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AUBE, la saga de l'Europe - le Feuilleton

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Marc Galan

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Marc Galan Membre 421 messages
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Les nouveau-venus arrivèrent aux lourds véhicules. Kleworegs proposa à leur admiration ce qu'il ¿ Pewortor fronça les sourcils ¿ ce que les forgerons de sa troupe, sous les ordres et sur l'initiative de leur rusé patriarche, avaient intercepté au cours du dernier raid.

Ils étaient bâchés et clos de lourds battants de cuir. Pewortor mit un point d'honneur à dénouer lui-même les lacets fermant les portes de celui aux plus merveilleux trésors. Il écarta avec affectation l'un des panneaux, imité en tous points : gestes, attitudes, mimiques, par son compagnon Egnibhertor, chargé de l'autre.

Les rayons du soleil se ruèrent sous la bâche, faisant briller et resplendir de mille feux le miroir de bronze tout devant, juste à l'entrée. Réfractés par la surface plane et polie avec soin, ils frappèrent les yeux du patrouilleur. Il grimaça, l'air niais. Comment ces rais pouvaient-ils jaillir du butin ? Il se passait la main devant les yeux, à la fois de surprise incrédule (« Se seraient-ils emparé d'un morceau du soleil ? » ) et pour se les protéger. Pewortor sortit le flan de métal brillant et le lui présenta. Il eut sa deuxième surprise, moins saisissante, aussi spectaculaire. Un visage (le sien, il se touchait du doigt le bout du nez et la scène se reproduisait à l'identique) apparaissait à la surface du disque de bronze. Il s'était parfois miré dans l'eau calme des étangs, et y avait vu ses traits, bien plus flous, plus imprécis. Cet objet, créé de main d'homme (« de main d'homme ? » ), lui renvoyait plus que son image, son double.

¿ Et ce n'est pas comme l'eau dormante, qu'un souffle de vent ou un caillou lancé par un polisson, tout frétillant à l'idée de t'éclabousser et sûr que tu ne pourras le rattraper pour le talocher, trouble jusqu'à effacer tes traits. Ne souffle pas dessus, c'est tout... et même... ils réapparaîtront plus vite et mieux que sur l'eau calmée.

Fasciné, il continua à regarder le bijou de métal poli. Ses doigts étaient graisseux d'un récent repas. Pewortor grimaça, dégoûté. Il devrait le frotter à user son chiffon pour lui rendre son lustre. Cette corvée avait son bon côté. Il en profiterait, juste compensation, pour étudier une fois encore son bronze si clair.

Le patrouilleur leva la tête.

¿ Tu me dis que ça vient des Muets. Te moques-tu ? Ce sont des bêtes. Comment pourraient-ils ouvrer un objet aussi splendide ?

¿ Je l'ai pris chez eux, pas à eux. Attends : ce que je t'ai montré à l'instant, que tu as tant admiré, est un de nos moindres trésors. Repose-le à sa place... Là, oui, sur l'étoffe, et regarde.

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Marc Galan Membre 421 messages
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C'était des tissus d'une matière inconnue, brillante, souple et légère, des bijoux de fils d'or ténus comme ceux de ces araignées que la brise emporte, des pierres rares, porte-bonheur ou contrepoisons. Le sang du grenat côtoyait le bleu-vert des turquoises des monts lointains ; les onyx, les opales, se répondaient en une chatoyante symphonie. Il vit une carapace de tortue griffée de signes, des cylindres gravés, en légers creux, d'animaux fantastiques, quelques poignards d'obsidienne et de silex. Les lames en étaient fines à couper la feuille qui, portée par le vent, tomberait sur leur fil. Il négligea les nombreux lingots feu ou d'un gris terne. Par droit de prise et selon la tradition d'Aryana, c'était la part des forgerons. Rien qu'avec ces saumons de métal, Pewortor pouvait ré équiper la totalité de sa troupe, de l'adolescent tout juste en âge de se battre au vieillard qui veut mourir en un ultime combat, en nouvelles armes encore meilleures.

L'admiration des arrivants ¿ ils ne se lassaient pas de pousser des oh ! et des ah ! stupéfaits, sans pouvoir rassasier leurs regards d'autant de beautés ¿ le secoua. Leur attitude appuyait son rêve. Il accomplirait les paroles de la prophétesse. Son destin n'était pas de rester un petit chef d'un riche, mais petit wiks. Il devait frapper un grand coup.

¿ Maintenant, voyez le plus beau, la pièce maîtresse du butin : le k'rawal, comme ils l'appelaient.

D'autorité, bousculant Pewortor, il pénétra au fond du chariot. C'était à lui de leur montrer la merveille de son butin.

Elle était dans un coffret, taillé d'une seule pièce dans un bois au parfum prenant à la gorge. Des griffures aux motifs répétés, en forme de croix inclinée, le couvraient de tous côtés. Aux bouts de chaque branche en naissait une nouvelle, plus courte, à angle droit. Chacune rejoignait la suivante en une ronde sans fin. Leur abondance était signe d'une protection magique.

Il était fermé d'une planchette du même bois, pyrogravée en creux d'une seule grande croix identique. Elle coulissait dans les rainures de la boite, découvrant, sur un tissu de grand prix, ce que lui, son bhlaghmen et les forgerons qui s'en étaient emparé, avaient été les seuls à contempler jusqu'alors.

Il s'apprêtait à faire glisser le couvercle. Il suspendit son geste. Il ne serait pas assez solennel. Il appela son prêtre. Mieux valait que ce soit lui qui l'accomplisse. Son intervention rendrait plus sacrée encore l'ostension. Elle lui assurerait un surcroît d'ascendant et de prestige. Elle conférerait à l'objet l'aura d'un don divin. Il hésita un instant. Si cette pièce, dont il était si fier, était commune ailleurs en Aryana ? Il aurait bonne mine ! Il courrait ce risque. Il devait impressionner ceux de Kerdarya. Alors, ils rapporteraient partout combien Kleworegs aux beaux butins, fort au combat, n'était pas moins respectueux des dieux et de leurs prêtres, et avait leur soutien.

L'orant prit le coffret.

¿ Admirez combien Bhagos le distributeur, Thonros le guerrier, et toutes les puissances, favorisent le pieux Kleworegs et son clan !

Et il fit glisser le couvercle.

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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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Des cris d'admiration s'élevèrent. Même les guerriers trop éloignés pour voir l'objet que le prêtre venait de dévoiler y allèrent de leurs louanges. Les patrouilleurs écarquillèrent les yeux. Leur chef resta bouche bée un long moment.

Il se tourna vers Pewortor. Son ton était empreint d'une rare émotion.

¿ E, neres kerd, c¿ur de noble... car si Thonros t'a inspiré de t'emparer de ce chariot avec cet inestimable trésor, c'est qu'il avait vu ta nature de guerrier sous ton indigne défroque de forgeron et su reconnaître, dans sa sagesse, que tu étais né pour le prier, sois béni et remercié pour ton don précieux et sacré à Aryana !

