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On est potentiellement au même niveau de menace terroriste qu'en 1995


Aaltar

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Membre, Con de Sysiphe, 49ans Posté(e)
Aaltar Membre 11 523 messages
49ans‚ Con de Sysiphe,
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Interview du 21 septembre 2010

Jean-Louis Bruguière : "On est potentiellement au même niveau de menace terroriste qu'en 1995"

Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Jean-Louis Bruguière.

Jean-Louis Bruguière : Bonjour.

Vous connaissez les réseaux terroristes et leur mode d'action, puisque vous les avez combattus pendant trente ans dans votre fonction de magistrat chargé de la lutte anti-terroriste. Et vous continuez à suivre leurs activités aujourd'hui, puisque vous êtes le représentant de l'Europe aux Etats-Unis pour la lutte contre le financement du terrorisme. Pourquoi la France est-elle confrontée, aujourd'hui, à une recrudescence de la menace terroriste ?

Je crois que ce n'est pas nouveau ; je crois que c'est important de savoir qu'on est dans un continuum, dans une continuité. Sans revenir au début du GIA des années 90 avec le détournement de l'Airbus, les attentats de 1995 puis, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat qui a succédé au GIA. Aujourd'hui on a l'Aaqmi -Al Qaïda au pays du Maghreb et Islamique. De quoi s'agit-il ? Il s'agit tout simplement depuis 2007 d'une allégeance formelle qui a été faite par le GSPC à Al Qaïda central, probablement dans le Waziristan, personne ne sait encore où ils sont exactement.

C'est en fait le Pakistan, le Waziristan.

L'allégeance est réelle et elle a donc pour objectif de renforcer ce qu'était la stratégie initiale du GSPC, c'est la lutte contre la France. Je crois que le GSPC a obtenu un petit peu de Ben Laden qu'on considère la France comme aujourd'hui au même niveau de cible que les Etats-Unis, et la Grande-Bretagne ou Israël.

Mais si la menace est permanente, pourquoi le ministre de l'Intérieur et puis aussi, le patron de l'anti-terrorisme en France, ou du moins des services secrets, Bernard Squarcini, enchaînent les interviewes et les mises en garde ? Pourquoi aujourd'hui ?

Alors, je crois qu'il y a deux choses différentes. Premièrement, il y a le problème de l'élévation de la menace qui est une réalité objective, en tout cas vue par les spécialistes? tout le monde est d'accord. Et puis, il y a le problème de la communication. Alors, je crois que là aussi, il y a un changement de style puisque l'habitude n'était de ne pas communiquer jusqu'à présent, au contraire des Anglo-saxons qui communiquaient. Je crois qu'aujourd'hui les choses évoluent et je pense que la communication est une bonne chose. C'est un art difficile.

Pourquoi ?

Je vais vous dire pourquoi .

Ca sert à quoi de communiquer ?

Attendez, je vais le faire... Tout d'abord, ça nous renvoie exactement au Livre Blanc que vous connaissez bien qui, précisément, prévoit, dit expressément dans un contexte différent : il est important que les Français soient les propres acteurs de leur sécurité quand la sécurité est une action collective et qui doit nécessiter une mobilisation. Alors, la difficulté c'est qu'il faut bien, bien sûr, mettre le curseur au bon endroit. Moi, j'ai été frappé dans le cadre de mes dernières fonctions de voir à quel point, et je me dis, on va avoir un mauvais, on va prendre un mauvais coup par un élargissement extrêmement rapide du fossé entre la perception que les spécialistes du Renseignement - pas uniquement en France, même à l'étranger - ont de la menace et de la nécessité d'agir, et la très faible perception, visibilité de cette menace par l'opinion publique qui est, bien sûr, à d'autres fronts, a une importance ; ce qui fait que...

Mais là, on nous dit : "Voilà il y a peut-être une femme kamikaze qui se promène quelque part dans la société française avec... Est-ce que ça sert à quelque chose ? Peut-être ? Mais à quoi ça sert d'alerter l'opinion publique comme cela ?

Mais je crois que "si".Je vais vous dire. En dehors de toute perspective d'ordre politique, je crois qu'il est important, aujourd'hui - plus même qu'en 1995 - de sensibiliser les gens. Il ne s'agit pas de leur faire peur ; il faut leur dire : "Attention, le terrorisme, la menace c'est une réalité".

Mais pourquoi ? Pour qu'ils surveillent ? Pour qu'ils soient des auxiliaires, en quelque sorte, de l'action des autorités ?

Pour qu'ils soient vigilants... D'expérience, la vigilance est formidable. Je vous donne un exemple très concret. On a une chance, l'attentat de 1995 - donc, ce qu'on appelle le Port-Royal, qui était un attentat dans une poubelle - n'a été évité, en tout cas les incidents-conséquences que par la réaction d'un passant qui ayant vu ça, a pris l'initiative d'établir un périmètre de sécurité avant que la police arrive.

