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Tout ce qui a été posté par Petitpepin
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Bonsoir Déjà, Je m'apprêtais à revenir sur le déroulement des échanges et leur rapport au sujet pour tenter un résumé consensuel mais avant, une réaction à ceci : C'est cela que je conteste, sur le plan empirique. La formulation écrite ou orale est un moment cardinal dans le développement de l'intelligence chez l'homme. Ainsi, tu inverses lorsque tu compares à l’œuvre d'art. Nietzsche, pour toi et moi ce sont d'abord des mots où s'incarne une parole, à la lecture. Ce sont ces mots les constituants concrets, "matériels", et indispensables de cette philosophie (comme la peinture, le tableau, la scène, etc.) à partir desquels on va interroger leur sens, le contexte qui les a vu naître et éventuellement, avec beaucoup de précaution, l'individu qui les a écrits. Tout ceci n'est que rigueur intellectuelle. D'autre part, ce dont parlent les philosophes, ne se voit pas, le plus souvent. Nulle part on ne voit "la justice", ou l'être. Donc nous sommes rivés strictement à notre capacité (et incapacité) à les dire. Et il n'y a aucune raison de s'en tenir à une version utilitariste hygiénique du langage (neutre, ni bien ni mal, tout dépend qui, etc.). Nous sommes beaucoup plus esclaves de notre capacité à dire, que la langue ne nous "servirait". Nous ne faisons certes pas un concours de poésie. Je ne parle que d'arguments et n'espère te voir rebondir sur rien d'autre. Ce sont bien tes idées que je conteste, telles que tu les exposes. Il me semble que le détour par une réflexion plus poussée sur la parole ou le langage n'est pas complètement farfelue ni même subsidiaire dans un fil dont l'initiateur écrit que lorsqu'il lit Nietzsche, il "pense" Nietzsche.
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J'utilise très bien les quote, non ? C'est simple ce que je dis. Tu n'as pas envisagé le phénomène dans toute sa complexité (pourquoi je t'y rappelles, pour que tu te rappelles que dans toutes choses humaines la parole est impliquée) pourtant tu prétends qu'elle n'est qu'un vecteur, autrement dit tu sous entends qu'on peut s'arrêter là, et tu continues ton raisonnement toutes choses égales d'ailleurs. Bref tu manques sur ce point de curiosité, tu te contentes d'idées que tu viens illustrer.
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Bonjour Tison,
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Nous avons là les termes de quelque chose de bien trop grand pour nos petites épaules. Là, seul l'espoir semble pouvoir nous sauver. Celui qui agit au sein de la conscience de sa propre limitation et de ses contradictions essentielles et bel et bien insurmontables.... L'espoir comme résultante solidaire de l'anéantissement. Un cri ? Cela dépend. Plus nous prenons la pleine conscience de l'altérité, plus il nous devient possible d'agir sur elle, et alors même que nous n'agissons plus... Se leurre-t-on ? Cette question nous taraude sans cesse, nous y sommes infiniment renvoyés à mesure que l'examen et le doute deviennent plus radical. Mais l'espoir ici n'est pas effet, il est la cause !
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D'accord. C'est l'avantage de définir. Lorsque tu déclares que l'intelligence est "entre autre chose mais principalement, la faculté de trouver une solution, non hasardeuse, à un problème nouveau", je peux examiner par moi-même quelles réalités recouvre cette définition et l'estimer recevable. Mais encore ? ai-je envie de demander. Je voudrais en savoir plus. De retour à la réalité, nous voilà baignés dans la parole. Nous l'avons tenue une fois, nous la tiendrons maintenant. Chaque fois qu'elle se présentera à nous, ce sera l'occasion de la reconnaître. Nous savons être d'avance dépassés. Ainsi sommes-nous faits...
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C'est moi qui répondait trop vite cet après-midi alors que je faisais autre chose (comme tu vois en ce moment j'ai besoin d'écrire). Je dois en fait à vous deux des excuses. Ce n'est pas correct. Et j'espère que Déjà utilise est seulement occupé ces derniers jours. Je pense à ce stade que seule une prise de conscience substantielle permet d'identifier le phénomène et s'en distancier. Cette prise de conscience cependant n'annule pas son existence ou ses effets. Il s'agit d'un "être", encore une fois, et nous sommes pris, pas seulement p"sychiquement", mais physiquement, concrètement, dedans - à tel point que ça nous dépasse, etc., je n'y reviens pas... C'est pourquoi aussi elle même est problématique, cette prise de conscience. Une part de l'envoutement s'effondre pour laisser un monde brusquement creux. C'est encore sur ce point que j'insiste un peu. Tu écris Tison que la technique (il ne faut pas y associer la science..) ne résous les problèmes qu'à court terme. Oui, cela est exact au niveau de l'opération technique. Mais au niveau du phénomène technicien, en fait pour être plus précis du système, il y a cumul exponentiel de problèmes. Et chaque fois qu'il y a résolution, c'est, d'autre part, création d'un nouveau problème. C'en est un caractère positif, pas un effet pervers, pas un dérivé, mais un caractère positif... Qu'est-ce que cela veut dire "Chaque intervention technique provoque des problèmes et on s'aperçoit bien vite que seule une intervention technique est utile ou efficace" comme dit Ellul, à peu près. Ce ne sont pas des problèmes abstraits qui se posent, ce sont des problèmes très réels d'abord, de caractère technique ensuite (induits par tel ou tel artefact ou domaine technique tout entier), et enfin qui ont tendance ces problèmes techniques, à mesure que l'ensemble des moyens technique se complexifie, à être de plus en plus nombreux, systématiques et impérieux. On ne peut pas raisonnablement laisser une centrale atomique se détériorer avec son cœur fondant dans la nature... Plus bêtement, les retards des trains font les gens devenir fous à paris, parce qu'il y a largement de quoi, et même de quoi s'étonner que ce soit si bien accepté finalement. Mais le plus intéressant, c'est lorsqu'on va voir du côté des cheminots. L'opérateur responsable du retard a volontairement mis ce train de voyageurs en attente du passage d'un train de marchandises parce que, sur la plateforme dont il est responsable, il se trouve que ce train-là de marchandises représente un risque majeur d'accident s'il reste immobile sur cette voie précise (suivant d'ailleurs le règlement lui-même) ; or, puisqu'on ne fait pas encore sauter les train de marchandises d'une voie à l'autre par la pensée - défaut de technique -, il devait faire attendre les voyageurs, ceux-ci ne pouvant pas passer, suivant la même loi de la pesanteur, au dessus du vide d'une voie à l'autre par un bond latéral qui eût d'ailleurs dû être légèrement angulé... eh bien, là.. Là... ... Mais ce n'est qu'au niveau d'une infrastructure particulière. Edit j'oubliais la fin : tout ça pour dire que celui qui a un regard englobant cette situation avec d'une part les voyageurs qui sont en fait des travailleurs (qui doivent aller s’affairer dans leur domaine ou portion du système et d'ailleurs, là aussi ça urge) d'autre part le cheminot, le règlement, la direction, etc. etc., celui-là ne peut proposer comme solution à ce problème 1) immédiat et urgent (on résoudra pas le problème des voyageurs en leur faisant la lecture d'Ellul) et au problème 2) qui relève de l'organisation (ces deux trains n'auraient pas dû être en confrontation, mais c'est que la voie X est en travaux pour au moins encore 1 an donc ces problèmes ne peuvent pas ne pas arriver et d'ailleurs aussi il a fallu laisser tomber les autres plateformes autour qui sont trop couteuses à entretenir), celui qui discerne ces deux problèmes, et cherche sincèrement à les résoudre, il ne peut, pour avoir une action efficace, adaptée à la nature de ces deux problèmes, trouver qu'une solution technique. En toute bonne foi - ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas en plus de la mauvaise foi.