Pewortor se rengorgea. Ner. Un chef-patrouilleur, représentant l'instance suprême de la seconde caste, le conseil des hauts rois de guerre, l'avait salué et reconnu comme ner, et pris en compte sa revendication implicite. C'était à cause du joyau dans le coffret, mais il devait y avoir d'autres raisons cachées. Trop heureux, il ne chercherait pas, pour le moment, à les approfondir. Kleworegs devrait entériner son entrée parmi ceux de la deuxième fonction. Il n'aurait pas à marchander cette élévation, présentée comme une faveur, contre les dieux savent quelles compromissions. Il était ner, ner de plein droit. Nul ne pouvait plus le lui contester. Malgré l'attitude peu amène du chef patrouilleur, la revendication de son rôle dans la capture du joyau n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd.

Il s'attendait, en dépit de la qualité de celui qui l'avait en passant proclamé ner, à un concert de protestations, par bonheur vaines, de ses nouveaux égaux. Il y eut quelques regards ébahis. Des visages témoignèrent d'une interrogation muette, d'un vague dégoût. Ce fut tout. Dans l'enthousiasme général, sa promotion passa sans trop de peine. Seuls les prêtres marquèrent leur désapprobation¿ L'affaire ne concernait que les guerriers. Hors le persuader de renoncer à son élévation, ils étaient impuissants.

Leur colère rentrée ne le toucha guère. Il se repassait ce nom dont on l'avait salué. Il ne cessait de lui trouver de nouveaux charmes. Il avait, depuis qu'il l'avait entendu et compris, rêvé qu'il s'appliquerait à lui. C'était arrivé. Il se caressa la barbe, cuivre piqueté d'étain. Dire qu'il avait attendu d'être un ancien du clan pour que son ambition insensée se réalise.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Insensée, oui ! Il avait beau y être arrivé, il avait perdu le sens pour avoir, si longtemps, cru y accéder par ses seules vertus. Il avait fallu un hasard inouï. Kleworegs arborait un air furieux. Pourquoi ? (Il l'apprendrait plus tard : Il comptait l'élever à ce rang tombé du ciel contre les secrets du métal. Pas étonnant qu'il soit sombre ! Cette initiative intempestive sapait à la base ses projets). Bhagos, par la bouche de ce patrouilleur, le lui conférait quand il avait toujours espéré le recevoir de Thonros.

(« Restons tout à notre joie, ne pensons à rien. C'était tramé depuis le premier ciel rouge. » )

Ner. » ) A l'oreille, il n'y avait ¿ il en fut presque déçu, surtout choqué ¿, qu'une différence assez minime entre ce ner respectueux dont on l'honorait enfin et le familier wiro dont on l'avait toujours salué. Qu'importe ! Au c¿ur, la musique en était tout autre ! Le sien n'allait-il pas éclater ? C'était indéfinissable... Ce qu'éprouvent les malheureux longtemps privés de nourriture et de boisson quand une personne compatissante, mais ignorante, leur verse le contenu d'une outre entière entre les dents ou les gave de viandes riches et grasses. C'était une irruption de plaisir, forte, violente. éa arrivait, impétueux comme fleuve en crue brisant les dérisoires retenues bâties par l'homme ou les bièvres. Dans l'ivresse de sa joie, dans son trop-plein de bonheur, qu'importait le sort de ses anciens frères de caste ? Oubliées ses éternelles revendications en faveur des siens !

Son élévation était-elle prémices de l'ascension de tous ceux de sa fonction, ou cette joie n'appartenait-elle qu'à lui ? La question n'était, alors, pas de mise. S'il ne concernait que lui, son honneur rejaillissait eux tous. Tout forgeron devait s'en réjouir. Chercher plus loin eût été argutie ou insulte.

Guerrier ! Pewortor nageait dans l'allégresse de sa haute promotion et flottait sur le nuage du plaisir né de son nouveau statut. Le patrouilleur, voix du conseil des rois à Kerdarya, sanctuaire et lieu le plus sacré d'Aryana, l'avait déjà oublié. Passant aux choses importantes, il s'était tourné vers Kleworegs et son premier prêtre.

¿ E, bhlaghmen, e, reg, pour avoir mené ce raid cent fois béni, où votre guerrier s'est emparé d'un signe si favorable ¿ le Signe annoncé, à n'en guère douter ¿ les dieux vous ont en grande amitié et soutien. Ta piété, prêtre, doit être bien grande, le fumet de tes sacrifices bien enivrant et de parfaite senteur, pour que les puissances divines en aient gratifié ton clan...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Quant à toi, roi, les dieux t'ont favorisé d'avoir des guerriers aussi forts et aussi avisés. Sitôt remis en route, narre-nous l'histoire de ce splendide butin. Tu raccourciras notre chemin. J'aimerais aussi entendre ton guerrier nous conter la prise du joyau dans le coffret. Celui qui a ôté aux ennemis un trésor digne des héros doit décrire, avec ses mots, son haut-fait. Mon homme le plus rapide va partir sans délai pour Kerdarya. Il y annoncera ton exploit. Il y parlera de ta trouvaille¿ Sans doute le Signe prophétisé par le premier devin à l'entrée de la saison chaude. J'en envoie un autre à ton wiks. Il leur fera connaître ton prochain retour. Il leur dira de préparer ton arrivée avec tout le faste qui convient à un roi tel que toi. Nerswekwos s'y est fait des amies. Il sera ravi de nous précéder.

Kleworegs grimaça. Le patrouilleur en prenait trop à son aise. En saluant Pewortor du titre de ner, il avait ruiné ses plans. Maintenant, il décidait comment son clan célébrerait son retour. Il en oublia, de colère, de s'enquérir de la prophétie.

¿ C'est ça, très bien, ça me convient tout à fait. Je vais lui confier mon bâton de commandement, pour qu'on le prenne au sérieux (« et toc » ), et lui donner mes ordres (« et re-toc » ) pour qu'il fasse préparer une grande fête.

Il ne releva pas.

¿ Oui, c'est ça, une grande, grande fête ! Invite aussi de nombreux reges et domunos voisins. Vous aurez tant de merveilles à troquer, et la pièce maîtresse du butin à exposer... Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau.

¿ Je voudrais me reposer un peu, avant d'arriver chez moi.

¿ Droit devant nous, il y a un village qui fera l'affaire. De combien as-tu besoin ?

¿ Disons... deux, trois jours. Et on y arrive quand ?

¿ é ciel rouge... Oui, sans peine.

¿ Parfait, ça me va ! Nous prendrons, si tu veux bien, deux jours et trois nuits de repos. Pense à le signaler au messager pour qu'on sache quand j'arrive.

¿ D'accord, je le lui dirai.

¿ Bien... Bhebhroussunou, donne aux deux gars qui partent une bonne charge de venaison, à s'en faire péter le ventre ! Et change leurs chevaux contre deux bêtes fraîches ! Nous allons nous mettre en route.

Il ne verrait pas Kleworegs arriver à son village, sa prochaine halte. Les collines du puy aux aulnes se profilaient, à moins de trois pas de Sawel. Sitôt arrivé, il s'installerait pour observer les anciens champs fouillés par les sangliers avides de racines. Bhagos aidant, il n'attendrait pas longtemps avant d'apercevoir un beau solitaire.

Cette perspective lui mit du c¿ur au ventre. Il pressa le pas, sifflotant.

