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Tout ce qui a été posté par Dompteur de mots
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Je ne vous crois pas.
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Pourquoi partir de l'idée que les deux s'opposent ? Je pense qu'un état de conscience "intellectuel" peut fort bien être dit "libre", tout comme il peut fort bien être dit "asservi". Et inversement, un état de conscience "non-intellectuel" peut fort bien être dit "libre" ou "asservi". Il y a certes des intellectuels qui se complaisent dans un méta-langage, mais il y a certainement aussi des gens qui dénigrent la vie intellectuelle et qui sont prisonniers des illusions d'une vie confinée à sa dimension purement pratique. Il faut voir ce qu'on entend par un "état de conscience libre". Il fallait lancer un topic intitulé "Qu'est-ce que l'inquiétande étrangeté ?" dans ce cas. Le processus éducatif est plus complexe que cela. Acquérir une culture est en fait nécessaire pour créer l'ouverture qui prête à l'élévation de la conscience. Par exemple, apprendre l'alphabet n'élève pas la conscience de l'enfant, mais cela lui permet d'ouvrir un terrain langagier qui lui permettra plus tard de s'élever (par la lecture et l'écriture).
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Il n'y a pas de philosophie qui vaille sans sensation. La lecture d'un raisonnement doit provoquer une sensation. Autrement, ce n'est effectivement qu'un brassage de mots. Cela dit, la capacité d'appréciation intime et sensible d'un texte philosophique est quelque chose qui s'acquiert. La première fois que j'ai ouvert un livre de philosophie, j'ai vomi de dégoût et j'ai refermé après quelques pages. Je ne m'y suis plus réessayé pendant plusieurs années. L'auteur de ce livre est devenu mon auteur favori depuis. Et la philosophie est devenue ma passion. Mais encore aujourd'hui, il m'arrive régulièrement - sinon toujours - de ne pas comprendre certains passages d'un ouvrage dont je fais la lecture. Il faut parfois accepter cette incompréhension. Tout n'est pas essentiel au propos d'un auteur. Peu d'auteurs ont d'ailleurs une écriture dénuée de toute inutilité. Le problème dont tu parles est réel et important et tes inquiétudes sont tout à fait légitimes: la philosophie sombre dès que se casse le fil ténu qui nous relie à notre conscience naïve, notre conscience d'enfant, celle qui s'émerveille devant le monde. Cette conscience-là doit être présente à nous-même lorsque nous lisons le texte le plus abstrait qui soit sinon, le papillon n'est effectivement plus qu'une machine démontée dont on aura perdu l'essence de vue. En passant, c'est par l'Introduction à la psychanalyse qu'il faut aborder Freud et la psychanalyse. L'Essai d'exploration de l'inconscient de C.G. Jung est également une oeuvre de vulgarisation qui peut constituer une bonne introduction au sujet.
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Qui demande cela au juste ? Les 5 ou 6 cerveaux qui ont un vrai talent pour la philosophie ici sont de véritables modèles d'humilité en ce qui concerne leur érudition. Moi-même, je suis un miracle d'humilité et de modestie en ce domaine. J'ai l'impression que ce cliché, qui revient sans cesse, résulte plus d'un complexe d'infériorité projeté de ceux qui n'ont pas lu de littérature philosophique et qui se sentent par conséquent désavantagés dans une discussion.
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C'est une hypothèse fort intéressante. Et je pense qu'elle complète bien la mienne, et inversement. Le sens que la religion conférait à la vie de chacun n'était pas vraiment atteint par un travail personnel, mais il lui était plutôt donné par l'institution religieuse. Du moment que cette institution s'éteint, il faut que l'individu soit investi d'une confiance en sa propre nature pour trouver ce sens, à moins de se replier sur d'autres moyens artificiels. Mais pour le cas qui nous intéresse, nous supposons que l'individu qui s'intéresse à un forum de philosophie a une confiance dans ses moyens de discuter des problèmes qu'il y rencontrera, et cela sans travail préalable, sans recherche, sans étude des concepts mis en jeu, etc. Or, cette confiance lui est offerte par l'esprit démocratique qui lui dit que tous sont égaux.
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Oui ? Et pourquoi ne pourrait-il pas y avoir une élite philosophique ? Demande-t-on aux grands joueurs de football de la planète de ne pas être trop performants afin que chacun puisse jouer avec eux ? N'est-il pas possible qu'il y ait effectivement des individus qui aient une plus grande facilité à manier les concepts, à manier une pensée abstraite, à explorer des états d'esprit inédits ? Je me demande pourquoi le préjugé démocratique est toujours plus tenace en philosophie. On ne l'applique pas de la même manière à la science par exemple, ou aux sports. Les gens ont le préjugé qu'il existe quelque chose comme une "raison" toute donnée d'avance à chacun sans efforts nécessaires. Mais ne pas réfléchir à partir de ses propres préjugés, savoir se remettre en question, savoir suspendre son jugement, savoir méditer sans avoir déjà la réponse pendue au bout de la langue, tout cela s'apprend. Et encore, il y a des gens pour qui malheureusement cela demeurera inaccessible pendant toute leur vie. Je pense que c'est à double sens. Il est stupide pour un érudit en matières philosophiques d'affirmer que rien n'est possible sans cette érudition, comme il est stupide pour un débutant d'affirmer que la lecture des auteurs philosophiques n'apporte rien. Euh... à la connaissance ? Par exemple, pour expliquer la succession des jours et des nuits, les hommes ont proposé tout au cours de l'histoire des explications plus farfelues les unes que les autres. Mais dans chacun de ces explications, il y a avait au moins une parcelle de bon sens, ne serait-ce que le bon sens qu'il y a à se tromper, à y aller d'une bonne grosse erreur - car l'erreur est toujours porteuse de leçons. L'esprit commun, devant un arbre, verra essentiellement une somme d'applications pratiques, ainsi que quelques notions théoriques utiles: une source de bois, un agrément esthétique, une source de pollen, une source de fruits, des branches à couper, etc. Une esprit philosophique y verra une source infinie de questions: pourquoi y a-t-il des arbres ? Ont-ils un principe commun avec les animaux ? Qu'est-ce que la "vie" qui habite l'arbre ? Pourquoi y'a-t-il de la vie dans un arbre et non dans un rocher ? S'il y a un principe commun entre les arbres et les hommes, y'a-t-il quelque chose à apprendre des arbres ? Comment la figure de l'arbre est-elle utilisée dans l'art ? Que symbolise-t-il ? D'où vient cette valeur symbolique ? Pourquoi trouvons-nous belles les fleurs de l'arbre ? Qu'est-ce