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  1. – Texte de la banquette rouge [texte aussi important que la racine du marronnier] Effectivement l’existence se communique au travers de l’être-là des choses. Or cet être-là des choses, comme par exemple la banquette rouge, ne se laisse pas enfermer par le langage, et au travers du langage par la conscience. On peut dire que fondamentalement la chose est ce qui résiste à toute tentative de ma conscience pour la percer à jour, et c’est aussi ce qui résiste à la tentative du langage, du mot, pour nommer la chose, d’où l’obscénité de la chose : le fait qu’elle surgisse à la conscience comme un pur être-là. La philosophie, parce qu’elle s’intéresse au concept, a une façon d’évacuer tout ce qui est émotionnel. Elle essaye de ne pas tenir compte des dimensions, de cette dimension du vécu : comment nous pouvons nous confronter à la chose en dehors des habitudes langagières et de tout ce réconfort que nous apporte la logique, et d’une façon générale la rationalité qui est la mienne, dans ce que je connais et je pense . La Nausée, et ses descriptions variées de ma rencontre avec les choses, est une façon de nous manifester « l’être-là » des choses, ce qui dans le vocabulaire phénoménologique deviendra «l’en-soi » opposé au « pour-soi ». Être une conscience c’est, par définition, ne jamais pouvoir être de l’ordre des choses. C’est donc se saisir non pas sur le mode de l’en-soi, mode des choses, mais sur le mode, justement opposé, qui sera le mode du pour-soi.
  2. Si Sartre prend comme titre de son autobiographie Les Mots c’est pour raconter son entrée en littérature, non seulement comme lecteur, mais comme écrivain. « Je n’ai comme moyen de défense que les mots ». Les mots essaient de lutter contre le vide, de masquer le vide. Les mots ne sont que l’ultime parade contre le vide caché, déjà une première fois, par les mots dans la vie quotidienne. Pour Sartre la littérature c’est un exorcisme (Qu’est-ce que la littérature ?). Nous n’avons que les mots pour dénoncer ce subterfuge des mots, parce que nous sommes des êtres de langage. On peut à la fois démystifier le langage, qui nous renvoie à ce vide – je n’ai pas de fondement –, et je n’ai que les mots pour m’approprier cette pseudo réalité. Il y a dans toute cette position qui est le cœur même de l’existentialisme sartrien, et dans la position de Sartre lui-même, dans sa vie en tant qu’écrivain, il y a le maintien de ce paradoxe, c’est un paradoxe vivant [Situations I : « L’homme et les choses » texte consacré à Francis Ponge]
  3. Nous ne pouvons nous emparer des choses qu’à les nommer au travers du langage, au travers de la médiation du langage. De sorte que ce qui se perd, c’est la possibilité non seulement d'adhérer aux choses, mais au travers de cela, la possibilité de les situer les unes par rapport aux autres, de constituer ce réseau de relations logiques qui nous permet de les comprendre avant d’en disposer. Et, d’autre part, nous perdons la possibilité de les nommer. Les choses, le monde, les autres, deviennent donc inintelligibles. C’est pour cela que Roquentin revient très souvent sur la question du langage, disant qu’il n’arrive plus à trouver les mots qu’il faudrait qu’il emploie. Le langage se montre impuissant, et se révèle impuissant à nous communiquer la réalité du monde, des choses, et ce faisant il dévoile son artificialité : le fait que toute la réalité du langage c’est d être un « être de surface ».
  4. Lettre 59-5 23 août 2019 Samuel, XVI siècle Evolution générale en Europe (partie 5) : les visées hégémoniques de l’Espagne Charles de Habsbourg, fils de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle, prince de la maison de Habsbourg, naquit en 1500 à Gand dans les Pays-Bas des Habsbourg (aujourd’hui en Belgique). Il faisait partie de la maison des Habsbourg ou maison d'Autriche, importante famille souveraine d'Europe ayant fourni tous les Empereurs du Saint-Empire romain germanique entre 1452 et 1740. Grâce à sa filiation il hérita, entre 1506 et 1519, des royaumes aragonais et castillan, soit l’Espagne ( il était le petit-fils de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille par sa mère) et des royaumes d’Autriche et de Bourgogne (il était le petit-fils de Maximilien 1erEmpereur d’Autriche, un Habsbourg, et de Marie de Bourgogne par son père). A la tête d’un territoire aux dimensions inédites qui comprenait l’Autriche, les Pays Bas, la Flandre, l’Artois, la Franche Comté, l’Aragon, la Castille, la Sardaigne, la Sicile, Naples, il fut élu en outre, en 1519, au trône du Saint-Empire romain germanique. Rappelons que ce titre était devenu honorifique, l’Empereur représentant seulement formellement l’ensemble des pays allemands et leurs extensions, pays qui avaient fini par se désolidariser les uns des autres après le règne de Frédéric II de Hohenstaufen (voir lettre 56, première partie). En tant que roi d’Espagne, Charles de Habsbourg régna sous le nom de Charles 1er, en tant qu’Empereur du Saint-Empire il régna sous le nom de Charles Quint (Quint = cinq). A la tête d’un trop grand territoire Charles Quint s’abîma dans des guerres incessantes. De plus il dut faire face à l’avancée des Ottomans qui vinrent assiéger Vienne (la montée de la puissance ottomane sera traitée dans la prochaine lettre). Enfin il dut régler les problèmes posés par la montée du luthéranisme en Allemagne (voir lettre 59-3). Épuisé et malade, en 1555, il abdiqua ses droits sur les Pays-Bas en faveur de son fils Philippe, duc de Milan et roi de Naples. Il