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Marc Galan Membre 421 messages
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PRISES DE RISQUE

Le chef de patrouille, de curiosité insatisfaite, tapotait la crinière de sa bête. Kleworegs éludait toutes ses questions sans se priver, en revanche, de l'en saouler, et assez habile pour avoir les réponses. Il prenait son mal en patience. Bien des rois se taisent sur leurs exploits dans l'attente d'un large auditoire. La prochaine halte était assez peuplée, quoique pauvre. Pourvu qu'il estime son public suffisant. Pour le nombre, sans doute. Pour la qualité... ? Non. Ils aiment à parler devant les foules, qu'importe leur valeur. Ce soir, sa curiosité serait apaisée.

En attendant, il s'enquérait de tout, hormis la prophétie. Après s'être préoccupé d'Aryana, il revint à son village. Comment se portait sa femme ? Que voulait-il ? Sans doute des nouvelles de sa grossesse, ou savoir si un fils lui était né. Sa question n'avait sinon aucun sens.

Il rassembla ses souvenirs. Un de ses vieillards, avec une énorme loupe sur la tête « Ah ! Je vois qui c'est. Il est au courant de tout ! » lui en avait parlé. L'épouse de son roi le rendrait très bientôt père. La plupart des femmes restaient chez elles, encore enceintes ou à peine accouchées. Les matrones allaient, affairées, de foyer en foyer. Seules quelques jeunes mères promenaient leurs bébés accrochés à leur dos.

¿ Depuis que je suis roi, je n'ai pas lieu de me plaindre. Nous avons beaucoup d'enfants, futurs prêtres érudits, guerriers invincibles, paysans forts et sains ou femmes fécondes qui nous donneront des fils. Presque tous survivent. Nous n'avons jamais dû en exposer faute de quoi manger.

¿ C'est vrai ?

¿ Oh, deux ou trois fois, nous avons failli. Des femmes n'avaient pas de lait et ne trouvaient pas de nourrice. éa s'est toujours arrangé, je crois. C'était chez les wiroi... Si tu veux, tu demanderas au prêtre.

¿ Tant mieux, mais, dis-moi...

¿ Tu m'as dit que les autres clans n'avaient fait que peu de raids, tous sans gloire ni succès. N'est-ce qu'ici, ou partout ?

¿ Ailleurs, je ne sais pas. Mais depuis un lustre, au moins, les raids ne rapportent plus guère nulle part.

¿ Hein ! Comment est-ce possible ?

¿ Beaucoup de rois ont perdu le feu sacré. Ils ne pensent plus qu'à leur bétail et à leurs femmes. J'en ai vu beaucoup. Tu es un des rares à oser partir aussi loin et aussi longtemps. Il est juste que Thonros et Bhagos t'aient récompensé. Le dieu du courage sourit à l'audacieux, lui offrant foule d'ennemis à écraser. Le Distributeur lui accorde un butin superbe et digne d'un chant.

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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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¿ Oui, je me bats bien. J'ai mes raisons. éa remonte à mon enfance. é l'époque, mon père était roi. Chaque année, il partait à la tête d'un tout petit groupe, et revenait peu après avec quelques ballots de peaux de bièvres et de rares captifs pouilleux. Les enfants sont cruels envers la faiblesse et le malheur, mais nous n'osions, tant ils étaient pitoyables, accabler de quolibets ces malheureux. Les guerriers talochent ceux qui jettent boue et cailloux sur les vaincus accablés. Tu peux penser que cette crainte nous retenait. Détrompe-toi. Nous trouvions dérisoire de nous en moquer. Déjà nous avions honte, bien plus que pour eux, pour ceux qui les avaient pris...

... Malgré ses raids minables, il était très bon guerrier. Il entraînait ses hommes avec zèle, patience et efficacité. Tous ses élèves se battaient comme s'ils avaient été initiés aux armes par les compagnons de Thonros, voire Thonros lui-même. Il en faisait d'excellents combattants. La qualité de mes vétérans, formés par lui, le prouve. é chaque tournoi opposant les wikos à l'entour, nous étions, à armes égales, toujours vainqueurs.

¿ Alors, de quoi te plains-tu ?

¿ Je te l'ai dit, pourtant... Si tu as bien écouté mes derniers mots...

¿ Attends... Tes derniers mots ? « Toujours vainqueurs », ça ne doit pas être ça. « é armes égales », peut-être ? Oui, le vice, c'est dans : « é armes égales ». J'ai pas raison ?

¿ Oui. Je t'explique. Nous avons deux genres de tournois, sans compter ceux qui font s'affronter les futurs guerriers, à mains nues ou avec des armes en bois. C'est eux que j'ai le plus de plaisir à regarder. Là, tout dépend de l'habileté. Ils durent et ne cessent que lorsqu'un adversaire a désarmé l'autre. On les dit de simples danses, mais ceux qui y excellent sauvent leur vie là où les autres périssent ou subissent les pires blessures. Pourquoi crois-tu que je suis encore là après treize campagnes ! ... Parlons des vrais tournois. L'un oppose des guerriers armés de lames tirées au sort ; l'autre des clans équipés des leurs, choisies en vue de ces assauts...

... Dans le premier, on se bat pour la beauté du geste et l'admiration des spectateurs. Ils sont tout prêts à acclamer les meilleurs, d'où qu'ils viennent. Chaque arme est marquée au signe d'un clan. On attache à leur poignée une longue lanière de cuir, puis on les dissimule sous une épaisse couche de paille. Chacun tire sur la lanière choisie, sans savoir sur quoi il va tomber. Bhagos lui donne, selon son humeur, un beau glaive dur et sonore, une arme aux qualités et faiblesses égales, ou un infâme morceau de métal mou et mal ouvré...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Le Borgne ne marquait pour notre clan ni sympathie, ni antipathie sensible. La majorité des nôtres héritait d'armes moyennes, dont les facteurs n'auraient eu ni à rougir, ni à montrer une particulière fierté. Si certains touchaient des glaives ne valant guère mieux que ceux des danses, d'autres, en revanche, en recevaient de beaux, lourds et solides à souhait. Le tout s'équilibrait, ce qui était juste. Nous étions de bons guerriers, mais sans rien pour alerter les dieux...

... é ce stade, nous ne nous en tirions pas trop mal, voire mieux que ça. Ceux qui avaient reçu en partage des rogatons ne cédaient qu'après un combat acharné. é défaut de leur valoir la victoire dans ces luttes où les meilleurs se mesurent aux meilleurs, cette résistance leur assurait l'admiration. Leurs lames brisées sous le choc d'un noble bronze, les dieux contre eux, ils cédaient sans déshonneur. Ceux qui se battaient à armes égales gagnaient souvent. Je ne te parle pas des favorisés. Ces duels devenaient des formalités presque ennuyeuses. Sauf à tomber sur des colosses aussi bien armés qu'eux, il leur était plus facile de vaincre que de voler un gâteau de miel à un enfant¿ et aussi peu gratifiant. Reste que c'était des victoires. é l'issue de ces duels, nous étions dans le groupe de tête, voire en tête, du tournoi. Nous nous réjouissions et nous exultions... plus pour longtemps...