que cette beauté naturelle ? Qu'est-ce qui vibre en nous lorsque nous ressentons cette beauté ? L'arbre est-il une chose qui puisse être vraiment considéré à part ou est-il indissociablement lié au tout ? Un arbre peut-il souffrir ? Qu'est-ce que la souffrance ? Y'a-t-il une compétition entre les arbres ? Y'a-t-il des arbres dominants et des arbres dominés ? Si oui, cela veut-il dire que cette compétition est naturelle ? Qu'elle fait partie de l'essence de la nature ? Comment les arbres, les végétaux ont-ils évolué pour engendrer les animaux ? Qu'est-ce qui les a fait évoluer ? Qu'est-ce que cette substance qui évolue toujours ? Est-ce que cette substance continue d'évoluer en nous les humains ? Y'a-t-il un sens à cette évolution ? Etc. Dans un lieu comme celui-ci, il y a de quoi devenir fou au jeu de l'ego. D'une part, il pèse sur le penseur une difficile exigence démocratique qui le force à l'humilité (exigence dont tu te fais toi-même la porteuse), mais d'autre part, le climat narcissique fait que chacun écrit comme s'il avait une vie de réflexion derrière la cravate. Dans ces conditions, le penseur véritable s'irrite, et on peut le comprendre. Évidemment, je ne dis pas que tout ce qui s'irrite est un penseur véritable. Il n'y a rien de simple dans cette mixité-là.
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Bonjour Erneste. J'apprécie ton intervention. Tu as une ambiance intéressante. Elle est bien écrite et elle pose un problème philosophique tout de même important. Tout d'abord, il faut bien comprendre que la philosophie est bel et bien, malgré tout ce qu'on voudra en dire, une discipline. C'est-à-dire qu'elle a ses règles, sa technique et oui, elle a aussi son jargon. Et donc, ce n'est pas vrai que la philosophie devrait être immédiatement saisissable sans aucun effort, sans aucun apprentissage. Son étude requiert de la patience, beaucoup de patience, et aussi beaucoup de passion car pour atteindre à une telle patience, il faut beaucoup de passion. L'une des raisons qui expliquent cette complexité de la philosophie, c'est que la vie est complexe. Si le langage de la doxa - le langage commun, celui de tous les jours - est fait pour simplifier les choses, pour les ramener à l'essentiel, au purement fonctionnel, au purement utile (avec les défauts que cela comporte, comme par exemple la formation de préjugés), le langage de la philosophie aspire plutôt à rendre compte de la complexité du monde. La vie est donc complexe et qui plus est, la vie de l'esprit l'est plus encore. On peut facilement évoquer les objets concrets autour de nous, car nous en avons des impressions assez nettes. Mais quant à évoquer les mouvements de notre esprit, cela est une tâche beaucoup plus difficile. Les philosophes écrivent des livres entiers, voir des œuvres entières rien que pour réussir à transmettre un simple état d'esprit - mais souvent un état d'esprit qui était encore inédit au monde des hommes, d'où l'intérêt de cette transmission. Voilà. J'attends ta réaction avant de poursuivre dans une direction ou une autre. Au plaisir.
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Intelligence animale et humaine
Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
Je pense que l’on peut très bien dire que l’homme est à la fois fondamentalement différent et fondamentalement semblable aux animaux. Fondamentalement différent parce qu’il a incontestablement des caractéristiques différentes, et même si ces caractéristiques peuvent être ramenées à une différence de degrés, cela ne constitue pas moins une différence. À la limite, on pourrait dire que tous les êtres ne se différencient que par une variation de degrés par rapport à un nombre donné de caractéristiques. Mais cela n’empêche pas que chaque combinaison de ces caractéristiques à différents degrés donne un tout unique et différent des autres. Un peu de la même façon par exemple que Maalouf disait de notre identité qu’elle est faite d’un ensemble d’appartenances (à des communautés, à des groupes, etc.) et que prises individuellement, ces appartenances peuvent potentiellement nous relier à tous les hommes mais que la somme de ces appartenances nous est unique. C’est la même chose qui se passe entre les espèces. Par ailleurs, les concepts, comme je l’ai déjà dit très justement ailleurs, ont avant tout une fonction pratique et dans ce cas qui nous occupe, ils servent précisément à nommer ces recoupements de caractéristiques qui sont communes à un certain nombre d’êtres. Cela n’a pas vraiment d’importance de savoir si la différence entre les animaux et les hommes est fondée sur une différence d’essence, une différence absolue. Le fait est que cette différence est suffisante pour avoir un impact pratique, sur notre manière de vivre, sur notre manière de penser. C’est dire que le semblable ne s’oppose pas forcément au dissemblable, mais que tout dépend du point de vue pratique que l’on adopte. Tantôt, on pourra préférer voir ce qui nous lie aux animaux, et tantôt ce qui nous différentie. À ce titre, je pense que Déjà a mis le doigt sur un aspect central du débat lorsqu’il a constaté que nous divergions quant au diagnostic de la civilisation et de ses rapports avec la nature. Car ce diagnostic peut induire l’une ou l’autre position quant à la différence ou à la ressemblance entre hommes et animaux. Même en ce qui concerne l’aspect politique et moral de l’homme, sur lequel tu sembles vouloir insister, on peut extrapoler aux animaux. L’animal grogne pour établir des rapports de puissance, alors que l’homme dissout ses grognements dans ce miroir aux mille facettes qu’est le langage. La morale n’est jamais qu’une proposition d’agencement des rapports de domination qui existent dans une communauté. À ce titre, elle représente en quelque sorte le prolongement de la dialectique naturelle qui s’établit entre les êtres de la nature. Tout comme il serait facilement défendable que la morale humaine se distingue nettement du fonctionnement communautaire de la nature. -
Une pensée universelle, au sens où tu l'entends, continue tout simplement d'avoir une actualité, parce que les gens continuent d'emprunter ses chemins pour s'approfondir, ou parce qu'elle fait encore l'objet de nouvelles interprétations. Ce sont des pensées dont la pertinence perdure. La caractéristique primordiale d'un patrimoine, c'est précisément qu'il est encore vivant. Lorsque Thalès spéculait sur la structure de l'univers et de la matière, posant par exemple que tout est fait d'eau, ou que la terre repose sur de l'eau, cela n'avait pas vraiment d'intérêt pratique. Pourtant, il n'en posait pas moins du coup les premiers jalons d'une pensée cosmologique - plutôt que cosmogonique - ainsi que les premiers jalons d'une pensée causale de la matière. Tout cela allait éventuellement déboucher sur la science. Ah oui ?