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Fihrya enchanté), "C'est pas parce que le monde se complexifie et que les non initiés de la technologies n'y comprennent plus rien qu'on doit se sentir dédouanner de tout.Si des actions sont entreprises et des directions prises dans le domaine scientifique ou dans le champ sociétal,c'est qu'il y a des gens en amont qui sont à l'origine de ces décisions."Mais cela est faux, justement. Il a fallut attendre jusqu'en 2012 pour parvenir à identifier le début d'un bénéfice qu'aurait provoqué l'introduction des Technologies de l'information et la communication dans les entreprises. Le Réseau Social d'entreprise ne crée rien. Il n'y a aucun bénéfice direct. Pourtant tous les grands groupes, atteins une taille, y passent. L'économie est contenue dans et par la technique. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de responsabilités ou de choix décisifs. Mais ces choix ont lieu dans un contexte donné duquel ils ne sauraient s'extraire. Je reste pour ma part à ce niveau d'analyse là, de la globalité. Nous sommes impuissants et la désignation de coupables n'aboutit à rien. Les ouvriers jusqu'à très tard s'opposaient à l'introduction des machines au sein des usines. Parce qu'effectivement les machines étaient introduites par le propriétaire capitaliste soutenu par l'Etat, et ne servait qu'eux. La réaction des ouvriers était violente et radicale mais elle était aussi raisonnable et compréhensible, lorsqu'ils cassaient par exemple lesmachines. Mais ce n'est plus ce dont il s'agit. L'ensemble technique progresse anonymement, il n'a plus la figure du propriétaire ("les éléments constitutifs du milieu technique débordent l'aire des sociétés capitalistes et ne répondent pas au schèmes marxistes classiques, en particulier la lutte des classes" (Friedmann georges, Sept essais sur l'homme et la technique.) Qui comprend ce que cela signifie ? C'est sans doute la plus profonde interrogation de notre siècle.
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Tison, "Encore conviendrait-il de ne pas éluder a priori l'existence de ces problèmes sur le long terme ! Cela ne pourra se faire que lorsque sera amplement démystifiée la machinerie bien huilée de la croyance au progrès technique." Mais, le progrès technique, il se manifeste en permanence, nous vivons dedans. Le progrès technique n'est pas une croyance. C'est la principale activité de notre siècle, l'unique point de stabilité autour duquel tout gravite. C'est sur l'excellence de ce progrès que peuvent porter les opinions. Or sur ce point, est-ce toi qui ira dire aux Togolais qu'il ne faut pas céder à l'impératif technique ? Est-ce toi qui dira aux petits génis et bidouilleurs informatiques de moins de 20 ans qui parcourent les immenses décharges électroniques que l'Europe déverse sur leur sol, qu'il ne faut pas toucher à ça, eux qui ne pensent qu'à se connecter au grand tout mondial, leur diras tu qu'ils commettent peut être une irréparable erreur que nous avons également commise ? Mais sont-ils responsables de quoi que ce soit là-dedans ? Ils se congratuleront quand l'internet aura pénétré partout, ils seront indignés quand l'Etat utilisera ce monstrueux dispositif à leur encontre ; ils ne verront pas que l'un ne peut pas aller sans l'autre. L'avenir de l'Afrique, c'est le numérique ! les intellectuels font de nombreuses conférences à ce sujet... Et ils s'applaudissent en effet beaucoup. J'ai vu un jour, dans une conférence (je fais ça des fois), une doctorante, donc une futur docteur en... (jsais plus quoi), expliquer qu'elle avait du fuir les villes à une époque de sa vie car les "ondes" lui faisaient des douleurs insupportables. J'ai vu alors une femme de cinquante ans se lever et lui parler comme à un chien, ni plus ni moins, et de conclure : "vous discréditez la recherche". Les gesn deviennent infiniment cons. Mais ceci aurait aussi bien pu arriver dans un repas en ville ou en buvant un verre au bord du canal St Martin. Certaines choses sont inaudibles, quelqu'un se trouve toujours pour refermer la boite noire.