... Venait le vrai combat, qui désigne le triomphateur et lui assure, outre un grand renom, les biens des perdants. Si, jusque là, chacun a lutté pour l'honneur et la gloire, l'on se bat ici, clan contre clan, pour le butin ou, si l'on ne peut vaincre, pour que le vainqueur, devant votre courage, en distraie quelques beaux coursiers pour vous honorer. é l'issue de chaque tournoi il en est ainsi. Celui-ci ¿ le village le plus riche et donc le mieux équipé ¿ reçoit la totalité des mises et le devient encore plus. Si l'on a mis une limite aux enjeux pour permettre à tous, même les plus pauvres, de se mesurer, ce système reste à l'image de la vie. Il favorise les plus puissants au détriment des plus faibles et des moins nantis...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Là commençait la catastrophe, l'horreur, tout ce qu'il te plaira d'imaginer de triste et de sordide. Nous n'avions que des armes de cuivre pur, molles, flexibles, que le choc de l'airain suffisait à plier, voire à briser. On avait dit à mon père qu'il s'obtient en mélangeant l'étain qui se raye de l'ongle au métal rouge. Son bon gros sens lui avait soufflé que c'était impossible ¿ impossible, avec l'aide des dieux ! ? ¿ L'adjonction au cuivre rouge du tendre métal blanc ne pouvait donner l'airain puissant et sonore. Il en avait, cent fois, refusé à notre forgeron le moindre morceau. Il ne servirait pas à faire le bronze, mais à préparer des maléfices dont souffriraient les guerriers. Voilà pourquoi, face à tous les autres clans dont les armuriers, pourtant, n'avaient pas la science du nôtre, nous étions si mal équipés...

... Tout à la fin de sa vie, il avait admis, du bout des lèvres, la nécessité d'ajouter un métal au cuivre pour le transformer en bronze invincible. Il n'arrivait toujours pas à comprendre que ce soit l'étain. Notre forgeron essayait de le convaincre. Il jurait, par les jumeaux du serment et du châtiment du parjure, en avoir besoin pour de bons glaives. Il céda, à contrec¿ur. Il lui fournit, je ne sais comment vu nos ressources et son avarice, deux ou trois minuscules lingots de métal gris, vieux reste de butin... Trop peu, trop petits... Il ne put rien en faire...

... Ce qui est sûr, et m'a marqué dès que j'ai eu l'âge de comprendre la dignité de notre fonction, c'est qu'au moment des joutes finales, où chacun se bat avec ses armes rescapées des engagements précédents, les nôtres, brillants le premier jour, échouaient et s'inclinaient dès le début. Oh, leur défaite n'était pas lamentable ! ... Loin de là, même ¿ on admirait leur courage et leur opiniâtreté ¿, mais rapide et inéluctable... Comment vaincre lorsque à l'issue des duels nous récupérions nos glaives émoussés, ébréchés, tordus, rompus ? Ni c¿ur ni force ne nous évitaient la déroute. Nous perdions toujours face à nos adversaires encore bien armés. Nous étions, à côté, à mains nues...

... L'échec succédant à l'échec, chaque saison nous voyait plus pauvres. Sans la générosité des vainqueurs, hommage à nos beaux combats, notre clan eût disparu. Je désespérais d'y obvier jamais. J'allais m'exiler. Mon père mourut... Un glaive de bronze n'assure pas toujours la victoire sur un couple de mange-miel, surtout quand le mâle est ivre de venger les blessures de sa femelle. Affronter deux de ces monstres au pelage et à la peau épais avec une lame de cuivre, c'est du suicide...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Il fut mis en terre, puni par les dieux pour son mépris du bronze. Je lui succédai...

... Les feuilles rougissaient¿ Une main de lunes à ronger mon frein. Je n'avais aucun projet bien défini ¿ Sa mort (Il était bâti pour voir les petits-enfants de ses petits-enfants.) m'avait surpris ¿, qu'une certitude : Tout plutôt que la médiocrité souffreteuse où nous avions croupi sous lui. Nous avions trop pâti de ses demi-mesures, de son faux bon sens, de son refus de l'avenir. Comment supporter d'avoir les meilleurs guerriers et de les voir subir défaite sur défaite aux jeux, faute de beaux bronzes ? ...

... é peine acclamé roi, je pris les choses en main. J'étais né « Roi de gloire ». J'honorerais ce nom reçu des dieux. Je ne rendis chez ceux du métal...

... J'arrivai chez Punesnizdos le forgeron. Le père de Pewortor ne ressemblait pas à son fils. Il était lourd et maussade. On eût dit, malgré sa corpulence et ses muscles, un serviteur s'attendant, c¿ur glacé d'effroi, à une sévère correction... Bien loin d'un de ces génies du feu que leurs fils évoquent quand, au cours de leurs jeux, ils parlent d'eux...

... Il m'accueillit avec respect ¿ C'était son devoir face à un roi et un guerrier ¿, mais sans la moindre amabilité. Il eût reçu un vagabond étranger pouilleux avec plus de chaleur et de plaisir. Son fils, lui, me salua avec peut-être moins de déférence, mais plus de cordialité. J'appelle ça de la cordialité. C'est ce qui s'en rapprochait le plus. Les forgerons ne sont pas gens cordiaux...

... Ils attendirent mes paroles. Nul ne s'adresse à son roi sans y avoir été invité une première fois. Les ferai-je patienter un bon moment, pour montrer mon pouvoir, ou parlerai-je tout de suite ? Obtenir de belles armes me taraudait. Je ne les tins pas longtemps sur les braises. Je serais un plus grand chef en donnant aux miens des glaives solides qu'en lassant leur patience. Je leur expliquai le pourquoi de ma venue, et leur intérêt à trouver une solution à nos malheurs...

« Forgeron, depuis que j'ai été en âge d'assister aux tournois et, plus tard, d'y lutter, comme tout fils de roi, j'ai toujours vu les miens, pourtant les plus forts, les plus agiles, les plus vaillants, se faire vaincre sans recours à cause de leurs pauvres armes... de tes armes. Qu'as-tu à dire ? »

... Il me regarda, apeuré. Quoi qu'il dise et fasse, il serait le coupable sur mesure, la victime expiatoire. Pewortor était passé d'un coup à une franche hostilité, à peine dissimulée sous le respect de mise. é ma grande surprise, ce fut lui qui parla, alors que son père continuait à baisser les yeux et à se tordre les mains, comme s'il craignait de m'adresser la parole...

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Marc Galan Membre 421 messages
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« Ton père voulait des armes de bronze, et refusait de procurer au mien le métal blanc. Reprocheras-tu à qui prépare l'hydromel de te donner de l'eau, si tu lui interdis de toucher au miel ! ? »

... Je le regardai avec colère. Me manquer ainsi ! Il ne me laissa pas lui répliquer...