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Intelligence animale et humaine
Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
En fait, il faudrait dire que l’homme est à la fois lié au désir et à sa raison. Chez les animaux, le désir s’exprime de manière rigide, au travers de ce qu’on appelle l’instinct, alors que chez l’homme, elle s’exprime de manière flexible et imprévisible, au travers de ce qu’on peut appeler l’intelligence. Sauf exceptions, l’animal ne se rend d’ailleurs même pas à un « je veux », il saute directement à l’objet de son désir : « manger ! », « jouer ! ». Ce n’est que chez l’homme que le processus se trouve momentanément gelé dans l’esprit : son état de désir lui devient conscient; il devient un « je veux » et parfois, par le travail des conditionnements et autres structures acquises, il devient effectivement un « je dois ». Par exemple, un « manger ! » chez l’homme pourra être mis dans le contexte d’un système éthique fondé sur la perte de poids, de telle sorte que le désir pourra être inhibé ou carrément éliminé. La conscience n’est finalement que ça : un état de tension intérieure induite par le tournoiement du désir en soi. La conscience est un état d’inhibition du désir accompagné par l’évolution de ce désir. Car si le désir reste à l’état latent et ne s’exprime pas, cela signifie qu’il est conjuré par des forces opposées, et que par conséquent, comme tout processus physique fermé sous tension, il évolue et tend à se résoudre sous une forme médiane et nouvelle. Nous devons ceci essentiellement à nos semblables et aux lois morales qu’ils nous impriment dans le crâne. C’est par le conditionnement que nous apprenons à ne pas être esclaves du désir. Nous le faisons d’abord de manière obligée, parce que nous n’avons pas le choix d’obéir à nos parents, à nos instituteurs, à nos patrons, etc., mais avec le temps, cela devient une sorte de deuxième nature : nous devenons étrangers à nous-mêmes, nous devenons à nous-mêmes une dualité constituée d’un être désirant et d’un être moral. Comme nous le savons tous, cela n’est pas sans nous apporter une somme considérable de conflits puisque, dans le processus d’élaboration de notre double, nous en venons souvent à perdre de vue notre être désirant : « je est un autre » comme disait Rimbaud. Aussi, devenir un homme c’est en grande partie réapprendre à laisser parler l’ombre qui se cache en nous, l’être désirant. Et ce processus ne peut s’agir d’une sorte de régression, mais bien d’une résolution nouvelle de la tension qui nous habite. Une résolution nouvelle qui requiert un acte de création de soi-même. Il s’agit de s’inventer soi-même. Les animaux ne se dédoublent pas de la sorte. Il est facile de sentir intuitivement qu’ils ne sont pas habités par le même genre de tension intérieure que les hommes. Ils sont rivés à leur désir. C’est une remarque absolument lumineuse. Je ne peux qu’enchaîner là-dessus : pourquoi dit-on que le philosophe doit prendre une position de discontinuité ? Pourquoi dit-on que le scientifique prend une position de continuité ? C’est que le monde logique de la science est un monde virtuel, un monde désincarné (je ne le dis pas péjorativement). C’est un monde où ne se posent pas les impératifs de la vie. Quand on étudie la trajectoire d’une balle dans les airs, on isole la balle et toutes les forces qui nous intéressent au sein d’un espace et d’un temps purement artificiels. Il s’agit de l’espace et du temps mathématiques, ou alors géométriques. De même que le biologiste qui étudie le devenir des espèces ne s’intéresse pas tant à la réalité elle-même qu’à cet espace virtuel dans lequel les espèces se transforment au gré des variations du milieu. Là aussi il y a une mathématisation et une géométrisation du réel. Les schémas que trace Darwin ont bien une efficacité, ils nous permettent bien d’appréhender le devenir des espèces, mais il n’en reste pas moins que paradoxalement, la sélection naturelle se déroule hors de la réalité. La philosophie a au contraire à voir avec la réalité dans toute son impérativité vivante. Elle commence avec la question de savoir comment il faut vivre, ou de qu’est-ce qu’une vie qui vaut la peine d’être vécue. Elle a une saveur inexorablement éthique. Même lorsqu’elle ne fait pas de l’éthique, la philosophie fait quand même de l’éthique. Elle dit toujours en filigrane ce qu’il convient de penser, ce qui vaut d’être pensé. Un philosophe qui s’intéresse à la science nous dit en filigrane qu’il faut s’occuper de science, qu’il faut réfléchir à la science, qu’il faut accorder son attention à la science. Peut-être l’ignore-t-il lui-même ? Cela ne change absolument rien. Pour cette raison, l’éthique sera toujours la discipline-reine de la philosophie. Alors que la science a affaire avec des forces dont l’effet est continu, la philosophie est aux prises avec un autre type de forces – discontinues celles-là, non pas des forces plaquées dans un espace virtuel, mais plutôt des forces qui font reflux vers le réel : je parle de volonté. La force qui fait vivre : voilà un vecteur qui n’a aucune commune mesure avec le vecteur par exemple de la force gravitationnelle. La « vieille philosophie » était une philosophie virtuelle – je parle de celle d’avant Nietzsche – et elle parlait d’un homme théorique. Schopenhauer a mis ceci en évidence lorsqu’il a décrit comment cette philosophie était foncièrement contemplative, comment elle traçait le parcours d’une volonté qui se nie elle-même, le parcours de l’homme qui s’abîme dans le néant. À partir de Nietzsche, il n’est plus question d’une telle renonciation, il s’agit d’embrasser la vie et d’embrasser sa propre volonté. L’homme sort alors de son confort virtuel et théorique et il tombe les deux pieds dans la merde de la réalité. On avait mis l’emphase sur le « comment » du « comment il faut vivre » et désormais, l’emphase sera sur le « il faut vivre ». Mais bref, parce que la philosophie a à voir avec l’impératif de la vie, elle doit trancher. Elle n’a pas le luxe d’attendre la vérité. Pour cette raison, toute bonne philosophie devrait être traversée par un sentiment d’urgence. L’urgence de bien penser afin de bien vivre. Ma remarque ne s'appliquait pas à toi Louise. Ni à personne en particulier d'ailleurs. C'était au cas où. -
Ah je pensais que tu te situais dans un registre d'analyse socio-psycho-philosophique plutôt que dans un registre éthique.
