’anglicanisme Guillaume mourut en 1702 (Marie mourut en 1694).
  17. Lettre 60-6 7 janvier 2020, Samuel, XVII siècle Evolution générale en Europe F) L’Angleterre jusqu’en 1660 Pour comprendre l’évolution de l’Angleterre pendant la première moitié du XVII siècle il faut partir des deux points suivants : Les députés de la Chambre des Communes composée de petits propriétaires des campagnes, des hommes de loi, des marchands des villes voulaient participer activement au gouvernement du pays. En cela ils s’opposaient aux Rois qui considéraient que leur pouvoir leur venait de Dieu et n’était pas divisible. Les Rois opposaient aux députés la «Prérogative royale», ensemble des pouvoirs, des privilèges et des indemnités attachés à la seule personne du Roi. Les députés estimaient que la Prérogative royale devait être limitée, qu’ils avaient le droit de décider sur toutes les questions et qu’ils avaient même le droit de mettre en accusation les ministres nommés par le Roi si ceux-ci faillaient dans leurs fonctions. L’Angleterre était divisée entre anglicans et puritains (les catholiques en Angleterre étaient très minoritaires) : Les anglicans (voir lettre 59-3) différaient des catholiques en ce qu’ils refusaient l’autorité du Pape et ne reconnaissaient que celle du Roi en matière religieuse (Acte de suprématie de 1534, lettre 5-3). Ils disposaient d’un Livre de prières qui décrivait l’ensemble des prières et des pratiques propres à leur Église [L’influence sur la langue anglaise de ce livre écrit par des érudits fut importante surtout lorsque la loi d’uniformité de 1558 obligea tous les Anglais à aller à la messe]. Les puritains (une majorité de députés de la Chambre des Communes étaient puritains) comprenaient : Les puritains proprement dits qui restaient dans l’Église anglicane mais qui se défiaient de l’autorité et du Roi (en matière religieuse) et du clergé Les presbytériens, calvinistes qui rejetaient l’autorité de tout souverain en matière religieuse et qui rejetaient aussi toute forme de clergé. Chaque communauté possédait un conseil ou consistoire, chaque conseil nommait des représentants au conseil national ou synode national qui décidait sur les grandes questions religieuses. Ils refusaient aussi le Livre des prières. Les indépendants qui voulaient que chaque communauté soit indépendante de chaque autre communauté. Ils rejetaient toute autorité, aussi bien celle du Roi que celle du synode. Ils étaient ouverts à toutes les formes de protestantisme. A la mort de la reine Élisabeth en 1603 ce fut Jacques Stuart, roi d’Écosse, son plus proche héritier, qui lui succéda sous le nom de Jacques 1er (voir lettre 59-5, deuxième page). Bien qu’ayant le même Roi, l’Angleterre et l’Écosse continuèrent de former deux États distincts. Il régna de 1603 à 1625. Ses relations avec le Parlement furent tendues mais la relation resta équilibrée. La situation dégénéra lorsque son fils Charles 1er lui succéda en 1625. Ce dernier régna à sa guise, prenant toutes sortes de décisions en marge de toute légalité. Quand les députés de la Chambre des Communes s’opposèrent à lui et dénoncèrent l’illégalité de ses décisions il décida de ne plus convoquer le Parlement pendant 11 ans de 1629 à 1640. Puis l’archevêque de Cantorbéry, Laud, hiérarque de l’Église anglicane, soutenu par le roi, voulut imposer la religion anglicane aux Écossais qui étaient presbytériens. Les Écossais se soulevèrent. Charles 1er convoqua alors le Parlement pour trouver une aide dans son effort de guerre. Mais les députés exigèrent en échange de leur soutien des mesures révolutionnaires que le roi refusa (interdiction des tribunaux d’exception, contrôle du Parlement sur la levée des impôts et sur les nominations des ministres, défense du puritanisme par réforme du Livre des prières). Les bourgeois de Londres alors s’insurgèrent et la Révolution commença accompagnant donc la révolte des