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"A dire vrai, ce principe de responsabilité pose la question du principe de précaution, et ne recouvre pas seulement le champ de l'écologie. Il s'agit, pour le philosophe, de mettre sous tension prise de risque et prise de précaution. Or, la technique ne pense pas puisqu'elle n'agit que sous l'angle de la prise de risque tous azimuts, en priant le principe de précaution d'aller se faire voir ailleurs. Les biotechnologies ne risquent-elles pas de modifier la vie humaine au point de créer une nouvelle espèce humain." La peur qu'une espèce humaine nouvelle en cache une autre... Le principe de précaution peut aussi être perçu comme un raffinement. La perfection n'est pas d'aller tous azimuts, ce n'est pas optimal. La technique ne se développe pas n'importe comment, elle suit une évolution précise jusqu'à aujourd'hui. Elle crée des déséquilibres, mais s'y ajuste ; les problèmes qu'elle engendre ne sont pas des accidents, ils sont internes à sa dynamique, ils en sont même l'un des principaux ressorts. Nous parlons d'un ensemble bien précis de phénomènes réels, d'équilibres et de déséquilibres techniques, sociaux et naturels si on veut. Il n'y a pas, justement, "la technique" en principe et seule ; c'est d'une chose singulière dans l'histoire et dans la nature dont nous parlons. Mais le problème précisément est qu'il dépasse notre entendement (il repose en lui-même sur la volonté de substituer à l'homme un mécanisme) et ne saurait faire l'objet d'un jugement responsable, du moins pas avant un examen sérieux. Or, la critique à son sujet est toujours très évasive. Ce n'est pourtant pas là démissionner. C'est commencer par reconnaître, assez modestement d'ailleurs, que les enjeux complets de l'utilisation de l'énergie atomique, par exemple, un thème parmi d'autres, dépassent l'entendement de quiconque. Or, chacun n'est jamais qu'un être humain. Ce petit "paradoxe" permet de remonter jusqu'à un ensemble de constatations très simples et très générale mais qui conduisent à dire : voilà, en réalité, personne n'est responsable, personne ne peut plus être responsable dans ces conditions-là. On peut y mettre le ton que tu veux ; de l'indigné, du en colère, du snob, qu'importe. Ce n'est pas une démission car ce n'est pas même encore un "jugement". Ca n'engage à rien. Ca ne demande pas de validation ou d'approbation, ça ne prétend qu'à l'exactitude. Mais ce constat est perçu comme un jugement et de plus irrecevable, il crée immédiatement de la mauvaise conscience. Il y a des problèmes insolubles comme la démographie. Comment on va faire avec autant d'êtres humains ? Il n'est pas seulement impossible en vérité, mais aussi mensonger de prétendre en juger a priori, hors de tout examen, par principe. Mais chacun ne peut faire que ça - surtout le technicien. Le technicien cherche et trouve des solutions. Celles-ci sont adaptées parce qu'il a fait abstraction de la réalité et s'est concentré sur un problème. C'est drôle comme toute notre pensée ressemble à ça. Nous nous efforçons quotidiennement à faire abstraction de la réalité. Une discipline de fer. Une autre forme de pensée consiste à se rappeler à la réalité. "Souffrir" la réalité. Partir de son corps.
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Cette question est remarquable. Plusieurs éléments m'apparaissent, à discuter. Il faut d'abord bien prendre la mesure de la mutation qui affecte le milieu de vie des hommes, depuis une centaine d'années. Il y a, entre le milieu technique (car il est un, une même chose qui s'étend d'ici à là, en t1 et t2) et les milieux naturels, quels qu'ils soient, un décalage si profond qu'il rend pour ainsi dire caduques toutes les morales anciennes. Celles-ci étaient solidaires,peut-on penser, d'une condition humaine qui a entièrement disparue. Pourquoi aussi la philosophie classique semble si éloignée de nos préoccupations, et nous ne savons plus dire ce qu'est la philosophie ; car elle est réellement décalée, inapte dans ce monde-ci. L'amour, l'espoir, l'angoisse, la mort, la responsabilité, le bien et le beau : tout ceci qui nous semble bien connu n'a en réalité plus du tout le même sens, ne se pose plus, fondamentalement, de la même manière, et ne soulève plus les mêmes questions. C'est vraiment la totalité de l'être qui est engagée. Non seulement les philosophies anciennes n'établissent plus de correspondance chez l'individu, mais elles aussi sont saisies, redéfinies, redirigées. La technique sanctionne les valeurs : l'ascèse et le doute sont pratiquement impossibles et systématiquement exclus, par exemple, comme morale et méthode (rejetés, moqués, confrontés à leur réel, mais actuel, non sens). Seuls persistent les éléments compatibles avec l'ordre des faits (ainsi le dionysiaque), mais ils s'y trouvent complètement dénaturés. Mais encore, la technique est créatrice de valeurs. Elle correspond avec un ensemble de dispositions morales qu'elle provoque et entretient. Non pas uniquement "l'efficacité", qui lui est intrinsèque : la créativité, la collaboration, l''innovation, le plaisir, l'expérimentation, le jeu, le perfectionnement, l'intuition, l'optimisme, le collectif... Voilà ce qu'elle exige de l'homme, qui est nécessaire au bon fonctionnement et au progrès de l'appareil technique. Les grands plaidoyers moraux de notre temps s'y rapportent tous, sans exception, hormis certains religieux et peut être une part inoffensive des écologistes. Ce n'est pas seulement de la "mystification". Les valeurs techniciennes ont cette avantage indétrônable d'être vécues. Elles s'appliquent en effet. C'est là leur principe même - elles sont totalement étrangères au concept de vérité. Il n'y a donc pas de puissance supérieure au monde. Comment lutter contre l'Etat technicien ? Son principe même est l'efficacité. Se battre - la technicisation, la "course aux armements" - ou disparaître, voilà le choix. (ou bien renoncer, s'en remettre personnellement, en tant qu'individus, à l'espoir que le système entretienne quelque dysfonctionnements internes, éventuellement les accompagner, et faire le vœux que les choses ne se passent pas trop mal pour l'avenir - et profiter du moment présent -, devenir un peu plus "philosophe", en somme). Personne ou presque ne réalise le caractère réellement totalitaire de nos organisations. Cette conscience ne peut pas "accrocher" les masses. Elles se meuvent par formes imposées de l'extérieur, c'est leur manière d'être. Il faudrait qu'elle s'animent de l'intérieur. Le principe responsabilité, en soi est intéressant, mais replacé dans la réalité je trouve que c'est assez comme demander à un aveugle de choisir la couleur de la cuisine puis lui demander de la peindre. La responsabilité nous manque complètement mais, donc, on voudrait la déporter sur l'avenir. La question n'aurait pas lieu d'être si seulement l'homme était encore responsable, tenu de l'être. De plus ce principe, et plus généralement la mouvance dans laquelle il s'inscrit, est peut être l'une des idéologies les plus dangereuses de notre époque, lorsqu'on considère conjointement les idées, et leurs applications. Qui va appliquer ce principe ? Comment va-t-il être respecté ? Pour mettre en oeuvre la plupart des idées écologistes, il n'y a qu'une solution : la dictature. Réellement. On commence à le reconnaître. Qui sait le temps qu'il faudra pour qu'on l'accepte ? Il faudra bien en tout cas la conjonction d'au moins toutes les techniques de l'homme ! Soit pour qu'il ne le voit pas, soit pour qu'il ne ressente pas, soit pour qu'il l'accepte joyeusement ; probablement tout à la fois. Et graduellement les choses se mettent en place. Nous sommes au gouvernement mondial dont Kant, entre autres, pensait qu'il ne pourrait être que despotique. C'est ce que nous voyons tous les jours à la télévision. Sans même porter de jugement - en fait, dans l'impossibilité de porter un jugement, car les enjeux, précisément, dépassent réellement nos capacités - c'est un constat qu'il convient de faire, même s'il est douloureux. Chacun ensuite peut bien essayer de faire face à ses responsabilités : il n'en a aucune. Personne en vérité ne décide ce qui arrive.C'est ce que disait en quelque sorte Pascalin un peu plus haut.