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Intelligence animale et humaine
Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
Je sens qu'il vaut mieux spécifier, pour les petits malins qui nous lisent, que ce n'est pas du spécisme d'affirmer par exemple que l'homme est plus intelligent que les autres espèces. Il s'agirait de spécisme si l'on affirmait qu'en vertu de cette différence, il puisse être légitime de maltraiter les animaux. -
Non. Il suffit d'avoir l'esprit fatigué par plusieurs revers ou par un destin ingrat.
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Intelligence animale et humaine
Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
Peu importe. Tes exemples sont anecdotiques. Ces espèces ne sont pas douées d’un talent qui les distinguerait suffisamment pour qu’ils puissent se reproduire au-delà du niveau de l’équilibre naturel. Les espèces exceptionnelles, jusqu’à ce jour, finissent en fait par être avalées par l’équilibre naturel : leur talent déséquilibre leur environnement, celui-ci se détériore, et les chances de survie de l’espèce diminuent. Conséquemment, ils disparaissent et la nature se trouve nivelée à nouveau. Ce que nous avons d’inédit, c’est que nous savons que nous sommes engagés dans ce processus. Nous savons que si nous ne faisons rien, nous serons nous aussi avalés par la nature. Nous sommes fous, mais nous ne sommes plus aveugles. Non pas force de loi, mais force de respect, certainement. J’ai spécifiquement dit que la nature tendait à se complexifier, tout en laissant sa trace derrière, en laissant sur son chemin des formes plus simples. Pour la bonne raison que les formes plus complexes fleurissent sur le terreau des formes plus simples. Pas d’hommes sans animaux, et sans végétaux, et sans minéraux, etc. Et il est bien certain que la courbe évolutive n’est pas une droite pure, mais bien une droite brisée de toutes parts. Mais on ne peut pas nier que d’une forme élémentale originelle (la terre comme une espèce de boule de feu), nous sommes passés à une forme minérale plus complexe, puis à une forme végétale, puis animale, etc. Il y a bien un processus de complexification qui est à l’œuvre. Si ce qui est recherché est une vie qui vaut la peine d’être vécue, alors oui, la vérité pourrait très bien être source d’erreurs. Nous avons besoin d’illusions pour vivre, nous avons besoin de tous ces petits enchantements quotidiens qui nous entourent. Par exemple, en vérité, la vie n’a aucun sens et tout ne mène à rien. Mais qui peut donc vivre avec une telle vérité entre les deux oreilles ? Schopenhauer l’a tenté, et l’éthique qu’il a sécrétée à partir de cette vérité est précisément une éthique de renoncement contemplatif à la vie. « Ceux qui font les antithèses en forçant les mots font comme ceux qui font de fausses fenêtres pour la symétrie. Leur règle n’est pas de parler juste, mais de faire des figures justes. » - B. Pascal. Peu importe que ce ne soit pas là où tu voulais en venir. C’est là où je veux en venir moi. Que les hommes ressentent un malaise devant les conditions de leur vie n’est pas un argument contre leur intelligence. Les visionnaires, les génies, les grands shamans de la civilisation sont souvent des êtres névrosés et instables. Moi-même, je me suis toujours méfié des êtres qui sont trop en phase avec le monde. Je n’ai jamais compris que l’on puisse être parfaitement en phase avec le monde. Pour la bonne raison qu’il y a quelque chose qui cloche en ce monde. La nature est harmonieuse en elle-même et pour elle-même mais il y a une dysharmonie fondamentale entre la nature et la part de nature qu’il y a en nous. La nature n’aime pas les évolutions extrémistes et tout dans notre nature nous crie de maximiser aveuglément les conditions de notre prolifération. Nous ne savons faire que ça : accumuler des biens pour nous donner de l’aisance, nous aménager un espace confortable et peupler cet espace. Or, d’arracher à la nature la conscience de ceci est déjà en soi un miracle. Et ma foi, il y a de quoi être névrosé. En fait, c’est une réaction saine. Nous n’en faisons actuellement que trop peu, mais ce trop peu est déjà un monde en soi, sur lequel il s’agit de bâtir. La science nous permet tout de même de comprendre les mécanismes de l’écologie, de savoir ce qui nuit à l’équilibre de la nature, et de prendre des actions pour la maintenir. Que nous échouions encore à l’échelle globale n’est pas un argument contre ce que je viens de dire. Ce n’est certainement pas Koko qui aurait veillé à la sauvegarde d’espèces menacées. Et que l’on ne me dise pas que c’est l’humanité qui fait s’éteindre les espèces ! La terre est un véritable cimetière d’espèces et elle n’a pas eu besoin de l’homme pour empiler les cadavres. La plupart des hommes ne savent pas quoi faire de ce problème. Et qui peut les blâmer ? Tout dans leur nature leur crie d’agir comme si ce problème n’existait pas. Il faut des hommes d’exception pour prendre ce problème à bras-le-corps. Et ils vont arriver, bientôt… Bien sûr qu’elle se sent toute puissante : elle réussit au jeu de la survie et de la prolifération avec un succès inégalé. En fait, elle est surtout confuse l’humanité. Confuse parce qu’elle se rend compte que quelque chose cloche en sa propre nature. Les hommes d’exception finissent toujours par hériter du rôle de figures paternelles. « Agir en fonction de la peur » voudrait dire que nous agissons pour chasser la peur. Or, ce n’est pas le cas. Le motif ultime de nos actions n’est pas de chasser la peur, mais bien d’augmenter notre puissance d’être. La peur n’est qu’un sentiment qui nous indique que cette puissance d’être ne se trouve pas dans telle direction. C’est une boussole. Nous tenons compte de la peur dans nos actions et elle nous est utile, mais elle n’en n’est pas le terme. Agissons-nous en fonction de la direction qu’indique la boussole ? Bien sûr que non. 2 choses, qui n’ont pas forcément rapport avec le sujet : le plaisir n’est pas la même chose que la joie. Et d’autre part, la peur se mêle souvent à la joie, ne serait-ce que