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Kégéruniku 8

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Billets posté(e)s par Kégéruniku 8

  1. Kégéruniku 8
    J'ai 8 ans et mon frère 6 ans. Comme tous les étés, nous sommes au Portugal. La journée est particulièrement radieuse, il fait beau, il fait chaud, alors nous jouons dans la piscine. Enfin, piscine, si l'on veut être précis, il s'agit d'un réservoir, d'un ancien lavoir, et ce qui nous sert de plongeoir n'est rien d'autre que la planche de pierre qui servait à frotter le linge et à l'essorer. Mais plus personne ne s'en sert de cette façon depuis bien longtemps et il est suffisamment grand pour que ce soit notre piscine, alors nous jouons dans la piscine. C'est drôle, j'ai en tête des images particulièrement précises de ce moment, de véritables photographies, mais je me souviens à peine de ce que nous faisions. Peut être est-ce là l'essence des bonheurs de l'enfance, qui ne comptent pas tant par ce qu'ils sont mais par la chaleur qu'ils portent et qui permet de réchauffer toute une vie. Je me souviens tout de même qu'à un moment, un serpent entre dans l'eau, un orvet, et qu'à ce moment,  mon frère  commence à brasser l'eau dans sa direction pour le mettre en déroute. Je me souviens que d'un coup, il se met à hurler un tonitruant "KA-ME-AH-ME-AAAAAAAAH!!!" tout en éclaboussant toute l'eau qu'il peut en direction du terrible adversaire qui lui fait face. Le monstre est défait et mon frère est plein de fierté, il nous a sauvé, ce n'est pas rien quand même! Il n'a pas besoin de savoir que le serpent en question était aussi dangereux qu'un ver de terre.

    Après quoi, je me souviens de mon arrière-grand mère qui m'appelle: "Pilaõ, anda ca!" (ce qui, littéralement, signifie: Grosse bite, viens ici... Mon arrière-grand mère était une personne extrêmement pieuse et très peu vulgaire. C'était probablement le seul gros mot quelle s'autorisait, mais elle le savourait comme un bonbon. Chaque fois qu'elle le disait, elle arborait un sourire malicieux qui, à défaut de montrer ses dents, mettait en évidence l'espièglerie qu'elle avait conservée et nourrie durant près d'un siècle.)
    Je sors de l'eau immédiatement, parce que chaque fois que mon arrière grand-mère m'appelle, je sais que ce qui suit sera doux. Le plus souvent, elle me parle de sa foi, parfois de son histoire. Très rarement, elle me prodigue ses conseils, mais c'est toujours un plaisir. Alors je trotte plus que je ne cours en direction de la maison, quand, en chemin, je vois mon père qui arrive, tout sourire. Il a beau transpirer la douceur, il a ce charisme des bad boys des vieux films américains qui l'ont toujours fait rêver. Mon papa c'est le meilleur!
    Cela fait 3 ans que je n'ai pas vu mon père, alors j'explose de joie, ce qui a pour effet de faire accourir mon frère. Là, il se tourne vers moi et provoque la douleur la plus intense que j'ai connue de toute ma vie, me disant le plus innocemment du monde: "C'est qui ce monsieur?"
    Aujourd'hui encore, je pries pour que ces mots ne soient jamais arrivés aux oreilles de mon père. J'use de toute l'énergie à ma disposition pour ne rien laisser transparaître et je lui réponds simplement: "c'est papa."
    C'est à cet instant que je comprend que les mots possèdent une magie singulière et qu'il suffit parfois de dire pour que les choses soient. Alors qu'un instant auparavant, il ignorait tout de la personne qui s'avance, là, il court et pleure et hurle: "Papa, je t'aime!"
  2. Kégéruniku 8
    Ce qui me tue c'est la joie. Sa logique, ses idées, sa façon de faire. Si les filles de joie sont des salopes, je ne sais plus quoi penser de la mère.
    Insuportable trainée qui se donne, sans faire payer, au premier des abrutis. Mais qui va se refuser, ou du moins se faire prier, pour quiconque à de l'esprit.
    Je veux bien comprendre, qu'étant plus simples à divertir, elle choisisse les imbéciles, pour n'avoir que moins d'efforts à fournir, parce que se donner de la peine est une chose que la joie ne peut comprendre. Mais tout de même, j'ai du mal à imaginer qu'on puisse à ce point préférer la facilité qu'on en finisse par se donner en premier lieu aux imbéciles heureux.
    Et voilà qu'en conséquence, je me retrouve contraint à m'abandonner dans les bras d'une autre, parce que la joie n'éprouvant qu'indifférance me laisse et se donne aux bêtement satisfaits et à la boue dans laquelle ils se vautrent.
    Alors, ce n'est pas si beau l'amour, quand c'est un souffle sans inspiration qui vous réchauffe l'oreille, quand c'est une caresse désespérée qui vous force à la compassion perverse, quand c'est sans joie qu'il nous faut le faire. Parce que l'amour ce n'est pas la joie et que la joie ne m'aime pas. Pas que je pense bien, mais forcé d'admettre que je suis bien là, j'en conclus que mon esprit me ferme ses bras, à celle là même qui ne m'aime pas.
    Et si je baise sans capote, c'est dans l'espoir vénérien d'attraper la bêtise qui m'apportera la joie. Parce que je l'aime cette salope, comme tant d'autres idiots avant moi.
  3. Kégéruniku 8
    Allongée, sur le flanc, elle regarde son petit cul s'éloigner pendant qu'elle aspire nonchalamment une volute de tabac de son fume-cigarette en bakélite.
    La pâle lueur des aubes grisâtres d'hiver, filtrée par les stores, soulignant la stagnation de l'air dans la pièce, confère à la scène une impression semblable à celle de ces mauvais clichés en noir et blanc que l'on retrouve trop souvent chez les photographes médiocres en mal d'inspiration et de génie, pour qui négatif rime avec palliatif.
    La poitrine fièrement dressée, les lèvres humides et délicatement entrouvertes, le regard feignant l'esprit mais maladroitement soutenu par une posture grossière, avec ses faux airs de madone damnée, elle est l'héroïne de cet instantané sans objectif sous lequel on pourrait lire en légende: Petite camée joue les femmes distinguées.
    Son souffle est encore irrégulier et ce n'est que difficilement qu'elle tire sur sa clope, mais elle veut donner l'impression de maîtriser parfaitement la situation, comme le feraient ces femmes fatales qui peuplent son imagination et dont elle s'inspire continuellement lorsqu'elle feint avoir une personnalité.
    Seulement, lui ne la regarde pas, il est parti dans la salle de bain, jeter la capote, se laver le visage et les mains.