« Père a fait des armes de bronze plus fortes et plus belles que les meilleures, quand on lui en a laissé le droit et le loisir. »

... Avant d'entendre ces mots, j'avais l'intention de le châtier avec la plus grande sévérité. Son attitude avait été trop injurieuse ; son mépris de toutes règles et hiérarchie, insupportable. Ils désarmèrent ma colère. Elle céda la place à une intense curiosité. Malgré l'arrogance de ce garçon (Il était de trois ou quatre ans mon aîné mais, ayant son père, l'était encore quand, orphelin, j'étais un homme, et un roi.), je contins mon irritation. Puisqu'il semblait, en dépit de son statut de dépendance, être le vrai chef de cette famille, je le sommai d'être plus clair. Qu'il me prouve ses prétentions par autre chose que ces dires. Rien, que je sache, n'était jamais venu les étayer ! ...

... Impérieux, il se tourna vers son père. Gêné, le vieux forgeron courtaud se dirigea, traînant le pas, vers le fond de sa forge. Il y fourragea parmi un monceau de peaux tannées, destinées à la fabrication de fourreaux. Il retira de sous cet amas un glaive d'un bronze luisant. Il me le tendit, yeux baissés, gamin qui s'attend à une gifle...

... J'écarquillai les yeux. L'arme était sans doute une des plus belles, non, la plus belle, que j'aie alors jamais vue. élégante de lignes, elle donnait une impression de puissance que je n'avais jusqu'alors rencontrée, poussée à ce point, dans aucun glaive. Je tendis la main pour le prendre. Punesnizdos me le confia comme s'il se libérait d'un poids...

« Prends-le, il est à toi. Il m'avait été commandé par le frère de ton père, qui fut notre roi si peu de temps. C'était juste avant sa mort. Jamais ton père n'est venu le chercher. J'espère que tu sauras l'apprécier. C'est du vrai bronze, le meilleur, avec les proportions idéales de cuivre et d'étain soufflées par les dieux. »

... Je le lui pris (en réalité, j'ai dû le lui arracher) des mains. Je la brandis aussi haut que le permettait le toit. Je fis sonner la lame, dont j'étais déjà amoureux, contre l'énorme creuset où se fondait le métal. Son tintement me mit une grande joie au c¿ur. Mon oreille avait reconnu, sans conteste, le son d'un grand bronze. Je ne l'avais entendu qu'en de très rares occasions, quand des neres du plus haut rang échangeaient quelques passes au cours des plus grands tournois...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Sa pesanteur, sa couleur, sa musicalité l'indiquaient. Je tenais entre mes mains une arme sans pareille. Il me restait à le confirmer. Je la pointai vers Pewortor.

« Défends-toi ! »

... J'avais crié à ébranler les murs. Il ne se fit pas prier. Il prit la première lame qu'il trouva. Il était déjà, à l'époque, cette montagne de muscles. Il pesait, nu, plus lourd que moi armé et équipé de pied en cap. Ajoutes-y qu'il était un peu plus âgé, ce qui compte quand un combat oppose un adolescent à un homme déjà fait. N'importe qui, nous voyant, eût prédit ma défaite...

... Tu t'es cent fois mesuré à d'autres guerriers pour vérifier vos forces et la qualité ou l'entretien de votre armement. Tu choisis des adversaires à ta taille. Tu imagines ma confiance dans ce glaive pour lui proposer ce combat. Il mettrait un point d'honneur à me faire mettre genou à terre, et ne ménagerait pas ses efforts... Je n'avais, pour l'avenir du clan, pas d'autre choix. Cette arme était encore unique, mais son père pouvait nous en ouvrer des centaines. Que j'arrive à le vaincre, colossal et ivre de volonté de m'humilier, avec, prouverait notre capacité à devenir grands. Alors le vieux forgeron nous équiperait tous. é nous viendraient richesse et gloire...

... Je flattai encore une fois ma lame. Elle était à peine sortie de la cachette où l'armurier la tenait celée depuis presque une génération, et déjà je la connaissais de toute éternité. Je lui souris pour le remercier de me l'avoir gardée et entretenue en secret. Il avait su que je viendrais un jour la réclamer pour la brandir à la tête d'expéditions victorieuses. Et sans attendre, je me tournai vers son fils...

... J'étais prêt. Je me mis en garde. Il m'imita sur-le-champ. éà, il était solide, il frappait fort. Avec une arme ordinaire, je me serais à l'instant retrouvé, meurtri et contusionné, à l'autre bout de la forge. Mon glaive changea tout. Il tenta, par la violence de ses coups, de me le faire lâcher. Je tins bon. Au bout de trois passes, il vint se briser contre le mien. Je m'attendais à le voir furieux et ulcéré. Après une grimace de contrariété pour sa piètre performance face à un gringalet comme moi, il prit l'air hilare et satisfait, puis de plus en plus enthousiaste. Il n'avait pas été vaincu sur sa valeur de combattant, et avait prouvé la valeur d'armurier de son père. Celui-ci, pour la première fois depuis mon arrivée, avait l'air rassuré...

... Je n'avais nulle part où me regarder... Inutile. Je resplendissais de joie. Les faces des héros morts au combat qui festoient avec les dieux eussent paru sinistres à côté. Je levai à nouveau mon glaive¿ Tant pis si le plafond trop bas ôtait toute ampleur à ce geste. Je poussai notre cri de victoire. J'en avais le droit. Notre honte allait finir...

... En veine de confidences, et pour l'immense bonheur qu'ils m'avaient apporté, je les félicitai. Notre clan serait riche et puissant s'ils forgeaient pour lui des glaives comme celui que je caressais...

« Je le ferai, si tu me procures le métal blanc nécessaire. »

« Et tu m'en feras un, non, des dizaines aussi beaux, pour nous équiper tous ? »

« Crois-tu que je l'ai trouvé dans le ruisseau, en passant ! ? Ma caste est moins haute que la tienne mais, tout roi sois-tu, tu dois respecter tout travail conforme au plan des dieux. Puisque, à leur mépris, tu doutes encore, écoute-moi ! J'en ai un peu. Ton père me l'avait apporté afin que, le mêlant au métal rouge, j'ouvre pour vous des glaives de bronze. Je ne pouvais rien en faire. Je le mélangeais à tout mon cuivre, ils n'en étaient guère plus solides, il doutait encore plus ; je ne forgeais que deux ou trois armes superbes, il me demandait où étaient passées les autres, il m'accusait d'avoir gaspillé cet étain ou de n'en avoir réussi que quelques-uns et d'être mauvais forgeron. Plutôt que de faire un alliage déplorable, offense aux dieux, ou de voir sali mon honneur, je l'avais gardé sans m'en servir. Ton père périrait de n'avoir que des lames trop fragiles. Un jour lui succéderait un roi conscient du besoin de confier à de grands guerriers des armes dignes d'eux. C'est à lui que je réservais ces lingots confiés, crois-moi, avec force regrets et récriminations...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Tu ne doutes pas de la nécessité des armes du meilleur bronze. Tu admets, je l'ai vu quand je te parlais, que l'étain et le cuivre sont indispensables à sa naissance... Mais tu doutes de moi. Avec ce peu de métal blanc, je forgerai pour toi les deux ou trois meilleurs glaives que tu aies jamais vus. Pour le nombre, cela dépendra du type d'arme que tu choisis... Tu verras ! »

« Seront-ils aussi beaux que celui du frère de mon père ? »

« Meilleurs ! Pewortor sait marteler l'airain pour lui donner une force et une solidité jamais atteinte. Fils, montre ton poignard ! »

... Il se dirigea vers une niche où il cachait ses biens. Il en sortit une petite arme, à la poignée très courte, à la lame très mince. La tenant par la pointe, il me la fit admirer. Soudain, il la fit sauter en l'air, la rattrapa par le manche, en donna un coup violent dans le mur de torchis. La lame y pénétra jusqu'à la garde. Lorsque, l'ayant retirée de la paroi, il la déposa dans ma main pour que je l'examine, elle était intacte, sans une brisure, ni la moindre éraflure...

