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Vous voyez donc bien que la question de l’origine de l’univers est une question scientifique. Quant aux modèles qui tendent à rendre compte de cette origine ( dont le bing bang) ils sont en constante évolution, nul ne parvenant à élaborer un modèle définitif. Si je tente de sortir de cette actuelle interrogation scientifique sur les débuts de l’univers j’accède sans doute à la philosophie. La question devient : si le temps et l’espace notamment ont un début quelle est la « réalité » qui engendra l’espace et le temps ( entre autres ) ? Bon ce genre de question ne semble pas pouvoir être traitée par un esprit humain. Ou encore ce genre de question peut cacher une intention qui est de poser l’existence d’une réalité immatérielle. Bon ce peut être un peu vain. En fait ce qui me trouble, plus que l’origine, c’est la fin de l’univers. Et cette fin franchement je ne vois pas comment y échapper : la loi, le principe en fait, le second principe de la thermodynamique, est une loi d’airain. Il est possible de s’en sortir en avançant que même une loi aussi avérée que le second principe peut changer au cours du temps. Mais si je tiens ce principe comme étant un principe irréfragable alors la fin de l’univers, et donc de toute vie, contredit ce désir humain de construire un monde meilleur. L’idée de progrès est même anéantie. C’est assez troublant cet affrontement, entre le désir de construire un monde, dans un monde en cours de destruction. Bon on a le temps quand même de continuer de croire que nous bâtissons un monde meilleur.
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Luminet (il s’agit d’un éminent scientifique, regardez sur internet) écrit : « Pour la première fois dans l’histoire de la cosmologie, les problèmes du commencement et de la fin de l’Univers sont posés en termes scientifiques ». Luminet parle de Friedmann ( qui est aussi un scientifique assez réputé) lequel entretint une polémique avec Einstein sur cette question de l’origine de l’Univers. Einstein (qui était un scientifique assez réputé) finit par donner raison à Friedmann. La question de l’origine de l’Univers est actuellement le centre des recherches de tous les astrophysiciens. Vous pourriez lire Brian Greene qui vulgarise assez bien ce thème dans son livre « Jusqu’à la fin des temps » ( Brian Greene est aussi un scientifique plutôt réputé). Dans ce livre notamment, page 69, édition Flammarion, il y a ce rappel historique : « Einstein adopta sans réserve l’idée que l’univers avait eu un commencement » ( après les observations de l’astronome Hubble). Cela a toujours un côté inattendu de rencontrer quelqu’un, en 2022, qui ne connaît pas les avancées de la science depuis presque cent ans. Cela a un côté exotique, je trouve, de vous lire disant : la question de l’origine de l’Univers n’est pas scientifique. Me voici transportée dans une tribu tropicale.
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Le fait que l’univers puisse avoir une origine est si confondant que, même un esprit comme celui d’Einstein s’y opposa, dans un premier temps. L’intelligence la plus haute soit-elle est bornée par les préjugés. S’il y a une origine à l’univers, quoi ou qui déclenche ou engendre l’univers ? Cela dépasse l’imagination. Mais face au mystère de l’origine il y a le mystère de la mort thermique de l’univers qui signifie la disparition in fine de toute vie. Comment donner sens à toute construction sachant que toute construction in fine est vouée à l’anéantissement ?
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 6 (suite 3) Du Contrat social ou Principes de droit politique En 1762 Rousseau écrivit l’une de ses principales œuvres : « Du contrat social » , traité de philosophie politique qui influença fortement la pensée politique de l’Occident en développant les idées de peuple souverain, de volonté générale, de liberté et d’égalité. « L’homme est libre et partout il est dans les fers » ainsi commence Rousseau. Quel est le fondement de toute société ? Quand les obstacles naturels deviennent trop contraires pour que les hommes puissent assurer leur propre conservation alors ceux-ci s’unissent et s’engagent dans le pacte social suivant: « chacun met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale et tous reçoivent chaque membre comme partie indivisible du tout » L’acte d’association produit un Corps moral et collectif, appelé Corps politique. A l’égard des associés ce Corps est le Peuple. Rousseau écrit : « ce que l’homme perd par le contrat social c’est sa liberté naturelle et un droit illimité à tous ses désirs, ce qu’il gagne c’est la liberté civile et le droit à la propriété » La liberté naturelle a pour bornes les forces de l’individu, la liberté civile a pour bornes la Volonté générale. Rousseau revient sur le droit à la propriété du premier occupant. Ce droit est légitime si l’occupant exploite lui-même sa terre et s’il n’occupe que la seule quantité dont il a besoin pour subsister. La Volonté générale seule dirige le Corps collectif. La Volonté générale émane du Souverain qui est l’être collectif formé par tous les citoyens. Le Souverain est donc le Peuple. Si toute volonté particulière tend aux préférences en revanche toute volonté générale tend à l’égalité. De cette égalité il infère que tous ont les mêmes droits mais aussi tous ont les mêmes devoirs. C’est la Législation qui met en mouvement le Corps collectif. La Loi est l’acte par lequel tout le peuple statue sur tout le peuple. Les Lois sont des actes de la Volonté générale. Le peuple soumis aux Lois doit en être l’auteur. L’obéissance à la Loi qu’on s’est prescrite est liberté. Les objets principaux du contrat social sont donc la liberté parce que tout asservissement personnel est une force ôtée au Corps politique, et l’égalité parce que sans elle il n’ y a plus de liberté. Rousseau ne rejette pas les inégalités de richesse à condition que celles-ci ne soient pas telles qu’elles permettent à un homme d’en acheter un autre ou qu’elles conduisent un homme à se vendre à un autre. Le Corps politique, comme tout corps, a deux faces : l’une morale, l‘autre physique. La face morale est la Volonté générale qui porte la puissance législative, le versant physique est le Gouvernement qui porte la puissance exécutive. Le Gouvernement est un Corps intermédiaire chargé de l’exécution des Lois et du maintien de la liberté. Il est composé de magistrats (ministres, roi, etc.) Le Souverain, qui est donc l’être collectif formé par les citoyens, peut transférer le Gouvernement à tout le peuple ou à une partie du peuple : c’est la démocratie, il peut le transférer à un petit nombre : c’est l’aristocratie, enfin il peut le transférer à un seul : la monarchie. La démocratie, qui donc pour Rousseau est une identification entre le Souverain et le Gouvernement, n’est pas recommandée : le peuple ne peut pas passer son temps à gouverner. Dans l’aristocratie comme dans la monarchie il y a donc un Souverain et un Gouvernement distincts. Le Gouvernement parle au peuple au nom du Souverain c’est-à-dire au nom du peuple lui-même. La voie élective est la meilleure voie pour constituer le Gouvernement. La voie héréditaire est la pire. Les régimes se dégradent sous l’effet des intérêts particuliers du Gouvernement qui rentrent sans cesse en lutte contre la Volonté générale. La forme de dégradation la pire est celle du despotisme. Cette usurpation de la souveraineté doit être combattue par l’établissement construit du régime. Le peuple assemblé, le Souverain donc, fixe la Constitution. Il établit un gouvernement et il fixe le mode d’élection des magistrats. Même après cette originelle assemblée le peuple doit pouvoir encore s’assembler pour délibérer. Il fixe les conditions de ces nouvelles assemblées. Lorsque le peuple est légitimement assemblé toute juridiction du gouvernement cesse, la puissance exécutive est suspendue, tout citoyen a alors la même puissance que le magistrat, il n’ y a plus de représentant. D’une manière générale la souveraineté ne peut pas être représentée (Rousseau s’oppose donc à la démocratie parlementaire). Les députés du peuple ne sont pas ses représentants, ils en sont les commissaires. Toute loi que le peuple n’a pas ratifiée en personne est nulle. « Au temps des Gracques, écrit Rousseau, la foule délibérait et les citoyens donnaient leur suffrage du dessus des toits ». L’idée de représentant vient de la féodalité et l’espèce humaine se dégrade dans cette notion. Enfin Rousseau veut limiter le pouvoir des religions. Il ne peut y avoir de religion nationale exclusive. On peut seulement tolérer les religions qui tolèrent elles-mêmes les autres religions pour autant que leurs dogmes ne soient pas contraires aux devoirs des citoyens. Paris le 17 décembre 2021
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 6 (suite 2) Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes Quelle est l'origine de l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la Loi naturelle ? » En réponse à cette question mise en concours par l'académie de Dijon en 1753 Rousseau rédigea son second discours en 1754. Il déclara : c'est la société, fondée sur la propriété qui est la cause de l’inégalité et de la corruption des hommes. Il bouleversa le paysage de la philosophie politique de son siècle. Rousseau note deux types d’inégalité, l’une naturelle : différences d’âge, de santé, de force corporelle, l’autre morale ou politique : privilèges, richesse. Dans l’état de nature le sauvage doit lutter pour survivre. La lutte fortifie les corps, éloigne les maladies, élimine les plus faibles. Dans l’état civilisé l’oisiveté s’impose et avec elle tous les vices. La nature entraîne le sauvage dans l’action, la civilisation pousse l’homme à la réflexion. « J’ose presque assurer que l’état de réflexion est un état contre nature et que l’homme qui médite est un animal dépravé » [Cette assertion exaspéra Voltaire]. Si les animaux et les hommes sont des machines ingénieuses, il existe deux différences de taille entre eux. Les comportements des animaux sont dictés par la nature alors que l’homme, lui aussi soumis aux diktats de la nature, peut néanmoins choisir entre acquiescement et résistance. Il peut ne pas obéir à la nature. Ensuite l’homme possède cette incomparable faculté : celle de pouvoir se perfectionner, faculté qui fait défaut à l’animal. L’idée de cette faculté inspira la philosophie allemande notamment celle de Kant, elle inspire encore notre pensée d’aujourd’hui. Dans l’état de nature les sauvages développent ce sentiment : la pitié, nom que Rousseau donne à ce nous appelons aujourd’hui la compassion. Le sauvage est compassionnel. Il vit en paix avec ses semblables grâce à l’étendue d’un territoire dans lequel il peut trouver sa subsistance sans rentrer en concurrence, il déploie vis à vis des hommes une indéfectible compassion. Le sauvage vit heureux. Mais au fur et à mesure que l’homme emplit le monde de sa présence, sous l’effet notamment de la démographie, il entra en concurrence avec les bêtes sauvages et même avec les autres hommes dans la quête de sa subsistance. Alors il s’appuya sur cette faculté de perfectionnement pour cultiver la raison et concevoir des outils et des armes propres à assurer sa survie. La raison ainsi apparaît comme une faculté mise au service de passions, celles d’exister et de s’imposer. Le développement de la raison, en promouvant la technique, adoucit les conditions de vie de l’homme qui fit l’expérience de la jouissance. Alors il pensa que le but de la vie était le bien-être, ce qui donna jour à l’individualisme, lequel enfanta l’indifférence aux autres. Occupé désormais à rechercher le bien-être l’homme développa l’habitat. Il construisit des huttes où il choisit de vivre dans ce premier regroupement : la famille. Il développa les passions de l’amour conjugal et de l’amour paternel qui engendrèrent d’autres passions : la possession, la jalousie, l’exercice de l’autorité paternelle (jouissance du pouvoir). Les hommes s’agglomérèrent ensuite en nations ou en cités. Le langage apparut. Habitués à se retrouver ensemble autour de leurs cabanes ils observèrent leurs différences. Ils devinrent sensibles au jugement des autres. Ils développèrent les arts, danse, musique, habillement, ils voulurent se distinguer « ce fut là le premier pas vers l’inégalité et vers le vice en même temps » Les arts de la métallurgie et de l’agriculture apparurent. Certains hommes se spécialisèrent dans la métallurgie ce qui conduisit d’autres hommes à se spécialiser dans l’agriculture pour les nourrir. Ainsi se créa des dépendances entre les hommes. L’agriculture entraîna le partage des terres et l’apparition de la propriété privée, la terre devenant possession légitime de celui qui la travaillait (Rousseau repend les théories de Locke). Le premier homme qui, ayant enclos un terrain, dit « ceci est à moi » fut le fondateur de la société civile et de l’inégalité entre possédants et non possédants. La différence des talents naturels trouva un prolongement dans l’aptitude au travail. Les plus industrieux s’enrichirent dans l’échange devenu nécessaire en raison de la division des tâches, en raison de l’interdépendance des hommes entre eux. Puis à partir de l’appropriation privée des terres apparut la pratique de l’héritage. Ainsi furent perpétuées les inégalités. Elles engendrèrent des guerres intestines pour la possession des biens. Pour éviter l’anarchie les hommes finirent par s’entendre. Ils instituèrent les lois qui réglèrent leurs rapports mais qui entérinèrent aussi les positions acquises. « Ainsi furent fixées dans la loi la propriété et l’inégalité ». A l’origine il y eut accord entre les peuples et ses chefs. Les peuples renoncèrent à une partie de leur liberté contre la protection offerte par les chefs contre les autres nations. En effet les rapports entre nations restèrent sauvages, d’où source de guerres parfois effrayantes. Pour que l’accord fût respecté on en appela à la volonté divine. Différentes formes de gouvernement apparurent selon les spécificités locales (Rousseau repend les théories de Montesquieu). Là où un homme était éminent le gouvernement fut monarchique, là où un groupe d’hommes était éminent le gouvernement fut aristocratique, là où les hommes étaient encore proches de l’état de nature le gouvernement fut démocratique. Mais ces diverses formes de gouvernement se dégradèrent. Au début toutes les fonctions étaient électives mais les élus finirent par s’approprier leur mandat et le transmirent par hérédité à leur descendance, passant outre l’élection. Cette dérive finit par ouvrir sur le despotisme où ne règne plus que l’arbitraire d’un seul homme. Le paradoxe est que dans le despotisme tous les particuliers redeviennent égaux parce qu’ils ne sont plus rien face au despote. Ils se retrouvent ainsi dans un état de nature. Le despote ne tient plus que par la force. Il suffit d’employer la force pour l’abattre. C’est dans la perspective d’un tel événement, l’émeute finale, que Rousseau s’attela à imaginer un nouveau contrat social. Paris, le 27 novembre 2021
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Lettre 70 24 novembre 2021, Samuel, A propos du shabbat, Le shabbat (cessation, abstention) est le septième jour de la semaine biblique, le samedi. C’est un jour de repos obligatoire. Il commence le vendredi à la tombée de la nuit et dure jusqu’au samedi soir, à la tombée de la nuit. Ce jour a une grande importance chez les Hébreux. C’est un des piliers de leur identité. C’est le seul jour sacré qui soit mentionné dans le décalogue, dans le quatrième commandement des deux tables de la loi. Ce jour est introduit dans la tradition hébraïque par deux textes. Tanakh, Genèse 32,1-3 : « L’Éternel mit fin le septième jour, à l’œuvre faite par lui ; et il se reposa, le septième jour… L’Éternel bénit le septième jour et le proclama saint, parce qu’en ce jour il se reposa de l’œuvre entière qu’il avait produite et organisée » Exode 20,8-11, « Pense au jour du shabbat pour le sanctifier. Durant six jours tu travailleras et tu t ‘occuperas de toutes les affaires ; mais le septième jour est la Trêve de l’Éternel : tu n’ y feras aucun travail, ni toi, ton fils, ta fille, ton esclave mâle ou femelle, ton bétail, ni même un étranger qui est dans tes murs. Car en six jours l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment, et il s’est reposé le septième jour : c’est pourquoi il bénit le jour du shabbat et l’a sanctifié » Puisqu’il s’agit d’un jour de repos tous les travaux sont interdits sauf cas de force majeure. Le shabbat est une fête de famille et l’occasion pour tous de se retrouver ensemble en se détachant de tous les labeurs imposés par l’engagement dans le monde. Il est interdit d’allumer un feu, de faire la cuisine (d’où l’obligation de tout cuisiner pour le vendredi soir et le samedi avant l’ouverture du shabbat), d’utiliser l’électricité ou son téléphone portable...en fait ce jour-là les Hébreux renoncent à transformer le monde (donc à utiliser toute énergie) afin de signifier la paix faite avec le monde. Le vendredi tous se souhaitent « shabbat shalom » (shalom : paix). La maîtresse de maison prépare le repas du soir et ceux du lendemain. Dans la communauté séfarade le plat principal est la Dafina composée de pois chiches, de pommes de terre, d’œufs, de viande de bœuf et de blé. Dans la communauté ashkénaze le plat traditionnel est le Tcholent à base de pommes de terre, d’orge perlé, de viande et de haricots. Pendant qu’un office se déroule à la synagogue, la maîtresse de maison allume des bougies peu avant la tombée de la nuit. Elle orne la table avec divers objets conçus pour cette occasion. A la place du père elle dispose deux hallot (petits pains) recouvertes d’un napperon, une coupe d’argent pour le vin, et les bougies. Les hallot évoquent la double ration de manne qui tombait du ciel dans le désert pendant l’errance des Hébreux (après la sortie d’Égypte). Au retour de la synagogue, après s’être lavée les mains (ablutions), la famille se réunit autour de la table. Les hommes portent la kippa (signe de respect devant la présence divine). Les parents bénissent les enfants et tous se joignent au chant d’accueil du shabbat. Le chant terminé le père élève une coupe de vin et prononce les paroles du Qiddouch ( sanctification). Il rompt le pain et en distribue un morceau à chacune des personnes attablées. Le repas peut alors commencer. C’est un repas plein de joie, il est recommandé d’y faire bombance et d’y manifester sa joie de vivre près de l’Éternel. Le Qiddouch est une prière récitée pour sanctifier le shabbat et les jours de fête. Le texte du Qiddouch est le suivant : « Sois loué, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par tes commandements et qui dans ton amour et dans ta bienveillance nous a donné en partage ton saint jour de shabbat, souvenir de la création du monde. Ce jour est la première des solennités instituée en mémoire de la sortie d’Égypte. Oui, c’est nous que tu as choisis entre tous les peuples et que tu as sanctifiés, et c’est à nous que dans ton amour et ta bienveillance tu as donné ton saint jour de shabbat en héritage. Sois loué l’Éternel qui sanctifie le shabbat » Le samedi est consacré au repos, à la famille, à la prière, à la fréquentation de la synagogue. Un nouveau Qiddouch introduit le second repas familial du shabbat, le repas du midi. Pour le troisième repas, le soir du samedi, le Qiddouch n’est pas récité. Après avoir consommé le repas le maître de maison récite la Havdala (séparation) prière qui sépare officiellement le moment saint du shabbat du monde profane de la semaine. Le père dispose d’un verre de vin rempli à ras bord, en signe d’abondance, d’une boite contenant des épices (symbole de la vie spirituelle en raison des senteurs qu’elles exhalent) et d’une bougie. Le père récite une bénédiction puis il fait circuler la boite aux épices. Il boit la coupe de vin et éteint la bougie avec le fond du verre. En principe le shabbat est terminé mais certains l’achèvent seulement après la tombée de la nuit avec une ultime collation appelée Mélavé Malka (qui signifie : raccompagner la reine, le shabbat étant alors comparé à une reine reçue chez soi). Au cours de ce quatrième repas on mange peu voire pas du tout se contentant seulement de boire une tasse de boisson. Ce dernier acte a pour but d’établir la liaison finale entre le shabbat et le premier jour de la semaine. Je pense à toi, J’espère que la Déesse précisera son message quand tu iras à Saint-Pétersbourg et j’espère que tu auras le temps de recevoir le présent des Iakoutes : le petit renne. Je t’embrasse, Je t’aime