lorsque nous défions la peur par exemple, et que nous en éprouvons une sorte de joie. On ne peut pas être philosophe et vouloir imposer des pensées; on ne peut que vouloir faire réfléchir. Mais il serait illusoire de penser que cela peut se faire par le moyen d'un pur mouvement de la raison, sans affectivité aucune. Même lorsque l'un utilise un style dépouillé et prétend ne parler que par la pure raison, il s'agit d'une mise en scène. « Ils se contentent de vivre » ! Mais qu’est-ce que c’est que cette béatification des animaux ? Comme si les animaux n’étaient pas eux non plus habités par une volonté de puissance qui les pousse à toujours tenter de magnifier leurs conditions de vie et de prolifération ! Le vice de ta pensée est peut-être justement que paradoxalement, tu mets trop de distance entre les animaux et les hommes. Paradoxalement parce que tu prêches exactement le contraire. Mais si on cherche un peu, on voit bien que tu insinues que nous aurions quitté notre nature animale, ou que nous nous en serions fortement distanciés. Or, je pense exactement l’inverse. Je pense que notre intelligence nous différentie et qu’elle constitue un atout, mais que cela n’est encore rien, que la civilisation n’est encore rien. Je pense que nous sommes prisonniers de la même logique de prolifération qui anime les animaux, mais que nous sommes tout simplement plus habiles à ce jeu-là. Il ne s’agit pas de science, mais bien d’un point de vue pratique – un point de vue pratique que tu as d’ailleurs toi-même introduit plus tôt. Cesse donc tes échappatoires ridicules pour un instant. On dit du fonctionnement d’un objet qu’il est rationnel (ou productif) si les forces qu’il emploie ne font que servir sa fonction. Pratiquement, si l’on dit que la fonction du monde est d’exister, alors il faut bien admettre que le monde n’est pas productif car ses forces ne sont pas seulement employées à cette fin. Ou alors il faut admettre que l’existence elle-même n’a pas un caractère rationnel et qu’elle ne peut se maintenir que par un saut constant dans le superflu. C’est une analyse superficielle. Les peuples primitifs ont aussi leurs petites angoisses. Ils ont eux aussi besoin de rêver, la preuve en est qu’ils ont toujours des cultes qui les portent à imaginer des mondes parallèles. Quant à ce que tu dis de l’ennui, il s’agit encore d’un cas où l’on confond le sens de la marche au sens qu’indique la boussole. Le but n’est pas de tuer l’ennui. Le but est d’obéir à cette voix qui crie en nous « vis ! ». N’importe quoi. Quelle candeur. Comme si nous n’avions pas besoin de dresser les enfants pour vivre en société. Comme si la morale n’était pas nécessaire à la vie humaine. De quoi tu parles exactement ? -
Je crois que l’on gagnerait à distinguer deux choses : 1) L’espoir comme disposition pratique, où un effet est attendu de telle action. Appelons ceci l’expectative. 2) L’espoir comme disposition moralo-spirituelle, où une rétribution méritoire est attendue comme suite de sa conduite; Il est évidemment impossible de vivre sans expectative, entendu que la vie exige couramment – sinon tout le temps – que nous posions des hypothèses et que nous entreprenions des choses sans être certains du résultat. Je dis « tout le temps » parce qu’évidemment, la part de ce que nous pouvons contrôler de ce qui nous arrive est infime. Au bout du compte, notre labeur ne peut viser qu’à maximiser nos chances de succès. Le reste est l’affaire de la nature. Quand je dis « nous », je parle de cette petite parcelle d’âme qui nous habite tous et qui calcule sans arrêt les façons de réaliser les projets que nous formons, et qui semble travailler « contre » la nature, à essayer de la comprendre, d’en percer les lois et de la maîtriser. L’expectative est cette attente lucide et résolue devant ce qui ultimement nous échappe, lorsque tout ce qui est en notre pouvoir a été fait. C’est Sisyphe lorsqu’il ne lui reste plus qu’à espérer que ses muscles ne lui feront pas défaut, que son rocher ne l’écrabouillera pas et qu’il ne retombera pas jusqu’en pas de la colline. Dans l’espoir, cette part d’incertitude qui incombe à l’homme lui devient en quelque sorte insupportable. Le hasard, l’indifférence du monde, sa propre impuissance : voilà des choses qui lui sont improbables. Il les range donc sous le pouvoir d’une autorité morale quelconque. Ce peut être une divinité mais ce peut aussi être autre chose de plus subtil, de plus insaisissable, comme la simple croyance que le monde puisse être bienveillant. Il lui suffit de se rendre favorable cette autorité morale pour que la nature aille dans son sens. Et du coup, il s’apprivoise l’incertitude des choses, il la rend moins incertaine. Où par exemple l’arbitraire du climat dont dépendent les récoltes devient la faveur d’une divinité quelconque à laquelle il faut sacrifier. Ou alors l’arbitraire du succès de l’existence humaine qui devient la promesse d’une béatitude dans l’au-delà. Ou l’arbitraire et l’incertitude dans le devenir des collectivités qui devient la promesse d’une béatitude politique. Ou alors dans le simple mouvement procrastinateur de celui qui se dit que les choses vont s’améliorer, comme ça, sans raison – ou sinon pour quelque raison morale secrète : je suis un type bien donc ça ira bien; j’ai bien travaillé toute ma vie donc ma retraite sera bénie, etc. L’espoir c’est Sisyphe qui s’arrête un moment de pousser son rocher et qui songe à une promesse de délivrance de son labeur infini. L’espoir ne détourne pas d’un présent maudit, il est le fruit de l’esprit de celui pour qui le présent est maudit. Fait-il vivre ? Sans doute. Les illusions font vivre bien des gens. Qui n’en a pas ? Mais il importe de distinguer entre les illusions qui nous font lever le regard vers un ailleurs improbable, et les illusions qui nous font poser les yeux sur le plancher des vaches; entre les illusions qui nous éloignent de la seule vie que nous ayons à notre disposition, qui nous font reporter notre ouvrage à une date improbable, et celles qui au contraire nous en rapprochent plus que jamais.