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Le sujet abordé ici est encore très intéressant, je trouve. *Réservons le statut de philosophe à ceux auxquels cette désignation a été attribuée, sans chercher encore à savoir ce qui les distingue. Contentons-nous de remarques simples, terre à terre. 1.Tu places ledit "philosophe" dans la "cité" (je pense te vouvoyer selon les jours et les sujets, comme je fais en général, et tu es libre de choisir à mon égard ), mêlé au reste du genre humain, participant à la vie sociale, présent à un moment précis dans un contexte donné dans lequel il va, l'intrépide, appliquer les aboutissements longuement muris de sa philosophie. Tu demandes : que fait alors le philosophe ? Comment fera-t-il preuve de sagesse ? C'est intéressant parce que tu l'as rivé à la vie quotidienne, tandis qu'il a tendance à partir dans les étoiles... Nous allons donc pouvoir "distinguer les contextes". Passionnant n'est-ce pas !? Je propose de distinguer grossièrement pour commencer deux contextes, deux époques, qui correspondent je pense à deux réalités objectives différentes - au sein desquelles l'action en général se réalise dans des conditions qui n'ont rien à voir. Il y a la cité antique, par exemple, représentative de l'ancien monde, et il y a Athènes en 2015. Ce n'est pas rigoureusement la même chose. Ce ne sont pas les mêmes problèmes concrets qui se posent au philosophe. Dans la cité grecque, il peut, d'un seul regard, embrasser toute l'étendue de son action. Elle aura lieu entre ici et là. Elles concernera telles personnes. La société au sein de laquelle il vit est limitée, circonscrite, définie. Elle entretient des rapports avec d'autres cités, d'autres peuples, elle se situe dans un monde plus vaste ; et le philosophe peut parfaitement concevoir en lui-même l'éternité, avoir l'idée d'un espace infini ; mais, lorsqu'il agit, l'antique philosophe ou même le classique est situé dans un contexte humain bien limité, singulier (distinct dans la nature) et accessible : à sa mesure. Ce n'est plus le cas. Le philosophe, mais au même titre que tout le monde, ne connaît plus de limites à la cité dans laquelle il vit. Alors il évalue mal l'étendue de son action. Il ne peut connaître que superficiellement, abstraitement et a postériori l'état de la société dans laquelle il se trouve (il lui faut attendre les "informations" du soir, ou aller les chercher lui-même ; une connaissance minimale de l'histoire lui est d'un très grand secours !). Sans même qu'il tente d'œuvrer pour de bien grandes "causes", ou provoquer des transformations historiques, du simple fait que la planète entière est en relation, organiquement mêlée, comme il le constate très simplement tous les jours, il peut déduire que le contexte dans lequel il agit n'a pas de sens en lui-même (tout est relatif) ; comme l'organe tire sa fonction d'un organisme, il prend son sens par sa participation à un tout qui le dépasse, qui définit son rythme, qui définit les conditions et les raisons de son action. Or, l'action consciente et volontaire ne doit-elle pas s'ajuster au matériaux sur lequel elle porte ? La création implique la connaissance - il me faut connaître le matériaux que je travaille pour parvenir à faire aboutir ce qu'il contient déjà en lui-même, mais que j'amène à l'existence. Là, immédiatement, je t'écris très concrètement depuis un bureau dans une chambre, sur la table il y a un ordinateur, une ampoule sort du mur, non loin un robinet, qui d'ailleurs fuit, et j'entends le bruit d'une télé et des voitures qui passent... tout ceci suppose un "tout", imperceptible en tant que tel mais omniprésent et absolument nécessaire, implacable, un ensemble matériel et humain indissoluble, insécable, dans lequel il se trouve que je t'écris, et qui est la condition, au sens fort, de mon expérience présente, mais qui s'étend en réalité très au delà de mes capacités sensibles et cognitives.Conçois-tu bien toute la réalité qui est supposée par cette simple connexion internet que j’utilise en ce moment ? Tu m'objecteras peut être que ç'a toujours été le cas : le philosophe antique pouvait fort bien prendre conscience de l'unité de la nature, de l'immensité du monde (il connaissait l'existence des barbares !), de la petitesse de sa cité, etc. Je répondrai que c'est justement cela qui est très différent. Le tout en question n'est absolument plus le même. Ce sont deux "tout" incommensurables. Et cela a des conséquence non négligeables, et certaines très immédiates pour ce qui concerne ton sujet. D'abord, il n'y a plus réellement d'autre bataille philosophique que celle-là, actuellement, car il n'y en a plus d'autre du tout : le philosophe, à milles lieux d'appliquer un quelconque principe, tente déjà de déterminer, de "fixer" le sens de son existence dans le tout mondial et historique qui n'est plus du tout à sa mesure - autant dire tout de suite qu'il n'y parvient jamais, qu'il y épuise toutes ses forces (il faudrait être un surhomme), pour le plus souvent se rétracter, impuissant, sur des dogmes séniles. Il n'y a pas dans ce contexte de finalité possible et ouverte (la "mort des utopies"). Il ne peut y avoir que des faits, des causes et des effets dont l'enchaînement nous échappe mais nous soumet rigoureusement... En profondeur, l'être ne contient vraiment plus que des causes. Tout arrive par causes. Il n'y a plus d'intention. On ne parvient plus à se saisir de la totalité dans laquelle on existe, la volonté frappe et s'éparpille sur tous les reliefs qu'elle rencontre : les causes nous meuvent. Tous ordres de causes, physiques, matérielles, les "modes" aussi, et essentiellement les techniques. Nous existons poussés par derrière, nous procédons par réflexes. Tout notre art n'est que l'expression sublimée de cet état de fait radicalement nouveau dans l'histoire : l'être est un enchaînement absurde de causes. C'est là aussi que "le désir" devient un thème prépondérant, ou en tout cas change de place au sein de la philosophie (toute cette apologie un peu mielleuse et hystérique du désir). Au même moment se développent toutes les techniques du marketing et de la propagande, sans cesse plus raffinées, aujourd'hui totalement prises en main par la société civile elle-même (wikipédia par exemple), et la psychanalyse aussi bien entendu, et avec elle tout l'appareil qui a pour objet fondamental de lubrifier l'insertion de l'homme dans cette nouvelle réalité. Je pense ainsi qu'il faut se demander dans quel contexte, dans et sur quoi nous agissons, pour déterminer ce qu'il est raisonnablement permis d'espérer. Avant de l'avoir compris, je me garderai bien de commenter l'attitude philosophique ou non de quiconque, ou de présumer ce que doit faire un philosophe.