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 6 (suite 1) Discours sur les sciences et les arts Le Discours sur les sciences et les arts est une réponse à cette question mise au concours par l’Académie de Dijon en 1750 : « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs ». Lauréat du concours, Rousseau voit son essai enflammer les discussions. Il devient célèbre. Dans la première partie Rousseau étudie les effets des sciences et des arts sur les sociétés humaines. Si les besoins du corps sont le fondement de la société, ceux de l’esprit en sont l’agrément (le divertissement). « Tandis que le gouvernement pourvoit à la sûreté et au bien-être des hommes » les sciences et les arts ont pour fonction d’adoucir leur quotidien et de leur faire accepter leur esclavage. Cet adoucissement des mœurs, provoqué par l’irruption des sciences et des arts, provoque l’affaiblissement des caractères, l’émergence d’une morale de l’hypocrisie et de la fourberie, le déclin des civilisations, rendant celles-ci vulnérables lorsque des peuples plus rudes, tels les Lacédémoniens, les Scythes ou encore les Germains, non civilisés (non instruits pas les sciences et les arts), s’avisent de les attaquer. Alors ces civilisations raffinées mais corrompues, savantes mais sacrilèges, s’écroulent. Ainsi en fut-il de l’Égypte, de la Grèce, de Rome.... Dans la seconde partie Rousseau s’interroge sur l’origine des sciences et des arts. « L’astronomie est née de la superstition, l’éloquence de l’ambition, la géométrie de l’avarice, la physique d’une vaine curiosité, la morale de l’orgueil humain ». Les sciences et les arts doivent leur naissance à nos vices, elles en portent l’énergie funeste : l’avilissement de toutes les valeurs. Les savants (de toutes disciplines) font la promotion du luxe et de l’enrichissement. Ils n’en viennent plus qu’à parler de commerce et d’argent, chaque homme n’ayant plus de valeur qu’en fonction de ce qu’il vaut sur le plan monétaire. Enfin ces savants recherchant les applaudissements finissent par s’abaisser jusqu’au niveau le plus bas. Rousseau en profite pour attaquer Voltaire : « dites-nous célèbre Arouet » combien vous avez sacrifié vos nobles aspirations à la flatterie ou à la notoriété. Pourtant Rousseau distingue les savants qui méritent les honneurs et le respect : ceux qui sont dans le faire plutôt que dans le dire, ceux qui tentent d’éclairer le peuple et non de le corrompre en vue de leur seule gloire. Il cite Descartes, Newton, Bacon, Cicéron...ceux-là travaillent pour la félicité du peuple et non pour la leur. Rousseau conclut : il y a les savants qui savent bien dire, la lie des sociétés, et ceux qui savent bien faire, les bâtisseurs. Paris, le 12 novembre 2021
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 6 Jean-Jacques Rousseau Rousseau est le philosophe du siècle des Lumières le plus saillant. Sa pensée atypique qui fit de lui un marginal dans son temps est pourtant celle qui connut et qui connaît toujours le plus grand retentissement. Il inspira la Révolution dans un discours raisonné, mais aussi le romantisme, grâce à sa profonde sensibilité, à son amour de la nature. Or le romantisme, dans son développement allemand, s’opposera à l’esprit de la Révolution. Bien qu’il fut un solitaire, un ermite parfois, sa pensée s’est toujours développée dans le rapport à l’autre (l’éducation, l’amour) et aux autres (la politique). Je développerai plus loin ses idées dans l’analyse de quelques œuvres. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) naquit en 1712 à Genève, république calviniste indépendante. Sa mère mourut quelques jours après sa naissance. Son père, Isaac, horloger, violoniste et maître de danse, l’initia à la musique et à la lecture mais dut quitter Genève pour des raisons professionnelles, sans pouvoir l’emmener avec lui. Le monde tranquille de Jean Jacques, alors âgé de dix ans, s’écroula. Élevé à la dure par un ministre du culte protestant, puis par un huissier, enfin par un graveur, il fugua et partit en errance sur les routes à 15 ans. En 1728 il rencontra Madame de Warrens qui le prit sous sa protection. Il vécut avec elle, près de Chambéry, trouvant l’amour maternel qui lui faisait défaut. En 1737 elle partit vivre ailleurs en lui laissant sa propriété, les Charmettes, avec sa bibliothèque. Solitude, lectures : philosophie, romans, traités de mathématiques, le jeune homme dévora les ouvrages. Rousseau se rendit à Lyon en 1740 où il exerça comme précepteur puis à Paris, en 1742, où il donna des leçons de musique. Il rencontra Diderot qui lui confia la rédaction d’articles de l’Encyclopédie sur la musique. Il se mit en couple avec Thérèse Levasseur une servante d'auberge qui devint sa femme et avec laquelle il eut cinq enfants qu’il abandonna à l’Assistance publique n’ayant pas les moyens de les élever. En 1749 l’Académie de Dijon mit au concours la question « Le progrès des sciences et des arts a-t-il contribué à corrompre ou à épurer les mœurs ? » Rousseau participa au concours en écrivant le « Discours sur les sciences et les arts » (dit Premier Discours) dans lequel il soutint que le progrès était synonyme de corruption. Il développa un réquisitoire contre les privilèges des puissants qui avancent masqués sous les arts et les sciences. Il défendit ce qui deviendra le thème central de sa philosophie : l’homme naît naturellement bon et heureux, c’est la société qui le corrompt et le rend malheureux. Il obtint le premier prix. L'ouvrage fut publié en 1951 et connut un grand succès. Rousseau réagit mal à la notoriété, il préférait être seul. Il se fit copiste de musique et composa un opéra, le Devin du village (1752), chantant l'impossible amour dans le mensonge des villes. Ce fut un succès mais il refusa d'être présenté à Louis XV. En 1754 l'Académie de Dijon lança un autre concours auquel il répondit par son « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » (également appelé Second Discours), qui acheva de le rendre célèbre. Il y défendit à nouveau la thèse selon laquelle l'homme est naturellement bon mais il alla encore plus loin : la différence naturelle des hommes n'explique en rien leur inégalité sociale, c'est l'Histoire qui les rend inégaux, non leur nature. Rousseau continua de remettre en cause l’idée même de progrès chère aux Lumières, ce qui lui valut l’ironie de Voltaire et la prise de distance de Diderot et des encyclopédistes. En 1756 il quitta Paris pour rejoindre, près de Montmorency, l'Ermitage, propriété de Mme d'Épinay. Il y travailla beaucoup mais il se brouilla avec sa protectrice. Il quitta l'Ermitage pour s'installer dans les environs, à Montlouis, dans une maison en ruine, avec Thérèse. Il continua d’attaquer l’esprit de son temps en soutenant dans sa « Lettre à d’Alembert sur les spectacles » (1758) que le théâtre flattait les penchants des hommes et ne pouvait les amener à la vertu. Sa pensée originale plut à un aristocrate, Monsieur de Luxembourg qui le prit sous sa protection et fit reconstruire la maison de Montlouis. Rousseau y écrivit Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761), Du contrat social, (1762) et Émile ou De l’éducation (1762). Dans Le Contrat Social, Rousseau fonda la société politique sur la souveraineté du peuple et l’égalité civique devant la loi, expression de la volonté générale. Dans "Émile ou de l’Éducation" il soutint que l'apprentissage doit se faire par l'expérience plutôt que par l'analyse. Il y professa une religion naturelle, forme de déisme, sans dogme, par opposition à la révélation surnaturelle, réfutant l' athéisme, le matérialisme et l'intolérance dogmatique du parti dévot (les catholiques). Le Parlement de Paris et les autorités de Genève condamnèrent ces œuvres qu’ils jugèrent religieusement et politiquement subversives. Rousseau dut fuir la France, mais aussi Genève. Il trouva refuge à Môtiers dans la principauté de Neuchâtel qui relevait de l'autorité du roi de Prusse Frédéric II lequel lui donna sa protection. Il fut attaqué de toutes parts, notamment par Voltaire qui choisit ce moment pour révéler publiquement l'abandon de ses enfants. Le pasteur de Môtiers, qui l’avait accueilli chercha alors à l'expulser. Bien que toujours protégé par Frédéric II la population lui devint si hostile qu’en 1765, il dut s’enfuir. Il regagna Paris où il bénéficia de la protection du prince de Conti. Il décida de commencer une œuvre autobiographique (les Confessions, Rousseau juge de Jean Jacques, les Rêveries du promeneur solitaire). Il survécut grâce à ses travaux de copiste de partitions de musique. En 1778 le marquis de Girardin lui offrit l'hospitalité dans un pavillon du château d’Ermenonville près de Paris. C’est là que le philosophe mourut subitement en 1778 près de sa femme qui resta toujours près de lui. Paris, le 10 novembre 2021
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 5 (suite 2) La question du fatalisme chez Diderot. Le fatalisme fut un sujet abondamment débattu par les philosophes des Lumières, notamment par Diderot. Il en débattit surtout dans son roman Jacques le Fataliste qu’il commença à écrire à partir de 1765, et qu’il remania constamment jusqu’à sa mort. L’œuvre met en scène deux personnages principaux, Jacques le valet et son maître qui devisent ensemble tout en voyageant à cheval le long des routes. Pour Jacques tout ce qui nous arrive de bien et de mal est écrit là-haut, sur un « grand rouleau ». Son fatalisme est l’affirmation d’une détermination absolue des événements de la vie excluant tout libre arbitre. Cette affirmation fait écho à celle de Spinoza (1632-1677) : « les hommes se trompent quand ils se croient libres ; cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés » Selon Jacques il n’y a pas de liberté : « notre destinée est écrite là-haut, un homme s’achemine aussi nécessairement à la gloire ou à l’ignominie qu’une boule qui aurait la conscience d’elle-même suit la pente d’une montagne ». Diderot prend la parole dans ce roman et parle au lecteur : « En conséquence Jacques ne devrait se réjouir ou ne s’affliger de rien. Cela n’était pourtant pas vrai. Jacques se conduisait comme vous et moi. Il remerciait son bienfaiteur et se mettait en colère contre l’homme injuste. Et quand on lui objectait que ce faisant il ressemblait au chien qui mord la pierre qui l’a frappé, il répondait : nenni la pierre mordue par le chien ne se corrige pas, l’homme injuste est modifié par le bâton. Il était inconséquent comme vous et moi ». Quiconque en effet soutient le fatalisme et l’absence de tout libre arbitre se trouve tôt ou tard confronté à cette contradiction : qu’un homme l’agresse délibérément et le fataliste rend son agresseur responsable de son acte, considérant donc qu’il l’a commis librement. Comment reconnaître à l’autre un libre arbitre et ne pas le reconnaître pour soi ? Les questions du fatalisme et de la liberté hantèrent Diderot toute sa vie. Il réaffirma sans cesse que nous agissons toujours sous l’empire de causes qui déterminent notre action mais quand il se trouvait face à sa maîtresse, s’il commençait bien à lui affirmer que son amour pour elle ne devait rien à une liberté illusoire, il en ressentait aussitôt une certaine culpabilité et lui affirmait ensuite que oui il l’aimait librement et non pas contraint. Il en concluait que l’esprit (la raison) et le cœur (le sentiment) affirmaient des vérités contraires. Notons que considérer que nous sommes déterminés par des causes extérieures à notre volonté est une philosophie qualifiée aujourd’hui de déterministe plutôt que de fataliste. Le fatalisme réfère au destin : tout est écrit « la haut » le déterminisme réfère à un faisceau de causes qui nous déterminent. Dans les deux cas nous ne serions pas libres. Paris le 3 novembre 2021
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 5 (suite 1) Le Rêve de D’Alembert est un ensemble de trois dialogues philosophiques rédigés par Diderot en 1769 : « Entretien entre d’Alembert et Diderot », « le Rêve de d’Alembert » et « Suite de l’entretien entre d’Alembert et Diderot » Cette œuvre assez sulfureuse (même encore à notre époque) ne fut publiée qu’en 1830, après la mort de Diderot, ce dernier redoutant d’encourir une nouvelle incarcération. Dans cette œuvre Diderot substitue à Dieu la matière. Il réfute le dualisme de Descartes, (la matière et l’esprit), l’esprit, en tant que réalité distincte de la matière, n’existant pas. Il attribue à la matière deux qualités : la sensibilité et le mouvement. Même la pierre « sent ». Ce n’est pas parce que nous ne l’entendons pas crier quand nous la taillons qu’elle ne crie pas. Il existe une sensibilité inerte, ou passive (ou immobile), celle des minéraux, dont l’immobilité est assurée par des forces extérieures qui les contraignent (pression, réaction du plan qui les supporte, etc.), et une sensibilité active, celle des végétaux et des animaux qui disposent d’une faculté de mouvement propre. Il est possible de faire passer un corps de l’état de sensibilité inerte à l’état de sensibilité active. Ainsi la poudre de marbre (minéral) mêlée à de l’humus, va s’agréger au végétal qu’elle nourrit. Elle deviendra active en permettant au végétal de vivre. Tout être minéral ou vivant est formé de molécules et d’atomes qui, en s’agrégeant et en se fondant les uns dans les autres, forment des êtres complexes. Chaque molécule est dotée d’une sensibilité propre qui s’agrège à la sensibilité des autres molécules pour donner cette sensibilité manifeste que nous pouvons observer chez l’animal ou chez l’homme. Chaque espèce existante, y compris l’homme, ne cesse de se transformer et de donner naissance à de nouvelles espèces. Tel animal énorme était peut-être un vermisseau jadis et peut-être que le vermisseau deviendra un animal énorme. Le passage du minéral inerte au végétal actif est continu, progressif. Comment passe-t-on de l’être sentant à l’être pensant ? Tout être a conscience de ses sensations mais l’homme notamment (Diderot ne semble pas exclure l’animal, ni peut-être le minéral) a cette capacité d’organiser ses sensations dans une mémoire, dans une histoire, organisation à partir de laquelle surgit cette qualité émergente : la pensée. Le monde commence et finit sans cesse. Tout change, tout passe, seul le Tout reste. Le prodige c’est la vie c’est la sensibilité. « Vivant j’agis et je réagis en masse, mort j’agis et je réagis en molécules ». Avec toujours une singularité propre car pas une molécule n’est identique à une autre molécule (qui reste sensible et donc vivante). Naître, vivre, mourir, c’est changer de forme. Il existe dans notre tête un point où convergent toutes nos fibres nerveuses comme les fils d’une toile d’araignée convergent vers l’araignée. Toutes nos sensations sont conduites par ces fibres vers ce point qui a la capacité de réagir et d’agir comme l’araignée réagit et agit quand sa toile est impactée. Diderot aborde enfin la morale sexuelle. Il nie que la chasteté ou la continence puissent être des vertus. Toutes les pratiques sexuelles sont naturelles car tout ce qui est, est naturel. Ainsi il légitime « les actions solitaires » (la masturbation), l’homosexualité et les relations entre espèces animales différentes. Ce traité est considéré encore aujourd’hui comme un peu excessif. Pourtant il brise avec une audace étonnante toutes les conventions de l’époque, ouvrant la voie à la future théorie de l’évolution de Darwin, ouvrant la voie à la liberté sexuelle de notre époque. Les idées osées de Diderot provoquèrent une certaine méfiance non seulement à son époque mais aussi à l’époque de la Révolution. Il faudra attendre le dix-neuvième siècle pour que ses idées commencent à être acceptées et que les commentateurs le rangent dans le groupe des philosophes des Lumières. Il se distingue des autres philosophes de son époque en ce qu’il aborde peu la question politique ou sociale (sinon sous l’angle des mœurs). Sa philosophie n’est pas politique, elle est plutôt « ontologique » (étude de l’être, étude de ce qui « est ») ou encore morale. C’est une philosophie plus personnelle que sociale, une philosophie qui invite le lecteur à penser par soi-même en ouvrant grandes les portes de l’imagination créatrice. Paris, le 23 octobre 2021.
