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Les républiques bien ordonnées décernent des récompenses et des punitions à leurs citoyens...


Exo7

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Les républiques bien ordonnées décernent des récompenses et des punitions à leurs citoyens et ne compensent jamais les unes par les autres.

 

 

Les mérites d'Horace étaient fort grandes, puisqu'il avait, grâce à sa vaillance, vaincu les Curiaces. Sa faute était atroce, puisqu'il avait tué sa soeur. Cependant cet homicide déplut tellement aux Romains qu'ils le contraignirent à défendre sa vie, bien que ses mérites fussent grands et récents. A considérer les choses superficiellement, ce serait là un exemple d'ingratitude populaire. 

Néanmoins, si on les considère de plus près et si l'on recherche plus attentivement quelles doivent être les institutions d'une république, on blâmera plutôt ce peuple de l'avoir absous que d'avoir voulu le condamner. 

La raison est la suivante : une république bien ordonnée n'a jamais effacé les fautes de ses citoyens en raison de leurs mérites. Ayant prévu des récompenses pour une bonne action et des punitions pour les mauvaises, ayant récompensé un homme pour avoir bien agi, s'il agit mal ensuite, elle doit le châtier sans avoir aucun égard pour ses bonnes actions. Lorsque ces mesures sont bien observées, une cité vit longtemps en liberté; autrement elle s'écroule promptement. 

En effet, si un citoyen qui a accompli quelque belle action pour sa cité ajoute à la réputation qu'elle lui apporte l'audace et la certitude de pouvoir commettre sans crainte une mauvaise action, alors il deviendra si insolent que toute vie civile disparaîtra.

Si l'on veut infliger une peine aux mauvaises actions, il faut absolument organiser des récompenses pour les bonnes, comme le fit Rome. Bien qu'une république soit pauvre puisse peu donner, elle ne doit pas s'abstenir de ce peu. Quelque petit que soit un don, s'il est donné pour récompenser un bien, fût-il grand, il sera estimé par celui qui le reçoit comme honorable et très important. 

L'histoire d'Horatius Coclès et celle de Mutius Scaevola sont bien connues : l'un bloqua les ennemis sur un pont jusqu'à ce qu'il fût coupé; l'autre se brûla la main, afin de la punir de s'être trompée au moment d'assassiner le roi des Etrusques Porsenna. Pour avoir sauvé le Capitole des Gaulois qui l'assiégeaient, ceux qui étaient assiégés avec lui, lui donnèrent une petite mesure de farine compte tenu de la situation de Rome à ce moment là (à cause de la famine due au siège de Rome par les Gaulois), cette récompense fut considérable. 

Elle fut même telle que Manlius, poussé par l'envie ou sa mauvaise nature à créer des séditions à Rome, cherchant à se gagner le peuple, fut, sans autre égard pour ses mérites, précipité du haut de ce Capitole qu'il avait glorieusement sauvé.

 

Ce que disent les écrivains politiques est bien vrai : les peuples qui ont recouvré leur liberté sont plus féroces que ceux qui ne l'ont jamais perdue. Et d'ajouter ce que disait Tacite : "Il est plus facile de venger une injure que de récompenser un bienfait, parce que la reconnaissance est considérée comme une charge, la vengeance comme un soulagement".

 

Discours sur la première décade de Tite-Live. N. Machiavel, 1531.

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