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Conte immoral mais très instructif.


Exo7

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Membre, 103ans Posté(e)
Exo7 Membre 886 messages
Mentor‚ 103ans‚
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Conte immoral mais très instructif...

 

 

Une horde d'êtres commence à marcher sur leurs membres postérieurs, pour voir au dessus d'une savane qui, à la suite à un changement climatique, a remplacé la forêt. Ce sont nos ancêtres. Ils sont petits, leur front est bas, le menton fuyant, le corps largement couvert de poils. L'évolution des espèces, peut être les efforts faits pour apprendre à marcher sur leurs deux pattes arrières leur ont joué un mauvais tour. 

Certains spécialistes ont émis l'hypothèse que, dans une zone située vers l'Ethiopie actuelle, à la suite d'un changement de climat, la forêt fut remplacée par la savane. Une espèce de singes (ou de l'ancêtre commun du singe et des hommes) cherche alors à marcher sur ses deux membres postérieurs pour voir au-dessus des herbes... et on dira après cela que la curiosité est un vilain défaut.

 

La grosseur de leur cerveau, inférieure à la notre, est déjà sans commune mesure avec la grosseur de ceux des sortes de singes qui furent leurs prédécesseurs immédiats. Un tel cerveau a développé chez eux l'imagination ; leur sexualité est devenue permanente. Il ne pensent qu'à ça et les disputes pour les "femelles" (enfin les femmes) sont fréquentes. Elles risquent d'entraîner l'autodestruction de cette nouvelle espèce. A propos, vous avez remarqué que, dans la version précédente, nos ancêtres étaient surtout occupés à travailler, produire, calculer ; ils devaient cependant faire l'amour puisque nous sommes là !...

 

Mais revenons à nos premiers hommes. Non seulement ils se disputaient les femmes, mais, l'intelligence se développant et la station debout facilitant l'usage de la main, le moindre gringalet apprit vite comment, avec un pieu ou une pierre rendue tranchante, il pouvait en l'attaquant par derrière, éliminer un congénère, physiquement plus fort que lui. Or, chez leurs cousins germains, les singes, c'était le plus fort qui faisait respecter l'ordre, évitait les disputes, répartissait les femelles en se réservant les plus belles.

Avec les gringalets malins, les hiérarchies animales qui avaient jusqu'ici permis la survie des espèces ne tiennent plus. La violence sévit. L'imitation de l'autre, qui permet de transmettre les comportements nécessaires, dégénère. Imiter l'autre, "le chef" le plus fort, c'est psychologiquement se l'approprier en lui ressemblant.

Lorsque la crainte du plus fort ne pose plus de barrières infranchissables, l'imitation, l'appropriation de l'autre pour lui ressembler peut aller jusqu'au meurtre, jusqu'à l'anthropophagie (une manière comme une autre de s'approprier l'autre, de ne plus faire qu'un avec son prochain, de lui être totalement solidaire...)

 

Pour sortir de cette passe dangereuse, une des premières solutions découvertes fut l'union de tous contre un, la victime émissaire. Le sale juif, l'union nationale contre l'ennemi héréditaire, les croisades ou les guerres saintes, les travailleurs étrangers, les lynchages en tout genre et les têtes de turc de nos classes enfantines relèvent du même procédé. Grâce à eux, les hommes retrouvent (ou trouvent) le sentiment de solidarité, d'union et d'appartenance et évitent les disputes intestines.

Sacrifier un membre du groupe, afin d'éviter au groupe de disparaître, ne peut avoir cependant qu'une efficacité limitée. A force de sacrifices, on peut aussi faire disparaître l'espèce. Les guerres, qui furent, peut-être, à l'origine, un moyen de se procurer les victimes nécessaires aux sacrifices, nous l'on prouvé.

 

Assez rapidement, nos ancêtres (qui étaient tout aussi intelligents que ceux de notre premier conte, même s'ils sont aujourd'hui moins présentables) ont trouvé un substitut à la victime émissaire : la répétition rituelle du meurtre pacificateur grâce à des sacrifices d'animaux (sacrifices et rites religieux vont de pair). Ces "presque" végétariens (ils se nourrissaient jusqu'ici de fruits, de végétaux en tout genre auxquels ils ajoutaient quelques insectes ou vers...) allaient devenir chasseurs par nécessité religieuse. 

