Comme à Hollywood, les touristes en quête de glamour peuvent suivre un tour des célébrités, dans les six villages. Karen, la cinquantaine rebondie, agrémente son discours d'anecdotes aussi colorées que le bus qu'elle conduit. Ici, la maison de Steven Spielberg, dont le toit est surmonté d'un requin car il a filmé « Les dents de la mer » sur la plage voisine. Plus loin, celle de Mike Nichols, le réalisateur du « Lauréat ». La végétation a beau cacher la demeure de Lindbergh, qui « vivait isolé », elle ne trompe pas Karen, qui connaissait son cuisinier. A Chilmark, Diana Ross séjournait dans une villa blanche à toit rouge « aussi discrète que sa Rolls en or » et Kurt Russell est longtemps venu avec Goldie Hawn. Edgartown a abrité Meg Ryan, et il se murmure que « lady Diana était sur le point d'y acheter une maison ». Quant aux falaises sauvages d'Aquinnah, qui offrent un point de vue vertigineux sur la mer, elles n'ont pas accueilli que le gardien du phare. Le clan Kennedy y a passé tous ses étés et a marqué l'île. En 1970, de retour de Chappaquiddick, Ted a raté un virage et provoqué un scandale en allant se coucher tandis que sa secrétaire se noyait. Et l'avion de John, le fils du président assassiné, s'est écrasé au large des côtes en 1999.

Qu'est-ce qui attire ce beau monde ? La pureté des couleurs, peut-être, de la roche et de l'eau, l'air limpide. Si la Floride ressemble à la Riviera, les rivages de la Nouvelle-Angleterre ont quelque chose des côtes bretonnes. A quelques mètres de la nature indomptée, les maisons proprettes sont posées sur des pelouses rases. Leurs murs, recouverts de bardeaux de cèdre, prennent en quelques mois une élégante teinte grise. Mais à Oak Bluffs, au nord, elles arborent les couleurs de l'arc-en-ciel, du rose dragée au bleu roi, en passant par le vert anis. Qui eût cru que les méthodistes, qui ont fondé ce village d'opérette il y a 174 ans, auraient tant de fantaisie ? En réalité, selon Jodie, guide du campground, les règles se sont assouplies et, avant de devenir baroques, les gingerbread houses (« maisons pain d'épice ») revêtaient l'uniforme gris de l'île. Quant à y habiter... il en coûte aujourd'hui « entre 400 000 et 500 000 dollars ». Etre méthodiste n'est plus une obligation, mais il faut « une lettre de recommandation de votre rabbin ou de votre prêtre, sans quoi on examinerait votre candidature avec circonspection ». Paradoxale « Vineyard », où de la vigne on ne tire que de la confiture et où certains villages sont restés dry, c'est-à-dire sans alcool. Pour arroser son dîner, on apporte sa bouteille au restaurant, ou l'on roule jusqu'aux villes wet, Edgartown ou... Oak Bluffs !

Rien de tel à Nantucket, où les restaurants servent les meilleurs vins. Plus petite que « The Vineyard », l'île ne comprend qu'un village et ici, point de people. La fine fleur de la côte Est, en polo Ralph Lauren, s'y promène dans les rues pavées qui portent l'héritage des grandes familles fondatrices. Un certain R. H. Macy, quaker, y possédait un magasin avant d'ouvrir, en 1858, une boutique de vêtements pour hommes à New York, qui allait devenir le gigantesque Macy's. Là aussi, les villas victoriennes à colonnades, et les « boîtes à sel », ces maisons aux toits asymétriques, se parent de couleurs coquettes, mais strictement réglementées : jaune pâle, blanc, bleu ciel, rouge brique, beige, taupe, vert foncé et gris. Elles témoignent des fortunes établies au XIXe siècle, grâce à la graisse de baleine.