lui céda ensuite ses droits sur l'Espagne et sur le comté de Bourgogne en 1556. La même année il céda à son frère Ferdinand ses droits sur le Saint-Empire. Celui-ci (1503-1564) régna sous le nom de Ferdinand 1er. Charles-Quint mourut deux ans plus tard, en 1558. Le fils de Charles Quint (1527-1598) régna sous le nom de Philippe II, à partir de 1556, sur un territoire qui comprenait : l’Espagne et ses colonies, les possessions espagnoles en Italie (le Milanais, Naples, la Sardaigne, la Sicile) et la Bourgogne (l’Artois, la Flandre, les Pays-Bas, la Franche Comté). Au contraire de son père, esprit inquiet et détaché, il géra son Empire d’une main de fer. Ses contemporains, impressionnés par sa puissance, disaient : « Quand l’Espagne bouge, la terre tremble » Catholique convaincu, extrêmement pieux, il pensait que Dieu l’avait placé sur le trône pour assurer le triomphe de l’Église catholique. Dès qu’il fut arrivé au pouvoir il mobilisa l’Inquisition qui pourchassa les rares luthériens qui vivaient en Espagne, appelés « les Illuminés » (alumbrados). Puis il s’attaqua aux Morisques, les descendants des anciens musulmans du royaume de Grenade. Contraints de se convertir au catholicisme en 1492 ils avaient tout de même gardé leurs pratiques musulmanes. Philippe II les somma d’y renoncer comme il les somma de renoncer à parler arabe. Les Morisques se révoltèrent. Ils furent massacrés, les survivants furent dispersés dans le royaume. [Le roi Philippe III d'Espagne, successeur de Philippe II prononça l’expulsion des Morisques du territoire même de l’Espagne en septembre 1609 ; les arabes musulmans subirent ainsi le même sort que les Juifs, près d’un siècle plus tard]. En Méditerranée sévissaient les Barbaresques, musulmans d’Afrique du Nord qui ne cessaient pas d’attaquer les navires espagnols, chargés de blé, qui faisaient la navette entre l’Italie et l’Espagne. Philippe II parvint à les contenir mais non à les vaincre. En Méditerranée toujours, les Ottomans poursuivaient leur conquête de l’Occident. En 1570 ils s’emparèrent de Chypre possession de Venise. Alliée à la marine vénitienne, la marine espagnole vainquit la flotte turque à Lépante en 1571, dans la mer ionienne, à l’entrée du golfe de Corinthe (ce golfe sépare le Péloponnèse de la Grèce continentale). L’ avancée turque fut ainsi stoppée mais le sultan garda Chypre. Le Portugal n’était pas assez puissant pour faire face à l’expansion coloniale espagnole. Concurrencé sur les mers il perdait progressivement le contrôle des échanges, puis il dut se résoudre à perdre le contrôle du Brésil faute de moyens, la contrée finissant par être exploitée par des colons livrés à eux-mêmes. Le roi du Portugal Sébastien Ier, qui régna de 1557 à 1578, voulut relancer l’aventure africaine de son prédécesseur Henri le Navigateur (voir lettre 59-1). Il rêva de conquérir le Maroc. Le 7 juillet 1578 il débarqua à Tanger avec son armée. Le 4 juillet il affronta le chérif maure Abd el-Malek à Alcaçar-Quivir. L’armée portugaise fut écrasée. Le roi disparut dans la tuerie. Vingt mille chrétiens furent faits prisonniers. Le Portugal était exsangue. La mort du roi ouvrit une guerre de succession. Devant la vacance du pouvoir, Philippe II mobilisa ses troupes et réclama la couronne du Portugal. Philippe II n’eut pas à combattre, nul n’osa lui résister. Il devint roi du Portugal en février 1580. Il ajouta à son royaume les possessions coloniales du Portugal en Amérique latine et en Inde. Ainsi put-on dire que, dans le royaume d’Espagne, jamais le soleil ne se couchait. En France nous avons vu (lettre 59-4) que Philippe II tenta d’installer sa fille sur le trône royal. Henri IV déjoua ses plans. En Angleterre après la mort (en 1547) de Henri VIII qui avait rompu avec Rome en instaurant l’anglicanisme (voir lettre 59-3), Marie Tudor, la fille de sa première femme dont il avait voulu divorcer pour épouser Anne Boleyn, lui succéda et restaura le catholicisme. Philippe II l’épousa, alors commença les persécutions contre les anglicans ce qui valut à la reine le surnom de Marie la Sanglante. En 1558 Marie mourut, Elizabeth I sa demi-sœur, fille de Henri VIII et de Anne Boleyn lui succéda. Elle restaura l’anglicanisme. L’Acte de Suprématie fut réactivé (lettre 59-3). Elle s’opposa à la reine catholique d’Écosse, Marie Stuart et la fit exécuter. Du coup Philippe II, qui se considérait comme l’héritier légitime du trône d’Angleterre, du fait de son mariage avec Marie Tudor, heurté par cette exécution d’une reine catholique, décida de conquérir le royaume d’Angleterre. Il réunit une flotte considérable et la baptisa lui-même l’invincible Armada (la Flotte invincible). Le 20 mai 1588, 10 300 marins et 19 000 soldats embarqués dans 130 bâtiments quittèrent le port de Lisbonne. Le 8 août 1588, devant le port de Gravelines, les Anglais engagèrent la bataille et mirent en déroute les Espagnols. La conquête de l’Angleterre fut un fiasco. Quand Philippe II prit le pouvoir en 1556, les 17 provinces des Pays-Bas ne toléraient plus les impôts précédemment levés par son père Charles Quint ni la répression religieuse contre les protestants que ce dernier avait organisée. Philippe II envoya sa sœur Marguerite de Parme gérer le pays. Les nobles élurent parmi eux un Allemand, Guillaume de Nassau, prince d’Orange surnommé le Taciturne pour présenter, en 1566, leurs doléances à la régente : appel à la tolérance et allègements des impôts. Mais les 17 provinces elles-mêmes n’arrivaient plus à s’entendre. Elles étaient partagées entre les 10 provinces du sud (Belgique