Ils chassent non pas pour se nourrir mais pour accomplir des actes en apparence sans nécessité. Pour ne jamais manquer d'animaux de sacrifice, ils parquèrent divers gibiers vivants dans des enclos. Ainsi commença, sans doute, la domestication. (Il est, en effet, peu probable que ces hommes du fond des âges aient commencé à garder avec eux des animaux pendant quelques centaines d'années afin que leurs descendants puissent devenir des éleveurs.)

 

En même temps qu'ils instauraient les rites du sacré, ils pouvaient instituer, au nom des puissances supérieures, des interdits et des tabous. L'inceste dut être un des premiers tabous. Il interdisait de se disputer les femmes du groupe, en clair, de coucher avec sa mère, sa soeur, voire avec les parents plus éloignées. On s'apercevra plus tard des risques héréditaires de la consanguinité. C'est, en tout cas, "culotté" de penser que les premiers hommes, qui ne faisaient guère de liaison entre l'acte sexuel et la naissance, aient pu avoir une sorte de prescience de ces risques. 

 

Des interdits au langage, pour nommer le bien et le mal, le permis de ce qui ne l'est pas, il n'y a qu'un pas. On en fait des choses quand le plus fort physiquement ne parvient plus à imposer son ordre. Toutefois, sacrifier, invoquer, interdire ne suffisent pas pour maîtriser la violence. Peu à peu, nos petits ancêtres allaient explorer d'autres voies.

Ils se donnèrent des rois (des monarques), un pouvoir politique. Ils autorisaient l'un d'entre eux, mis à part, de transgresser les interdits. Le roi est celui qui a le droit de vie ou de mort (les chefs d'Etat ont toujours le droit de grâce). Le roi peut aussi transgresser l'inceste, se marier avec sa cousine (ce qui dans l'histoire est presque une manie), avoir des concubines (c'est toujours assez bien porté). Un certain Borgia semble être allé assez loin dans les sens interdits puisque la rumeur rapporte qu'il eut pour maîtresse sa propre fille.

 

Peu à peu, nos ancêtres ont appris aussi à retourner la violence contre les choses. Celui qui risquait de subir une imitation dangereuse de la part de l'autre présentait à ce dernier un objet lui appartenant. L'autre, subodorant qu'il risquait de subir une imitation "appropriative" agissait de même (n'oubliez pas que l'imitation peut aller jusqu'à l'anthropophagie). Il ne s'agissait pas d'échanger des objets dont on avait besoin, mais d'assouvir (sans risque) les désirs d'appropriation. Nous sommes dans l'ordre du culturel, du rituel, et non de la nécessité physiologique ou économique.

Le jour où les hommes comprirent que le plus simple était de s'entendre sur un bien qui ne servirait qu'à l'échange rituel (autrement dit qui ne servirait à rien d'utile...), ils avaient inventé la monnaie. Ce n'est pas pour rien que les premières monnaies sont des biens qui ne servent pas à satisfaire des besoins physiologiques (l'or, les coquilles, les animaux des sacrifices...).

 

Bientôt les monarques facilitèrent la création de la monnaie. Ils s'arrogèrent le droit de la créer, en y apposant leur effigie. Ils donnaient ainsi à ceux qui possédaient de la monnaie l'impression qu'ils s'appropriaient un peu de leur personne, de leurs pouvoirs, de leurs droits à ne pas respecter les tabous, la monnaie devenant un moyen de rêver que l'on était le chef... 

On allait produire pour se procurer de la monnaie, inventer le travail, de nouvelles techniques, produire pour produire, soumettre des hommes, créer des contraintes économiques. L'aventure économique commençait.

 

J.M Albertini.

 

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Membre, 78ans Posté(e)
G2LLOQ Membre 26 646 messages
Maitre des forums‚ 78ans‚
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Premier crack boursier : l'oignon de tulipe  !  ça en dit long sur ce qui allait se passer ensuite !

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