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Vous parlez de la pensée, ou de l'intelligence ? Remplacez les dans votre paragraphe par "parole" ; vous répondez ainsi à ce qui est écrit là : Un muet est doué de la parole, mais elle est atrophiée. Vous méprisez ce qui vous permet d'accéder à cette pensée si chère, l'intelligence, pour m'objecter quoi précisément... Pourrez-vous définir l'intelligence sans passer par la parole ? Entre toutes formes de communication, la parole en est une singulièrement inefficace : il vous faudra des lustres pour définir quoi que ce soit. Il faut bien le reconnaitre, en tant que vecteur d'information, on a bien mieux ! Des signaux visuels donnent des résultats beaucoup plus probants : le feu est rouge, ou vert : immédiat, univoque, objectif : là on sait ! - qu'avec la parole, c'est l'ambivalence, la relation, l'entremise, des personnes données, des subjectivités... On ne maîtrise pas bien tout ça. Elle surgit d'on ne sait trop où, d'un coup, une présence au milieu d'une station d'essence ou à une terrasse de café, découvrant un monde grouillant de significations, puis retourne au néant, le silence. Le silence et la parole... Elle est présence. On voit bien : s'il fallait mettre un gendarme à chaque feu rouge.. Ah non, ils remuent les bras et sifflent. L'imagination, la créativité, l'anti-conformisme, sont des qualités qui nous parlent de la langue. Elle est rebelle ! les juristes, les ingénieurs les gens dans la com le savent très bien... Pour fouler l'intelligence : asservir la langue. Comment le pauvre mépriserait-il le riche ? Cette folle du logis, mieux vaut qu'elle ne prospère pas, ne s'échange, se transmue, ne fouille dans son propre néant à quels renversements elle pourrait encore aboutir. Tout doit être visible. Or la parole n'est pas visible. Elle s'entend. Elle se murmure... Elle évoque une musique... Ou un grincement ! Mais quelque chose de ce type. Quelque chose d'indéfini, insaisissable. Un être qui survient, advient, s'épanouit, et fatalement disparaît. Fortuite. Elle nous échappe toujours... Il nous faut la reprendre sans cesse. Elle est histoire. Je n'imagine pas d'intelligence dans un monde sans paroles. Pourquoi aussi nous sommes là... Vous qui n'avez pas le cœur à lire un philosophe accordez un peu de temps à ces lignes ; je vous en remercie vraiment. C'est être en relation. Ne nous voyez-vous pas comme ces pèlerins venus chercher un peu d'eau bénite ? Faisons notre office à la parole. Implorons-la ici-même d'apporter un peu de chaleur dans nos vies. Êtres en relation, en présence... Là seulement l'intelligence, la parole animée. Oui, en un sens vous avez raison. Mais il y a encore ce point qui pose problème à mes yeux. Je ne suis pas un philosophe. Je doute sincèrement que vous en soyez un - je n'en sais rien. Lorsque j'écris que je sais mieux que vous, que ma compréhension de ce qu'est la philosophie est meilleure, je vous force à admettre que c'est possible, au moins par politesse. Qu'importe que ce soit le cas. Des hommes se distinguent-ils parmi les hommes par leur sagesse ? Si c'est une qualité, leur qualité, s'en est une particulière, ça ne peut pas être un caractère général. Certains accèdent à la sagesse. On peut la rechercher, mais donc on va à sa recherche, dans le monde, hors de soi.-même.. Ce n'est pas faire comme si... Ce n'est pas faire, puis dire que c'était être. C'est être sage. Posséder cette qualité. Laissons-là reposer hors de nous-mêmes un instant, et considérons-là. Voyez comme vous manquez cruellement de cette qualité ? Voyez comme j'en manque aussi ; un peu plus, ou un peu moins, à ce stade qu'importe vraiment : nous n'en n'avons pas même un peu. Eh bien cherchons-là, alors. Par où commencer ? Faut-il tâtonner ? Est-elle sous ce cailloux, ou celui-là ? Et d'abord, comment la trouve-t-on ? On aimerait bien le savoir ; on ne le sait pas... D'où vient-elle, la sagesse ? Quand l'a-t-on vue ? Qui donc l'a trouvée ? Qu'en a-t-il fait ? Tout ceci, cher ami, ne sortira pas de notre chapeau ! Il va falloir faire confiance à bien des intermédiaires. Croiser les testaments... Comprendre qui a légué quoi à qui. C'est très laborieux, comme activité : aucun universitaire ne ferait ça ! - très peu, à-côté... Sinon vous avez vu ce match hier ce soir ? J'en sais rien, c'est pas moi qui décide ça.