et Luxembourg actuels), catholiques, et les 7 provinces septentrionales (Zélande et Hollande), calvinistes. Des combats meurtriers éclatèrent entre les deux communautés. Philippe II remplaça sa sœur par son meilleur général, le duc d’Albe avec mission de rétablir l’ordre. Le duc gouverna en tyran et fit exécuter près de deux mille personnes en quelques mois. Il greva en outre la population de nouvelles taxes. Les provinces septentrionales, les plus réprimées du fait de leur religion, sous la conduite du Taciturne, tentèrent de résister. Mais les provinces du sud, catholiques, ne se joignirent pas à la résistance. En 1576 les troupes espagnoles se mutinèrent, n’étant plus payées depuis des mois. Elles pillèrent la ville d’Anvers (située dans les provinces catholiques du sud) où elles massacrèrent 7000 personnes. Alors les 17 provinces s’unirent dans une révolte commune. Elles proclamèrent la Pacification de Gand en 1576, s’engageant à s’entraider pour expulser les Espagnols. Mais l’Union ne dura pas les catholiques du sud préférant rester sujets de Philippe II plutôt que de risquer d’être dominés par les calvinistes du nord. Les guerres de religion reprirent. En 1581 les 10 provinces du Nord, menées par le Taciturne, proclamèrent leur indépendance sous le nom de République des Provinces-Unies. Philippe II déclara Guillaume ennemi du genre humain et mit sa tête à prix. Le Taciturne fut assassiné par un catholique en 1584. Le nouveau général nommé par Philippe II, Alexandre Farnese ne put venir à bout de la nouvelle république. Quand Philippe II mourut en 1598 son successeur Philippe III conclut avec les Provinces Unies une trêve de douze ans. Cette trêve valut en fait reconnaissance de cette nouvelle république européenne destinée à devenir l’une des plus grandes puissances du continent au cours du XVII ème siècle.Seules restèrent dans le patrimoine de l’Espagne les 10 provinces du sud. Philippe II mourut dans le palais de l’Escurial qu’il fit construire de 1563 à 1584. [Ce palais se trouve sur le territoire de la commune de San Lorenzo de El Escorial située à 45 kilomètres au nord-ouest de Madrid]. « Cité de Dieu rayonnante, rempart de la foi contre l’hérésie » selon ses dires, le monument, immense, est un palais, une nécropole(Charles Quint et Philippe II y sont enterrés), un couvent et un collège. Philippe y venait méditer dans la solitude qu’il jugeait nécessaire à l’accomplissement de sa tâche.Toutl’édifice est centré autour de son église. Cellini (sculpteur), Titien (peintre), et le Tintoret (peintre) collaborèrent aux travaux et y envoyèrent leurs œuvres. Jérôme Bosch (peintre) aussi y exposa ses œuvres. L’austérité de l’Escurial est déconcertante, elle s’accorde avec l’esprit secret de ce roi resté énigmatique pour ses contemporains. Son règne fut contrasté. L’agriculture du pays tomba en pleine déshérence, notammenten raison de l’expulsion des Morisques qui étaient de bons agriculteurs mais aussi en raison du développement de l’élevage des moutons transhumants (industrie de la laine) qui envahit les terres et chassa les paysans vers les villes. Les industries de la soie, du cuir et des armes étaient soutenues mais elles étaient écrasées par les impôts levéspour soutenir l’effort de guerre. Toutefois le commerce entre l’Espagne et l’Amérique ne fut jamais aussi actif. Ce commerce permit à l’Espagne de disposer de grandes quantités d’or extrait des mines d’outre-atlantique. La monnaie mondiale étant à l’époque une monnaie métallique, dont la plus recherchée était en or, cet afflux permit au roi de financer et son armée engagée aux Pays-Bas ou en Méditerranée et les garnisons stationnées en Italie. Cette accumulation de métaux précieux permit à la noblesse et aux bourgeois qui s’en emparèrent, de vivre richement sans rien faire. La riche Espagne préférait importer les biens plutôt que de les fabriquer puisqu’elle pouvait payer sans faire d’effort de production. Pendant que quelques-uns ainsi s’enrichissaient, le plus grand nombre s’appauvrissait, faute d’une production locale de biens et de denrées. La criminalitéaugmenta. Puis l’or se fit plus rare, une crise inflationniste finit par éclater (trop de monnaie face à une rareté de produits provoque une augmentation des prix) et le volume de la production agricole baissa. A partir du XVII siècle l’Espagne s’appauvrit et sa puissance déclina. Le règne de Philippe II fut marqué par un puissant mouvement religieux, artistique et littéraire. Sainte Thérèse d’Avila, saint Jean de la Croix, le dominicain Louis de Grenade écrivirent de grandes œuvres littéraires mystiques. Le peintre le Gréco, ainsi appelé parce qu’il était d’origine grecque, exprima dans ses tableaux religieux la foi profonde des Espagnols. Enfin un ancien soldat de la bataille de Lépante, Cervantès commença à écrire son célèbre roman médiéval : Don Quichotte, publié en deux parties, en 1605 et en 1615. Je suis heureux que tu puisses exercer ton art musical en public, dans ce restaurant moscovite. J’imagine que viendra un jour ou tu te produiras sur la Place rouge. Bravo tu t’intègres vite, mais c’est normal, tu as l’âme russe. Je t’embrasse, Je t’aime