    Il a beau se passer la figure sous l'eau, la tâche qu'il hait ne part pas. Il se regarde dans le miroir avec ce dégoût que l'on réserve habituellement aux ordures vilipendées.
    Ecce homo; celui qu'il est au fond de lui. Le traître qui s'enlise volontairement dans les fanges mouvantes en espérant y gagner la vie quand il perd en fait sa dignité au moment où il crache sa jouissance sur son unique promesse.
    Ce serment qui incarne tous ses idéaux mais qu'il bafoue à cause de cette faiblesse suintante; caractéristique des pourceaux malheureux qui, comme Ulysse au cours de son voyage, abandonnent, ne serait-ce qu'un instant, Pénélope pour les bras de Circé.
    Lorsqu'il retourne auprès du simulacre de succube, il a la démarche veule et voûtée de celui qui connaît l'amertume des charmes incantés auprès de charbons où brûle la myrrhe; ce qui ne l'empêche pas de l'étreindre et d'alimenter ses fourneaux comme s'il se consumait d'un ardent désir inextinguible.
    Ainsi, gentiment ils s'immolent, se rassasiant l'un l'autre, dans cette débauche de luxure et de goinfrerie vaguement dissimulée, par orgueil, sous une farandole de beaux sentiments.
    Bien sûr, le sortilège demain s'estompera, et quand ils s'abandonneront en singeant une dernière fois la peine par des rictus aussi misérables dans leurs formes que miséreux dans le fond, ce sera sans la moindre difficulté.
    Néanmoins, pour ce qu'il reste d'éternité à ce jour, entre deux légers sursauts de culpabilité lucide, ce sont les amants les plus passionnés qui soient. Et diable, même si l'histoire ne suit pas et que les personnages sont quelconques, même si les amours sont nocturnes et la lumière faiblarde, même si avec le temps c'est le regret qui l'emportera, que la passion est belle.

  4. Kégéruniku 8
    Comme une rencontre providentielle,
    Coup de foudre au premier regard.
    Une sensation inhabituelle
    Nous fait passer au travers du miroir.
    En une seconde éternelle
    On s'écrit déjà toute une histoire!
    C'est le début d'un amour fusionnel ;
    Ou bien peut être un faux départ.
    Tout se passe très rapidement,
    On ne voit pas le monde qui stagne autour.
    On s'aime déjà éperdument,
    On s'aime déjà pour toujours!
    En un éclair on se rapproche
    Et chacun se met à nu.
    Mais subitement on décroche
    Parce qu'on ne se voit déjà plus.
    Tu fais partie du décor,
    Je ne suis plus qu'un paysage.
    Déjà on s'ignore
    Et j'oublie les traits de ton visage.
    Les beaux sentiments s'évaporent
    Et créent les premiers nuages.
    L'amour se disperse alors
    Et voilà qu'éclate l'orage.
    L'embarcation prend l'eau
    Tandis que nos rêves s'écroulent.
    Pendant que se déchaînent les flots,
    Je vois tes larmes qui coulent.
    Et malgré toute ta peine,
    Rien à faire, je pars.
    Capitaine, mon capitaine
    C'est à vous de prendre la barre.
    Les sentiments mettent les voiles
    Lorsqu'on s'aime trop vite.
    Parce qu'un coeur qui s'emballe
    Ce n'est pas un coeur qui palpite.
    L'amour est déjà foudroyant,
    Pas la peine d'en rajouter.
    Parce qu'à vouloir tuer le temps,
    On finit toujours par en manquer.
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