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Intelligence animale et humaine
Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
Il ne s’agit pas de justifier, mais plutôt de construire. La justification n’intervient alors qu’à titre d’instrument. Un philosophe construit telle pensée en emboîtant des raisonnements, lesquels se justifient les uns les autres, mais les premiers principes qui sont derrière ces raisonnements ne peuvent être que soufflés à notre oreille par l’instinct. Un homme, qui croit intensément à la vérité, peut par contre raisonner à partir de celle-ci, et enchaîner les raisonnements tout en étant convaincu qu’il suit le fil véridique des choses, alors qu’il n’est qu’ignorant des principes premiers qui sont à l’origine de sa pensée. Extirpation, adaptation, évolution : on peut appeler ça comme tu veux. On dit que les hommes tentent de s’extirper de la nature, mais ils ne font eux aussi que s’adapter… à une situation qui les dépasse… pour le moment. Imagine l’âme humaine comme une collectivité de sous-âmes. La philosophie sert celle de ces sous-âmes qui les englobe toutes. Ce serait elle aussi qui aurait enfanté la sous-âme de la science, qui lui aurait donné ses principes. Et évidemment, une fois ces principes établis et stabilisés, bien sûr que la science peut fonctionner de manière assez indépendante et générer des connaissances ad nauseam. Mais pour vivre, pour diriger l’âme, pour savoir comment vivre, ce sera toujours la philosophie qui trônera. La science n’est qu’une alliée – mais une alliée de grande valeur. Pour bien comprendre ceci, il faut arriver à penser l’impensable : que la philosophie puisse effectivement exiger que la science se taise, si cela est requis. Un philosophe (ou un savant quelconque), pour devenir philosophe, doit reconnaître qu’il a un talent qui le distingue des autres, ce en quoi il est légitime qu’il monte sur la tribune et qu’il s’exprime en sa qualité de philosophe. Cela ne signifie pas qu’il méprise ses semblables, ni qu’il puisse user de ce constat pour gonfler artificiellement son ego. Il s’agit de porter un regard lucide sur les choses. -
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Tu dois beaucoup m'aimer ! -
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Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
Nous avons aperçu les limites de la logique de prolifération, ce qui déjà une innovation propre à l’espèce humaine. Nous sommes des esclaves, mais nous sommes des esclaves qui rêvent d’être libres, alors que les animaux n’ont pas ce luxe. De là la source de tout un monde de comportements différents. J’ai repris en bonne partie le propos de Bergson dans L’évolution créatrice. Il n’y a aucune poésie là-dedans. Je suis le genre de type à ne m’intéresser qu’à la vie connue, c’est-à-dire celle qui existe sur la planète terre. Si tu veux, on peut s’amuser à remettre en doute les lois de la physique aussi : peut-être existe-t-il d’autres univers qui ne se comportent pas du tout comme le nôtre. Ça devrait beaucoup nous avancer et nous aider à mieux vivre. Quand la vérité devient une source… d’erreur ! On ne parle probablement pas de la même religion chrétienne. Dans celle que je connais, la nature est source de corruption, et c’est dans la vie de l’âme que l’homme trouve sa rédemption. Par ailleurs, tu extrapoles complètement mon propos, petit sophiste. Je n’ai pas dit que la nature honorait l’homme, mais bien que s’incarnait en l’homme la fine pointe de cette force aveugle et superflue des choses. Si ça se trouve, c’est une malédiction. Si ça se trouve, nous ne sommes que les esclaves les plus en vue du génie de l’espèce et celui-ci, ayant épuisé nos possibilités, se débarrassera de nous bientôt. Distinguer un élément d’un ensemble ne revient pas à l’honorer. Estimes-tu donc la valeur d’une vie à sa durée ? Les rationalistes ont souvent une mentalité de médecins : ils considèrent l’homme dans son aspect machinique et ils se disent que le bien est une machine qui fonctionne bien et longtemps, hors des considérations quant à son usage. Estimes-tu donc que les névrosés, que les souffrants de l’âme sont des êtres qui ont moins de valeur que ceux qui s’acclimatent bien, que les « normaux » ? Es-tu un être normal Déjà ? Est-ce que tu t’es bien acclimaté à ta société ? Te considères-tu intelligent ? On peut aussi dire véridiquement cela à un dépressif, à savoir qu’il est sur une pente descendante, et que le point culminant de sa vie jusqu’à ce point est là, quelque part derrière. Ce ne serait que la vérité. Et pourtant, quelle erreur ce serait là ! L’humilité est nécessaire à inculquer chez le jeune homme qui est susceptible d’être amené trop loin par son imagination. On ne voudra pas qu’il célèbre avant d’avoir accompli quoi que ce soit. C’est pourquoi aussi dans l’armée on veille à casser les têtes fortes. Mais il vient néanmoins un temps où un homme doit se lever, où il doit suivre l’instinct qui lui dit qu’il est une exception et qu’il doit assumer les responsabilités qui viennent avec. Mais justement, il ne s’agit pas d’effectuer une comparaison dans l’absolu, mais bien dans la pratique, relativement à un problème précis : celui d’une éthique de nos rapports. On n’agit jamais en fonction de la peur, mais bien en fonction du Désir, lequel est essentiellement désir d’accroissement de sa puissance d’être, lequel accroissement se manifeste par la joie, et sa diminution par la tristesse. Or, la peur n’est qu’une « tristesse mal assurée qui provient de l’idée d’une chose future ou passée dont l’événement nous laisse quelque doute » (cf. Spinoza). Elle n’est donc qu’une manifestation du Désir en nous. Ce qui motive le plus les êtres à agir dans la nature, c’est l’instinct, tout simplement. Les animaux ont rarement réellement peur, pour la simple raison que leurs capacités mentales ne leur permettent pas de prévoir les événements. Or, il y a quelque chose de minéral dans l’instinct, quelque chose