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Humanisme et Histoire


Invité Quasi-Modo

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Invité Quasi-Modo
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Il y a deux acceptions du terme humain auxquelles renvoient deux conceptions de l'humanisme. Être "humain", c'est soit :

1) Appartenir à l'espèce humaine,

2) Agir de façon conforme à la nature et/ou la dignité humaine.

Deux grandes conceptions de l'humanisme apparaissent respectivement en regard de ces deux sens envisagés :

1) Valorisation de l'humain en tant que tel du fait même d'appartenir à cette espèce. Philanthropie.

2) L'humanité n'est pas acquise mais s'acquiert par l'éducation, la transmission des savoirs.

La conception numéro 2) me semble d'emblée plus défendable, puisque nous savons déjà les horreurs dont sont capables les êtres humains (p.ex. génocide Rwandais) et que l'exigence envers quiconque doit être inversement proportionnelle à la confiance qu'on lui fait. Je ne crois plus qu'on puisse avoir foi en l'Homme. Mais nous savons cette conception fondée sur la transmission des savoirs aujourd'hui en déclin. Elle n'est plus crédible et est considérée comme l'instrument des plus aisés pour maintenir la mainmise sur les plus pauvres (ce qui est tout à fait vrai dans une perspective ultra-libérale).

La conception de l'humain numéro 1) se traduit politiquement par l'humanisme sans frontières. Analysons donc cette conception :

La nature ou la dignité humaine sont les outils fondamentaux que requièrent tout humanisme (ces notions figurent dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen), celles-ci ne pouvant certainement se fonder sans références à l'Histoire, notamment celle des révolutions, des réformes et de la jurisprudence. Ce sont les révolutions, les réformes du droit, les décisions de justice précédentes et les applications qui leur font suite au présent qui fabriquent l'Histoire et permettent de se faire une idée de la notion de nature humaine ou de dignité humaine. Reconnaissons que cette conception n'est valable qu'au sein d'une même société. C'est pourquoi il faudrait, pour que le sans-frontierisme soit viable, pouvoir proposer une définition méta-historique de l'humain, ou pour le moins une vision indépendante de l'Histoire, c'est à dire une vision absolue.

Cela n'est pas sans rappeler l'avènement de l'Homme nouveau qui aura causé tant de morts dans les pays de l'Est. Comment osera-t-on seulement parler de fin de l'Histoire ou proposer une vision parfaite de l'humain sans verser dans une système totalitaire? Car l'humain se construit et agit en fonction de ses opinions, tandis que le consentement universel est une utopie : l'erreur peut toujours se retrancher derrière un système de pensée (religion par exemple), et que reste-t-il donc à faire des opposants au régime?

Cela se confirme en constatant que les définitions de l'humain qu'ont proposé les philosophes ont toujours été imparfaites, que ce soit par défaut ou excès de sens. Pour définir l'humain, il faut en effet se situer en dehors de l'humanité, c'est à dire en faire appel à la nature animale ou à la nature spirituelle. Et si j'appartiens bien moi aussi à l'espèce humaine, je projetterai une vision de l'humain respectivement en tant qu'animal parmi les autres, ou en tant que création d'origine spirituelle. Les deux méthodes envisagées ici pourraient être renvoyées dos à dos, puisqu'elles pourraient être suivies par quiconque se prétendrait philosophe, et que ces deux conceptions s'opposeront toujours en dernière instance. L'humain comme partie quelconque d'un ensemble ou l'humain comme une sorte de privilégié? Ainsi, en l'absence de définition claire, et sans référence au passé, la nature humaine ne saurait qu'être une expression vide de sens, pouvant nous mener à de nouvelles atrocités, tandis que la dignité, consistant à traiter un être vivant de façon conforme à sa nature, deviendrait également un concept caduc et instrumentalisable à volonté.

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Invité nietzsche.junior
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il y a

une autre option ... pour définir l humain , considerer que le concept de nature humaine est une illusion , typiquement occidental ...