Écossais. Une série de guerres civiles fut déclenchée appelées par les historiens britanniques : Guerres des Trois Royaumes car elles engagèrent l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande. L’Irlande, en majorité catholique, envoya des troupes en Angleterre épauler Charles 1er, lequel était tolérant envers les catholiques et avait épousé lui-même une catholique Henriette de France sœur de Louis XIII. Les défenseurs du Roi, anglicans, catholiques et Lords furent appelés : les Cavaliers (car ils disposaient d’une puissante cavalerie). Les défenseurs des presbytériens, députés de la Chambre des Communes, Écossais, puritains furent appelés Têtes rondes (car les presbytériens avaient les cheveux courts). A l’issue de péripéties complexes les armées du Roi Charles 1er furent définitivement vaincues en 1645. Charles 1er abdiqua en 1646 et se réfugia en Écosse qui le livra aux Anglais en 1647. Craignant un coup de force de l’armée révolutionnaire emmenée par un officier redoutable Cromwell (1599-1658), religieusement un indépendant, farouchement opposé au roi, le Parlement tenta de se réconcilier avec Charles 1er si celui-ci renonçait à gouverner en roi absolu. Mais Cromwell n’attendit pas, il marcha sur Londres, il expulsa 150 députés récalcitrants et devant un Parlement désormais acquis à sa cause, dit «Parlement Croupion», il imposa la mise en jugement du Roi. Charles 1er fut condamné à mort et décapité en 1649. La même année Cromwell abolit la royauté, supprima la chambre des Lords et proclama le Commonwealth (communauté) d’Angleterre qui devint en 1651 le Commonwealth d’Angleterre, d’Irlande et d’Écosse [Le parlement anglais était composé de la Chambre des Communes et de la Chambre des Lords laquelle représentait la noblesse héréditaire et le clergé]. Cromwell s’en prit aux Irlandais qui avaient soutenu Charles 1er. Des milliers d’entre eux furent exterminés, d’autres déportés aux Antilles anglaises, d’autres repoussés dans l’ouest de l’île, dans la région la plus infertile. Les bonnes terres furent confisquées et réparties entre les colons anglais. Les Écossais quant à eux se rallièrent au fils de Charles 1er, Charles II. Ils continuèrent leur offensive contre l’Angleterre. Cromwell les repoussa, puis renvoyant le Parlement Croupion en 1653, il prit le titre de Lord Protecteur du Commonwealth d’Angleterre, de l’Irlande et de l’Écosse. A partir de ce moment il gouverna en maître imposant au Commonwealth un régime de dictature militaire. De 1651 à 1658, date de sa mort, il œuvra pour promouvoir en Europe la présence anglaise. Ainsi en 1651 il imposa l’Acte de Navigation. Les marchandises en provenance d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique ne pouvaient être importées en Angleterre que par des navires anglais, celles en provenance d’Europe ne pouvaient être importées que par des navires anglais ou des navires appartenant aux pays exportateurs. Ce monopole fut contesté par les Provinces Unies entraînant la première guerre anglo-néerlandaise (1652-1654). Elle se déroula entièrement sur mer. La marine anglaise remporta la victoire obligeant les Provinces Unies à accepter le monopole commercial anglais imposé par l’Acte de Navigation. Cette victoire consacra l’Angleterre comme une nouvelle puissance maritime. Puis en 1658 Cromwell fit alliance avec Mazarin dans la guerre contre l’Espagne (voir lettre 60-4). L’Angleterre y gagna Dunkerque et l’île de la Jamaïque (qui appartenait alors à l’Espagne). Après sa mort en 1658, son fils Richard lui succéda mais il abdiqua rapidement (en 1659). Alors le Parlement réuni en assemblée extraordinaire vota le rétablissement de la monarchie. En 1660 Charles II, le fils de Charles 1er, put ainsi rétablir la royauté. Tu as pu admirer l’intérieur de la Cathédrale Saint-Basile lors du Noël orthodoxe. Igor a raison : même si tu ne crois pas en Dieu si tu entres dans un tel lieu tu trouves alors la paix de l’esprit. La puissance qui se dégage de la Cathédrale provient de son appartenance à la grande histoire russe. C’est le Terrible, après sa prise de Kazan en 1552, qui décida de sa construction. Celle-ci dura 125 ans. Basile le Bienheureux naquit en 1469 dans un village près de Moscou. Il apprit le métier de cordonnier. Il mena une existence vouée à sa foi en Jésus-Christ. Il fit vœu de grande pauvreté, dénonçant sans cesse le mensonge et l'hypocrisie. C’était le seul homme que le Terrible craignait tant le Terrible le respectait. Je t’embrasse, Je t’aime