« Ce poignard est son ¿uvre. Les deux, ou trois... Ah, tu préfères deux ! glaives que je vais ouvrer, puisque tel est ton désir, auront la même valeur. Nous nous y consacrerons, hors toute autre tâche. D'ici trois jours tu auras, en comptant celle de ton oncle, trois armes de héros. »

« Si c'était vrai ! »

« N'en doute pas ! Tu douterais des dieux. »

... La journée avait été bonne. Ils tiendraient leurs promesses. Bien plus que leurs serments, bien plus que leurs démonstrations, m'avait convaincu de voir Punesnizdos passer de son état de ver à la fierté, au bord de l'insulte quand j'avais douté de lui. Si je lui fournissais le métal blanc, il nous donnerait les moyens de vaincre. Fort de cette assurance, je refoulai mon impatience. Ces jours passèrent comme un rêve...

... Ce rêve ne fut exempt ni d'angoisse, ni d'interrogations. J'avais été tenté, après la récupération de l'arme de mon parent et ma facile victoire, de convoquer tous mes guerriers. Ils sauraient que le chemin du triomphe nous était à nouveau ouvert. J'en étais vite revenu. Et si mes forgerons, malgré leurs serments et ma certitude, n'aient jamais ouvré cette arme ! Je donnais un faux espoir et causais une déception atroce. Un seul glaive, fût-il le meilleur, n'assure pas la victoire. En sortant de chez eux, tant je me sentais assuré de leur capacité, j'avais à nouveau été près de céder à la tentation et de parler de ma grande espérance. Je gardai néanmoins le silence. Une vaine promesse, je perdais leur fragile confiance. Bien que leur roi, je n'avais aucun droit à l'erreur...

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Marc Galan Membre 421 messages
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Posté le 04-06-2007 à 11:01:26 profilVoir le bbcodeansweranswer +answer -homepageMPFavoris

Prévenir les modérateurs en cas d'abus

... Mon âge, les circonstances de mon élévation, notre appauvrissement, en renom et en biens, pendant la royauté de mon père. Il n'y avait rien là qui puisse me donner une autorité incontestable. J'étais en sursis, au risque de leur admiration sans bornes comme de leur total mépris. Tous étaient des fauves de guerre... Moi, un tendre adolescent, ou peu s'en faut, n'ayant jusqu'à présent prouvé son aptitude au combat que dans des assauts simulés avec des garçons de son âge, jamais contre des ennemis avides de notre sang... é moins que, habitués au long du règne précédent à vivre dans une médiocrité humiliante, mais tranquille, ils aient perdu goût à se battre. Ils discuteraient mon pouvoir si je voulais leur imposer la voie trop longtemps abandonnée du guerrier. Toutes ces idées sarabandaient dans ma tête. Ma certitude de triompher fut la plus forte, abolissant le temps... Mais les trois jours s'étaient écoulés quand, un matin, Pewortor vint me saluer...

... Il avait son air sûr de lui et arrogant qui ne l'a jamais quitté depuis. Son visage rayonnait. Il se rengorgeait, bombait le torse. Il prit le ton que nous utilisons pour déclamer le nom et les exploits de nos ancêtres. Mes glaives étaient prêts. Je serai satisfait des deux magnifiques lames qu'ils m'avaient forgées¿

¿ Je n'avais pas coutume de regarder ce qui se passait chez eux, ni comment et combien de temps ils travaillaient. Je ne savais pas plus, pour ne m'en être jamais préoccupé, si l'on prenait aussi longtemps pour deux glaives, mais ils avaient été sans relâche sur la brèche et n'étaient jamais sortis de leur forge bruissant d'un rude labeur. Ce zèle était de bon augure. Les armes qui m'attendaient étaient des chefs d'¿uvre. Leurs serments n'avaient pas été portés en vain...

... J'avais passé ces jours où se forgeait mon destin en état second. Je n'avais toutefois pas dormi. J'avais vu, l'un après l'autre, tous mes guerriers. Leur état d'esprit était à l'expectative et au mutisme. J'en avais sélectionné deux d'esprit ouvert et bons bretteurs. Ils avaient de plus l'art de briser le glaive de leurs adversaires, chaque fois que le sort présidant aux tournois individuels leur mettait en main des armes de qualité, avec force et art. Ils avaient été surpris, comme les autres, de mes questions...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Dans mon enthousiasme de savoir mes glaives prêts, je voulus les voir sur le champ. Pewortor s'esclaffa. Comptais-je courir par tout le village nu comme au sortir de ma mère ? Il m'apporterait ces lames. Je repris mes esprits. Je devais, avant de les ameuter, m'habiller et voir à quoi elles ressemblaient. J'aurais tout le temps, si elles répondaient à mes espérances, d'aller les chercher et leur expliquer ce que je voulais d'eux. En dépit des usages, je n'eus pas la patience d'attendre son retour mes armes à la main...

« Pars devant, je te rejoins ! »

... Je pris juste le temps d'enfiler mes braies, sans les lacer. Je le rattrapai à la porte de sa forge. Sitôt entrés, je me les fis présenter. Ils étaient superbes, un rêve de guerrier. Juste assez lourds pour tout briser, juste assez légers pour être maniés par des combattants athlétiques sans les fatiguer, et d'une solidité, et d'un fil, à toute épreuve. Aussitôt, je leur ordonnai de m'apporter les splendides bijoux. Je courus chez notre crieur. « Avertis chacun de venir au champ de Thonros après le repas de midi ! » . J'allai ensuite voir les vétérans si habiles à briser les lames... « Laissez tout. Suivez-moi ! » Comme le crieur, ils obtempérèrent, séance tenante, sans mot dire. Ils m'obéissaient, du moins : J'étais leur roi. Je voulais mieux. Ce soir, les dieux aidant, mon nom seul suffirait...

... Je leur expliquai mon but et mes intentions. Ils m'auraient pris pour un fou si je ne leur avais découvert mon secret. La vision, la contemplation, même, tant ils s'abandonnèrent à les regarder, de mes glaives, les détrompa. Ils les soupesèrent, les caressèrent. S'ils servaient mes projets pour rendre sa grandeur à notre clan, ils recevraient ces lames devant lesquelles ils s'extasiaient. Ils me jurèrent fidélité éternelle...