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"Parce que j'ai la prétention d'avoir un certain bagage de connaissances, et ce faisant, lire le détail d'un éventuel argumentaire serait une perte de temps et d'énergie, que je ne peux pas me permettre." Une remarque que cette réflexion me rappelle : plus une personne a fait sienne des positions et progressé dans leur maintien, plus il devient compliqué de les remettre en question. Une inertie s'engage, dont il ou elle peut n'être pas consciente, pouvant aboutir à de la réticence pour la lecture, une réelle difficulté à lire, une insensibilité non feinte au dialogue - je ne dis pas que ce soit votre cas - ; lire et étudier un auteur, c'est être personnellement confronté et donc ouvert à la pensée vivante d'une autre personne, c'est risquer de bousculer l'équilibre qu'une part de plus en plus importante de l'énergie psychique s'emploie à maintenir (car cet équilibre n'est guère naturel). Les livres et plus généralement les paroles ont cette particularité qu'ils peuvent bouleverser radicalement l'existence d'une personne, ses constructions mentales, la signification qu'un fait prend à ses yeux, etc. L'essentiel de ce que la philosophie, et la poésie, produisent en fait comme résultat "positif" ne se libère qu'au sein de l'expérience spirituelle, émotionnelle et corporelle de la lecture, pour nous, de la mise en paroles du doute en général, du questionnement de l'être que permet, seul peut-être, au fond, le dialogue, impliquant la présence commune, un "être-là" - qui ne peut pas se résumer, se condenser ni même d'ailleurs se transmettre ; qui ne se réalise que comme présence, relation et développement (ce sont les paroles elles-mêmes, l'expérience que chacun en fait - qu'il parle, écrive, ou écoute, ou lise, ou l'un et l'autre -, qui constituent l'expérience philosophique proprement dite, hors de laquelle il n'y a pas de fait à débattre, ni d'option philosophique définie, ni de cumul ou de progrès des connaissances). Même avec l'écriture et l'imprimerie, lorsque l'humanisme se développe en Europe, les hommes ne sombrent pas encore dans les affres de la méthode ; les livres sont plus chaotiques et arbitraires que jamais, à mesure que le public s'éclaire ; on lit une personne, on s'entretient avec quelqu'un de bien particulier, qui écrit d'abord pour lui-même, et n'aurait jamais l'idée de prétendre à l'impersonnalité comme aujourd'hui, suit le cours de ses pensées sans se préoccuper beaucoup du lecteur ni de la rigueur ni même de la généralisation d'une méthode (souvent il n'y a pas de table des matières, aucune organisation, aucun soucis de cohérence - il n'y a pas jusqu'au textes de lois à cette époque qui ne comportent de longues digressions strictement inutiles). La pensée, la parole et l'écrit comportent une esthétique insécable, qu'on ne peut pas isoler, mettre à part, qui gouverne jusqu'à la raison elle-même. Penser par soi-même, si je rapproche nos idées, n'est-ce pas identifier l'origine et le sens des idées qui nous tournent autour, pour les mieux comprendre, s'en saisir vraiment, les confronter, les rejeter ou les faire redevenir nôtres, en quelque sorte par deux fois, à travers un incessant cycle de critique, d'éloignement et de retour à soi-même ? Se confronter à la pensée d'un autre, en tout cas, devient plus risqué à mesure qu'on se coule dans un être-à-soi défini. L'être à soi affirme le refus d'être au monde. Il se modèle autour d'un désir d'unité confus mais remarquablement puissant, encouragé par une foule de mécanismes, de nos jours, et qui tend à une sorte de "monade psychique" cherchant à se clore sur elle même, pour laquelle le réel n'est plus qu'un prétext. De là la répugnance pour tout ce qui a rapport aux sens, à la nature, au corps et aux émotions, et plus encore aux questionnements métaphysiques. Les émotions sont des mouvements intérieurs qui, pour l'être à soi, ne peuvent être que contradictoires et douloureux - imprévisibles, car ils se réalisent à l'intérieur mais viennent du dehors, ce dehors absurde, étranger, intrusif. Plus la structure psychique est déterminée dans une forme spécifique et complexe, plus elle est élaborée et donc fragile, moins elle admet de turbulence. Le questionnement métaphysique est non seulement inaccessible, mais absolument dangereux, mortel. Tout lui va, à cette monade en constitution, du moment qu'elle n'est pas en danger ; mais qu'elle soit inquiétée, qu'elle se sente affleurer le danger d'une scission, d'une perte d'équilibre : l'ensemble des forces, certaines insoupçonnées, se mobilise et se concentre sur la protection de l'unité, le rejet de l'intrus, la clôture du vide. Il n'y a qu'une réelle secousse qui puisse, éventuellement pour un temps, permettre de retrouver un peu de fluidité et de présence au monde. "Autant en terme de comportement, le comment on agit est plus important que le quoi, autant en terme de connaissance le quoi prime sur le comment on l'a obtenu ( du moment que l'on perfectionne sa véracité ), selon moi." Oui mais si le quoi des philosophe (l'être ?) n'existe ou ne se dévoile en tout cas pas hors du dialogue, de l'autre, des paroles, des textes ? Si chaque fois qu'un philosophe écrivait, il devait tout recommencer, et ses textes contenaient toute la philosophie ? Si ses écrits ne sont pas que le comment du quoi de Nietzsche ; si chez Nietzsche le comment et le quoi ne sont en aucune manière dissociés et dissociables ; puis-je alors connaître la philosophie de Nietzsche sans l'avoir lu, sans y être entré, sans avoir fait l'expérience de ses paroles ? Bien plutôt, c'est la chaîne des influences qui va me rendre mettre en contact avec cette philosophie, peut être me la faire retrouver sans que je ne le sache, parce qu’elle s’inscrit dans des expériences, des inspirations que j'ai reçues. "Il y a plusieurs façons de s'intéresser à la philosophie, dont celle de la critiquer, ou celle de s'y prendre autrement, ce n'est pas quelque chose de figé ou de donné d'avance, pas plus que la géométrie doit rester euclidienne, et surtout, c'est quelque chose aussi de personnel, dont l'usage premier devrait être aussi personnel, et non un étalage de tours de force, ou de mettre son empreinte dans l'histoire très fermée des philosophes, cela devrait être, selon mon humble avis, le cadet de leurs soucis, on peut donc philosopher comme bon nous semble et non suivre une pratique, disons académique. Cet amour/intérêt peut donc revêtir plusieurs formes, dont celles marginales, comme le cynisme antique ou ce que je fais..." Marginale ? Mais à quel point ? Ce que je crains, c'est que vous souhaitiez me faire admettre qu'il est possible de faire de la philosophie sans jamais en faire. Il y a tellement de manières... Je vois aussi que vous inversez les rôles, lorsque vous semblez prétendre que je n'admets qu'une vision étriquée de la philosophie, disons, académique, que vous-mêmes ne faîtes que supputer ; je n'ai pas peur de dire que ma compréhension de ce qu'est la philosophie, et de comment elle se manifeste et se "pratique", est plus diversifiée et riche que la votre (ce n'est pas là qu'un tour de force). C'est un constat : là où comme moi vous reposez sur votre intelligence et votre expérience, une forme de confiance en soi dans la possibilité de comprendre, je peux aussi me déporter radicalement, j'accède à une certaine compréhension de l'histoire, de l'histoire de la pensée, qui se développe, problématique, et à laquelle je ne m'interdis pas, par préjugé, de réfléchir et de m'en référer, mais que j'intègre bien au contraire, autant que je puisse. Exactement en effet comme ce serait incongru d'expliquer une couleur à un aveugle, je puis dire que la plupart de nos contemporains n'ont strictement aucune conscience de la fonction réelle que revêtent leurs opinions, et qu'il est à peu près impossible de le leur faire comprendre ; je ne puis expliquer pourquoi il faut s'en référer à certains auteurs qui, précisément, sont parvenus, ces esprits géniaux, à s'extraire de l'emprise de la doxa ; il faut les lire ; et donc toute barrière est un obstacle à cette prise de conscience, qu'il faut s'évertuer à briser, pour qu'enfin se déverse dans ces cervelles rabougries un vent plus frais, plus libre, et que chacun soit enfin mesure de faire l'expérience de son vide, de l'inintérêt de ses petites pensées perso, et se mette en une plus joyeuse et haute activité. Tison, qu'entendez-vous par penser avec son corps ?