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 5 Nous allons maintenant étudier une autre figure des Lumières en France : Denis Diderot. Denis Diderot naquit à Langres dans la Haute Marne (Est de la France) et mourut à Paris en 1784. Il excella dans les domaines littéraire et philosophique. Issu d’une famille catholique d’artisans aisés (le père était coutelier) ses parents voulurent l’aiguiller vers une carrière ecclésiastique. Il fit ses études au collège jésuite de Langres, puis il partit étudier la théologie à la Sorbonne à Paris. Mais en découvrant la capitale, ses théâtres, ses cafés, ses salons où foisonnaient tant d’idées nouvelles, il abandonna rapidement la voie religieuse. Il mena une vie de bohème avant de devenir traducteur d’ouvrages anglais. Sa compétence de traducteur le fit recruter dans un projet d’adaptation française de la Cyclopaedia d’Ephraim Chambers, éditeur et encyclopédiste anglais. Avec le mathématicien d’Alembert, il transforma cette adaptation en un projet faisant la recension de tous les savoirs de l’époque. Ce projet devint l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, ouvrage auquel participèrent tous les grands esprits du siècle. Parallèlement à ce travail d’encyclopédiste, Diderot composa des textes subversifs pour l’époque. En 1746 il publia anonymement les Pensées philosophiques, œuvre qui fait l’apologie des passions, contre tout ascétisme religieux et qui critique le dogmatisme religieux. On peut y lire notamment ceci : « Je vous dis qu’il n’y a point de Dieu ; que la création est une chimère ; que l’éternité du monde n’est pas plus incommode que l’éternité d’un esprit ; que, parce que je ne conçois pas comment le mouvement a pu engendrer cet univers, qu’il a si bien la vertu de conserver, il est ridicule de lever cette difficulté par l’existence supposée d’un être que je ne conçois pas davantage ; que, si les merveilles qui brillent dans l’ordre physique décèlent quelque intelligence, les désordres qui règnent dans l’ordre moral anéantissent toute Providence » La tonalité de cette œuvre entraîna sa condamnation et sa mise au feu par le Parlement. En 1749 il publia en son nom la Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient. Dans cette œuvre il s’appuie sur l’opération de la cataracte d’un aveugle de naissance qui recouvre la vue pour mettre en cause les « évidences » de ceux qui voient et qui prouvent l’existence de Dieu par le simple fait de voir la beauté de la nature. L’aveugle est pour Diderot l’image du penseur réduit au tâtonnement de l’expérience et aux hypothèses sans possible référence à l’émotion visuelle. Il commença à développer dans cet essai une pensée matérialiste et athée. Cette publication provoqua l’ire des autorités. Il fut arrêté et emprisonné pendant des mois au château de Vincennes. Traumatisé par son incarcération il renonça à publier de son vivant la plupart de ses écrits. Il conserva ainsi par devers lui, sous forme de manuscrits, l’essentiel de ses œuvres maîtresses : Le Rêve de d’Alembert, La Religieuse, Jacques le fataliste ou encore le Neveu de Rameau. À l’achèvement de l’Encyclopédie, il vendit sa bibliothèque en viager à l’impératrice russe Catherine II et il devint son courtier en tableaux. Il acheta pour elle de nombreuses œuvres aujourd’hui exposées au musée de l’Ermitage. Il entreprit à soixante ans un voyage jusqu’à Saint-Pétersbourg, son seul grand voyage et expérience de la vie de cour. Il se rêva conseiller influent de la tsarine mais le contact avec cette femme d’action fut rude et calma ses ambitions. La réflexion politique domina la dernière partie de sa vie avec une collaboration avec Raynal dans l’Histoire des deux Indes, dans lequel il prit partie contre l’esclavage. Dans la prochaine lettre j’analyserai l’exposé de sa pensée matérialiste telle quelle est développée dans le Rêve de d’Alembert. Paris le 20 octobre 2021
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 4 (suite 2) Voltaire et le despotisme éclairé Le despotisme éclairé est une formule qui désigne un type de gouvernement dans lequel un souverain se comporte comme un maître absolu tout en pratiquant une politique inspirée par la philosophie des Lumières. Cette formule n’existait pas du temps de Voltaire. Elle fut pensée par les historiens allemands du XIX siècle qui désignèrent ainsi certains régimes absolutistes du XVIII siècle, notamment ceux de Frédéric II, le roi de Prusse et de Catherine II, la tsarine de Russie. Ces historiens idéalisèrent la philosophie des Lumières en la résumant sous ces cinq mots : individu, raison, nature, progrès, bonheur. Mais ces cinq idées-forces étaient elles vraiment présentes à l’esprit des philosophes français du XVIII siècle ? Il est peu probable qu’elles le fussent dans l’esprit de Voltaire. Ce que Voltaire mit en avant ce fut l’idée de liberté, d’abord la liberté de penser, ensuite la liberté d’agir selon sa pensée. S’il parla du bonheur c’est avant tout pour s’opposer au bonheur tel qu’il était conçu par les catholiques, un bonheur assujetti à l’observance d’une morale puritaine triste et pesante, marquée par l’idée de péché et par le sentiment de culpabilité. De ce joug Voltaire voulut se débarrasser. Il s’opposa au discours pessimisme de Pascal et il affirma dans sa manière de vivre que les plaisirs issus des sens étaient légitimes. S’il parla de la raison ce fut surtout pour recommander d’agir avec un esprit critique, dénué d’émotions et de tous préjugés. Le progrès il ne le voyait pas comme une idée philosophique mais comme la conséquence d’une pratique scientifique menée en toute liberté au sein de l’activité économique. Même si le machinisme n’en était qu’ à ses balbutiements en 1730 il était déjà notoire que la technique était un champ à investir quand il s’est agi par exemple de multiplier la production lainière et ses produits. La technique était elle-même associée à la science, conçue alors comme un moyen d’affiner la technique. Le progrès, donc, à l’origine, c’est d’abord le progrès technique. Voltaire était un homme d’action avant d’être un philosophe alors qu’aujourd’hui les philosophes sont devenus des penseurs qui commentent l’action des autres sans vraiment y participer. Ces philosophes-là idéalisent les comportements des hommes d’action comme Voltaire pour en extraire des idées-forces dont nul ne sait si vraiment elles étaient réellement pensées par ceux-là. Voltaire pensa le pouvoir comme influence exercée auprès des puissants de son siècle. Il voulut orienter et éclairer l’action des despotes de son temps. Il fut l’un des rares philosophes des Lumières qui s’intéressa à l’économie politique. Ses deux années passées en Angleterre, 1726-1728, l’inspirèrent . Dans la sixième lettre des Lettres philosophiques il écrivit, en parlant de la bourse de Londres : « là le juif, le mahométan et le chrétien travaillent l’un avec l’autre comme s’ils étaient de la même religion. » L’activité économique, ici financière, lui apparut d’abord comme une activité qui permettait de transcender les différences religieuses et culturelles. A l’époque de Voltaire la finance et l’activité commerciale n’étaient aucunement entachées de culpabilité. La révolution industrielle avec son mode de production spécifique (dont le développement du machinisme) dans laquelle la classe ouvrière fut d’abord exploitée à mort par les tenants du capital (les possesseurs des bâtiments, des machines et des capitaux financiers, possesseurs appelés : bourgeois) n’était pas encore enclenchée en 1730, ou si peu. L’opprobre jeté contre l’activité financière vint plus tard lorsqu’il devint patent que l’activité industrielle naissante contribuait à l’exploitation inhumaine des ouvriers. Du temps de Voltaire ce qui prédominait c’était le négoce notamment avec les colonies. Financiers et négociants furent les premiers bourgeois au sens donné à ce mot dans l’économie capitaliste (à l’origine le mot bourgeois désignait l’habitant d’un bourg ou d’une ville). Il écrivit encore, dans la dixième lettre : « le commerce qui a enrichi les citoyens en Angleterre a contribué à les rendre libres et cette liberté a étendu le commerce à son tour ». Ou encore : « je ne sais lequel est plus utile à un État, ou un seigneur bien poudré...qui se donne des airs de grandeur en jouant le rôle d’esclave dans l’antichambre d’un ministère, ou un négociant qui enrichit son pays...et contribue au bonheur du monde » Nous voyons que c’est toujours la recherche de la liberté qui guide Voltaire, une liberté essentiellement individuelle, ce qui contribua à mettre en valeur l’individu contre la collectivité. Mais la mise en valeur de l’individu, telle que l’analysent aujourd’hui les commentateurs du siècle des Lumières, fut une conséquence de la recherche de la liberté, ce ne fut pas un objectif idéologique. Nous voyons que l’idée de bonheur est liée ici à l’idée d’enrichissement. L’enrichissement conduit au bonheur, c’est-à-dire à la liberté d’user de son temps pour notamment jouir du présent. Nous sommes loin de l’idéologie du bonheur telle qu’elle fut pensée plus tard. Nous voyons enfin que Voltaire pense que l’enrichissement des négociants et des financiers contribue aussi à l’enrichissement de tous, puisque les riches dépensent et animent le commerce de détail national. Voltaire voulut s’introduire à la cour du roi Louis XV mais il n’ y réussit pas. Ses Lettres philosophiques heurtèrent les convictions religieuses catholiques du roi qui, voir lettre précédente, lança même une lettre de cachet contre lui. En revanche ses positions philosophiques intéressèrent d’autres despotes de son temps, surtout Frédéric II de Prusse. Les deux hommes entretinrent, à partir de 1736, une correspondance épistolaire qui dura 50 ans, Voltaire allant même vivre auprès du souverain à Potsdam près de Berlin pendant trois ans. Les relations entre les deux hommes furent passionnelles rythmées par des périodes d’amitié puis d’inimitié. Voltaire tint auprès du souverain un rôle de conseiller mais aussi de confident. Dans les faits il accompagna Frédéric dans sa volonté de réformer la gestion de son pays. Si le père du souverain avait surtout développé l’art militaire en mettant sur pied une armée redoutable, Frédéric s’était rendu compte que les armées ne suffisaient pas. Il fallait aussi développer l’économie du pays pour le rendre encore plus fort. Un tel développement impliquait de créer les conditions le permettant. Il fallait d’abord créer un sentiment de paix civile et de liberté qui favorisa les affaires, puis construire une nouvelle économie. C’est ainsi que Frédéric défendit la liberté religieuse, mais aussi les libertés individuelles en instituant un code civil qui délivra les sujets de l’arbitraire. Il libéra la mobilité intérieure en développant les communications. Il jeta les principes d’une économie forte en développant l’agriculture, l’activité financière, puis l’industrie. Voltaire fut en quelque sorte le transmetteur du libéralisme économique, qu’il avait observé en Angleterre, auprès de l’Empereur de Prusse. Le philosophe entretint aussi une correspondance épistolaire avec Catherine II mais la tsarine fut en définitive peu influencée. Il était difficile au demeurant d’influencer Catherine. Paris, le 17 septembre 2021
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 4 (suite 1) Voltaire et la liberté d’expression Par prudence Voltaire publia ensuite clandestinement de courtes œuvres philosophiques qu’il désavouait aussitôt comme n’étant pas les siennes pour éviter l’embastillement. Il combattit surtout l’intolérance religieuse catholique, ennemie de la liberté individuelle de penser et d’agir. Son combat pour la tolérance est illustré par cette citation qu'on lui attribue à tort : « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ». Il apparaît qu’il n’écrivit jamais ce texte, mais certains critiques ont ainsi résumé son attachement à la liberté d’expression. S’il critiqua les religions il n’en devint pas pour autant athée. Il défendit le déisme, pensant qu’il existait une cause première à l’existence de l’univers. Il écrivit : « L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer Que cette horloge existe et n’ait point d’horloger » Ou encore : « Nous pouvons concevoir Dieu comme l’être nécessaire de qui tout émane ». En revanche il rejetait les récits religieux tout autant que l’incarnation de Dieu dans un homme (Jésus), récits qu’il tenait pour des billevesées. Candide Candide ou l’Optimisme est un conte philosophique paru à Genève en 1759. Voltaire y raconte les aventures, plutôt malheureuses, d’un jeune homme, Candide, « jeune garçon au jugement assez droit, esprit le plus souvent simple » en prise avec les aléas de la vie. Né dans une famille noble mais fils naturel par son père, ne pouvant donc se prévaloir d’une origine aristocratique pure, il est chassé quand il commence à faire la cour à une jeune fille bien née, Cunégonde. Jeté dans le monde Candide va de mal en mal. Il assiste aux horreurs de la guerre entre Bulgares et Abares, qui figure la guerre de Sept ans entre Prussiens et Français. Il s’enfuit en Hollande où il retrouve Pangloss, son précepteur, chassé à son tour de la famille noble pour avoir attrapé la petite vérole. Pangloss reste optimiste, il professe cette philosophie : tout va pour le mieux car ce monde est le meilleur des mondes possibles. Voltaire raille là la philosophie de Leibniz (1646-1716) un savant allemand ayant excellé dans tous les domaines de la pensée, et plus particulièrement en mathématiques (inventeur du calcul infinitésimal). Leibniz pose le principe « du meilleur » selon lequel Dieu agit toujours pour le meilleur. De ce fait le monde dans lequel nous vivons est le meilleur des mondes. Une telle attitude revient à justifier le mal en affirmant que tout mal engendre un bien. De Hollande Candide part pour Lisbonne, accompagné par Pangloss. La ville est frappée par un tremblement de terre qui fait 30 000 morts [il y eut effectivement un tremblement de terre meurtrier à Lisbonne en 1755] . Devant l’horreur de l’événement Pangloss continue de penser que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes car les choses étant ce qu’elles sont elles ne peuvent être autrement. Il est condamné par les Inquisiteurs qui estiment que sa philosophie nie le péché originel et la chute de l’homme (chassé de l’Eden). Le péché est le mal engendré par l’homme et l’homme doit se racheter pour le mal qu’il a commis. En outre Pangloss en affirmant que le mal est une cause nécessaire qui engendre le bien nie la liberté humaine de choisir entre le bien et le mal. Les Inquisiteurs organisent un autodafé public et y brûlent des pécheurs, dont Pangloss, responsables de ce tremblement de terre (punition de Dieu). A peine l’autodafé terminé la terre se met de nouveau à trembler. Horrifié Candide s’enfuit non sans dire « si c’est ici le meilleur des mondes, que sont donc les autres ». Dans sa fuite il retrouve Cunégonde dont la famille noble a été ruinée par la guerre. Elle a par surcroît été violée et poignardée. Ils voguent vers l’Amérique latine où Cunégonde devient de force la maîtresse d’un gouverneur de Buenos-Aires tandis que Candide avec un ami découvre l’Eldorado, un pays protégé de la civilisation, entouré de montagnes, ancienne patrie des Incas, au Pérou. Dans l’Eldorado