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Invité Quasi-Modo
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Il n'y a pas d'humanisme sans vision de l'Homme. Je n'ai rien contre la philanthropie, c'est même une qualité que j'apprécie et que je pratique, mais elle n'a aucune valeur politique, seulement une valeur pragmatique dans le quotidien. En occident, le droit est pensé à partir de l'exception, la nature humaine n'est pas considérée comme rigide mais comme s'inscrivant dans une perspective historique de libération. Par exemple, au début l'Homme était considéré comme l'ensemble des citoyens libres et hommes (excluant donc les esclaves et les femmes). Puis il y eût l'abolition de l'esclavage et le féminisme. Le concept d'Homme s'est élargi par des luttes au nom de la dignité humaine qui font aujourd'hui l'unanimité.

C'est pourquoi nous avons le concept de désobéissance civile, mais aussi la sagesse des juges d'instruction, comme une ouverture à l'exception dans le droit.

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Invité Gaetch
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Invité Gaetch
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Moi la définition 2 m'a toujours fait sourire. Quand on dit "faire preuve d'humanité", c'est sous-entendu "ne pas se comporter comme n'importe quel autre animal". Et pourtant l'Homme doit être l'un des seuls animaux (je pense) à faire preuve de cruauté et de méchanceté gratuite. Enfin bref cette définition est sensée rappeler les sentiments les plus nobles de l'humain, et paradoxalement elle peut très bien convenir pour parler de ses penchants les plus sombres.

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Invité Magus
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Invité Magus
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Bonjour,

L'humanisme, mettant l'homme et les valeurs humaines au-dessus des autres valeurs, recouvre par définition les deux aspects expliqués titrés dans sujet, mais pas leur explication. La première "position", dans son résumé, n'est pas excluante de la seconde puisqu'une valorisation de l'humain passe notoirement par l'éducation.

En revanche, je ne suis pas du tout d'accord avec l'explication du premier point qui découle d'une vision quelque peu linéaire de l'histoire - résumée ici :

En occident, le droit est pensé à partir de l'exception, la nature humaine n'est pas considérée comme rigide mais comme s'inscrivant dans une perspective historique de libération. Par exemple, au début l'Homme était considéré comme l'ensemble des citoyens libres et hommes (excluant donc les esclaves et les femmes). Puis il y eût l'abolition de l'esclavage et le féminisme. Le concept d'Homme s'est élargi par des luttes au nom de la dignité humaine qui font aujourd'hui l'unanimité.

Or, nous savons que l'esclavage semble avoir été ignoré des sociétés primitives de chasseurs et de cueilleurs.

Par ailleurs, la notion d'esclavage est aussi à nuancer dans le temps et dans l'espace. Il ne faut pas lire cette notion avec nos conceptions actuelles. L'esclavage revêtaient alors un caractère plus ethnique. Ainsi, pour reprendre le mot d'Euripide : les Grecs ne sont ni esclaves, ni sujets de personne. Dès l'antiquité, donc, - époque que semble évoquer l'exclusion des femmes et des esclaves à la citoyenneté - une autre société comme "Rome", passant de monarchie à république puis empire, avait une conception bien différente de l'esclavage. Etaient réduits à l'esclavage : l'étranger acheté sur un marché, le conquis, le surendetté, plus rarement l'"ostracisé" (pour atteinte à la de sacrosainteté, par exemple). Le distingo social est parfois trompeur : un citoyen modeste, ou sous décision de justice, travaillant aux mines n'avaient absolument rien à envier par rapport à l'esclave d'une gens moyenne, encore moins si la gens était aisée. De la même façon, les esclaves et affranchis impériaux représentaient une classe bien plus privilégiée, presque aristocratique, que la plebs media et, il va sans dire, que la plebs humilis, c'est-à-dire, finalement, de la majeure partie de la population romaine.