  18. Lettre 60-5 5 janvier 2020, Samuel, XVII siècle Evolution générale en Europe E ) La Suède jusqu’en 1661 Nos avons vu (lettre 60) comment Gustave II Adolphe le Roi de Suède dit le Lion du Nord était mort, sabre au clair, à Lützen en novembre 1632. Sa fille Christine de Suède, née en 1626, alors âgée de 6 ans, laissa le chancelier Axel Oxenstierna assurer la régence. Elle fut élevée sans ménagement, travaillant 12 heures par jour, acquérant des connaissances encyclopédiques. Elle fut admise au Conseil de régence dès 1640 à l’âge de 14 ans. En 1648 elle intervint lors de la paix de Westphalie et obtint la Poméranie occidentale et les évêchés de Brême et de Verden (voir carte). Elle se fit couronner Roi de Suède en 1650 prenant ainsi seule le pouvoir. A l’époque la Suède s’imposait comme une nation dominante de la Baltique. Elle possédait depuis le XVI siècle la Finlande et l’Estland (aujourd’hui l’Estonie, capitale : Tallinn). Profitant de la faiblesse du premier Romanov (lettre 15 sur la Russie) Gustave Adolphe prit en 1617 à la Russie l’Ingrie et la Carélie privant ainsi ce pays de l’accès à la Baltique. En 1629 il prit à la Pologne-Lituanie la Livonie (actuelle Lettonie, capitale : Riga). Enfin en 1645 en marge de la guerre de Trente ans le général suédois Torstenson prit à l’association Danemark-Norvège le Jämtland (voir carte). La reine Christine ne s’intéressait pas à la politique. Elle préférait les arts, les réflexions philosophiques et les plaisirs. Elle s’entoura d’une brillante cour à Stockholm, voulant faire de la capitale une nouvelle Athènes consacrée aux fêtes du corps et de l’esprit. Elle se lia avec tout ce que l’Europe comptait d’esprits brillants. Elle distingua surtout les Français consacrant aussi l’amitié franco-suédoise nouée à l’occasion de la guerre de Trente ans. En effet en 1631 (voir lettre 60-1) un accord fut signé entre le roi de Suède et Louis XIII. Le traité prévoyait que la France financerait l'armée du roi de Suède à hauteur de 100 000 livres. En contrepartie celui-ci s'engageait à fournir du bois pour la construction de navires. Pascal lui envoya un exemplaire de sa machine à calculer. Pierre Michon Bourdelot, libertin, libre penseur, animateur en France d’une académie scientifique portant son nom devint son médecin et la guérit de sa dépression (en la faisant rire selon la légende). Gabriel Naudé, le bibliothécaire de Mazarin devint son propre bibliothécaire. Le plus connu de ses visiteurs fut René Descartes.Elle se montra avec lui insatiable, le convoquant à toute heure du jour et de la nuit. Il lui écrivit un ballet. Puis il mourut près d’elle, peut-être terrassé par le froid, peut-être empoisonné, de nombreuses rumeurs continuent de courir. En 1654 à 28 ans, définitivement devenue indifférente aux affaires de l’État elle abdiqua en faveur de son cousin germain Charles Gustave qui prit alors le nom de Charles X. Elle partit de Suède, voyagea partout en Europe, puis se fixa en Italie après s’être convertie au catholicisme. Elle mourut à Rome, en 1689 à l’âge de 63 ans, toujours entourée de savants et d’une cour flamboyante. En 1655 Charles X lança la première guerre du Nord. Nous avons vu, lettre 16 sur la Russie, que les armées du Tsar Alexis le Très-Paisible étaient rentrées en Pologne-Lituanie orientale en 1654. Pour