Et nous en sommes, aujourd'hui, comme en 1995...

Je crois que oui.

... Dans la même situation et le même danger ?

Je pense que oui, potentiellement oui. Mais on le voyait déjà venir, si vous voulez il y a une récurrence, une augmentation, on ne le voyait pas des menaces sur les sites web et on a la même logorrhée, les mêmes éléments ; ça dure depuis à peu près huit, neuf mois si vous voulez, c'est comme un tremblement de terre. On voit bien que ça s'accélère ; on est dans une potentialité, je ne dis pas que ça va se passer demain puisque la maison est bien tenue et qu'on a des bons services ; mais il est de fait que la potentialité est importante. Elle s'est accrue sensiblement avec l'opération du mois de juillet et l'assassinat de Michel Germaneau ; donc, on a évidemment aujourd'hui une volonté réelle de Droukdal de l'Aqmi de s'en prendre à la France et de préférence à l'intérieur de notre territoire.

Alors sept personnes, parmi lesquelles cinq Français qui travaillent notamment pour Areva, ont été enlevées au nord du Niger. Ces otages, vous savez s'ils ont été localisés ? Vous avez des informations ?

Je n'ai pas d'informations particulières bien évidemment ; mais je pense qu'on doit être dans le même scénario, c'est-à-dire que la base arrière de l'Aqmi, c'est le Mali, ce n'est pas le Niger, et surtout dans la région du côté de Kidal, le nord, ou Tombouctou. C'est là que l'Aqmi a ses bases. Elle a même renforcé sa sécurité au niveau des bases et le Mali est un pays relativement faible : peu de moyens et l'Aqmi, donc man¿uvre de toute façon, tout à fait librement.

Quel est le but des ravisseurs ? Ils veulent faire une pression sur la France ? Ils sont décidés à tuer des otages ou bien ils veulent négocier une rançon ?

Si vous voulez, il y a le problème du financement qui est un problème majeur. L'Aqmi se finance et a des fonds aujourd'hui relativement importants, deux sources de financement dont les kidnappings et les rançons dont on dit qu'elles ne sont pas payées mais on sait que certaines sont payées. Les Espagnols, je crois que c'est clairement évident.

Espagnols, fin août. Le coût, dit-on, (puisque vous enquêtez là-dessus) 7 millions d'euros, dit-on, pour libérer deux otages.

Je ne peux pas vous confirmer ça. Les chiffres...

Mais vous travaillez sur ces questions-là puisque le financement du terrorisme aujourd'hui est votre activité.

Oui, je ne travaille pas directement là-dessus ; je n'ai pas traité directement là-dessus ; mais de toute façon, je ne peux pas commenter ces chiffres. Ce qui est certain c'est que les chiffres sont assez importants globalement ; et il y a une autre source de finances dont on parle peu, c'est l'action de l'Aqmi pour sécuriser les transports de cocaïne qui sont aujourd'hui transportés directement de l'Amérique latine, dans la région du Sahel ou de l'Afrique centrale. Donc, il y a une nouvelle route et l'Aqmi sécurise entre guillemets : trafic moyennant finances, et c'est une source d'approvisionnement d'argent.

Ce n'est pas la première prise d'otages, hélas, d'ailleurs à laquelle est confrontée la France !

Non.

Des rançons ont déjà été versées dans le passé ?

Ecoutez, là-dessus, moi je ne sais pas plus que ce que vous savez, vous, en tant que journaliste...

Moi, je ne sais rien.

Vous en savez davantage puisque...

Ah non, non, non, non...

Vous faites bien votre travail.

C'est une manière un peu facile de s'échapper de la question.

Non, non pas du tout.

Dans vos fonctions, vous avez su que la France, parfois, avait payé des preneurs d'otages ?

Non, non, non ; très honnêtement je n'ai pas eu d'informations. Dieu sait si j'ai eu ... y compris pendant la période palestinienne, c'est les années 80 ; probablement, je ne peux pas l'exclure mais je n'ai pas eu d'informations particulières. Ce genre d'opération se fait discrètement, vous savez.

Oui, on l'imagine ; mais enfin, des choses peuvent se savoir aussi.Oui, non ? Ben Laden vivant ou mort ?

Je pense qu'il est vivant.

Vous pensez qu'il est vivant.

Je pense qu'il est vivant - je n'ai pas de preuves -, je pense qu'il est vivant et en tout cas, s'il est vivant, la seule chose c'est qu'il bénéficie d'une bonne protection.

Hélas nous reparlerons du terrorisme ; on en parlait ce matin avec le juge Jean-Louis Bruguière...

Vincent Parizot : ... Qui estime donc qu'on est potentiellement au même niveau de menaces qu'en 1995.

Ce n'est pas une bonne nouvelle !

Source : RTL

ou à écouter ici

Bruguière a une vision des plus pointues sur ces questions, il était intéressant de consulter son propos.

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