d’indifférent, ce pourquoi les animaux ne manifestent que peu de joie. Ce pourquoi aussi, plutôt que de parler de joie dans leur cas, il vaut mieux parler de plaisir. La joie est diffuse; elle est liée à une certaine continuité dans le temps, alors que le plaisir est immédiat. Voilà pourquoi un homme qui a à sa portée de nombreuses sources de plaisir peut finir par souffrir d’une dépression : c’est que ces plaisirs ne lui apportent pas pour autant la joie. Pour un esprit futé, comme l’est par exemple l’esprit du philosophe, vivre avec les autres est souvent une véritable torture, tant ses semblables lui paraissent aveugles. Mais le philosophe a le devoir d’admettre que c’est plutôt lui qui constitue une exception, et non les autres qui sont trop dégénérés. Et le corollaire de ceci, c’est que le philosophe a le devoir d’apporter sa lumière à ses semblables; il doit faire profiter son talent aux autres. Le mépris est son ennemi dans cette tâche. Il peut aussi s’aider en songeant au miracle qui fait que, même conscients de leur sort, même conscients de leur condition de prisonniers, ou alors de soldats englués dans une guerre qu’ils savent perdue d’avance, les hommes se lèvent quand même chaque jour pour faire tourner le spectacle de la vie. Comment peut-on être en phase avec soi-même lorsqu’on ne sait même pas qui l’on est ? Juges-tu qu’un homme est en phase avec lui-même parce qu’il mène sa vie avec calme ? Est-ce que l’artiste ou l’esprit tourmenté qui est en constante lutte avec lui-même pour s’empêcher de n’être qu’un mouton et pour faire s’émerger ce qui lui appartient vraiment est moins en phase avec lui-même qu’un homme qui se laisserait dériver dans le courant du quotidien, indolent, indifférent, calme ? Juges-tu le deuxième plus sincère que le premier ? – Les esprits fatigués ont tendance à juger que le bien est le repos. Les esprits vigoureux par contre… La vie est contre-productive. Si elle était productive, elle cesserait immédiatement d’évoluer. L’évolution est une perte de temps et de moyens. Mais voilà : la vie s’engouffre dans le superflu, dans le trop. Elle cache en son sein une tension qui demande à se décharger dans un au-delà-d’elle-même. Le bon sens nous fait comprendre et approuver qu’un homme enfermé dans un cachot puisse se mettre à rêver d’un ailleurs, et à être tourmenté par son malheur d’être enfermé. Ce qui serait contre-nature, ce serait d’embrasser la routine de vie d’un tel cachot comme s’il s’agissait de la meilleure des vies possibles. Pour se sentir en vie, un homme emprisonné a besoin de rêver de son ailleurs – il a besoin d’être contre-productif. Cela me fait penser au film Vol au-dessus d’un nid de coucou. Dans ce film, le personnage de Jack Nicholson joue le rôle d’un homme qui se fait enfermer dans un asile d’aliénés pour une raison un peu obscure, et qui se comporte alors comme un trouble-fête, un révolutionnaire, un agitateur, un créateur de rêves. Il aspire à s’échapper de l’asile et peut-être à y amener certains des autres aliénés. Mais voilà que vers le milieu du film, un moment troublant, le plus troublant du film, survient : le personnage de Nicholson, alors que la possibilité réelle de s’échapper s’offre devant lui, refuse de partir. C’est qu’il s’est mis à aimer sa prison – et il a commencé à cesser d’être un agent de la contre-productivité. Tu confonds la droiture morale avec l'innocence. -
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Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
En quoi est-ce une bonne prémisse ? Et ? J'ai déjà répondu à cet argument. Voir ma conversation avec Quasi. Ok, mais ce n'est pas de la philosophie, pour la bonne raison qu'il n'y a là pas de raisonnement. Ce n'est qu'une énumération de préférences personnelles. -
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Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
Mais Koko a un bon QI, Junior... -
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Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
Encore une fois, le défaut de ton raisonnement, c'est que tu considères l'intelligence comme une chose immatérielle, indépendante du corps, et qui serait en quelque sorte déposée dans les êtres. En outre, l'image que tu te fais du dauphin emmailloté découle de ce que tu te projettes avec ton intelligence dans un corps de dauphin, encore une fois comme si l'intelligence était immatérielle, transférable. Mais le fait est que le dauphin ne se sent pas emmailloté. Car il n'a que l'intelligence que lui permet son corps. Troisièmement, le truc de l'homo faber est intéressant mais il faut en voir les limites. Toute intelligence ne se traduit pas forcément en fabrication. Les hommes vont en quelque sorte au-delà de l'optique immédiate de la fabrication pour étudier les lois qui peuvent les aider à peaufiner leurs fabrications, dans ces disciplines que nous appelons "sciences". Et encore plus loin: ils ont même des disciplines qui étudient les lois des sciences qui étudient les lois: philosophie et logique (quoique la philosophie ne puisse se limiter à cet aspect). Enfin, il y aurait bien d'autres cas d'intelligence non-fabricative que je pourrais citer mais je pense que chacun peut les trouver par lui-même. -
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Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
Tu sais, l’intelligence n’est pas un truc immatériel déposé par accident dans la boîte crânienne. Cela fait plutôt partie du corps. Cela croît avec le corps. Elle est donc consubstantielle aux attributs du corps. Mais tu apportes un point intéressant concernant la fabrication d’objets. Bergson mettait aussi en évidence la proximité de l’intelligence et de la fabrication, affirmant que l’homo sapiens devrait s’appeler homo faber (homme qui fabrique). -
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Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
