Une nuit espagnole
La nuit
Aux douceurs du soir, le fou préfère le repas de la nuit profonde. Comme un dessin sur l'eau, il ne peut que l'imaginer bien que pourtant la nuit est accomplie. La nuit du fou est semblable à ce parc dans Séville, à son soleil de juin, aux bassins et fontaines vides, aux contours de poussières, sable fin et dépôt de lumière. De grands rosiers courent sur le marbre et les mosaïques bleues, laissant aux épines le blanc des statues. Et je suis là, parmi l'inanimé, je pèse ma faim. Les orangers des rues de cette ville donnent en cette saison des fruits pourris. Je me meurs de faim jusqu'à la nuit, une nuit de marche et d’errances. La nuit du fou c'est aussi le devant d'un rêve, d'un espoir, d'une volonté farouche. Comme débarqué du sommeil depuis des mois, je suis au port de Tarifa fasciné par ce vent, cette mer, ce tout qui me dépasse, ces rues noires où vogue parfois un rat, une ombre, une mort rapprochée. J'ai envie de mourir, là, sur ce muret, face à l'Afrique. Ou bien non, je partirai en barque volé. Ou bien non, je m'endormirai sur ce muret pour oublier de mourir cette nuit, cette nuit chaude comme le sang, comme
le ciel aveugle qui ne sent plus rien, le noir de mon existence. La nuit du fou, c'est à ciel fermé la raison de tout l'univers bercé en lui avec les étoiles. Ma nuit est emplie de liberté que j'ai en moi, prisonnière tout comme moi de ma folie. Folie que je peine à appeler nuit, ce que je suis.
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