  5. Lettre 59-4 16 août 2019 Samuel, XVI siècle Evolution générale en Europe (partie 4) : la contre-réforme et les guerres de religion Face à l’essor du protestantisme l’Église catholique entreprit sa propre réforme appelée la contre-réforme. Ignace de Loyola (1491-1556) initia ce renouveau catholique. Au cours du siège de Pampelune, en Espagne, en 1521, opposant François 1er, roi de France à Charles Quint, l’empereur d’Allemagne (qui était aussi roi d’Espagne sous le nom de Charles 1er) Ignace de Loyola, jeune noble espagnol, fut blessé. Immobilisé il décida de changer de vie. De combattant sur le terrain militaire il devint combattant au profit de son Église, l’Église catholique. Retiré à Manresa, près de Monserrat, en Espagne, il s’astreignit à une ascèse sévère, renonçant à tous les désirs terrestres pour ne plus obéir qu’à la volonté du Christ et à la promotion du catholicisme. Selon la légende lui et six de ses compagnons, le 15 août 1534, dans l’église Saint-Pierre de Montmartre, à Paris, firent vœu de pauvreté, de chasteté et d’obéissance à Dieu, au Christ, au Pape. Ainsi naquit la Compagnie de Jésus : les Jésuites. La Compagnie se mit à la disposition du pape en 1540 qui s’en servit comme bras armé (spirituellement) de la reconquête catholique. Le Pape Paul III, élu en 1534, face à la progression des idées luthériennes en Italie, créa la Congrégation de la suprême Inquisition qui devint ensuite le Saint-Office : six cardinaux dont l’impitoyable Carafa furent nommés inquisiteurs généraux et organisèrent une répression féroce contre les luthériens italiens. En 1543 le Pape décida la création de l’Index : les livres jugés dangereux pour la foi catholique furent interdits de lecture et des mesures sévères frappèrent les libraires et les imprimeurs qui les éditaient. La Papauté, sous l’influence des Jésuites, réaffirma les dogmes catholiques que les protestants avaient rejetés : réaffirmation de la tradition fixée par les Papes et non pas seule référence aux écritures, réaffirmation de l’autorité de la Vierge et des Saints, rejet de la traduction luthérienne de la Bible, vénération des reliques et des images, possibilité de trouver le salut non seulement dans la foi mais aussi dans les œuvres (voir à ce sujet la position de Luther : lettre 59-3), reconduction du célibat des prêtres et du latin dans la pratique du culte (Luther avait remplacé le latin par l’Allemand). En même temps la Papauté pourchassa tous les abus dans son propre clergé, extirpant la corruption, combattant les mœurs licencieuses, organisant la formation des prêtres dans des séminaires sous la direction des Jésuites. Puis la Papauté exigea d’exercer sur toute l’Église catholique de l’Occident son autorité spirituelle, les rois ne devant pas, selon elle, s’occuper des affaires religieuses, et le Pape devant détenir la décision quant à la gestion de tous les clergés catholiques. Cette exigence est appelée l’Ultramontanisme. Elle s’oppose au Gallicanisme position politique française qui veut organiser l'Église catholique de façon autonome par rapport au pape. En 1560 l’Église catholique s’est redressée. Contre la réforme scindée en plusieurs Églises rivales (luthériens, calvinistes, anglicans…) l’Église catholique opposait désormais un front uni, un seul dogme, un seul chef, un bras armé et militant : les Jésuites. Confortés par la nouvelle légitimité morale de leur Église, pour les catholiques, la lutte contre les protestants pouvait commencer. C’est en France, pays à dominante catholique, dirigé par des rois catholiques, que cette guerre des religions s’engagea. Les belligérants furent aussi appelés, pour les catholiques : papistes (servants du Pape) et pour les protestants : huguenots, mot apparu en 1552, altération sans doute du mot allemand eidgenossen, c’est-à-dire : unis par serment. En France, à François Ier qui régna de 1515 à 1547 succéda en 1547 son fils Henri II. Il tenta de contenir la progression du calvinisme, en vain. Il mourut en 1559. Ses trois fils lui succédèrent : François II, roi à quinze ans, qui régna de 1559 à 1560, Charles IX, roi à dix ans ce qui nécessita la régence de sa mère Catherine de Médicis, il régna de 1560 à 1574, et enfin Henri III qui régna de 1574 à 1589. Ils révélèrent une faiblesse de caractère telle que ce furent les nobles et leurs factions qui imposèrent leur autorité. Mais comme les uns étaient protestants et les autres catholiques, comme en plus chaque faction visait aussi le pouvoir politique cela dégénéra en guerres civiles. Les historiens distinguent huit guerres de religion entre 1562 et 1593. Le conflit atteignit son paroxysme avec le massacre de la Saint-Barthélémy ordonné par Charles IX sous l’influence de sa mère Catherine de Médicis. Le massacre commença à l’aube du dimanche 24 août 1572 (jour de la Saint-Barthélemy) à Paris. Sur l’ordre du Roi il s’étendit à toutes les grandes villes du royaume. Les tueries déchirèrent le pays, les protestants résistèrent. L’anarchie se généralisa. Charles IX mourut en 1574. Son successeur Henri III apaisa les tensions en désavouant le massacre de la Saint -Barthélemy, en accordant aux huguenots le droit de célébrer leur culte dans toute la France sauf à Paris. Ces dispositions déplurent aux catholiques. Ils formèrent une Ligue dirigée par le duc Henri de Guise, dit le Balafré (à la suite d’une blessure infligée par un protestant lors d’une bataille). La Ligue prônait l’union de la France avec la Papauté et avec l’Espagne (pays fermement catholique) alors dirigée par le roi Philippe II. Le Balafré aspirait à remplacer Henri III pour barrer la route à Henri de Navarre, le successeur légitime de Henri III, mais de confession protestante. Il s’entendit avec Philippe II pour faire pression sur Henri III afin qu’il interdise aux protestants d’ exercer leur culte et qu’il les oblige à abjurer leur religion sous peine d’exil. Il s’entendit avec le Pape afin que celui-ci déchut Henri de Navarre de tous