tout va pour le mieux. Les habitants regorgent de richesses, il n’ y a pas de hiérarchie, juste un roi sympathique. Il n’y a pas de tribunaux car il n’ y a pas de délinquance. Les indigènes croient en Dieu mais ils ne lui demandent rien car ils ont tout. Il n’y a pas de prêtres non plus. Enfin il existe des locaux où sont répertoriés tous les savoirs mathématiques et physiques. Pourtant Candide ne veut pas rester dans ce pays parfait. D’abord Cunégonde n’y est pas mais aussi « ici nous serons comme les autres » tandis que si nous retournons dans le monde avec les pierres précieuses et l’or de l’Eldorado nous serons plus riches que les autres et nous ne craindrons personne. Il ajoute : « On aime tant à se faire valoir chez les siens, à faire parade » Candide rallie Surinam avec son ami où ils assistent au martyre d’un esclave noir, ce qui les révolte. Ils rencontrent un philosophe Martin, qui se dit manichéen, qualificatif d’un penseur qui estime que tout est bien ou que tout est mal. Martin pense que tout est mal. C’est l’anti-Pangloss. Martin dit : « Dieu a abandonné le monde à un être malfaisant. Partout les faibles ont en exécration les puissants devant lesquels ils rampent et les puissants les tiennent comme des troupeaux dont on vend la laine et la chair » Candide part à Venise avec Martin tout en demandant à son ami d’aller chercher Cunégonde à Buenos-Aires puis de les rejoindre. Tous se retrouvent à Venise sauf Cunégonde qui a été vendue comme esclave à Constantinople. Candide part sur une galère pour Constantinople et a la surprise de retrouver Pangloss qui est devenu un galérien. Bien que brûlé et disséqué il est revenu par miracle à la vie. Candide retrouve Cunégonde qui est devenu grosse et laide, puis avec Pangloss, Martin, Cunégonde et quelques amis il part en Transylvanie. Ils y trouvent un petit lopin de terre, une métairie où ils s’installent. Cunégonde devient acariâtre et insupportable, Pangloss est au désespoir de ne plus enseigner dans une université et Martin est toujours persuadé que le mal est partout. « Quel est le pire, être violé cent fois, fessé, pendu, disséqué ou bien rester ici à ne rien faire ? » Martin conclut que l’homme est né pour vivre dans les convulsions de l’inquiétude ou dans la léthargie de l’ennui. Candide s’aperçoit qu’il n’éprouve plus d’amour pour Cunégonde mais il l’épouse. Au voisinage de la métairie la petite troupe rencontre un vieillard qui les reçoit chez lui. L’homme affirme ne pas s’intéresser aux aléas politiques de son pays, la Turquie, et de se contenter de vendre à Constantinople les produits de son jardin qu’il cultive en famille. Il ajoute « j’ai 20 arpents, je les cultive avec mes enfants, le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin » Candide en déduit : « cultivons notre jardin », ce à quoi Martin répond : « travaillons sans raisonner, c’est le seul moyen de rendre la vie supportable » Chacun alors se met à exercer ses talents dans la petite métairie, « la terre rapporta beaucoup ». Pangloss de son côté en déduisit que s’ils n’avaient pas connu de multiples déboires ils n’auraient pas trouvé cette terre. Candide conclut : « mais il faut cultiver notre jardin ». Ce conte exprime un certain pessimisme chez Voltaire. Face au sens de la justice inné de Candide le monde apparaît hostile. Issu d’un monde aristocratique oisif et prétentieux il ne peut s’y maintenir en raison d’origines roturières. Jeté dans le monde il doit affronter toutes sortes d’horreurs ou de désillusions : la guerre, les catastrophes naturelles, l’intolérance de la religion (catholique), l’arbitraire des puissants (qui eux-mêmes connaissent souvent des fins cruelles), l’insécurité des conditions de vie (brigandages), l’extinction de l’amour et du désir, la rouerie des affairistes. Les philosophes ne sont pas sérieux basculant entre un optimisme ridicule ou un pessimisme désespérant. Pour Voltaire un monde s’écroule, celui des nobles et des clercs, un autre monde apparaît au sein duquel ne se dessine aucun sens. Même l’éventuelle perfection de ce monde ne le satisferait pas. Il ne voit pas de plaisir à vivre dans un Eldorado. Il voit l’égalité entre tous (être pareil à chacun) comme une source d’ennui. En définitive Voltaire se replie sur le travail, mais c’est faute de mieux, pour éviter l’ennui, le vice et le besoin. Il assume l’ impossibilité de trouver un sens aux choses plutôt que de choisir entre un optimisme béat ou un pessimisme déprimant. Il reste là immobile, ne sachant où aller, se repliant sur ce qu’il lui reste : le travail, la mise en valeur de ses qualités, de ses savoir-faire, seule manière de s’imposer s’il lui reste encore le désir de s’imposer. ( A suivre) Paris le 17 juillet 2021
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 4 Après Montesquieu nous étudierons Voltaire, dont nous pouvons dire qu’il représenta les idées de la bourgeoisie, après que le premier eut développé les idées de la noblesse. Introduction François-Marie Arouet, 1694-1778, fils de notaire, était issu d'un milieu de moyenne bourgeoisie. Après de brillantes études chez les jésuites de Louis-le-Grand il choisit de devenir un homme de lettres plutôt que d’accéder à la noblesse de robe à laquelle le destinait son père en lui proposant de financer une charge au Parlement de Paris. Le jeune homme éprouvait un certain mépris pour la noblesse et pour le clergé catholique. En 1717 il publia des vers irrévérencieux pour les autorités ce qui lui valut d’être brièvement incarcéré à la Bastille. En 1718, par dédain pour ses origines qu’il considérait vulgaires il changea de nom et prit celui de Voltaire (dont nul ne connaît précisément l’origine). Puis, toujours en 1718, il se fit connaître en produisant une pièce de théâtre, Œdipe, qui rencontra un grand succès, pièce dans laquelle il adoptait un ton impertinent contre Louis XIV et les ecclésiastiques. Son insolence lui valut d’être bastonné publiquement par un noble avant d’être à nouveau embastillé. Il s’exila alors en Angleterre en 1726 où il découvrit la pratique d’une liberté religieuse et politique qui le séduisit. Revenu en France en 1728 il y fit fortune en se lançant dans les affaires, le commerce international et le commerce des armes. En 1734 il publia clandestinement les Lettres philosophiques. Nous allons analyser cette œuvre importante, considérée comme le manifeste des Lumières en France. Les lettres philosophiques. Après avoir considéré la diversité religieuse chrétienne en Angleterre, caractérisée par une grande liberté prise par rapport aux dogmes catholiques Voltaire fait l’éloge de la nation anglaise, seule nation sur terre à être parvenue à maîtriser le pouvoir des rois en leur résistant, et à établir un gouvernement sage où « le Prince, tout puissant pour faire le bien, a les mains liées pour faire le mal ». « La chambre des Pairs et celle des communes sont les arbitres de la nation, le Roi est le sur-arbitre ». Les nobles n’ont plus aucun droit seigneurial sur les paysans et ils doivent payer l’impôt. Voltaire vante la pratique du commerce qui enrichit les citoyens et contribue à les rendre libres, pratique qui permet en outre à l’Angleterre de se doter d’une flotte navale capable de régner en maître sur toutes les mers. Il promeut le rôle des négociants, artisans de l’enrichissement et de la liberté nationales alors que les nobles allemands et français passent leur temps à s’adonner à des activités inutiles de cour. Il cite les personnalités qui portèrent l’Angleterre : Bacon, Locke et Newton. Bacon sut mépriser la philosophie classique et son discours pompeux pour inventer la philosophie expérimentale. Locke à son tour sut utiliser la philosophie expérimentale appliquée par Bacon à la physique pour l’appliquer à la connaissance de l’homme. « Au lieu de définir tout d’un coup ce que nous ne connaissons pas, il examina par degrés ce que nous voulons connaître » en observant l’évolution de l’entendement depuis la naissance jusqu’à l’âge d’homme et en conclure que nos idées nous viennent des sens. Ainsi Locke ruine la philosophie de Descartes centrée sur les idées innées, idées dont l’âme est dotée avant d’être placée dans le corps par Dieu. La raison humaine est définie comme étant la faculté de sentir, d’apercevoir et de penser. Les animaux eux-mêmes possèdent la faculté de sentir et d’apercevoir, ce ne sont pas des machines, ils ont des sentiments. Newton à son tour ruine la physique de Descartes. La théorie de l’attraction universelle l’emporte aisément sur la théorie des tourbillons « imaginaires » de Descartes et c’est bien la physique de Newton qui s’impose (bien qu’en optique Descartes tout de même est aussi un précurseur). Voltaire explique le succès de Newton par sa chance d’être né dans un pays libre « où les impertinences scolastiques étant bannies, la raison seule est cultivée » c’est-à-dire un pays où il est possible de penser sans en référer sans cesse aux disputes religieuses dogmatiques. Enfin Voltaire critique la philosophie de Pascal qui souligne l’aspect misérable et malheureux de l’homme qui comble son vide intérieur par le divertissement. Il lui oppose sa foi optimiste en l’homme. L’ouvrage connut un grand succès en France mais aussi en Europe mais il fut perçu à Paris comme une attaque contre le gouvernement, la noblesse et la religion catholique (pour cette dernière affirmer que les idées viennent des sens fut considéré comme un déni de l’existence de l’âme). Le livre fut condamné par le Parlement et brûlé en place publique. Une lettre de cachet fut lancée contre Voltaire. Ce dernier écrivit alors une lettre de désaveu où il protesta de « sa soumission entière à la religion de ses pères ». Il fut laissé en liberté, toujours exposé à l’embastillement car la lettre de cachet ne fut pas révoquée. (A suivre) Paris le 11 juillet 2021
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 3 La philosophie des Lumières en France s’exprima sous le règne de Louis XV. La mort de Louis XIV, en 1715, libéra l’expression des idées nouvelles nées sous son règne mais étouffées par l’absolutisme royal et l’autorité ecclésiastique restée assujettie à Rome. Le premier réflexe des classes dominantes libérées par la mort du despote fut de verser dans le libertinage ou encore dans la spéculation financière pendant la Régence. Ensuite apparurent les critiques contre le régime et les propositions de réformes sociales et politiques. Le premier philosophe marquant des Lumières fut Montesquieu. Charles de Secondat de Montesquieu, 1689-1755, issu de la noblesse de robe, siégea au Parlement de Bordeaux dont il devint le président. A côté de sa charge de parlementaire il s’intéressa aux sciences et aux cultures spécifiques des pays européens en voyageant notamment en Hongrie, en Italie, en Hollande et en Angleterre. Ce pays l’inspira sur le plan philosophique avec Locke et sur le plan politique avec l’installation de la monarchie constitutionnelle de la Sublime Révolution de 1688 (voir lettre 2 sur les Lumières). Il écrivit trois ouvrages réputés, Lettres persanes en 1721, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence en 1734 et De l’Esprit des lois en 1748. Nous choisissons d’analyser une partie de son œuvre majeure, De l’Esprit des lois. Les lois sont « les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ». C’est la condition nécessaire pour que le monde, une fois créé, subsiste et ne s’effondre pas sur lui-même. Ces lois s’appliquent aux choses et aux hommes. Les lois de la nature précèdent les lois politiques. Dans l’état de nature, thème initié par Hobbes puis par Locke, repris par la plupart des philosophes français des Lumières, « chacun se sent inférieur à chacun » et redoute la compagnie des autres hommes. Ainsi l’état de nature est un état de paix. Dans cet état quatre lois naturelles caractérisent l’homme : l’idée de Dieu, la nécessité de se nourrir, le désir de se reproduire et le désir de vivre en société malgré tout. Dès que l’homme entre en société, l’état de guerre commence. Trois sortes de lois apparaissent, celles qui régissent les relations entre les peuples, entre les gouvernants et les gouvernés (droit politique), entre les citoyens eux-mêmes ( droit civil). Montesquieu s’intéresse au droit politique et s’interroge quant au gouvernement le mieux adapté à la nature de l’homme. Il pose cette idée que chaque peuple a ses caractéristiques. Il n’ y a donc pas une nature d’ homme universelle mais une nature de l’homme caractérisée par la nature du peuple dans lequel il vit. L’esprit général d’un peuple est la résultante d’une multitude d’éléments : « le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les mœurs, les manières... ». L’un de ces éléments va prédominer chez un peuple et un autre chez un autre peuple. Exemple : «la nature et le climat dominent presque seuls sur les sauvages, les manières gouvernent les Chinois, les lois tyrannisent le Japon ». Les lois ne doivent pas aller à l’encontre de l’esprit d’une nation. Dans une nation frivole, par exemple il ne faut pas faire de lois contre le luxe. « Lorsqu’on veut changer les mœurs, il ne faut pas les changer par les lois : cela paraîtrait trop tyrannique ; il vaut mieux les changer par d’autres mœurs.» La diversité des peuples entraîne une diversité des lois, et par conséquent des régimes politiques différents. Il écrit : « les lois doivent être propres au peuple pour lequel elles sont faites, et c’est un très grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir à une autre ». L’esprit propre à chaque peuple détermine l’esprit de ses lois. Montesquieu distingue trois types de gouvernements : le républicain, le monarchique et le despotique. Le républicain a deux modalités qui sont : 1) La démocratie où le peuple tout entier exerce la souveraineté (cités de la Grèce antique). 