L'égoïsme en philosophie
Si l'être humain n'était qu'une simple création de la nature et non en même temps créateur, il ne s'interrogerait pas devant les phénomènes du monde, et ne chercherait pas non plus à en pénétrer la nature et les lois. Il satisferait ses besoins instinctifs pour se nourrir et se reproduire, conformément aux lois inhérentes à son organisme et laisserait au demeurant les événements du monde se dérouler de la manière dont précisément ils se produisent. Il n'aurait pas l'idée de s'interroger sur la nature. Satisfait et heureux, il cheminerait dans la vie comme la rose, au sujet de laquelle Angelus Silesius dit : "La rose ne s'enquiert pas du pourquoi, elle fleurit parce qu'elle le fait, elle ne tient pas compte de ce qu'elle est, elle ne demande pas si quelqu'un la voit." La rose peut être ainsi. Ce qu'elle est, elle l'est parce que la nature l'a prédestinée à cela. L'être humain ne peut pas être comme cela. Une pulsion vit en lui qui le pousse à ajouter au monde existant un autre monde qui jaillit de son être. Il ne veut pas se contenter de vivre, au sein de la coexistence fortuite avec ses prochains, dans laquelle la nature l'a placé : il cherche à régler la vie commune avec les autres selon des principes issus de son penser rationnel. La forme, dans laquelle la nature a configuré l'homme et la femme, ne lui suffit pas ; il crée les figures idéales de la sculpture grecque. Au cours naturel des événements de la vie quotidienne, il ajoute ce qui émane de son imagination dans la tragédie et la comédie. En architecture et en musique, des créations jaillissent de son esprit qui rappelle à peine quelque création de la nature. Dans ses sciences, il ébauche des formes conceptuelles, par lesquelles le chaos des phénomènes du monde, qui s'offre quotidiennement à la perception de nos sens, apparaît comme un tout harmonieusement régulé, comme un organisme organisé en soi. Dans le monde de ses propres actions, il crée un domaine particulier, celui de l'événement historique, qui est d'une nature fondamentalement autre que celle du déroulement des faits naturels. Que tout ce qu'il crée, ne soit qu'une continuation de l'action de nature, c'est ce que l'être humain ressent. Qu'il soit appelé à adjoindre un élément supérieur à ce que la Nature est capable de produire d'elle-même, il le sait aussi. Il en est donc conscient, il doit engendrer une nature plus élevée et l'ajouter à la nature extérieure. L’être humain se trouve ainsi placé entre deux mondes : celui qui, de l'extérieur pénètre en lui, et celui qu'il fait naître de lui-même. Il s'applique à mettre ces deux mondes en accord. Car sa nature entière porte son attention sur l'harmonie. Il voudrait vivre comme la rose, qui ne s'interroge pas sur le pourquoi et le parce que, mais fleurit, parce qu'elle fleurit. Schiller exige cela de l'être humain par ces mots :"Recherches-tu le plus élevé, le plus grand ? La plante peut te l'enseigner. Ce qu'elle est sans le vouloir, sois le volontairement - c'est cela !" La plante peut l'être. Car aucun nouveau monde ne tire son origine d'elle, et cette aspiration inquiète ne peut donc pas non plus surgir en elle : comment apporterai-je l'harmonie dans ces deux mondes ? Mettre en accord ce qui repose en lui-même, avec ce que la Nature
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