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Une précision rapide : je ne m'exprimais pas du tout à propos du Kunisme, je disais que votre discussion à ce sujet n'était pour moi "que l'occasion d'exprimer un mécontentement...", etc. Mais, je méditerai. Et j'en prfoite quand même pour te remercier pour cette notion et les références, je ne connaissais pas. Ah et encore : l'idée d'une pratique volontaire et sélective des impôts se trouve par exemple chez Jacques Ellul, qui suggérait que si leur nombre était suffisant, l'Etat serait désemparé face à des contribuables refusant de payer les sommes imparties au fonctionnement de l'armée.
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Deja utilisé, La question n'était pas, pour moi, de savoir si un résumer peut être bon (mais même alors, ce n'est jamais qu'un résumer ; et si les raisonnements qui aboutissent à une idée maîtresse sont des fioritures chez tel auteur, c'est encore un tout autre problème, et c'est bien, pardonnez mon entêtement, en lisant ces raisonnements qu'on sera en position d'en juger...). Le résumer est avant tout utile (pourquoi ? pour n'avoir pas à lire l’œuvre entière !). Il doit donc intégrer les éléments utiles, afin que le lecteur sache s'orienter rapidement : ces écrits ont-ils trait à mon sujet ? Ou se situent-ils dans le contexte ? Quel est la perspective et éventuellement la thèse de l'auteur ? Tout ceci se ramène moins à l’œuvre elle même (et moins encore à la "diffusion de la connaissance") qu'à la nécessité de pouvoir évaluer rapidement la pertinence d'un écrit dans le cadre d'une recherche spécialisée. Le cadre est ainsi fixé. Mais donc on en déduit aisément que l'ossature retenue, les "idées maîtresses", que neni ; c'est l'utile, dans un contexte de profusion des informations, qui préside ici à la sélection et à l'organisation des information, non la justesse, moins encore la fidélité à l'auteur (si ces vertus sont présentes, elles sont subordonnées au critère d'utilité). Ce serait donc une erreur de croire qu'un résumer peut être en aucune façon juste ou même exact. C'est autour de cette problématique il me semble que nous nous sommes débattus ; ce sera plus clair maintenant j'espère. Après, bien sûr que oui, un résumer peut être utile, et même bon. Et il arrive que des commentaires soient plus intéressants que les textes commentés. Mais ce dont je parle en l'occurrence, c'est ce cas assez particulier d'un commentateur commentant un commentaire et faisant, cependant, comme s'il commentait l'original. Or, dis-je, c'est une tromperie et le symptôme d'une absence de rigueur (et d'intérêt). Ce n'est pas plus compliqué. Et nous ne parlons pas même encore de l'histoire de la philosophie ! - n'en déplaise à Tison. Le Kunisme n'était qu'une occasion d'exprimer un mécontentement face à cette attitude qui se généralise irrésistiblement et qui rend étonnamment stériles les discussions qu'on peut avoir, par exemple, sur ce forum. Plus le cadre est lâche, plus la rigueur est de mise. Mais c'est bien sûr l'inverse qu'on observe. Et, ne le prenez pas mal, vous ne me ferez pas avaler ce soir que la non lecture des oeuvres est l'acte d'une haute philosophie ; à la rigueur, j'admettrai que ça peut l'être ; mais, dans la grande, l'immense majorité des cas c'est simplement la médiocrité, un manque de temps, de volonté et d'incitations. Sur ce point nous sommes d'accord, sauf que vous oubliez la passion et l'intérêt pour la philosophie, qui sont, tout de même, ce moteur essentiel dont l'absence est la plus commune et la plus handicapante. Sur le reste, l'aller-retour constant entre l'expérience et les valeurs est le lot du commun ; ça n'a jamais suffit à faire un philosophe, à ma connaissance. A ma connaissance encore, le philosophe est un être extraordinaire ; l'histoire les enfante au compte goutte. Notre époque en revanche produit des intellectuels à la pelle, dont je souffre d'être un représentant. L'homme moyen est lui-même un être abstrait : rien d'étonnant, que des banalités. En revanche, nous devrions, et nous rejoindrions ainsi le sujet du fil, nous poser la question de ce que ça peut signifier, "penser par soi-même". Je serais heureux d'avoir vos opinions, en particulier les précisions de Tison à ce sujet, s'il en a.