2) L’aristocratie où la puissance souveraine appartient à une partie du peuple : les aristocrates (république de Venise ou de Gênes). Il n’ y a pas de monarque, même si le doge est élu à vie à Venise, en ce sens qu’il n’ y a pas hérédité de la charge du commandement suprême. Cette charge est élective et soumise au contrôle des aristocrates. Les aristocrates sont définis comme les « meilleurs », nous dirions aujourd’hui les élites. Il y a donc une différence subtile entre les aristocrates et les nobles ces derniers devant leur qualité de noble à l’hérédité. Le monarchique est « celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes » (des lois non arbitraires).Le monarque ne dispose pas de la toute puissance, qui est limitée et qui dépend des pouvoirs intermédiaires exercés par la noblesse, les magistrats et le clergé. Le despotique est « celui où un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et ses caprices ». (L’empire ottoman mais aussi l’absolutisme royal en France). Montesquieu étudie le principe de chaque gouvernement c’est-à-dire les passions humaines qui le font mouvoir. Dans une démocratie le peuple établit des lois auxquelles il doit se soumettre. Aussi le principe d’un tel gouvernement est : la vertu, définie comme l’amour de la patrie et l’amour de l’égalité. Seule cette vertu peut conduire les citoyens à choisir l’intérêt général contre les intérêts particuliers. Le principe de l’aristocratie est semblable, parce que les aristocrates décident de lois qui les affectent eux-mêmes. Ils doivent eux aussi être vertueux, mais en proportion moindre, ce que Montesquieu appelle modération. La modération est donc le principe d’une aristocratie. La vertu n’est pas le principe des monarchies, puisque le monarque décrète des lois auxquels il n’est pas soumis. Dans une monarchie le principe de gouvernement est l’honneur et la recherche des honneurs, l’attrait pour la reconnaissance sociale. Dans ce cadre l’hérédité de la noblesse est un honneur. Dans le régime despotique le principe de gouvernement est la crainte. Montesquieu examine les lois de l’éducation qui découlent de la nature du régime. Dans les monarchies, l’éducation se fait non pas à l’école, mais dans le « monde », dans les salons où se presse le « beau monde ». On y apprend l’honneur. « On n’y juge pas les actions des hommes comme bonnes, mais comme belles ; non comme justes, mais comme grandes ; non comme raisonnables, mais comme extraordinaires. » Dans un régime despotique, il n’y a pas d’éducation car le savoir est dangereux : « l’extrême obéissance suppose de l’ignorance dans celui qui obéit ; elle en suppose même dans celui qui commande : il n’a point à délibérer, à douter, ni à raisonner ; il n’a qu’à vouloir. » Dans le gouvernement républicain l’éducation des citoyens est essentielle. Celle-ci vise à donner au citoyen l’amour du gouvernement et de la vertu. Chaque type de gouvernement peut se corrompre et sombrer dans le despotisme. La démocratie se corrompt lorsqu’on y perd l’esprit d’égalité pour tomber dans ces deux extrêmes : l’esprit d’inégalité qui conduit à une aristocratie puis au pouvoir d’un seul et l’esprit d’extrême égalité qui conduit lui aussi au despotisme. En effet dans l’esprit d’extrême égalité plus personne ne respecte personne ni aucune autorité. Il s’ensuit une anarchie, génératrice d’un tel sentiment d’insécurité que seul un despote peut rétablir l’ordre. L’aristocratie se corrompt lorsque les nobles n’observent plus les lois. Une monarchie se corrompt lorsque le monarque veut gouverner seul et qu’il supprime les corps intermédiaires. Sous le despotisme il n y a plus de lois stables mais des lois déterminées par le caprice du despote. Or c’est la loi qui détermine les libertés. Le philosophe écrit : « la liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent » Le despotisme se caractérisant par des lois arbitraires il ne détermine plus de cadre stable pour l’exercice de la liberté. Comme le despotisme se caractérise par la réunion en un seul homme de la puissance législatrice et de la puissance exécutrice, pour l’éviter, il ne faut donc pas qu’une seule et même personne ait les trois types de pouvoir : législatif, exécutif et judiciaire. Il faut une séparation des pouvoirs. « Le pouvoir arrête le pouvoir » C’est là une loi fondamentale de tout gouvernement, loi qui a la liberté pour objet. Les trois pouvoirs sont exercés par le Parlement (pouvoir législatif) le Chef d’État (pouvoir exécutif) et les juridictions (pouvoir judiciaire). Les pouvoirs doivent être égaux. Montesquieu estime que la taille du territoire détermine le choix du gouvernement. Seule une république peut subsister dans une cité. Un état monarchique doit être de taille moyenne, tandis que les despotismes s’étendent sur des territoires démesurés. De ce fait, agrandir ou diminuer la taille d’un pays peut provoquer un changement de son régime politique. Il considère impossible la mise en place d’une république dans les sociétés occidentales de son époque car son principe est la vertu; or la vertu n’existe pas dans la société contemporaine en raison notamment du développement du commerce qui favorise l’égoïsme et l’enrichissement qui favorise la recherche du bonheur personnel. Comme Montesquieu considère en outre que la liberté ne passe pas par la participation au pouvoir, mais par la liberté de se mettre à l’abri du pouvoir et de se retirer dans sa sphère privée, il s’appuie sur ces considérations pour écarter la bourgeoisie comme composante nécessaire de l’exercice du pouvoir. Il en revient en définitive à défendre en France une monarchie tempérée par la séparation des pouvoirs et par le recours à des corps intermédiaires entre le roi et le peuple : la noblesse et le clergé. Montesquieu va considérablement influencer le monde occidental. La constitution américaine de 1788 et le constitution française de 1791 rependront le principe de la séparation des pouvoirs. Catherine II sera enthousiasmé par Montesquieu. Elle écrivit à d’Alembert (un philosophe français des Lumières) : « pour l'utilité de mon empire, j'ai pillé le président de Montesquieu sans le nommer. J'espère que si, de l'autre monde, il me voit travailler, il me pardonnera ce plagiat, pour le bien de vingt millions d'hommes. Il aimait trop l'humanité pour s'en formaliser. Son livre est mon bréviaire ». L'impératrice reprit de lui le principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire Mais cet enthousiasme ne dépassa pas les premières années de son règne. Elle instaura bientôt un régime absolutiste. Montesquieu aurait justifié le despotisme de Catherine II en le déclarant adapté à un pays aussi grand que la Russie, à son climat, à ses mœurs ou a sa religion. Montesquieu est un penseur atypique en Europe occidentale continentale. Alors que la philosophie française et allemande partent toujours de l’Idée, de l’idéal propre aux notions philosophiques, Montesquieu, tout comme les philosophes anglais, part de l’observation, de la réalité. Là où le philosophe français ou allemand parleront de la liberté en ce qu’elle doit être idéalement, Montesquieu comme Locke en parleront en tant qu’elle est observée dans les faits et non en tant qu’elle est idéalisée. Paris, le 29 juin 2021
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 2 En Angleterre, en 1603, à la mort d’Élisabeth, la dernière de la dynastie des Tudors, un Stuart, Jacques 1er , devint roi d’Angleterre (ainsi que roi d’Irlande et d’Écosse, ces deux royaumes gardant leurs propres institutions). Il régna de 1603 à 1625 et commença à entretenir avec le Parlement anglais une relation conflictuelle engendrée par son attitude autocratique. La situation s’aggrava avec son successeur, son fils Charles 1er , qui régna de 1625 à 1649 et qui refusa tout pouvoir d’intervention au Parlement pendant la majeure partie de son règne. Or, depuis le Moyen-Age, l’exercice du pouvoir en Angleterre reposait sur la concertation. Face au roi existait un Parlement composé de deux chambres, la Chambre des Lords et des ecclésiastiques et la Chambre des Communes formée de représentants des Comtés, petits propriétaires terriens, marchands, hommes de lois. Le Parlement participait à l'exercice du pouvoir législatif. Face au pouvoir parlementaire le roi pouvait opposer la Prérogative royale c’est-à-dire le pouvoir de décider en dernier lieu, sans être contesté. Mais la tradition était de parvenir à un accord partagé. Par ailleurs il y avait en Angleterre une grande diversité de religions, conséquence de la rupture de Henri VIII avec le pape en 1534. Les Anglais se donnèrent leur propre religion : l’anglicanisme qui se distingua du catholicisme non sur le fond (les dogmes) mais sur l’affranchissement de l’autorité du pape. Cette autorité fut remplacée par celle de l’archevêque de Canterbury (en Écosse prédomina le protestantisme avec les presbytériens et en Irlande le catholicisme continua de s’imposer). Face à l’anglicanisme de petites communautés religieuses prirent forme : les puritains et les indépendants notamment qui donnèrent plus tard naissance aux Quakers ou encore aux Pères pèlerins. Ces derniers, « Pilgrim fathers », en 1620, animés par leur propre compréhension, épurée de tout dogme, de la Bible, cinglèrent à bord du Mayflower vers l’Amérique pour y fonder une nouvelle Jérusalem. Ainsi naquit l’État du Massachusetts. Plus tard, à la fin du XVII siècle, les Quakers, animés par le mythe puissant de la recherche de la Terre promise, fondèrent l’État de Pennsylvanie. Ces petites communautés tendaient toutes à l’autonomie face aux politiques mais aussi face aux autorités religieuses. Elles se voulaient autonomes, indépendantes, choisissant leurs propres dogmes et leurs propres prêtres ou pasteurs. Elles inaugurèrent ainsi une forme moderne de démocratie. L’absolutisme de Charles 1er percuta de plein fouet la tradition anglaise de partage du pouvoir avec le Parlement, mais aussi il contrevint à la diversité religieuse du pays quand il voulut imposer à tous les dogmes de l’anglicanisme. Ainsi commencèrent les Guerres des trois Royaumes où s’opposèrent d’un côté les Lords et ecclésiastiques anglicans d’Angleterre alliés aux catholiques irlandais tolérés par Charles 1er , de l’autre côté la Chambre des Communes, les Écossais presbytériens et les minorités religieuses anglaises. Ces guerres civiles se terminèrent par la prise du pouvoir par un officier roturier, un indépendant, Cromwell, lequel imposa une dictature, fit décapiter le roi et soumit le Parlement désormais appelé Parlement croupion. Cette dictature dura de 1649 à 1658 puis à la mort de Cromwell, les Stuarts revinrent au pouvoir avec l’agrément du Parlement. Mais à nouveau les rois Charles II puis son frère Jacques II affichèrent des tendances absolutistes copiées sur la monarchie de droit divin instaurée par Louis XIV en France. Deux partis se constituèrent : les tories composés de nobles, qui mirent la personne du roi au-dessus de tout et les whigs, composés de bourgeois, qui se posèrent en défenseurs du Parlement. En 1679 les whigs réussirent à faire adopter par le Parlement et à imposer au roi le bill de l’habeas corpus qui interdit toute arrestation arbitraire, limitant ainsi le pouvoir du régnant. Quand Jacques II voulut restaurer le catholicisme tout en continuant de lutter contre les droits du Parlement les whigs firent appel à l’époux de la fille aînée de Jacques, Guillaume d’Orange-Nassau, protestant, stathouder des Provinces-Unies (chef militaire et chef de la diplomatie ). Le 5 novembre 1688 Guillaume débarqua en Angleterre, marcha sur Londres avec son armée et chassa Jacques II qui dut s’exiler en France. Cet événement fut appelé la Glorieuse Révolution de 1688 car elle engendra une nouvelle forme de pouvoir en Angleterre. Le Parlement, réuni en 1689, constata le départ de Jacques II et affirma son droit de choisir le Roi qu’il voulait, en l’occurrence Guillaume d’Orange qui prit le nom de Guillaume III. Mais le nouveau roi dut signer un pacte avec le Parlement en acceptant la Déclaration des Droits anglais du 13 févier 1689 : le Bill of rights. Cette Déclaration limita définitivement la Prérogative royale, affirma les pouvoirs législatifs du Parlement et définit les libertés fondamentales. Son caractère révolutionnaire en Europe fut de limiter définitivement le pouvoir royal au profit du pouvoir législatif exercé par le Parlement. Ainsi fut instaurée, entre les acteurs politiques, une séparation concertée et convenue des pouvoirs. Cette séparation des pouvoirs fut pensée puis théorisée par John Locke, philosophe anglais qui vécut de 1632 à 1704. Elle fut pensée comme contrat passé entre le Prince et le Parlement ainsi que le soulignait le Bill of rights, écrit sous l’influence de Locke lui-même alors conseiller du prince d’Orange. Puis elle fut théorisée dans son livre paru en 1690 "Essai sur le gouvernement civil". Dans cette conception du pouvoir, les hommes abandonnent une partie de leurs libertés dans le contrat qui fonde la société et le roi doit respecter les libertés "naturelles" et le droit de propriété. La violation de ces droits par le roi autorise ses sujets à ne pas lui obéir. Il existe selon Locke trois pouvoirs : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir fédératif qui est celui de conduire les relations internationales. Locke estimait qu'il ne devait pas y avoir une séparation absolue des pouvoirs exécutif et législatif afin d'éviter le désordre si les deux pouvoirs allaient dans des sens opposés. Il fallait selon lui établir une hiérarchie entre eux, dominée par le pouvoir législatif qui devait être le "pouvoir suprême". Pour comprendre la notion de libertés « naturelles » il faut partir des fondements de la pensée du philosophe. Locke décrit d’abord l’état de nature, état dans lequel les hommes se trouvent en tant qu’hommes et non en tant que membres d’une communauté. Dans cet état les hommes sont libres mais ils doivent respecter des devoirs imposés non pas par la loi commune puisqu’il n y a pas encore de communauté mais par Dieu, ces devoirs étant : conserver sa propre vie, respecter la vie et les biens d’autrui, mener une vie paisible, respecter la parole donnée. Ces lois divines sont des lois naturelles et la liberté naturelle est maîtrisée par le respect dû à ces lois au demeurant favorables aux hommes car conforme à leur nature et à leurs intérêts. Pour comprendre la notion de propriété il faut partir des droits naturels accordés par la nature (ou par Dieu, Dieu et nature étant parfois tenus pour équivalents par Locke) pour remplir les devoirs naturels. Ces droits naturels sont le droit à la vie et à fonder une famille, le droit à la liberté, le droit à la propriété de ses biens et à l'échange. Les hommes deviennent propriétaires de leurs biens par le travail, c’est donc le travail et le produit de ce travail qui légitime l’appropriation privée des biens (Locke justifie ainsi l’appropriation des terres indiennes en Amérique par les colons car ces derniers travaillent la terre tandis que les Indiens non). Adossés à ces devoirs et à ces droits naturels les hommes entrent en relations d’échanges de biens et de services, et dans ce cadre économique, ils acquièrent de nouvelles libertés consacrées par le vote de lois, toujours dans le respect des droits et devoirs naturels. Le pouvoir exécutif, à l’époque celui du roi, doit faire respecter les lois naturelles et votées. Il est assujetti au pouvoir législatif, lequel pilote le devenir de la communauté avec le consentement de tous. Cette vision de l’exercice du pouvoir est en soi unique au monde. Elle appartient en propre à l’Angleterre. Elle était déjà à l’œuvre avant même la Sublime Révolution dans la formation des communautés religieuses anglaises, toutes construites sur l’autonomie, le rejet de toute autorité extérieure et l’élection des chefs. La Sublime Révolution de 1688 et les idées de Locke influencèrent les philosophes français des Lumières. Les Français « mathématisèrent » les idées anglaises en créant des systèmes de pensée théoriques tandis que les Anglais approfondirent la voie de l’inspiration et du pragmatisme. Les Français opposèrent raison et foi alors que les Anglais tinrent raison et foi (ou inspiration pour eux) comme équivalents, comme deux méthodes certes différentes de construire sa pensée et son action, mais deux méthodes tournées vers le même but : la liberté. Liberté de penser, liberté religieuse, liberté d’entreprendre, etc. Ce qui engendra plus tard le concept : libéralisme (toujours maîtrisé par les devoirs naturels). En introduisant le principe d’égalité face à la liberté les Français construisirent un autre système de pensée que celui des Anglais. Paris le 15 juin 2021
