Les marchés auto-régulés

En 1983, Gérard Debreu, prix Nobel d'économie français établit que, pour des agents économiques rationnels, les conditions optimales pour le producteur aussi bien que pour le consommateur correspondent à un état qu'il nomme la concurrence pure et parfaite. Cette situation permet au consommateur de bénéficier de la concurrence. Elle se caractérise sur un marché quand cinq conditions sont remplies :

1°) Atomicité : Il doit y avoir un grand nombre d'acheteurs et un grand nombre de vendeurs.

2°) Transparence : L'information dont dispose le consommateur sur les produits disponibles doit être complète.

3°) Homogénéité : Les produits concurrents répondant au même besoin doivent se ressembler.

4°) Mobilité : Les entreprises doivent pouvoir se déplacer librement.

5°) Fluidité : Il doit être possible de sortir ou rentrer facilement sur le marché.

Voyons à présent en quoi ces conditions ne sont presque plus remplies aujourd'hui, alors que les droits du consommateur diminuent de mois en mois. L'époque où "le client est roi" est désormais révolue.

1°) Atomicité : L'enrichissement rapide des entreprises les plus concurrentielles, par le biais des capitaux, rendus aux actionnaires sous forme de dividendes juteuses crée des situations de monopoles (p.ex. Microsoft) ou d'oligopoles, c'est à dire d'ententes officieuses entre les concurrents peu nombreux pour fixer les prix.

2°) Transparence : Le produit se vend désormais grâce à son image publicitaire qui essaye de forcer la pulsion d'achat. Sur certains produits, les caractéristiques techniques sont telles que le consommateur ignore fondamentalement ce qu'il achète. Il faudrait également beaucoup de temps pour comparer les différents produits, mais qui peut prétendre le faire systématiquement?

3°) Homogénéité : Beaucoup d'entreprises différencient leurs produits pour fidéliser leur clientèle en favorisant l'innovation. Cette situation peut même mener à un nouveau marché conduisant à un monopole. On pensera par exemple aux trois grands opérateurs (Bouygues, SFR, Orange) qui ajoutent des détails mesquins qui mettent le consommateur dans l'embarras ou font des offres si différenciées qu'il ne peut être évident de choisir.

4°) Mobilité : La mobilité à l'heure de la mondialisation ouvre la concurrence à tous les vents ce qui se traduit par des délocalisations afin d'obtenir une production à moindres coûts.

5°) Fluidité : Difficile de se faire une place, sauf à vouloir se suicider, sur un marché qui se partage entre des géants multinationaux ayant le monopole où constituant une oligopole. De plus, une nouvelle entreprise sur le marché doit nécessairement augmenter sa production au niveau de ses concurrents si elle souhaite s'imposer, ce qui provoque une saturation du marché. Enfin, l'accès aux circuits de distribution privilégiés que sont aujourd'hui les grandes surfaces se heurte à de nombreux obstacles administratifs, juridiques, etc... ce qui limite les opportunités pour le consommateur.

Pourtant il suffirait de faire appliquer rigoureusement les lois sur la libre concurrence stipulées dans le Livre IV du code du commerce, notamment les lois anti-trust.