... Je fis un excellent repas, meilleur en tout cas que le leur. Je leur avais conseillé de ne rien manger avant leur démonstration. Ils seraient plus agiles et dispos face à des adversaires alourdis par la digestion. Aussitôt après, je me dirigeai vers le champ des combats. Nous nous y réunissions pour les tournois, l'entraînement, les assemblées destinées à évoquer l'avenir ou à prendre les plus graves décisions. Où mieux affirmer mon pouvoir ? ...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Nombre de guerriers, tous en armes comme je leur avais fait demander, étaient là. J'attendis que les plus gloutons, ou les plus sceptiques, arrivent, et que nous soyons au complet, pour parler. Je les haranguai du ton le plus pénétré et le plus grave. Je brandis mon glaive de bronze, imité¿ en tous points par mes acolytes roulant au surplus des yeux menaçants, à l'appui de mes dires. Qu'ils se réjouissent ! Les choses allaient changer. Le premier signe en serait la fin de notre humiliation pendant ces tournois qui nous saignaient petit à petit, sans rémission, de nos richesses. Je ne le promis pas pour « Quand les dieux le voudront bien +, mais pour l'année à venir. Soucieux de savourer mon effet, j'observai les visages. J'en fus désarçonné. Ils reflétaient une telle variété, une telle confusion de sentiments ! J'y vis le bonheur et surtout la fierté, une immense fierté, mais aussi, hélas, une rare pitié à mon égard. On appréciait mon ambition, on moquait mes illusions.

Je les scrutai avec encore plus d'attention. Un détail m'apparut, qui ne m'avait pas frappé avant. Les plus éloignés, qui m'avaient écouté d'une oreille distraite, gardaient leur quant-à-soi. Les plus proches, en revanche, avaient vu nos glaives brandis. Ils les examinaient, s'interrogeaient. L'éclat du soleil sur nos lames avait attiré leurs regards. Elles n'avaient pas la couleur habituelle. Il y avait un rapport entre elles et mes prétentions... Elles n'étaient peut-être pas si folles...

... Je fis un troisième tour d'horizon. Je ne m'étonnai plus des différences d'attitude selon l'endroit. Les plus éloignés étaient ceux arrivés le plus tard, qui doutaient depuis le début. N'ayant que mes mots pour les convaincre, et ne prêtant, d'instinct ou par volonté délibérée, aucune intérêt à ce qui viendrait les appuyer, ils restaient plongés dans l'incrédulité. Les plus proches, eux, étaient mieux disposés et cherchaient, ou acceptaient, tout indice visant à conforter la confiance qu'ils me consentaient. Dans l'ensemble, la tonalité restait au doute, à la méfiance, au mieux à l'indulgence envers moi, pauvre garçon enthousiaste et souhaitant leur redonner espoir¿ La vie, cruelle, me détromperait vite de mes rêves généreux...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Je devais briser cette carapace tenant captifs leurs c¿urs, rassurer ceux qui espéraient sans y croire, abattre l'orgueil de ceux qui me mésestimaient. Ils étaient une grosse dizaine. Les dehors de respect dont ils m'avaient entouré lors de ma visite n'étaient qu'un manteau troué. Il laissait voir leur hostilité et leur mépris...

... J'appelai les deux plus enragés. Ils avaient répandu partout, dans mon dos, que tout chien chasse de race. Je serais aussi pusillanime que mon père, adepte comme lui de demi-mesures, comme lui incapable de mener un de ces raids victorieux qui font le renom des plus nobles clans...

... Ces insinuations avaient pris. Même ceux qui les avaient rejetées, indignés, en avaient été touchés. Ils voyaient ma lignée dans les mauvaises grâces de Bhagos. Ils ne me condamnaient pourtant pas d'emblée. Ils me donnaient ma chance. Bhagos est versatile. D'ici à ce qu'il nous ait pris à nouveau en amitié...

... Ils sortirent des derniers rangs, bousculant, pour accéder au centre de la place, près de moi et de mes champions, tous ceux devant eux. Les quatre qui allaient se livrer un assaut étaient de force à peu près égale, mais, et c'est pour cela, en plus de leur langue de vipère, que je les avais choisis, mes adversaires passaient pour meilleurs combattants. Ils étaient de toutes les beuveries, où ils péroraient et se vantaient. Ils y avaient acquis grand prestige. Ce n'était pas le cas de mes compagnons, taiseux et peu liants. La gloire, disent les prêtres, c'est la grande parole. Qui proclame cent fois « J'ai tué un ennemi » passe pour plus vaillant que celui qui dit une fois, sans même insister, qu'il en a tué cent... Et ce n'est pas cent, mais mille fois, peut-être, qu'ils s'étaient prévalus de leurs prouesses...

... La gloire de ces deux-là, sans comparaison avec celle de mes champions, était partie intégrante, essentielle, de ma démonstration. Je fis reculer la foule. Un espace suffisant pour combattre se dégagea. J'ordonnai aux duellistes de s'affronter...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Mes compagnons, bien stylés, avaient pris l'allure, non pas craintive (je n'aurais jamais pu le leur demander), mais mal assurée, d'hommes écrasés par le renom de leurs antagonistes. Ceux-ci étaient tout bouffis de superbe. Leur défaite en serait un double plaisir...

... L'assaut fut bref. Mes champions arrachèrent très vite des mains de leurs adversaires déconfits et humiliés leurs glaives, l'un fort ébréché, l'autre brisé. Je désignai à nouveau deux sceptiques, connus eux aussi pour leur jactance. Ce deuxième engagement ne fut pas beaucoup plus long, avec le même résultat positif, plus une longue estafilade sur le bras d'un de mes opposants... Un des miens avait un compte à régler. Je fis semblant de n'en rien remarquer, mais il avait porté ce coup après avoir désarmé son adversaire...

... Il y eut au total cinq doubles duels, tous à l'avantage des mêmes. Je donnai alors, en dépit de leur évident désir de poursuivre, le signal de la fin des combats. Ma démonstration avait parlé assez haut. La défaite d'un d'entre eux ne devait pas venir en briser tout l'effet. La fatigue pouvait leur être fatale. Sans m'être battu, je sentais une douleur diffuse s'irradier dans mon bras levé. Il devait en être de même pour eux. Ils avaient beau être plus forts, plus endurcis, une défaillance pouvait survenir. Si cela était, la brèche ouverte dans les esprits sceptiques et méfiants se refermerait pour longtemps. Ils m'obéirent, quoique à regret. Ils baissèrent les armes. Brandissant toujours mon glaive, qui me pesait de plus en plus, bien haut, je jetai un long regard sur mes guerriers...

... Une métamorphose, il n'est pas d'autre mot. Des attitudes de fronde, d'incrédulité, de condescendance, au mieux de compassion, manifestées avant ces combats, plus rien ne restait. On me croyait, maintenant. Cette confiance pouvait être éphémère... Je devrais la justifier. Elle était, en cet instant, totale. L'assemblée était aussi enflammée par la fulgurance des combats qu'effrayée par l'aisance avec laquelle ceux qui utilisaient nos vieux glaives avaient été défaits. Elle avait percé le mystère de la victoire de mes champions. Cela lui ouvrait de nouveaux, et très larges, horizons...

... Devant cette attitude ouverte, je n'avais plus qu'à parler. Ils recevraient cette partie de mon discours avec autant de ferveur qu'ils avaient accueilli l'autre avec indifférence...