ses droits à la couronne. Alors la guerre reprit. Le peuple était derrière le Balafré. Le Balafré vint défier le Roi à Paris, le Roi mobilisa ses troupes. Le peuple se souleva : ce fut la Journée des Barricades (mai 1588). Le Roi recula, il nomma le Balafré à un poste administratif de prestige mais en sous-main il organisa son assassinat. Le duc de Guise mourut percé d’une trentaine de coups d’épées et de dagues au château de Blois le 23 décembre 1588. Le lendemain le peuple de Paris se révolta. Des délégués des seize quartiers de la ville, le Conseil des Seize, prononça la déchéance d’Henri III. Henri III décida de reprendre Paris. Il s’allia avec Henri de Navarre, tous deux firent le siège de la capitale. Henri III fut assassiné par un moine catholique, Jacques Clément (en août 1589). Avant de mourir il désigna Henri de Navarre comme son successeur légitime. Ce dernier s’empara de la royauté sous le nom d’Henri IV. Mais il ne put prendre Paris, il se replia en Normandie. Il repartit à l’assaut de la capitale. Il remporta quelques victoires mais à nouveau il échoua à prendre la ville. Philippe II envoya son général Alexandre Farnèse défendre Paris. Henri IV dut lever le siège en 1590, une garnison espagnole s’installa dans Paris. Le Roi d’Espagne songea alors mettre sur le trône de France sa fille Isabelle. Il déclara son intention à la Ligue et au peuple de Paris. Celui-ci vacilla dans ses convictions. L’amour de la Patrie le disputa à l’attachement au catholicisme. Là-dessus Henri IV abjura sa religion, il se convertit au catholicisme. Alors le peuple se retourna et défendit son Roi. Henri IV fut sacré roi le 27 février 1594 en la cathédrale de Chartres. [Sacre : cérémonie bénie par l’Église catholique représentée par ses évêques ; le sacre lui-même consista en l’onction d’une huile sainte sur le corps du roi ; selon la légende cette huile, conservée dans une abbaye, avait été jadis apportée par des anges sur terre pour soigner les blessures d’un saint, Saint Martin]. Puis il rentra sans combattre dans Paris. Les Espagnols furent chassés de France après d’âpres combats. Après de longues et délicates négociations Henri IV dit «le Grand» parvint à faire signer aux belligérants, papistes et huguenots, un compromis qui mit fin aux guerres de religion en France : l’Édit de Nantes, signé le 30 avril 1598. L’Édit accordait aux protestants le droit de célébrer publiquement leur culte, il leur accordait aussi l’égalité avec les catholiques devant la loi et l’accès à tous les emplois. J’espère que tu t’acclimates bien à ta nouvelle vie en Russie. La Place rouge est la plus belle des places, elle rayonne sous la mémoire d’une histoire séculaire, la grande histoire de Russie. Je pense à toi, je suis tes pas chaque jour là-bas, Je t’aime
  6. Dans la nausée en particulier nous avons d’une façon répétitive, vraiment récurrente, quelles que soient les pages de ce roman, une description d’objets ou quelque chose qui concerne l’objet, et les objets les plus utilitaires et les plus triviaux. Il faut passer par les objets, parce que l’objet est ce qui existe à l’extérieur de moi. Étymologiquement objet : « objectum », c’est littéralement ce qui est jeté devant moi. Par définition cela présuppose que moi qui vois quelque chose jeté devant moi, je ne le confonde pas avec cette chose qui est devant moi. C’est tout l’implicite de ce terme. Existence et objet sont sur le plan philosophique des notions qui s’interpellent mutuellement. Pour en venir à la découverte de ma propre existence, je ne puis le faire qu’en passant par la découverte de l’existence des objets [entendu ce que je n’avais pas jusqu’à présent entr’aperçu]. Or, exister signifie littéralement être hors de soi : ex sistere. Dans le texte célèbre de la racine du marronnier, Roquentin qualifiera cette méditation sur la racine « d’extase horrible ». Etre hors de soi signifie donc ne plus s’appartenir, ne plus se reconnaître, s’éprouver comme radicalement étranger (thème repris par Albert Camus dans L’Étranger). Expérience ontologique qui va être un bouleversement radical de notre être, et entre autre de l’être du narrateur qui ne sera plus jamais le même après cette découverte de l’existence et particulièrement de la contingence de l’existence. Sur le plan philosophique on peut déjà commencer à comprendre dès le début de la Nausée qu’il va falloir apprendre à faire une différence entre être et exister. Être induisant un état, une essence, donc l’idée d’une adéquation totale avec soi-même, exister exigeant au contraire une coupure, une rupture, un décalage. Mais ce décalage va emporter avec lui tous nos repères, toutes nos habitudes qui vont s’abîmer dans cette faille qui s’ouvre à commencer par deux choses : d’une part la vie au sens où nous la confondions avec l’existence, d’autre part cette vie que Sartre assimilera à une comédie sociale. Nous jouons tous une comédie [vieux thème stoïcien] et ce que perd Roquentin c’est moins une authenticité que le fait qu’il était relativement à l’aise, jusqu’à cette catastrophe qui lui tombe dessus, dans le rôle social qui était le sien. Il jouait son personnage sans avoir l’idée et la conscience de jouer ce qui n’est qu’un personnage (persona : le masque). Personne et personnage indiquent l’idée de quelque chose d’artificiel qui nécessairement vient se plaquer sur notre réalité donnée au départ. Donc deux choses vont s’abîmer, vont se perdre : d’une part cette comédie qui est la société mais sans laquelle nous demeurerions incompréhensible à nous-mêmes et d’autre part le langage.