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La Philosophie des Lumières en France Lettre 1 Quand nous parlons du siècle des Lumières nous entendons : la philosophie des Lumières, celle du XVIII siècle, le siècle, en France, de Louis XV. Philosophie. Nous nous attendons quand nous entendons ce mot à entendre dérouler un discours sur le monde, que ce monde soit celui qui tombe sous nos sens, appelé alors monde extérieur, ou celui qui tombe sous nos ressentis, appelé alors monde intérieur, ce discours impliquant une séparation entre le sujet qui tient ce discours et le monde. Il existe une autre philosophie, qui ne se développe plus à partir de cette séparation entre le sujet et le monde, mais qui se développe à partir de l’immersion du sujet dans la communauté des hommes et des femmes. Cette immersion engendre la philosophie dite politique, par laquelle le sujet se donne pour projet de transformer la communauté à partir d’options, d’hypothèses, d’impulsions, qui lui sont propres. Cette philosophie politique est une philosophie de l’action politique. Telle fut l’ambition des philosophes des Lumières en France. Ambition qu’ils appuyèrent sur ce que nous appelons les Lumières, une métaphore pour désigner la Raison. Voici ce qu’écrivait Albert Soboul, dans « la France à la veille de la révolution », en 1961 : « Le XVIII siècle voit le triomphe du rationalisme qui désormais ne tient aucun domaine hors de ses prises. La raison rejette toute métaphysique...La raison juge, compare, s’efforce de discerner la vérité de l’erreur. Au lieu de partir de principes a priori, elle observe, elle analyse, s’attache au réel. Puis comparant les divers éléments qu’elle a distingués, elle s’efforce de découvrir leurs liens et d’établir des lois. La raison se fonde sur l’expérience. La raison rejette l’autorité : elle est son contraire ; elle rejette la tradition. La raison présente un caractère universel, elle est identique chez tous les hommes : « la raison est à l’égard du philosophe ce que la grâce [de Dieu] est à l’égard du chrétien », cette dernière citation étant extraite de l’article « Philosophe » de l’Encyclopédie.[Quand Soboul écrit : la raison juge, il faut comprendre là ce que Kant entendait sous le mot juger. Penser c’est juger, juger c’est penser écrit-il dans la Critique de la raison pure. Penser ou juger c’est l’acte de relier un concept à un autre. Moscou est la capitale de la Russie est un jugement car nous associons à Moscou la propriété de : « capitale ». Un tel jugement est considéré comme un fondement de la connaissance]. Notes : Albert Soboul, 1914-1982, est un historien français, spécialiste de la Révolution française et de Napoléon. Kant est un philosophe allemand du 18ème siècle (1724-1804), penseur des Lumières allemandes connu principalement pour son ouvrage « la Critique de la Raison pure ». L’Encyclopédie est un ouvrage majeur du XVIII ème siècle, symbole de l’œuvre des Lumières, édité entre 1751 et 1772, en France, sous la direction de Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert. Si nous prenons du recul par rapport à la déclaration de Soboul nous voyons que l’historien décrit dans son texte la méthode scientifique utilisée dans le cadre des sciences exactes. Observations, identifications, séparations d’éléments regroupés ensuite dans des ensembles construits à partir de propriétés communes, observations des relations entretenues entre ces ensembles, identification de relations permanentes appelées lois, etc. c’est le chemin suivi par les physiciens. Les mathématiciens ajoutent à tout cela leur puissance d’esprit concepteur qui consiste à penser des modèles, à les construire en respectant une logique d’airain, modèles qui relient entre elles les observations et les mesures réalisées par les physiciens avant de projeter ces modèles dans le réel observé et de permettre la prédiction. Grace aux modèles des mathématiciens il est en effet possible de prévoir le comportement à venir des phénomènes naturels observés. Cette profession de foi des philosophes des Lumières dans la raison trouve sa source dans la révolution scientifique des XVI et XVII siècles avec les travaux de Copernic ( 1473-1543), de Kepler (1571-1630), de Galilée (1564-1642) de Newton (1642-1727) ou encore de Descartes (1596-1650). Ces scientifiques, outre qu’ils firent voler en éclats les anciennes représentations du monde, permirent des innovations techniques qui firent sensation car elles permirent de surmonter quantité d’empêchements physiques qui entravaient jusque-là, par exemple, les voyages intercontinentaux sur mer, comme elles permirent aussi de dynamiser la production manufacturière et d’améliorer les performances de l’armement. Grace à la science, à l’exercice de la raison propre à la science et à ses applications techniques, il fut possible de commencer à penser que l’homme pourrait un jour se libérer de quantité de contraintes qui lui étaient jusque-là opposées par la matérialité des choses. Les philosophes des Lumières pensèrent que l’instrument des scientifiques, la raison, pouvait être aussi utilisé pour transformer le monde politique. De plus en plus de personnes souffraient d’empêchements et de contraintes exercées notamment par l’absolutisme royal. L’expérience de la conquête progressive de la liberté d’action dans le monde inanimé grâce à la méthode scientifique inspira le désir de conquérir une même liberté d’action dans le monde politique en employant les mêmes méthodes. Le grand principe importé des sciences exactes fut le principe d’égalité. L’égalité est une relation d’équivalence, en mathématiques, reine et omniprésente. Le signe égalité articule tous les raisonnements, sans exception, des sciences exactes, qui fondent à leur tour la conquête de la liberté dans le monde matériel. L’égalité fut ainsi perçue comme un gage de liberté. L’égalité posée comme un universel permettait à tous ceux qui pensaient subir inégalités ou injustices d’en revendiquer la suppression au nom de cet universel. Liberté et égalité sont deux principes qui rentrent dans un rapport dialectique créatif, réformateur ou révolutionnaire. Ce sont ces deux principes qui éclairent le siècle des Lumières. Ce sont encore eux que l’on retrouve cités dans l’article premier de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Ces principes de liberté et d’égalité s’affirmèrent en Angleterre au XVII siècle. C’est de ce pays dont nous allons maintenant parler pour introduire le siècle des Lumières. Paris, le 5 juin 2021
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Lettre 68 2 juin 2021, Samuel, 4) La France de 1715 à 1774 d) Le règne de Louis XV de 1743 à 1757 L’affaire du Vingtième Le vingtième fut un impôt établi par le ministre des finances Jean-Baptiste de Machault d’Arnouville en 1749. Après la paix d’Aix-la-Chapelle il s’agissait de combler le déficit du royaume provoqué par le coût de la guerre. L’idée nouvelle fut d’établir un impôt direct touchant l'ensemble de la population (tiers-état, nobles et clergé) correspondant au vingtième des revenus des assujettis.Cet impôt était donc une brèche dans le statut privilégié du clergé et de la noblesse. Les Parlements (voir note ci-après sur le parlement de Paris), dont les membres étaient tous issus de la noblesse d’épée et de robe, protestèrent. Le roi défendit Machault, mais devant les attaques des parlements et du clergé il finit par céder et par renoncer à cet impôt. Cette reculade le rendit impopulaire. L’importance prise près de lui par la marquise de Pompadour aggrava encore son impopularité. Jeanne Le Normant d’Etiolles, née Poisson, devint la favorite en 1745. Le roi lui attribua une terre limousine tombée en déshérence : le marquisat de Pompadour afin qu’elle soit acceptée à la cour. Fille d'un financier, d’extraction bourgeoise, elle appartenait donc au tiers état. Le fait que le roi se commette avec une roturière provoqua la réprobation de l’aristocratie mais aussi celle du peuple qui haïssait le monde de la finance. En 1757 Robert-François Damiens, domestique chez des conseillers du Parlement, porta un coup de couteau à Louis XV. Sans grande conséquence car la lame ne s’enfonça que d’un centimètre entre les côtes du roi. Damiens était un homme simple, qui, à force d’entendre décrier le roi par les parlementaires, avait décidé de passer à l’acte. Il voulait rappeler Louis XV à ses devoirs. Après avoir été jugé par le parlement de Paris Damiens fut exécuté sur la place de Grève dans des conditions effroyables. La main qui avait tenu le couteau fut brûlée avec du soufre, on lui entailla les membres et la poitrine pour y introduire du plomb fondu, ses quatre membres furent arrachés par des chevaux et son tronc fut finalement jeté aux flammes. Les classes dominantes, y compris les philosophes, tinrent à afficher leur solidarité avec Louis XV, par peur du peuple, ressenti, à travers l’acte de Damiens, comme capable de violence barbare. Louis XV touché par cette solidarité de classe abandonna toute velléité de réforme qui pût contrarier les privilégiés. Le peuple choqué par le traitement infligé à Damiens, révolté par les fastes de la Pompadour, déçu par la démission du roi face aux intérêts des nobles et du clergé se mit à haïr Louis XV qui passa de bien aimé à bien haï (l’affaire Damiens fut reprise par les historiens d’après la révolution (notamment Michelet) qui virent en lui un annonciateur des événements futurs, à savoir la révolution et la décapitation du roi). Dans cet environnement contrasté, par surcroît bousculé par la guerre de 7 ans qui venait de commencer, Louis XV confia la gestion des affaires au duc de Choiseul. Le Parlement de Paris Le parlement de Paris était une institution statuant souverainement et sans appel pour les affaires de justice, avec compétence sur tout le territoire. Seul le roi pouvait casser ses jugements. Il existait treize autres parlements en province mais le parlement de Paris devint prééminent. Les membres des parlements étaient tous nobles ou anoblis dès lors qu’ils prenaient possession de leurs offices ( office : fonction publique, ici fonction propre à la magistrature). Ces offices étaient vendus aux roturiers à un prix élevé, en général à des bourgeois enrichis dans les affaires. C’était un moyen pour eux d’accéder à la noblesse moyennant finance et c’était un moyen pour le roi d’augmenter ses recettes fiscales. A partir du XIV siècle le parlement prit l'habitude d'enregistrer les ordonnances et édits royaux. Cet enregistrement se transforma peu à peu en une approbation donnée à la volonté royale : un édit n'avait force de loi que lorsque le parlement l'avait transcrit sur ses registres. Si le parlement jugeait la loi non conforme à l'intérêt de l'État, il disposait d'un droit de remontrance, droit de contester les décisions du roi avant leur enregistrement.Un texte jugé irrecevable par les magistrats était renvoyé au roi, accompagné de considérations le priant de procéder à un nouvel examen du texte. Le roi pouvait imposer sa volonté en forçant l'enregistrement par la tenue d'un lit de justice, séance solennelle du parlement au cours de laquelle il ordonnait à l’assemblée d'enregistrer les édits et ordonnances contestés. Entre 1673 et 1715, le droit de remontrance des Parlements fut limité par Louis XIV. Marqué par le Fronde initiée par la révolte des parlements, Louis XIV voulut mettre ceux-ci hors d'état de nuire. En 1667 il n'autorisa de remontrances que dans un délai très bref, et qu'une seule fois. Puis, par sa déclaration royale du 24 février 1673, il retira aux parlements le droit d'émettre des remontrances avant l'enregistrement d'un texte. Il leur imposa donc un enregistrement immédiat et automatique et n'autorisa de « respectueuses remontrances » qu'après, leur enlevant ainsi tout pouvoir. Colbert déclara de ce fait, en 1679, que « les bruits de parlement ne sont plus de saison ». Le 2 septembre 1715, lendemain de la mort de Louis XIV, Le duc d’Orléans, (le Régent) constatant que Louis XIV dans son testament avait limité ses attributions, s’efforça de faire casser ce dernier. Pour rallier le parlement de Paris, il lui restitua le droit de remontrance. Il obtint satisfaction et reçut les pleins pouvoirs. Après l’affaire Damiens et le renoncement du roi à engager toutes réformes les parlementaires, voyant là un aveu de faiblesse, ne cessèrent de critiquer l’absolutisme monarchique et de revendiquer, comme au temps de la Fronde, un droit de contrôle sur le gouvernement. Parlement de Paris et parlements de province entretinrent l’agitation et contribuèrent à créer dans tout le royaume un état d’esprit révolutionnaire. Le duc de Choiseul n’osa pas entrer en lutte ouverte contre eux. Ils en profitèrent pour accentuer leur opposition forçant la main au roi ou même se rebellant ouvertement contre lui. Je pense à toi, J’espère que tout va bien pour toi à Moscou, Je t’aime
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Lettre 67 30 mai 2021, Samuel, 4) La France de 1715 à 1774 d) Le règne de Louis XV de 1743 à 1757 La guerre de succession d’Autriche A la mort de Fleury Louis XV décida de gouverner lui-même sans s’appuyer sur un premier ministre. Il était déjà engagé dans la guerre de succession d’Autriche, brièvement étudiée dans la lettre 19 du 15 septembre 2020 sur la Russie. Cette guerre dura de 1740 à 1748. Elle fut déclenchée à la mort de Charles VI, en 1740. Ce dernier avait pris en 1713 l’édit de la « Pragmatique sanction » par lequel, en l’absence d’héritier mâle, il transmettait les territoires héréditaires de la maison de Habsbourg à sa fille Marie-Thérèse. Ces territoires étant l’archiduché d’Autriche, le royaume de Hongrie, le royaume de Bohême, les Pays-Bas et les possessions italiennes de l’époque : duché de Parme et Plaisance et duché de Toscane. En revanche la dignité d’Empereur du Saint-Empire restait élective. En contrepartie de son vote à l'élection impériale, Frédéric II, le roi de Prusse, demanda à Marie-Thérèse de lui céder la Silésie, riche province autrichienne, peuplée d'un million d'habitants. Elle refusa. Frédéric II décida d’envahir la Silésie. C’est avec succès qu’il l’occupa. L’Électeur de Bavière, Charles Albert, qui s’était marié avec l’archiduchesse Marie-Amélie d’Autriche, fille de Joseph 1er . un Habsbourg, ancien empereur du Saint-Empire, revendiqua la succession de Charles VI considérant que la « Pragmatique sanction » n’avait pas force de loi et ne pouvait pas l’écarter de la succession. Il trouva un allié auprès de Louis XV qui vit là un moyen d’affaiblir l’Autriche. Ce conflit finit par emporter avec lui, du côté de l’Autriche, la Grande-Bretagne et la Hollande, qui veillaient à contenir la puissance française, de l’autre coté l’Espagne qui, alliée à la France, comptait récupérer des territoires en Italie. Le roi de Sardaigne, duc de Savoie et prince de Piémont, Charles-Emmanuel III, se rangea du côté de l’Autriche. Nous ne rentrerons pas dans les détails de cette longue guerre. En résumé les franco-bavarois après avoir réussi à prendre Prague (mais pas Vienne trop bien défendue) furent repoussés par Marie-Thérèse. Les Prussiens ne purent être délogés de Silésie. Les Français se rabattirent sur les possessions autrichiennes des Pays-Bas qu’ils réussirent à occuper allant même jusqu’à prendre des positions hollandaises. Ils se battirent aussi sur mer contre les Anglais, chaque partie gagnant ou perdant quelques comptoirs coloniaux. Enfin