Surestime de soi.

Le ‎20‎/‎02‎/‎2019 à 19:02, Imaginaerum a dit :

Je comprends comment on perd confiance en soi, comment s'installe la mésestime de soi, mais je ne comprends pas comment s'installe la surestime de soi.

Est ce une qualité, un défaut, un fonctionnement cognitif, une caractéristique de personnalité....

Le devient-on ? apprend-t-on à l'être ? ....

Est ce que ce sont les événements de la vie qui conduisent à le devenir, est ce l'éducation parentale ?.... 

 

Éclairez moi de vos connaissances, de vos expériences, de vos avis. 

 

Bonjour Imaginaerum,

Je ne prétends apporter une réponse ni définitive ni exhaustive à votre question mais je pense pouvoir éclairer, au moins en partie, le débat en me plagiant moi-même. Je vous livre donc ici le contenu d'un article que j'ai écris il y a un moment dans un sujet différent mais qui me semble néanmoins pertinent ici-même:

L'effet Dunning-Kruger est un biais cognitif exprimant la propension des personnes les moins qualifiées à surestimer leur niveau réel de compétence. 

L'intelligence est la mesure de l'intelligence et ceux qui en sont le moins pourvus manquent donc de l'outil essentiel pour juger de l'entendement des autres et du leur propre. On peut aisément faire le parallèle avec l'humilité allant souvent de pair avec une grande culture: plus on est cultivé et mieux on peut évaluer ce qu'il nous reste à connaitre, on prend alors conscience de la modestie de notre savoir au regard de toutes les connaissances déjà acquises par l'humanité, elles-mêmes insignifiantes devant l'immensité de ce qu'il nous reste à découvrir. A l'inverse, l'ignorance borne l'horizon du béotien qui, satisfait de pouvoir embrasser d'un simple regard ce qu'il prend pour le monde, se fige dans le contentement de soi et ne va pas chercher plus loin.

Darwin disait lui-même: "l'ignorance engendre plus fréquemment la confiance en soi que ne le fait la connaissance"

L'intelligence permet d'entrapercevoir la complexité des choses ce qui relativise l'emprise que l'on pensait avoir sur elles et nous rend moins confiants en notre capacité à modeler le réel. Nombre de philosophes d'ailleurs font l'apologie du doute et de la remise en question, conditions nécessaire à l'avancement de la connaissance.

L'ignorance rend aveugle à la complexité, réduit et simplifie tout ce qui se présente à elle en une caricature grossière d'elle-même mais plus aisément appréhendable par l'esprit et rend le sot suffisant et plein de lui-même, fier et rassuré de savoir qu'il comprend et maitrise son environnement: confiant.

A cela s'ajoutent d'autres biais cognitifs, tel que le biais d'auto complaisance (il fait partie des différents biais d'attribution mais les détailler ici ne me semble pas indispensable) qui nous fait attribuer nos échecs à des causes externes et nos succès à des causes internes tandis nous faisons l'inverse pour les autres, et plus encore lorsque nous ne les apprécions pas. Pour simplifier, nous nous attribuons volontiers le mérite de nos réussites tandis que la responsabilité de nos échecs est imputée à des circonstances extérieures.

Si nous sommes tous soumis à de tels mécanismes, la diversité des êtres humains fait qu'ils s'expriment mieux chez certains d'entre nous et si cela ne nous déresponsabilise pas de nos actes, paroles et réactions, je pense que cela invite à se montrer plus tolérant et compréhensif envers des être qui, comme nous, n'ont pas choisi leur nature.

Si vous souhaitez explorer ces questions plus avant, je vous suggère quelques ouvrages de psychologie sociale et cognitive:

-Les erreurs des autres, l'autojustification, ses ressorts et ses méfaits- de Carol Travis et Elliot Aronson (c'est l'ouvrage de la liste le plus directement en rapport avec ce sujet précis)

-Système 1 Système 2 les deux vitesses de la pensée- de Daniel Kahneman (l'ouvrage de psychologie le plus complet et brillant qu'il m'ait été donné de lire)

-La soumission librement consentie- de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois

-Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens- de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois

-Psychologie sociale- de Jacques-Philippe Leyens et Vincent Yzerbyt

Je pense que la surestime de soi est dérivée des disparités cognitives qui ont construit une vision de soi partiellement invalide. Elle nous fait croire que nous sommes supérieurs aux autres. Cette vision peut engendrer des comportements désagréables. Elle est dérivée d’une évaluation exagérément positive de soi. L’éducation parentale peut être un facteur qui engendre ce genre de comportement.