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D'accord pour les articles scientifiques et techniques. Ça ne fonctionne pas pour la philosophie. Contrairement à la science et aux techniques elle n'est pas contenue dans ses résultats positifs. Elle peut en produire, et des significatifs, mais elle est en même temps beaucoup plus intime, affaire entre une personne et la vérité. Ceci ne se découvre qu'au cœur des œuvres. "Le silence éternel de ces espaces infinis effraie l'auteur"... Mieux vaut ne rien lire, n'en rien dire. Ce n'est pas pour rien que votre exemple est technique et quantitatif. Dans le cadre d'une démarche scientifique et véritablement critique à l'égard de la philosophie d'un auteur, on s'aperçoit immédiatement du détournement qu'opère le compte rendu : il serait évidemment intenable de s'en satisfaire : ce n'est pas là la matière première, l'expérience, la chose. Mais ce n'est pas votre cas, vous n'êtes pas dans une telle démarche, nous sommes d'accord. Vous opérez à l'égard des philosophies par statistiques, probabilités et indices de confiance. Ces statistiques se rapportent uniquement à vous-même, vos opinions et votre contexte. En somme, vous n'êtes pas intéressé par la philosophie. C'est possible et admissible ! que ce soit clair. Précisément parce qu'ils ont vu le film.
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Ca dépend. Il y a eu quelques hommes d'actions qui étaient aussi philosophes, dans l'histoire. Mais ils sont très rares, ce sont des exceptions. Certains philosophes ont bien essayé d'embrasser et de fortifier l'action par la pensée, mais ils sont souvent ridicules, comme le fameux albatros.
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Ceci un très mauvais exemple, en même temps très intéressant. Nous verrons peut être plus loin. Mais déjà, il faut dire que votre réponse n'est pas satisfaisante du tout, aussi j'insiste et reformule. Comment pouvez vous d'un côté prétendre à l'objectivité des idées et de l'autre, affirmer la subjectivité du lecteur ? Si on rejoint les deux arguments : vous vous contentez d'un compte rendu sous prétexte que les idées maîtresses y sont contenues en substance, mais ne peut-on alors vous objecter que le rendeur de compte a lui-même interprété, pourquoi pas même dévoyé les idées maîtresses du livre selon ses filtres personnels ? Pire encore : comment le saurait-on sans avoir lu soi-même ? Il serait impossible, n'est-ce pas, d'en juger a priori et de manière entièrement subjective. Ce que vous répondez ne permet guère de surmonter ces petites difficultés.
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Tout le nihilisme. Mais surtout le philosophe est rongé par le doute : il est sceptique. ça lui pas permet pas vraiment d'affirmer ce qui est bien. En fait, plus qu'un hypocrite le philosophe est un handicapé.
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J'interviens ici aussi car ce sujet - des lectures des oeuvres, de l'importance ou non de s'en référer aux auteurs, de ce que l'on appelle aujourd'hui la connaissance - me passionne singulièrement. N'y a-t-il pas Déjà-utilisé une contradiction lorsque d'un côté, vous écrivez que les "idées maîtresses peuvent être retraduites sans en perdre la substance" et lorsque par ailleurs, vous écrivez que "nous interprétons inévitablement une partie de l'oeuvre en fonction de notre propre filtre individuel" ? Du premier côté, nous semblons avoir affaire à de piures idées qui flottent dans le vide sidéral de l'objectivité et de l'idéalité ; de l'autre, la pensée est subjective, on ne comprend un auteur qu'en rapport à soi-même, etc. Comment conciliez-vous ces deux arguments ?
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Je ne comprends toujours pas de quoi il s'agit dans le cas qui nous occupe, avec ce dépassement.
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Encore un petit problème d'ajustement sur le dépassement ("qui se dépasse sans cesse"), l'expression est toujours aussi nébuleuse pour moi : de quoi s'agit-il ?
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Je reprends cette conversation car pas sur finalement qu'on se complète. "Le sens que la religion conférait à la vie de chacun n'était pas vraiment atteint par un travail personnel, mais il lui était plutôt donné par l'institution religieuse." -> C'est une vision assez classique en tout cas répandue, et pourtant un auteur classique comme Max Weber montre qu'il n'y a pas une religion monolithique qui s'effondre laissant un vide mais une religion qui mute entraînant une mutation plus générale, le protestantisme opére une jonction entre l'institution religieuse et la rationalité, rationalité qui s'étend graduellement et perd alors son fondement et ses finalités religieuses. Ainsi au départ du "désenchantement du monde" il y a coïncidence entre l'individu par la raison et l'institution religieuse et par là l'ordre divin, et cette coïncidence a sans doute marqué un temps fort d'épanouissement pour aboutir ensuite à un monde plus complexe marqué par ces strates de rationalisation où comme tu dis le "sens" n'est plsu commun ou en tout cas plus produit dans les mêmes conditions. Et justement l'individu n'est plus du tout assuré de lui-même dans ce monde-ci, au contraire écrasé par sa complexité et son opacité grandissantes. Double mouvement l'individu devient en apparence le fondement dernier, le seul référent possible, "maître du sens" et valeur dernière et dans le même temps cet individu est concrètement pris dans une machinerie autonome qui est étrangère aux sens, qui se contente de fonctionner. La "cage d'acier". Si ensuite on visite un auteur comme Habermas on aperçoit que les "images du monde" se décentrent comme le monde se complexifie , c'est-à-dire que le sens commun n'est plus régulé en représentations "centrales" et communes comme dans une société à solidarité mécanique mais doit sans cesse être recréé car les différentes composantes de la société tendent à fonctionner indépendamment les unes des autres en produisant des représentations et des valeurs différenciées de plus en plus (en même temps que nivelées et unifiées par la rationalité instrumentale mais qui justement laisse un manque), tandis que la vie en société et surtout du point de vue de l'individu exige dans le même temps qu'elles soient unifiées (- là il manque le plus important). Et je crois que c'est au sein de cette tension que les espoirs peuvent venir se cristalliser dans la philo, qui serait alors un agent unificateur , "l'ouverture d'esprit" dont on est sensés faire preuve en philo, c-ad finaleement et forcément une sorte de relativisme plat et simple où toutes les dimesnions de l'existence pourtant contradictoires viennent trouver leur cohérence : le philosophe comme justificateur du monde, et donc le philosophe qui s'adresse à l'individu, lui parle comme un ami. Bref je pense que c'est en regard de la complexification du monde qu'on comprendra l'exigence d'une pensée simple et lisse. Mais il faut faire la part des choses car il y a aussi une critique valable sous-jacente, il serait bon de se débarrasser d'une tendance au verbiage pour retrouver l'essentiel. Je me prends en exemple surtout qu'après relecture je dis plein de conneries ou en fait pas assez mais allez, il faut bien commencer qq part !