  7. La nausée nous confronte à cette inquiétante étrangeté. Roquentin se met à voir, éprouver les objets du monde comme étant monstrueux. Pourquoi ? Le tout début de la nausée commence par des descriptions d’objet. Nous rentrons dans la découverte de l’existence au travers de la redécouverte du monde des objets. La question est de savoir pourquoi. Peter Handke décrit le même monde désenchanté : L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty Georges Pérec : Un homme qui dort, montre l’enfermement, les risques du solipsisme dans les limites étroites de sa propre conscience, sans pouvoir communiquer, rentrer en contact d’une façon ou d’une autre avec les choses.] Il ne faut pas s’étonner que la Nausée commence par les objets non moins parce que ce serait le nouveau thème de la modernité, mais au travers de la saisie de l’objet il y a un rapport au monde et aux autres. L’objet va servir de médiation par rapport au monde et surtout ce que signifie le monde pour les phénoménologues et les existentialistes. Le monde ce n’est pas la nature, le milieu, l’environnement. C’est le monde humanisé. Le monde est un terme qui implique nécessairement autrui, donc l’autre, donc les êtres humains qui m’entourent. Dans les objets existent les autres. Rapport ambigu avec les objets qui sont investis, habités par la présence des autres – anonymes ou personnes qui nous ont offert cet objet –. Je rencontre toujours l’autre mais bien sûr d’une façon indirecte et occultée. Par rapport à cela il faudrait renverser les choses en disant que, en effet, si la modernité s’intéresse tellement au monde des objets, c’est que justement la modernité entend peut-être, en faisant écho ici avec l’existentialisme sartrien, entend relayer cette nouvelle façon désenchantée de voir le monde, de rentrer en rapport avec le monde, qui se passe sous des modalités négatives, la nausée, l’angoisse, mais qui figure un moment incontournable si je veux rebâtir le monde, et le rebâtir en me libérant du joug, du poids de certaines illusions que notre culture imprégnée de métaphysique a bâti, et qui nous a toujours demandé à croire à l’existence de certaines valeurs, par exemple la liberté, la vérité, le bien... Ce qui ne veut pas dire que pour l’existentialisme cela n’existe pas, mais si cela existe c’est que moi je le fais exister. Cela n’existe pas indépendamment de moi. C’est à moi, par ce souci d’exister, qu’alors ces choses qui ne sont pas autre chose que des valeurs et des façons que l’ai de me rapporter au monde, se mettront peut-être à avoir une certaine réalité pour moi. Mais ceci va introduire une cassure (cf. Le monde cassé - Gabriel Marcel). L’existentialisme d’une façon générale, en dehors de Sartre, prend acte d’une certaine cassure qui m’interdit d’une façon ou d’une autre de vivre le monde, de me vivre moi-même, de me rapporter aux choses de la façon habituelle. Soit de la façon inconsciente et aveugle que l’habitude me donne, soit même de la façon que la philosophie m’a donné et dont j’ai hérité. Donc la cassure se révèle au travers de mon appréhension du monde des objets et des objets. On retrouve au travers de ce rapport aux objets, et c’est ce qui intéresse Sartre, le sens profond d’exister. Il faut que l’objet me renvoie une étrangeté, me renvoie l’existence de quelque chose que, jusqu’à présent, je n’avais absolument pas perçu [justement mon existence] pour que, par voie de conséquence, je découvre ce que c’est qu’exister, et que des objets je puisse alors en passer à moi et que je me saisisse pleinement comme un existant. Je ne peux pas le faire directement. Je suis obligé d’en passer par la médiation des objets.
