Keren Ann n'est pas une lolita

le 13 décembre 2004

Keren Ann n'est pas une lolita

13 décembre 2004 - 08h39

La chanteuse rend hommage aux personnages qui peuplent ses chansons. «Nolita» tient son nom du quartier de New York fréquenté par K. A. Zeidel. Ce quatrième album solo s'avère être celui
de l'innocence perdue.

De Keren Ann, on sait deux ou trois choses. Qu'elle a débuté en tandem avec Benjamin Biolay. Qu'elle est pour beaucoup dans le retour de Henri Salvador. Que la mélodie mélancolique est son alliée. Que cette Parisienne d'adoption a toujours un pied dans la capitale française et un pied ailleurs. A Reykjavik, où elle collabore avec des musiciens islandais, à Bruxelles, où elle mixe tous ses disques. A New York, aussi, où la chanteuse a vécu la majeure partie de l'année écoulée, entre son appartement et son studio de Nolita.

C'est ce quartier en partie branché de Manhattan, nommé en fonction de sa localisation (North of Little Italy), qu'elle a choisi pour intituler avec un brin de mystère son quatrième essai solo, un an après son album en anglais qui l'a menée tout récemment en tournée aux Etats-Unis et en Corée. «Je l'ai choisi pour marquer l'environnement dans lequel je me trouvais cette année. Mais le disque parle surtout de ce que j'y ai vécu plutôt que du quartier en tant que tel», souligne la musicienne. Puis, il y a ce jeu de mots sur ce qui s'avère être la contraction de «no lolita». «Nolita ne veut pas dire anti-Lolita, c'est juste que les narrateurs et les narratrices, ou les personnages qui se trouvent sur l'album, ne sont pas des lolitas. Elles auraient pu l'être mais elles ne l'ont pas vraiment été. Je pense que chez les femmes, il y a toujours une tendance à préserver une certaine facette de Lolita, parce que c'est très agréable de se laisser porter. Dans mes chansons je suis souvent hantée par des narratrices qui ont un caractère affirmé, qui souffrent de la non-ignorance, de la non-insouciance, bref des archétypes de la nolita.»

Preuve qu'à 30 ans, l'âge de la demoiselle, on passe un cap que l'on ne peut décidément pas repasser en sens inverse... Preuve aussi que l'on n'échappe pas à ce que l'on est, comme l'évoque subtilement, tels des flocons en suspension, la ballade «Que n'ai-je?»: «Où vais-je/ A présent que n'ai-je/ Ma mémoire s'enivre (...)». Et cette strophe de «L'Onde amère»: «Apprendre à vivre à ciel ouvert». «Je pense qu'on a tous des fêlures. Et même si on est de nature très joyeuse, ce qui est mon cas, on apprend à vivre avec.» De la fêlure à la mélancolie, il n'y a parfois qu'un tout petit rien. Et en matière de mélancolie, Keren Ann Zeidel s'y connaît. Elle l'accompagne depuis ses débuts solo en 2000 avec «La Biographie de Luka Philipsen». «Que ce soit dans le folk, le rock, le blues ou le jazz, c'est ce que j'aime; je suis touchée par les mélodies mélancoliques.»

De ce point de vue, comme de celui des thématiques, «Nolita» est un album sans réelle suprise, sinon la présence plus affirmée de la guitare électrique, mais toujours dans ce registre retenu, intérieur. Stylistiquement, le folk triomphe encore, saupoudré de blues et de country. «Le style vient des autres. Moi, j'écris et je compose. Mais pour moi, ma démarche est plutôt rock parce que je travaille sans règles précises. C'est assez spontané. Mais bon, généralement on ne classe pas la musique en fonction des démarches, vient-elle presque à regretter. De toute manière, le rock, il n'y a rien de plus mélancolique, parfois.»

A part ça, Keren Ann sait tout faire: écrire, composer, jouer, produire, ce qu'elle fait sur «Nolita». «J'étais pas partante pour ça. Le fait est que j'ai toujours enregistré un peu chez moi, avant d'aller en studio. Là, je me suis retrouvée à tout faire dans mon studio. éa s'est imposé et tout d'un coup l'album était fini.»

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Source: la Libre Belgique

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