contrer l’avancée des Russes Charles X envahit l’ouest de la Pologne-Lituanie alors dirigée par le Roi Jean II Casimir Vasa. Il s’ensuivit une guerre aux péripéties complexes dans laquelle la Suède se retrouva à combattre contre le Danemark-Norvège, le Brandebourg-Prusse, la Pologne-Lituanie, la Russie et le Saint Empire. Au terme de cette guerre fut d’abord signé le traité de Roskilde en1658 entre la Suède et le Danemark-Norvège, mais comme ce traité fut violé par Charles X la guerre reprit et s’acheva par les traités suivants signés du côté de la Suède par un Conseil de régence dirigé par Hedwige Eléonore, la mère de l’héritier et fils de Charles X Gustave, mort en février 1660, Charles XI, alors âgé de 4 ans : Le Traité d’Oliva (près de Gdansk en Prusse royale ou Prusse occidentale, voir carte lettre 60-3) signé avec la Pologne-Lituanie représentée par Jean II Casimir, le Brandebourg-Prusse représenté par Frédéric-Guillaume et l’Empire représenté par Léopold 1er en avril 1660. Par ce traité la Pologne renonçait et à la suzeraineté sur le duché de Prusse qui devint donc indépendant et rattaché au Brandebourg, et au trône de Suède. Cette ancienne revendication provenait de ce fait : les Rois de Suède, de 1587 à 1668, et les rois de Pologne-Lituanie, de 1587 à 1668, descendaient d’une même dynastie (même famille) : les Vasa. Le Traité de Copenhague signé avec le Danemark-Norvège représenté par Frédéric III en mai 1660 par lequel le Danemark céda à la Suède : la Scanie, le Halland et le Bohuslän (voir carte). Le Traité de Kardis signé en 1661, par lequel la Russie rendit à la Suède ses conquêtes livoniennes et ingriennes effectuées pendant la guerre. C’est ainsi que la Suède confirma sa suprématie dans la région de la Baltique. Je t’embrasse, Je t’aime
  19. Lettre 60-4 3 janvier 2020, Samuel, XVII siècle Evolution générale en Europe D) La Guerre France-Espagne 1648-1659 La paix de Westphalie n’avait pas inclus dans ses dispositions le règlement du conflit franco-espagnol. Aussi la guerre entre les deux pays reprit. Les Espagnols furent aidés dans leur entreprise par le déclenchement en France d’une guerre civile appelée : la Fronde. La Fronde naquit d'un mécontentement général qui prit sa source dans la crise économique et l'augmentation de la pression fiscale provoquées par les dépenses de la guerre de Trente Ans. Quand le cardinal Mazarin prit le pouvoir sous la régence d’Anne d’Autriche après la mort de Louis XIII il augmenta sensiblement les impôts ce qui exaspéra le peuple. Par ailleurs le pouvoir monarchique s’était considérablement renforcé en promouvant une conception bicéphale de l’exercice du pouvoir où le roi plaçait sa confiance en une seule personne : Richelieu pour Louis XIII et Mazarin pour la régente Anne d’Autriche. Privés de l’exercice du pouvoir les nobles représentés notamment par le frère de Louis XIII, Gaston de France, dit le Grand Monsieur, la fille de ce dernier Anne-Maie-Louise d’Orléans dite la Grande Demoiselle, le Prince de Condé, la sœur de ce dernier : la duchesse de Longueville et Jean-François Paul de Gondi, le futur cardinal de Retz, revendiquaient le droit de participer au conseil de régence. Le peuple parisien se révolta en 1649 par protestation contre les impôts trop lourds, forçant Anne d’Autriche, son fils Louis XIV et Mazarin à s’enfuir à Saint-Germain. Mais le peuple ne sut pas s’organiser en un parlement efficace, il fut assiégé par Condé et il finit par céder en se soumettant à la Régente. A ce moment-là Condé décida de jouer sa carte personnelle en convoitant la place de Mazarin et Jean-François Paul de Gondi le suivit dans la même ambition. En définitive le pays tomba dans la guerre civile, les insurgés finissant par s’allier avec les Espagnols tandis que le peuple de Paris se révoltait à nouveau. Ce ne fut plus que pillages, disettes et épidémie. Les armées royales tinrent bon et parvinrent