  8. – Journal daté 25 janvier 1932 ( Ier et troisième alinéa) Cette découverte qui va être l’épaisseur de l’existence apparaît au héros de la Nausée comme une maladie. L’existentialisme sartrien pourrait être défini comme, au départ, la découverte de la maladie qu’est l’existence. Bouleversement radical sur le plan ontologique de la façon de vivre. Cela ne veut pas dire que l’on ne peut recommencer à vivre, mais il y a une révolution à faire et il y a un passage incontournable. L’artifice littéraire est, dans la genèse de sa propre pensée, la pensée philosophique, un point de départ obligé. La pensée phénoménologique commence par la description des choses telles qu’elles surgissent à ma propre conscience c’est ce que peut-être, d’abord, l’artifice littéraire permet. C'est en tenant un journal et en notant d’une façon quasi obsessionnelle les micros événements qui peuvent sembler dérisoires, mais qui surgissent à la conscience que Roquentin n’a pas d’autres réponses que celle qui est bornée dans les étroites limites de ce surgissement. On comprend pourquoi tout l’existentialisme n’est qu’une extension théorisée, philosophiquement théorisée, de ce qui s’origine dans la Nausée. Dans la Nausée il n’y a pas de place à la joie. Dans la joie il y a forcément l’adhésion de quelque chose. Quand je suis distant de..., je ne peux pas être dans la joie. Je peux rire, le rire suppose toujours la distance, mais je ne peux pas être dans la joie. La joie suppose une participation à, une addition à, et pour une certaine partie, dans la joie on est dans le partage. Dans la Nausée on est dans la coupure, dans la séparation, dans ce qui, sur le plan phénoménologique, renvoie plutôt à « l’époché ». C’est une expérience très austère. –Épisode du galet C’est la première fois que le mot nausée apparaît au début du roman. Le héros commence à se déprendre du monde et particulièrement de ce monde des choses qui l’entourent : le galet, la pipe, le verre de bière sont les premiers objets qui hantent la conscience du héros dans les premières pages de la Nausée. On pourrait dire que tous ces textes illustreraient la notion freudienne de « unheimlichkeit » : l’inquiétante étrangeté. Freud nous explique qu’il nous arrive parfois d’être saisis par une vague peur, en tout cas une inquiétude dont nous ne pouvons pas assigner véritablement quelle en est la cause, et cette inquiétude ou cette peur nous saisit face a ce qui est quotidien, à ce qui est la banalité même. Ce que l’on a traduit par « inquiétante étrangeté » veut dire qu’il ne s’agit pas de l’étrange fantastique. Ce n’est pas quelque chose d’inhabituel qui surgirait dans mon horizon de pensée et qui, n’étant pas connu de moi, susciterait la peur, à tout le moins l’inquiétude, mais bien au contraire cette inquiétude et cette peur qui tout à coup, sans raison apparente, me saisissent face à ce que je connais bien, face à l’ensemble de mes repères quotidiens et habituels. Freud va convoquer un certain nombre d’exemples qu’il emprunte à sa propre vie, à la littérature, à des récits de patients, mais tous ces exemples illustrent cette idée. La conclusion freudienne sera de montrer que, au travers de l’inquiétante étrangeté, ce qui se manifeste c’est la pression sourde qu’exerce l’inconscient qui affleure presque ici la couche conscience. Je sens qu’il y a sous les présentations que me donnent ma conscience quelque chose d’autre, qui doit bien exister puisque j’en suis inquiété et que j’éprouve ce malaise que normalement je ne devrais pas éprouver.
  9. La Nausée : feuillets sans date – Premier alinéa Ce premier alinéa de la Nausée évoque l’entreprise phénoménologique. La phénoménologie rend une philosophie de la conscience, comme sera la philosophie de Sartre elle-même. Elle préconise, à la suite de son père spirituel le philosophe Husserl, un « retour aux choses mêmes ». Cela signifie mettre entre parenthèses le sens, la portée symbolique des choses, le vécu symbolique que nous avons des choses, et même pourrions-nous dire leur signification telle que cette signification est établie, arrêtée par la communauté à laquelle, que je le veuille ou non, j’appartiens. Autrement dit mettre entre parenthèses le monde tel que ce monde est décrit, tel que ce monde est posé comme un monde signifiant par les hommes pour justement s’appliquer à décrire un surgissement, le plus pur possible, face à ma conscience ou pour ma conscience. Or cette attitude n’est pas naturelle. Dans la vie quotidienne nous vivons le monde, nous collons aux événements. Et dire que nous collons aux événements c’est dire que nous mélangeons sans cesse à la fois ce que ma conscience propre peut en saisir dans son originalité, dans son individualité avec le prolongement nécessaire de cette expérience qui est le sens, les significations que les autres, le monde, autrui qui est mon horizon de vie et m’accompagne, confèrent à ces événements et confèrent à ce monde. Attitude phénoménologique que les phénoménologues appelleront la réduction : « Épochè », vieux terme grec. Dans le scepticisme il y avait déjà l’idée que, comme la vérité n’existe nulle part, je suis obligé de me contenter de ce qui provient de moi. Je ne puis, je ne dois m’appuyer que sur mes émotions, mes sentiments, mon jugement indépendamment de tout le reste qui peut en définitive être parfaitement mis entre parenthèses, être tenu à distance. L’épochè est cette attitude intellectuelle qui consiste à mettre entre parenthèses le monde et à introduire entre le monde et moi, les événements du monde, autrui et moi, cette distance qui va me permettre de décrire ce surgissement des choses à la conscience. – Deuxième alinéa Le blanc est une ruse de Sartre. C’est une mise en scène d’un oubli, un faux oubli montrant l’incertitude dans laquelle est le narrateur qui tient ce journal et qui peut très bien ne pas avoir trouvé le mot adéquat pour traduire ce qu’il ressent. Ce qui est important c’est l’opposition entre avant et maintenant et la Nausée s’ouvre sur l’indice d’une catastrophe « minuscule », une déflagration intérieure que le personnage va vivre jusqu’à la dernière ligne de la Nausée. Catastrophe minuscule qui est cette faille qui s’introduit à l’intérieur du personnage et qui va peu à peu le séparer du monde, des choses et de lui-même. Au fond ce que va vivre Roquentin, c’est cette impossibilité sans cesse grandissante d’adhérer à lui-même. Il va donc être amené à se regarder vivre et cette position va générer une panique. Si l’on faisait la lexicographie de la Nausée [relever la fréquence lexicale de tel ou tel terme dans un texte], on serait intéressé de voir la fréquence des mots peur, panique, angoisse, tout le lexique de la peur et d’une peur intense qui va jusqu’à la terreur. D’où l’attente du personnage d’événements banals propres à le rassurer et le raccrocher à l’existence (oreille contre la porte et attentte du voisin de palier).