l’Espagne occupa la Savoie. Ce conflit s’acheva avec la signature du traité d’Aix-la-Chapelle en 1748. La France et la Grande-Bretagne se séparèrent sans s’être rien pris, la France restitua les Pays-Bas à l’Autriche et les positions conquises à la Hollande. La Prusse garda la Silésie (et le comté de Glatz). Le duché de Parme et Plaisance fut cédé par l’Autriche à l’Espagne. La « Pragmatique Sanction » fut reconnue par la communauté européenne ce qui permit à Marie-Thérèse de légitimer sa prise de possession de l’héritage de son père. Elle réussit même à devenir Impératrice grâce à l’élection de son mari François 1er, l’ancien duc de Lorraine, à la tête du Saint-Empire (voir fin de la lettre précédente). Ce traité consacra la victoire de la Prusse. L’annexion de la Silésie permit à Frédéric II de doubler sa population et de prendre le contrôle d'une importante industrie. En revanche nul ne comprit l’attitude de Louis XV. Il ne retirait rien de cette guerre alors qu’il aurait pu garder les Pays-Bas ( la Belgique et le Luxembourg actuels). Il prétexta qu’il ne voulait pas trop affaiblir l’Autriche face à la Prusse et déclara qu'il avait conclu la paix « en roi et non en marchand ». Sa générosité fut saluée en Europe, satisfaite de constater que la France ne gagnait pas en puissance malgré sa victoire militaire. Mais sa posture discrédita lourdement le souverain dans son propre pays : Voltaire parla alors d'avoir « travaillé pour le Roi de Prusse », expression devenue par la suite proverbiale pour signifier « se sacrifier pour rien », ou même « travailler contre ses intérêts ». Cette guerre profita tout de même à Louis XV en raison des mésaventures qu’il subit pendant le conflit. Il se porta lui même sur le champ de bataille pour superviser les opérations. En fait il observait les combats entouré de sa cour (400 personnes) intervenant le cas échéant dans les décisions de ses généraux. Pendant le conflit il fut mis en difficulté à Metz, le 4 août 1744, en tombant gravement malade d'une « fièvre maligne ». Le 12 août le chirurgien qui le soignait déclara que le roi n'en avait que pour deux jours. Le 15 août, Louis XV reçut l'extrême-onction. Alors les prières se multiplièrent à travers le pays pour son salut. Le roi fit le vœu de faire construire une église dédiée à Sainte-Geneviève, dans le cas où il guérirait. En désespoir de cause, on fit appel à un médecin juif, Isaïe Cervus Ullmann, qui parvint à sauver le roi. Louis échappa ainsi à la mort. Une messe d'action de grâce fut célébrée en l’église Notre-Dame de Metz. Le pays tout entier reprit les qualificatifs du célébrant, l’abbé Josset, qui fit acclamer le roi en le parant du titre de « Louis le Bien-Aimé ». C’est ainsi que le roi garda pour la postérité le nom qui lui fut donné dans cette église. Il donna des directives pour faire construire l'église qu'il avait promise en cas de guérison : elle deviendra le Panthéon. Notes : Le sacrement de l’extrême-onction est un sacrement de l’Église catholique administré par un prêtre qui a pour but de donner une ultime force au mourant pour tenter de le sauver ou pour lui permettre de passer la mort en étant accompagné par la grâce de Dieu (la présence de Dieu). Le sacrement consiste en une série de gestes (un rite) dont l’onction : acte de verser une huile sur le front de la personne malade, rite accompagné de prières. Sainte-Geneviève : selon la tradition, lors du siège de Paris (Lutèce à l’époque) en 451 par les Huns, Geneviève harangua les Parisiens en les convainquant de résister aux envahisseurs. C’est ainsi qu’Attila choisit de contourner Lutèce. Bon courage pour le bac, bravo pour ta prestation au saxophone. Je t’aime, je pense à toi
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Lettre 66 25 mai 2021, Samuel, 4) La France de 1715 à 1774 Pendant que la fin de la Régence se termine dans la confusion de la faillite financière de Law, la vie sociale, au moins dans les villes, se transforme. Les voyages commerciaux internationaux provoquent des rencontres qui permettent de mieux connaître les points de vue étrangers. La pratique de la démocratie anglaise par exemple pique la curiosité des philosophes. A Paris se développe un nouveau type de lieu de sociabilité : les cafés. Ceux-ci sont apparus à la fin du XVII siècle pour répondre au goût nouveau pour les boissons d’outre-mer : le thé, le chocolat et le café. On y boit, on y joue aux échecs, on lit et on commente les gazettes. Cet environnement est propice aux débats intellectuels et politiques. Les salons souvent tenus par des femmes jouent également un rôle important dans la diffusion des idées nouvelles. En 1721 paraissent « les Lettres persanes » de Montesquieu dont le ton critique annonce l’offensive des Lumières. Cet ouvrage est une satire des mœurs politiques et sociales de la France présentée sous la forme de lettres écrites par deux Persans en voyage à Paris. Montesquieu amorce la réflexion sur les fondements de la monarchie en moquant le roi. En 1748 Montesquieu publiera « De l’esprit des lois » où il défendra la nécessité des libertés individuelles et l’importance de la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). b) L’intermède Louis-Henri de Bourbon 1723-1726 En 1723 Louis XV sacré et couronné roi à Reims le 25 octobre 1722, n’a encore que 13 ans. A la mort du Régent il confia l’exercice du pouvoir à Louis-Henri, duc de Bourbon, prince de Condé (1692-1740), fils d’une fille de Louis XIV. Trop occupé par les plaisirs et les loisirs, ce dernier prit peu de soin des affaires, abandonna le gouvernement à sa maîtresse, la marquise de Prie, et à un financier (Pâris-Duverney), puis il perdit la confiance du peuple en créant des impôts impopulaires. Tombé en disgrâce Louis XV l’écarta du pouvoir en 1726. Deux événements ponctuent ce court exercice : En 1725 le mariage de Louis XV avec Marie Leszczynska, princesse catholique et fille du roi détrôné de Pologne Stanislas Leszczynski (sur Leszczynski voir les lettres 18 du 8 mars 2020, 18 du 13 mars 2020, 19 du 9 août 2020 sur la Russie). En 1724, le Roi signa une révision du Code noir de Colbert. Destiné à la Louisiane, il s'agissait d'un durcissement de la version précédente. Notamment, les mariages entre Noirs et Blancs furent interdits. c) Le gouvernement du cardinal de Fleury 1726-1743 1-Le redressement intérieur Louis XV appela son ancien précepteur, Fleury, âgé de 73 ans en 1726, pour assurer l’exercice du pouvoir. Sous cette gouvernance la France connut une période de paix et de tranquillité qui favorisa la croissance économique. La valeur de la monnaie, la livre, fut stabilisée, ce qui ramena la confiance. La création de routes et de canaux favorisa le développement du commerce intérieur et le commerce maritime continua sur son impulsion donnée à l’origine par le système de Law. La population passa de 20 millions d’habitants en 1715 à 23 millions en 1750. Entre 1720 et 1740 l’amélioration des techniques agricoles permit d’augmenter les rendements de la terre. Comme les prix au même moment se mirent à monter les revenus paysans se redressèrent mais cet enrichissement concerna exclusivement les propriétaires encore peu nombreux. Les inégalités s’accrurent entre les possédants et les ouvriers agricoles. Le développement de l’hygiène, les progrès médicaux et une meilleure alimentation permirent d’accroître l’espérance de vie. En septembre 1729, après sa troisième grossesse, la reine donna enfin naissance à un garçon, Louis, qui devint aussitôt dauphin (Le titre de dauphin est attribué au fils aîné du roi de France régnant). L'arrivée d'un héritier mâle, qui assurait la pérennité de la dynastie, fut accueillie avec joie et célébrée dans toutes les sphères de la société française. Le couple royal était à l'époque très uni, se manifestait un amour réciproque et le jeune roi était extrêmement populaire. [L’enfant, Louis de France mourut en 1765 avant son père. Il ne régna pas. Mais il fut le père des trois rois : Louis XVI, Louis XVIII et Charles X] 2-La politique extérieure Sous Fleury elle fut marquée par la guerre de succession de Pologne, étudiée dans l’histoire de Russie, lettre 19 du 9 août 2020 dont je donne ci-après un extrait : « La guerre de succession de Pologne 1733-1735 Le roi de Pologne-Lituanie, Auguste II le Fort, mourut le 1 février 1733 ce qui ouvrit une guerre de succession. Auguste régnait sur un pays qui, depuis l’institution de la République des Deux Nations, le 1 er juillet 1569 à Lublin (voir lettre 59-8 de l’histoire des Hébreux) avait perdu beaucoup de son influence. En 1620-1621 la Moldavie, petite principauté de la côte occidentale de la mer Noire passa sous contrôle ottoman avant que la partie orthodoxe de cette région ne revienne sous l’autorité de Moscou en 1656. Puis la révolte des cosaques zaporogues, menés par Bogdan Khmelnitski conduisit à la perte de la Petite-Russie en 1654 avant que la partie occidentale de celle-ci revienne à la République des Deux Nations après la signature du traité d’Androussovo en 1667. Ce fut un bref retour de souveraineté : dès 1669 le chef de cette partie occidentale fit acte de soumission à l’Empire ottoman. Après une guerre menée contre les Suédois en 1655 la République dut abandonner, par le traité d’Oliva, sa suzeraineté sur le duché de Prusse qui fut rattaché au Brandebourg (préfigurant ainsi la naissance de la Prusse, futur État dominant de l’Allemagne). Auguste II s’était entendu avec Pierre le Grand pour contrer l’hégémonie suédoise. Mais lors de la Grande guerre du Nord (voir lettre 18 première et deuxième parties) le jeune roi de Suède Charles XII envahit la Pologne et, en 1706, il chassa Auguste le Fort et le remplaça par Stanislas Leszczynski qui lui était dévoué. Ce dernier régna en Pologne de 1706 à 1709. Après la défaite de Charles XII à Poltava (voir même lettre) Auguste le Fort put chasser Leszczynski et reprendre le pouvoir grâce au soutien de Pierre le Grand qui en profita pour faire stationner des troupes russes en Pologne. Quant à la partie occidentale de la Petite-Russie, après la révolte de Mazepa (voir lettre 18, cinquième partie) elle passa sous administration russe. La République des Deux Nations sortait de ces épreuves considérablement affaiblie. Cet affaiblissement résultait aussi de son mode de gouvernement dans lequel les nobles se souciaient beaucoup plus de leurs intérêts particuliers que de l’intérêt du pays. La diversité des acteurs en présence, Polonais, Lituaniens, Ukrainiens, ne permit pas l’instauration d’un pouvoir fort, accepté par tous. Réputée pour son adhésion à la liberté plutôt qu’à l’autorité, la République ne sut pas faire face aux actions conquérantes des nations européennes. Ainsi les puissances dominantes continentales et européennes, la France, la Suède, l’Autriche (qui dominait alors le Saint-Empire) la Russie tentaient sans cesse de s’implanter en Pologne-Lituanie afin d’en faire (pratiquement de force) un allié dans leurs visées expansionnistes. Quand Auguste II s’éteignit son héritier naturel était son fils, Frédéric Auguste, électeur du duché de Saxe au sein du Saint-Empire. Mais la France et la Suède, pour faire opposition à l’influence de l’Autriche et de la Russie poussèrent en avant Stanislas Leszczynski qui avait déjà occupé le trône de Pologne de 1706 à 1709 (voir supra). Leszczynski, après son éviction du trône avait trouvé refuge en France et avait marié sa fille Marie au jeune Louis XV. Celui-ci lui assura son soutien militaire. La szlachta polonaise (la noblesse polonaise), qui désirait se dégager de l’étreinte de son voisin russe, vota pour Leszczynski qui redevint ainsi roi de Pologne le 12 septembre 1733. Cette élection déplut éminemment à Anna, à ses conseillers allemands, et à l’Autriche (dont l’Archiduc, c’est-à-dire le roi, Charles VI, était aussi l’Empereur du Saint Empire). Ils ne voulaient pas laisser s’immiscer en Europe orientale de nouvelles nations. Ils poussèrent la candidature du fils d’Auguste le Fort, et comme l’élection avait déjà été faite, ils forcèrent le destin : des troupes russes rentrèrent en Pologne juste après l’élection de Leszczynski. Le roi dut s’enfuir, et, sous la pression, mais aussi grâce aux noble lituaniens qui penchaient plutôt pour la Russie, la szlachta organisa un nouveau vote, le 5 octobre 1733, à l’issue duquel Philippe Auguste devint roi sous le nom d’Auguste III. Leszczynski n’abdiqua pas. Il se réfugia à Dantzig, dans la forteresse, où il se défendit en attendant l’aide française. Sous la direction de von Münnich l’armée russe assiégea la forteresse qui résista vaillamment. Les Français ne dépêchèrent que de faibles renforts : Louis XV n’avait pas l’intention de faire la guerre à la Russie. Son but était d’affaiblir le Saint-Empire avec lequel il était en concurrence directe en Europe occidentale. Dantzig capitula le 27 juin 1734. Leszczynski trouva refuge en Prusse puis en France. Louis XV déclara la guerre, non à la Russie, mais à son allié, Charles VI. Il en sortit victorieux et prit le contrôle des duchés de Lorraine et de Bar (attenant au duché de Lorraine). En 1736 sous la pression de la France qui désirait désormais pacifier la situation Leszczynski abdiqua officiellement, renonçant définitivement à reprendre le pouvoir en Pologne » Nous voyons donc que Fleury, sous l’influence de Louis XV, décida de faire la guerre à Charles VI retrouvant là le vieux réflexe de la France : affaiblir le Saint-Empire, malgré la récente signature de la Quadruple-Alliance. Cette guerre eut un théâtre territorial limité. Fleury occupa sans rencontrer de résistance les duchés de Bar et de Lorraine qui appartenaient à un prince allemand, François III (pour situer ces deux duchés voir carte de la lettre 63 du 18 avril 2021). La paix fut signée en 1735 et conduisit à la signature du traité de Vienne en 1738 entre la France et l’Autriche qui mit fin à la guerre de la succession de Pologne. L’Électeur de Saxe fut confirmé au trône de Pologne sous le nom d’Auguste III. Stanislas Leszczynski dut renoncer à toute prétention sur ce trône et reçut, en compensation, à titre viager, les duchés de Lorraine et de Bar dont il fut prévu qu’ils reviendraient à la France à sa mort. Quand il mourut en 1766 ces deux duchés furent en effet réunis à la France. François III reçut en dédommagement le grand duché de Toscane (région d’Italie dont la capitale est Florence). Ce dernier appartenait à Don Carlos, le fils de Philippe V d’Espagne. Il l’avait reçu de sa mère, Élisabeth Farnèse, femme de Philippe V, italienne et héritière de la Toscane. En échange Don Carlos reçut les royaumes de Naples et de Sicile. Il devint ainsi roi du royaume des Deux-Siciles (Naples et la Sicile) et inaugura la dynastie des Bourbons de Naples. Ce traité était donc largement favorable à la France et à l’Espagne. Il permettait à la France d’accroître son territoire et de repousser la présence de l’Autriche plus loin de ses portes. François III en effet devait devenir l’héritier de l’Autriche et du Saint-Empire après son mariage avec la fille de Charles VI, Marie-Thérèse. En Italie aussi l’Autriche reculait suite à la perte de Naples et de la Sicile, même si elle récupérait, par l’intermédiaire de François III, la Toscane. Enfin l’Espagne retrouvait une partie de ses possessions perdues lors des traités d’Utrecht et de Rastatt (lettre 64) : Naples et, sinon la Sardaigne, cédée par l’Autriche au duc de Savoie par échange avec la Sicile (lettre 65), la Sicile. Une autre guerre éclata sous le gouvernement de Fleury, la guerre de la succession d’Autriche (1740-1748). Mais, déclarée par Louis XV plutôt que par Fleury, elle se déroula essentiellement sous la gouvernance du roi. Elle sera étudiée dans la lettre suivante. Quand Fleury mourut en 1743 il laissait un pays relativement apaisé et économiquement dynamique. J’espère que tu te sens fin prêt pour la fin de cette année scolaire. Je t’accompagne dans tes efforts, Je t’aime, Je t’embrasse