J’ai dit que je n’étais pas guidé avant tout par la vérité. Je ne vois pas vraiment. Quand on fait la distinction entre le naturel et l’artificiel, il s’agit d’une distinction pratique, qui repose sur des critères qui se révèlent pratiques pour l’activité et la pensée humaines. Mais il existe donc d’autres points de vue tout aussi valables. L’un d’eux, à vue plus cosmologique, nous indique que les formes que l’homme a inventées font partie de ce que la terre est, et qu’il ne s’agit pas d’une coupure plus radicale que ne la fut la coupure entre le minéral et le végétal. D’autre part, je te dirai que, d’une certaine manière, les végétaux et les animaux aussi ont essayé de s’extirper de la nature. Et cette force d’extirpation a pris une forme et un nom : l’humanité. Et ? Que nous soyons capables de nous coordonner (même si cela échoue souvent) entre milliards d’individus, cela est un exploit adaptatif qui n’est tout de même pas banal. La philosophie se nourrit de la science, bien entendu, comme elle se nourrit de toutes les facettes de la culture humaine. De la même façon qu’un père ne peut être un père s’il n’y a pas d’enfants. Mais ce sera toujours la philosophie qui devra commander. Personne ne tente de convaincre qui que ce soit que les animaux ne sont dotés d’aucune intelligence… -
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Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
Aucune différence qualitative entre l'intelligence des bactéries et des hommes ? Je vais la prendre en note celle-là... Un objectif ? Si on contemple le phénomène de la vie d'un point de vue cosmologique, on observe qu’il y a toujours quelque chose au sein de la vie qui pousse plus loin, qui pousse pour s’auto-dépasser, pour s’auto-transcender. Ainsi, la force de la vie n’est pas seulement préservation d’elle-même, elle n’est pas seulement force de survie, mais elle a aussi un caractère de superfluité : elle est élan dans le vide des choses, elle a quelque chose d’artistique, elle doit inventer de nouvelles formes, si l’on peut dire. Ainsi, la force des choses a poussé d’abord au travers de sa forme minérale pour accoucher des premiers éléments organiques, puis des premiers organismes cellulaires et ainsi de suite jusqu’à l’homme. Et cela n’est pas sans sacrifices, puisqu’en chemin, cette force interne des choses a dû abandonner de ses instruments afin de pouvoir atteindre à des formes nouvelles. Si les végétaux ont jadis constitué la plus haute musique de la vie, sa mélodie même, aujourd’hui ils ne jouent plus qu’une sorte d’accompagnement. Certes, un accompagnement sans lequel la musique des choses ne serait pas ce qu’elle est, et même sans lequel elle ne pourrait être, mais un accompagnement néanmoins. Les végétaux constituent une sorte de réservoir d’énergie dans lequel les animaux et les hommes peuvent puiser. Et il en est de même avec les animaux à l’égard des animaux carnivores (même si on commence à se rendre compte chez l’homme que cette stratégie évolutive est très coûteuse du point de vue environnemental). Ce qui fait que la mélodie de la vie est en quelque sorte aujourd’hui jouée par l’homme. Je ne parle pas ici de quelque supériorité morale que ce soit. Je dis que cette force aveugle dont la plus fine pointe revêt un caractère de superfluité est incarnée par l’homme. Le mouvement décisif de la vie, telle qu’elle existe actuellement sur terre, c’est nous qui le jouons. L’éternelle tragédie qui fait que les choses refusent de se stabiliser, de s’harmoniser de manière durable, c’est dans nos veines qu’elle coule. Nous sommes les héritiers de tout cet ouvrage. Les créatures nous regardent et se demandent dans quel sens ira la partition. Il n’est pas tant question de supériorité morale (en passant, supériorité dans l’intelligence ne signifie pas supériorité morale) que de responsabilité morale. Un objectif ? Exalter la vie. Et si les hommes n’existaient pas, la force des choses, elle serait dans les mains d’une autre forme de vie. Et elle n’en serait pas moins terrible, pas moins inassouvissable. Sommes-nous « mieux » que les bactéries ? Je ne le sais pas, pour la bonne raison que je ne sais pas ce qui est « mieux ». Ce que je sais, c’est que nous sommes plus fous, de la même manière que les génies, que les artistes, que les visionnaires d’une société sont plus fous que ses ouvriers. Fous de cette folie le long de laquelle la vie tend son fil fragile. « Intelligence » : nous donnons ce mot à l’état de tension intérieure en nous de quelque chose qui, oui, a son propre but. Plus précisément, nous appelons « intelligence » cette tension lorsqu’elle atteint ses buts. Comment savons-nous si elle atteint ses buts ? Spinoza nous dirait que la joie est l’indicateur par excellence de la puissance d’exister. Je ne connais pas de sorte de créature qui puisse mieux exhaler le parfum de la folie des choses que l’homme. Tu sais, je ne t’apprendrai pas à aimer le monde des hommes sur un forum de philosophie. Je dirai seulement que s’il y a beaucoup de laideur dans notre monde, il y a néanmoins encore plus de beauté. De réduire ce dont il est question – et ce « ce dont il est question » est au fond la même chose que ce que j’appelais plus tôt « la force interne des choses » - à une « animalité » est extrêmement réducteur. L’animalité en est certes une facette, mais il y en a d’autres, dont celle inédite qui appartient à l’homme. :smile2: Notre amie Junior est en train de s'embourgeoiser ! -
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Dompteur de mots a répondu à un(e) sujet de Savonarol dans Philosophie
La philosophie ne fait pas partie de la science, elle la contemple comme l'une de ses progénitures. Le philosophe doit se permettre d'avoir une perspective sur la science comme sur n'importe quel autre domaine de la pensée. Je ne sais pas si ça s'adresse à moi mais en ce qui me concerne, tout ceci est digéré depuis belle lurette, et je ne tente en aucune façon d'affirmer que les hommes ont une nature radicalement différente des animaux.