  10. Romaxe de Nosa Señora da Barca ¡Ay ruada, ruada, ruada da Virxen pequena e a súa barca! A Virxen era pequena e a súa coroa de prata. Marelos os catro bois que no seu carro a levaban. Pombas de vidro traguían a choiva pol-a montana. Mortos e mortos de néboa pol-as congostroas chegaban. ¡Virxen, deixa a túa cariña nos doces ollos das vacas e leva sobr'o teu manto as foles da amortallada! Pol-a testa de Galicia xa ven salaiando a i-alba. A Virxen mira pra o mar dend'a porta da súa casa. ¡Ay ruada, ruada, ruada da Virxen pequena e a súa barca! Romance de Nuestra Señora de la Barca ¡Ay, fiesta, fiesta, fiesta de la Virgen pequeña y de su barca! La Virgen era pequeña y su corona de plata. Cuatro bueyes amarillos en su carro la llevaban. Palomas de vidrio alzaron aguacero en la montaña. Muertos y muertos de niebla por mil veredas llegaban. ¡Virgen tu carita deja en dulces ojos de vacas y lleva sobre tu manto los pliegues de amortajada! Por la frente de Galicia ya viene asomando el alba. La Virgen mira hacia al mar en las puertas de su casa. ¡Ay, fiesta, fiesta, fiesta de la Virgen pequeña y de su barca! Traduction : André Belamich Chant pour Notre-Dame à la barque O la fête, la fête de Notre-Dame à la barque ! La Vierge était petite à couronne argentée, jaunes les quatre bœufs à son char attelés. Des colombes de cristal menaient la pluie aux montagnes. Par les gorges surgissaient tous les défunts du brouillard. Vierge, laisse ton visage dans le doux regard des vaches et prends ces fleurs funéraires entre les plis de ta cape ! Sur le front de la Galice paraît la lueur de l’aube. La Vierge mire la mer depuis le seuil de sa porte. Le 27 décembre 1935 l’éditeur Anxo Casal (qui devait subir le même sort tragique que García Lorca), a fini d’imprimer à Santiago de Compostela le volume 73 de Editorial Nós. Ainsi sont nés les « Six poèmes galiciens ». Le livre comportait un prologue de Eduardo Blanco-Amor, un écrivain galicien qui s’interrogeait : comment Lorca a-t-il réussi à écrire , dans un langage qui n’était pas le sien, une création poétique aussi magnifique ? L’incroyable faculté de l’auteur d’absorber les émotions est peut-être la meilleure réponse.
  11. La découverte de la contingence correspond à la première modalité au travers de laquelle se découvre, apparaît à nous l’existence. La Nausée se présente comme une sorte de journal. Tout le roman pourrait se résumer de la façon suivante : la nausée n’est pas autre chose, par les yeux de Roquentin, que l’histoire, le récit de la découverte de l’existence. Dans la Nausée il y a le récit extrêmement précis de ce dévoilement pour une conscience de l’existence, en précisant que justement ce dévoilement de l’existence va produire ce sentiment métaphysique, ontologique, qui portera le nom de Nausée. Notons au passage une opposition : ici la nausée d’exister [découvrir que l’on est un existant va nous procurer une nausée ] vient s’inscrire dans l’exact contrepoint du préromantisme et particulièrement du rousseauisme. Rousseau dans les « Rêveries » va nous parler du bonheur d’exister. Le retrait dans la solitude permet de découvrir le plaisir à être, le bonheur d’être soi, d’être seul, d’être enfin seul, c’est-à-dire non plus soumis aux pressions, aux harcèlements de la société et des autres. L’existentialisme va nous faire enfin découvrir quelque chose à laquelle dans notre culture nous étions demeurés étrangers, c’est-à-dire l’angoisse existentielle, la nausée que procure cette découverte que nous sommes des existants. Il faut repartir des remarques de Sartre qui note que d’habitude la conscience occulte l’existence. L’existence ordinairement colle aux choses. Elle est donc opaque, elle n’apparaît pas en tant que telle. Ce qui revient à dire que habituellement, avant d’être frappés par cette révélation existentialiste, nous saisissons les choses comme faisant corps avec l’existence. Dans le texte de la racine des marronniers, parmi les métaphores employées, Sartre nous dit que « les choses sont pétries dans la pâte de l’existence ». De la même façon quand nous mangeons un gâteau nous ne séparons pas la pâte, nous ne pouvons distinguer la totalité de la chose que nous mangeons de la pâte dont elle est faite. L’existence est bien la texture des choses, je ne la remarque pas. La Nausée est l’histoire de ce dévoilement
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