Autre point, pour contrevenir à cette idée flottante dans le propos que la femme antique était systématiquement exclue de la citoyenneté, on pourrait prendre la situation du peuple étrusque (Italie pré-romaine) : la séparation sociale ne se faisaient qu'entre esclaves et maîtres. Les femmes disposaient des mêmes droits que les hommes et transmettaient même leur nom de famille et leur patrimoine à leurs enfants.

Par là, j'entends faire comprendre qu'il faut se méfier des lois en histoire. Elles conduisent à un certain déterminisme d'ailleurs. Surtout, la conception d'une "histoire-progrès" ferait entendre que les peuples qui nous ont précédé seraient socialement moins avancés, eu égard les libertés, que nos sociétés modernes : ce qui n'est pas leur rendre grâce et se révèle tout à fait inexact puisque reposant sur une seule lecture, moderne elle, de la notion de privation de liberté (=entendue comme définitive et socialement dévalorisée). D'autant que, pour autant que ayons obtenus nos libertés fondamentales et les perpétrons depuis quelques révolutions (de 1789 à 1848 mettons), il n'est pas exclu que nous puissions les perdre, comme nous le rappela l'occupation allemande.

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Invité Quasi-Modo
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Bonjour Magus,

L'humanisme, mettant l'homme et les valeurs humaines au-dessus des autres valeurs, recouvre par définition les deux aspects expliqués titrés dans sujet, mais pas leur explication. La première "position", dans son résumé, n'est pas excluante de la seconde puisqu'une valorisation de l'humain passe notoirement par l'éducation.

Effectivement, je suis également persuadé du rôle crucial de l'éducation, mais à partir du moment où un pays, et notamment la France, mise sur l'éducation pour transmettre les valeurs citoyennes et former ses élites, il ne faut pas se leurrer sur le fait que ces valeurs éducatives seront empruntées à notre culture et donc à l'Histoire de la société considérée, société elle même délimitée concrètement par un territoire et une frontière. Toute conception normative, fût-elle notre socle commun et républicain, exclut donc le sans-frontiérisme dans son sens le plus pur. Il est vrai que l'humanisme peut se situer entre ces deux extrêmes et c'est souvent le cas, c'est à dire entre l'exigence la plus sévère, l'éducation la plus normative, et le laxisme/relativisme le plus cynique.

L'humanisme sans-frontiériste (ainsi que toute notion de loi historique apodictique) me semble toutefois être un humanisme extrémiste se situant donc à cette extrémité constituée de laxisme/relativisme et donc finalement, individualisme, libéralisme et domination par les capitaux. Le sans-frontiérisme devrait mener à une vision universelle et valable partout et pour tous, ce qui ne pourrait se faire qu'avec une vision partielle mais considérée comme absolue, ou alors dans le déni de toute identité. Il signerait théoriquement la fin de l'Histoire ou une nation de libre-service. C'est un oubli de tout ce que l'Histoire nous enseigne, elle qui se doit d'être toujours nouvelle, ce qui est précisément ce que n'avaient pas compris les systèmes totalitaires du XXe siècle, ou alors un rejet du ciment et donc de la cohésion de toute civilisation, à savoir les valeurs, ce qui mène tôt ou tard à la guerre civile, puisque sans valeurs il n'y a plus que des rapports de force.

Gaetch a raison lorsqu'il souligne que l'universel est un concept très noble, mais également très dangereux. Mais il ne faut pas confondre universel et sans-frontiérisme. Si le sans-frontiérisme est farouchement universaliste, l'universalisme n'est pas toujours sans frontiériste. Le premier consiste à généraliser sur une réalité humaine communément partagée, dans la lucidité au sujet de l'origine culturelle à laquelle le prosateur appartient. L'universel lucide suppose toujours la pleine conscience de ses origines et donc de son domaine d'application. Le sans-frontiérisme est un universalisme orgueilleux et dupe de lui-même. On aura beau proclamer l'heure du multiculturalisme, il y a une réalité qui ne changera pas : on peut s'approprier une autre culture, mais on ne peut pas la capter ; il y a toujours une phase de digestion d'un aliment, sinon c'est le rejet pur et simple voire la maladie.

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