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Marc Galan Membre 421 messages
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« Voyez la qualité des armes que font mes hommes du métal, qui ont compris que notre clan a un vrai chef et que le temps des victoires et des raids chez l'ennemi est revenu. Jusqu'à ce jour, vous n'aviez jamais eu d'armes dignes de vous. Je connais la vaillance des vaincus. é armes égales, ils auraient tenu tête, en un long combat, à leurs adversaires. »

... Je tenais à ménager leur susceptibilité. Ceci expédié, j'en revins à mes soucis...

« Vous avez tous participé ou assisté à nos tournois. Chaque fois qu'un des nôtres héritait d'une arme de valeur, il a vaincu. Mon prédécesseur donnait à des neres comme vous des glaives tout juste bons pour des troisième caste. J'en aurais à peine voulu pour égorger de jeunes gorets ou peler des raves. Moi, je vous apporterai des glaives de grands guerriers, forgés pour la victoire. »

... Tous crièrent, comme un seul homme. Ils voulaient des armes comme les nôtres. Ils étaient prêts, pour en obtenir, à tous les renoncements et à tous les efforts. Pour faire bonne mesure, ils hurlèrent des malédictions à l'encontre de mon père. Il leur avait fait grande et male honte, comme disent les antiques formules d'exécration, en ne leur permettant de disposer que de lames, fragiles comme des brindilles, indignes d'eux...

... Leur enthousiasme, tant il me réchauffa le c¿ur, me fit l'effet d'un brasier en plein hiver. Il me donna surtout l'occasion, c'était le plus important, de leur faire accepter un nouveau projet. Je l'avais formé parce que mes forgerons étaient des maîtres dans leur art. Sans le sol de cette démonstration et de la joie qui avait suivi, il n'aurait pu éclore. Ce sol était prêt, à moi d'y faire germer mes idées...

... Ils avaient juré, dans leur exultation, être disposés à tous les efforts, tous les sacrifices. Ils allaient, même si c'était provisoire, le regretter. Nous aimons tous posséder de beaux chevaux et de beaux troupeaux... J'allais troquer la majorité de notre cheptel ¿ peu important à l'époque. Ce n'en était pas moins un crève-c¿ur ¿ contre un maximum de lingots d'étain (Dieux merci, nous avions d'assez importantes réserves de cuivre). Dès l'obtention de ce précieux métal, nos armuriers nous forgeraient de nouveaux glaives. Je fis aussi une obscure allusion, pour éviter à la fois des reproches futurs et des protestations bien présentes, à la probable nécessité de nous nourrir de chèvre, de mouton, peut-être même, certains jours, de glands et de faines, au lieu de délicieuse chair de b¿uf ou autres viandes nobles, seules chères dignes de régaler les guerriers. Certains m'avaient compris. Ils s'apprêtaient à récriminer. Je les prévins. J'allais organiser de grandes battues. Les aurochs, les sangliers, voire quelques mange-miel, viendraient, si Bhagos le voulait et si nous étions assez habiles, compléter ce piteux ordinaire. Cette perspective effaça leur ressentiment. Ils ne m'avertirent même pas de me considérer comme maudit si j'échouais. Cela se fait toujours, autant que je sache, quand un chef présente un projet impliquant des privations pour son wiks. Les dieux m'approuvaient...

... Dès le lendemain, on amena et réunit les bêtes à échanger au champ où j'avais triomphé la veille. Je ne gardai que les femelles pleines et quelques mâles aux flancs ardents. Ils seraient notre enjeu pour le prochain tournoi. J'y miserais, si j'avais mes nouvelles armes, le montant le plus élevé autorisé. En cas d'échec, c'était la ruine. J'avais déjà refusé de l'envisager. Entrebâillez d'un cheveu la porte à cette idée, elle envahit la maison. Je ne pouvais me le permettre...

... Les seules protestations, bien timides, me vinrent du bhlaghmen. Il manquerait de b¿ufs à immoler. Je ne pus, bien que décidé à ignorer son avis, lui donner tort. Le soleil aurait le temps de se coucher ¿ tu connais les prêtres ¿ si je te racontais les trésors d'arguties que je déployai pour lui faire admettre que les dieux attendraient. Nous discutâmes tout un jour, avec des arguments dignes des bas marchandages de deux paysans échangeant des fagots contre des raves, avant d'y parvenir. Je n'arrachai son accord qu'en lui promettant une part de butin double de celle donnée par mon père. Encore l'obtins-je en lui laissant sacrifier d'un b¿uf (il ne choisit pas le moins beau) afin de nous obtenir la faveur de Bhagos dans notre troc et nos battues...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... J'ai tort d'en dire tout ce mal. Si les robes de lin sont avides et tortueux bien qu'on arrive, de temps à autre, à être plus malin qu'eux, le nôtre était digne de sa naissance. Son sacrifice fut parfait en tous points. Le Borgne nous favorisa de manière insolente...

... Juste après, j'avais envoyé une colonne, Pewortor à leur tête, convoyer les animaux à troquer contre le métal blanc. Ils étaient partis pour un long périple. Je n'attendais leur retour qu'au plus froid de l'hiver. La chance leur sourit. Au bout d'environ un quartier, mon forgeron ¿ Il n'était là que pour examiner l'étain, mais avait exigé et obtenu que je lui confie, dans mon enthousiasme, les insignes de chef de sa troupe. ¿ et les hommes de sa mince escorte croisèrent un petit groupe de guerriers. Après avoir, selon ses dires, regardé avec envie leurs bêtes, déception leurs armes (elles faisaient, dans leurs gaines, illusion), ils les saluèrent. Une sévère peste avait frappé tout leur cheptel, à dix jours de chevauchée. Ils étaient à la recherche de nouveaux animaux pour le reconstituer...

... Il s'inquiéta. Son troupeau ne risquait-il pas, lui aussi, d'en périr ? On le rassura. Elle était finie depuis environ deux lunes. Aucune bête n'y avait succombé depuis lors. Ils n'auraient pas été assez fous de chercher à s'en procurer de nouvelles, au risque de les voir crever...

... Il avait tout écouté dans l'espoir d'y trouver quelque indication ou avantage. Pouvaient-ils préciser leur requête ? On discute mieux avec des solliciteurs. Ils ne perdirent pas de temps pour tenter de mieux formuler leurs besoins. Il était trop vital pour eux de retrouver au plus vite les b¿ufs et les chevaux qu'ils possédaient avant la catastrophe...

« Vous, et vos voisins, accepteriez d'échanger certains de vos biens contre nos bêtes ? »

« Sûr et certain, et aux conditions les meilleures... Songe qu'il y en a, même si ce ne sont pas les plus nombreux, qui ont perdu tout leur cheptel... Songe qu'il y a ¿ ça me fait horreur rien que de le dire ¿ des guerriers qui n'ont même plus de cheval. »

... Pewortor était forgeron. Une telle disgrâce n'eût pas dû le frapper beaucoup. Il ne put s'empêcher de compatir...

« Dieux, c'est dur, ça ! Rien qu'à l'entendre ! »

« Le pire, mais ça va être votre chance, c'est qu'il y a des wikos chargés de butin à ne savoir qu'en faire... é moins que vous ne soyez comme les autres. Ils n'ont pas voulu troquer leurs bêtes contre nos trésors, comme s'ils avaient peur. »

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