à repousser Condé sous les murs de Paris. Le peuple usé par la guerre, scandalisé par l’alliance des nobles avec les Espagnols rendit les armes et demanda à la Régente de revenir à Paris. Ce qu’elle fit, accompagnée de son fils Louis XIV, en 1652, Mazarin la suivant en 1653. Quant aux Espagnols, épuisés par la guerre de Trente ans, ils hésitaient à pénétrer en France, ravagée par la guerre civile, trop appauvrie pour qu’ils puissent y trouver subsistance. A cette époque les armées vivaient sur les richesses des pays occupés en les pillant. Il n’existait pas d’intendance c’est-à-dire un service de ravitaillement organisé à partir des pays belligérants. Mazarin contre-attaqua, lança l’armée royale commandée par Turenne contre les forces coalisées de Condé, des nobles et des Espagnols. En 1654 et en 1655 Turenne reconquit une partie de l’Artois que les armées ennemies avaient occupée. Puis Mazarin signa un traité d’alliance avec l’Angleterre permettant à celle-ci d’attaquer Dunkerque (encore aux Espagnols) et de l’annexer en cas de victoire ( de Dunkerque des corsaires partaient pour piller les côtes britanniques, aussi l’Angleterre était-elle intéressée à intervenir dans cette guerre). L’Angleterre envoya 6000 hommes qui s’ajoutèrent aux forces de Turenne. Assiégée la ville tomba en 1658 et fut remise aux Anglais. Définitivement vaincus Condé et ses alliés durent déposer les armes. Un traité de paix, appelé traité des Pyrénées, fut signé en 1659 entre la France et l’Espagne. La France reçut le Roussillon, l’Artois et plusieurs places fortes situées en Flandre et en Lorraine. Dans ce même traité fut prévu le mariage de Louis XIV avec la fille du roi d’Espagne, l’infante Marie-Thérèse d’Espagne, pour signifier la réconciliation entre les deux pays (le mariage fut célébré en 1660; Louis et Marie-Thérèse étaient cousins germains, le père de Marie-Thérèse, Philippe IV d’Espagne et la mère de Louis, Anne d’ Autriche étant frère et sœur, enfants du roi Philippe III d’Espagne). Condé fut réhabilité, la couronne française préférant le garder comme allié. Enfin l’Espagne cédait officiellement Dunkerque aux Anglais. La France ressortait sensiblement renforcée à l’issue des traités de Westphalie et des Pyrénées. Elle devenait l’une des nations les plus puissantes de l’Europe occidentale. En 1661 Mazarin mourut. Alors Louis XIV qui l’avait laissé jusque-là gouverner avec sa mère, s’empara du pouvoir effectif qu’il décida d’exercer seul. Sa mère se retira des affaires politiques et mourut en 1666 (dans les faits en 1651, Louis XIV atteignit la majorité fixée à treize ans, il reçut alors officiellement ses pouvoirs régaliens de sa mère puis il fut sacré Roi à Reims en 1654). En revanche l’Espagne ressortit considérablement affaiblie de la première moité du XVII siècle. Outre les territoires perdus à l’issue de la guerre de Trente ans, de celle de Quatre-Vingts ans, puis de celle contre la France, elle dut se résoudre à perdre le Portugal, et avec le Portugal, les colonies de ce pays dont le Brésil. Nous avons vu, lettre 60-1, que le Portugal et la Catalogne avaient tenté de faire sécession en 1640. L’Espagne réussit à vaincre l’insurrection catalane mais elle dut céder devant celle du Portugal. La guerre d'indépendance menée par le Portugal contre l’Espagne fut appelée guerre de restauration. Elle dura de 1640 à 1668 (traité de Lisbonne) date à laquelle le pays recouvrit officiellement son indépendance. Je te souhaite une très belle année en Russie et de nouveaux progrès en musique, dans le maniement du sabre et la maîtrise de ton cheval. Que tes représentations dans le restaurant enchantent toujours plus de monde et que tes conférences aient de plus en plus de succès. Je t’aime, Je t’embrasse
  20. Je savais à Londres pour les avoir vues. Elles sont magnifiques, assez bruyantes en colonies.
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