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Lettre 65 23 mai 2021, Samuel, 4) La France de 1715 à 1774 a) La Régence 1715-1723 Louis XIV à sa mort laissa la succession à son arrière petit-fils Louis XV, âgé de cinq ans. En attendant sa majorité le pouvoir fut confié, sur les dispositions du testament du défunt, à un neveu de Louis XIV, le duc Philippe d’Orléans. Celui-ci se fit voter les pleins pouvoirs par le parlement et prit le titre de Régent. On appelle Régence la période de huit années pendant laquelle le royaume fut ainsi gouverné. La mort de Louis XIV fut accueillie avec soulagement par le peuple tant le souverain avait fini par lasser en raison de ses guerres incessantes, mais aussi en raison de son absolutisme. La dernière guerre entreprise, celle de la succession d’Espagne, avait épuisé le pays, par surcroît durement touché par l’hiver de 1709 (voit lettre précédente). Quant à l’absolutisme royal, sur le plan religieux comme sur le plan politique, il avait fini par peser sur les mentalités françaises. Sur le plan religieux non seulement le roi avait provoqué l’exode des protestants en révoquant l’Édit de Nantes mais il s’était aussi opposé au renouveau catholique inspiré par les jansénistes (lettre 60-8 du 12 janvier 2020) allant jusqu’à détruire le centre de leur vie religieuse, l’abbaye de Port Royal. Louis XIV avait choisi de suivre la ligne incarnée par les jésuites, le fer de lance catholique et papal contre la Réforme (les protestants). Or les jésuites œuvraient pour le pape lequel tendait à asseoir son autorité sur l’ensemble des clergés européens (ultramontanisme), les jansénistes défendant plutôt le gallicanisme (voir lettre 59-4 du 16 août 2019). Aussi les jésuites étaient-ils devenus impopulaires. Sur le plan politique Louis XIV utilisa trop souvent le système des lettres de cachet pour enfermer ses adversaires dans la forteresse de la Bastille, devenu le symbole de l’arbitraire royal (la lettre de cachet est une lettre qui donne ordre d’emprisonner quiconque sans passer par la justice). Aussi la Régence fut marquée par une violente réaction contre l’époque précédente. Versailles fut provisoirement délaissé et la Cour s’établit à Paris. Louis XIV avait donné le Palais Royal à son frère dit « Monsieur », le père du Régent. Ce dernier récupéra le Palais pour y donner des fêtes libertines et y pratiquer des rendez-vous galants. Le temps de la fête, des plaisirs et de l’impiété succéda au temps morose du passé. De nombreux embastillés furent libérés notamment les jansénistes. La guerre, devenue abhorrée, fut conjurée par la signature d’une alliance avec l’Angleterre et la Hollande en 1717. Cette alliance fut étendue à l’Autriche en 1718 pour former la Quadruple-Alliance. La France par ces accords fit ainsi la paix avec tous ces anciens ennemis. Ce renversement d’alliance fut préjudiciable à Philippe V, le roi d’Espagne. Celui-ci, mécontent des traités d’Utrecht et de Rastatt qui lui avaient fait perdre ses possessions italiennes voulut les récupérer (voir lettre précédente). Mais la Quadruple-Alliance l’en empêcha. Après une courte guerre perdue par l’Espagne en Italie, fut signée la Paix de La Haye en 1720. L'Espagne perdit définitivement tous ses territoires en Italie et en Hollande mais Philippe V fut confirmé sur le trône espagnol. Le traité échangea la Sicile du duc de Savoie, Victor-Amédée II, contre la Sardaigne de l'Autriche. Au sortir des guerres menées par Louis XIV les finances étaient dans un état désastreux. La dette s’élevait alors à 2,8 milliards de livres, l'équivalent de dix ans de recettes. C’est alors que John Law (1671-1729), un Écossais, proposa ses services au Régent qui les accepta. La vision économique de Law était fondée sur l’idée que la monnaie ne devait n’être rien de plus qu’un moyen d’échange, et non une richesse matérielle (l’or ou l’argent). Pour lui la richesse d’un pays provenait d’abord du commerce. Cette vision était inspirée de l’exemple donné par les Provinces-Unies, qui, engagées dans la construction navale et le commerce maritime, s’étaient ainsi enrichies. Ce que John Law avait aussi compris c’est que la monnaie était quantitativement nécessaire au développement des échanges. Or le stock des monnaies métalliques n’était pas suffisant pour dynamiser les échanges. L’idée de créer une monnaie en papier fit son chemin. Cette monnaie est appelée monnaie fiduciaire car elle repose sur la confiance que les acteurs économiques lui donnent. Une monnaie en papier, en soi, ne vaut rien de plus que son coût de fabrication, très bas. Mais si sa valeur d’échange est garantie par une autorité fiable alors cette monnaie peut jouer son rôle intermédiaire dans les transactions en acquérant une valeur d’échange forte. La monnaie papier existait déjà, émise par les banques d’Amsterdam ou de Londres par exemple. Elle était gagée par des espèces métalliques : il était toujours possible de la convertir en or ou en argent. L’idée de John Law fut de créer du papier monnaie gagé par de l’or ou de l’argent certes mais en quantité supérieure au stock métallique convertible. Ce qui permettrait d’augmenter la masse monétaire et de dynamiser les échanges commerciaux sans attendre de constituer des stocks de monnaie métallique équivalents en valeur. Il créa la Banque royale, autorisée par le Régent à émettre des billets de banque, et la Compagnie perpétuelle des Indes, exploitant les colonies, qui émit des actions. Pour acheter des billets de banque ou des actions il fallait apporter des espèces métalliques mais il était aussi possible de payer en apportant des titres de créance sur l’État émis par Louis XIV pour financer ses dépenses. Les personnes étaient incitées à échanger leurs espèces ou leurs titres de créances car les billets de banque avaient cours légal, ils étaient en outre commodes à utiliser, et les actions promettaient de forts dividendes. En outre Law prêta de fortes sommes d’argent au roi. C’est là son originalité. En effet en émettant des billets il les livraient au roi sans demander en échange de l’or ou de l’argent, il demandait simplement un remboursement étalé dans le temps. Cette monnaie était donc créée ex nihilo. Le roi ensuite dépensait cet argent et cela dynamisait les échanges qu’il avait avec les acteurs économiques. Le remboursement des prêts permettait de détruire la monnaie créée en retirant du circuit la monnaie remboursée. Le système de Law s’effondra à cause de la spéculation qui s’empara des titres actions de sa Compagnie des Indes. Il avait créé une bourse où les spéculateurs purent acheter ces actions à des prix de plus en plus élevés anticipant de forts dividendes. Mais les bénéfices et les dividendes ne furent pas au rendez-vous. Du coup tout le monde vendit ses actions sur le marché boursier et leur valeur s’effondra. Les porteurs de billets de banque doutèrent à leur tour de la valeur de leurs billets et en demandèrent le remboursement en monnaie métallique. Mais il y avait beaucoup trop de billets par rapport au stock métallique car une grande partie de ces billets avaient été souscrits par apport de titres d’État (et non avec du métal précieux) ou ils avaient été émis lors des opérations de prêts sans contrepartie métallique. Il fut impossible de rembourser tous les porteurs de billets. Ce qui paniqua leurs détenteurs car plus personne ne voulut accepter les billets comme moyen de paiement : la confiance avait disparu. Ce fut la banqueroute et Law dut s’enfuir de France. Finalement le système fut abandonné. Les petits porteurs furent quand même remboursés mais les gros porteurs perdirent leurs mises. On revint à un système classique de monnaie métallique. Law ne sut pas maîtriser son système. Il se fourvoya avec sa Compagnie des Indes qu’il ne réussit pas à rentabiliser.. Mais son système bancaire, la création de monnaie papier en quantité supérieure au stock métallique (façon de se libérer de cette monnaie) fut un trait de génie. Aujourd’hui le système bancaire mondial fonctionne ainsi. Les banques, quand elle prêtent, créent de la monnaie (dite scripturale car cette monnaie consiste en lignes comptables ouvertes dans des comptes bancaires) qui n’est même plus convertible en espèces métalliques depuis que Nixon, président des USA, le 15 août 1971, décida de mettre fin à la convertibilité du dollar en or. Tout le monde crut que le système bancaire mondial allait s’effondrer mais rien ne se passa. Les acteurs économiques continuèrent d’avoir confiance dans le dollar car ils avaient confiance dans la puissance économique américaine. Cette création monétaire est aujourd’hui contrôlée par les banques centrales qui veillent, grâce à divers mécanismes de régulation, à ce que cette création n’excède pas les besoins de l’économie. C’est grâce à cette création monétaire que le monde moderne fonctionne. La monnaie permet les échanges et les accélère, accélération qui accélère à son tour la création de richesses. La faillite de Law introduisit une grande méfiance en France à l’encontre de la monnaie fiduciaire. Pourtant le système de Law eut des effets bénéfiques. Les finances du royaume furent sensiblement améliorées puisque les titres d’État disparurent après avoir été échangés contre des billets ou des actions. De plus la création de monnaie qui dura de 1716 à 1720 dynamisa l’économie française. Seuls les gros rentiers perdirent de l’argent. Devenu impopulaire après la faillite de Law, le Régent s’éloigna de Paris et revint avec la Cour à Versailles en 1722. C’est là qu’il mourut en 1723. Bon courage pour ton épreuve de philo, Je pense à toi, Je t’aime toujours et toujours !
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Lettre 64 9 mai 2021, Samuel, 3) La France de 1697 à 1715 b) Rappel : de 1559 à 1589 A la mort de Henri II, en 1559, 30 années de guerres civiles appelées guerres de religion mirent aux prises catholiques et protestants, encore appelés papistes et huguenots. Ces guerres opposèrent les rois catholiques du royaume à une aristocratie rebelle, rassemblée sous le protestantisme. Cette période est traitée dans les lettres 59-3 du 11 juillet 2019 et 59-4 du 16 août 2019. Les trois fils de Henri II, François II, Charles IX (avec la régence de Catherine de Médicis, femme de Henri II et mère de Charles IX) et Henri III se succédèrent au trône de France. En 1572, sous le règne de Charles IX, eut lieu le massacre de la Saint-Barthélemy au cours duquel les catholiques massacrèrent près de 3000 protestants à Paris et 10 000 dans le reste de la France. En mourant poignardé par Jacques Clément, en 1559, Henri III désigna Henri de Navarre pour héritier légitime, tout en adjurant ce dernier, qui était alors protestant, de se convertir au catholicisme.[La Navarre dont Henri était le seigneur correspond en partie au département des Pyrénées-Atlantiques actuel]. Henri de Navarre descendait d’une branche des capétiens dite maison de Bourbon, car son fondateur eut pour seigneurie le Bourbonnais, région de France correspondant au département actuel de l’Allier, tandis que Henri III descendait d’une autre branche capétienne dite maison de Valois car son fondateur eut pour seigneurie le Valois région de France qui correspond aujourd’hui à une partie des départements de l’Aisne et de l’Oise. Tous descendaient du premier roi capétien, Hugues Capet qui régna de 987 à 996. c) Rappel : le règne de Henri IV de 1589 à 1610 Tant qu’Henri de Navarre, devenu roi de France sous le nom de Henri IV, resta protestant il ne fut pas accepté par le peuple de France resté profondément catholique. Philippe II d’Espagne grand défenseur du catholicisme, pensa profiter de ce rejet en tentant d’installer sur le trône de France sa fille Isabelle qu’il avait eu de sa troisième femme Elizabeth de France, fille de Henri II et de Catherine de Médicis (et donc sœur des rois François II, Charles IX et Henri III). Il profita de l’affaiblissement de la France pour envahir la Bourgogne, la Picardie et la Bretagne. Le roi de Piémont-Savoie, Charles-Emmanuel 1er qui lui aussi pensait avoir des droits sur le royaume de France, vu son ascendance, fit des incursions sur le sol français, au sud-est du territoire (il était le petit-fils de François 1er par sa mère Marguerite de France fille de François 1er) . Mis en difficulté Henri IV abjura en juillet 1593 le protestantisme et se convertit au catholicisme. Il réussit ainsi à obtenir le soutien du peuple. En 1595 il déclara la guerre à Philippe II à qui il reprit les provinces françaises occupées. En 1598 cette guerre s’acheva par la signature de la paix de Vervins : les Espagnols furent chassés de France. De 1600 à 1601, Henri IV fit la guerre à Charles-Emmanuel, guerre qui se termina par le traité de Lyon de 1601. Aux termes de cet accord, les États de Savoie perdirent définitivement la Bresse, les pays du Bugey et de Gex (voir carte jointe). Ces victoires sont certes à mettre au crédit de la force de caractère du roi mais aussi aux atouts français de l’époque : une population la plus importante d’Europe (20 millions d’habitants contre 12 millions pour l’Italie, 15 millions pour l’Allemagne, 8 millions pour l’Espagne et 5 millions pour l’Angleterre et l’Écosse réunies) et un vif sentiment national. Henri IV pacifia le pays en faisant accepter, en 1598, aux deux fronts religieux, l’Édit de Nantes. L’Édit accorda aux protestants le droit de célébrer publiquement leur culte. Il leur accorda également l’égalité avec les catholiques devant la loi ainsi que l’accès à tous les emplois. Au sortir des guerres de religion le pays était en ruine. De nombreux villages étaient abandonnés, les paysans étaient affamés et formaient des bandes de pillards, les routes et les ponts étaient coupés, les bois étaient envahis par les loups, les ouvriers étaient réduits au chômage et miséreux, les épidémies sévissaient. L’autorité royale était ruinée, plus personne ne respectait la parole du roi. Malgré son apparente bonhomie Henri IV gouverna d’une main de fer. Il imposa son autorité en n’hésitant pas à recourir à la force en cas d’insubordination. Le gouverneur de la Bourgogne qui lui tenait tête, allant jusqu’à pactiser avec le roi d’Espagne, fut arrêté et décapité. Les autres gouverneurs furent mis sous surveillance d’intendants dévoués au roi. D’une manière générale il restreignit les libertés. Il redressa le pays en s’appuyant sur Sully, financier compétent et économe. Ce dernier, défenseur de l’agriculture, favorisa les paysans en diminuant leurs impôts, en remettant quelques arriérés, en empêchant que leurs créanciers saisissent leur instruments de travail et leur bétail, en empêchant la chasse sur leurs terres. La devise de Sully était : « pâturage et labourage sont les deux mamelles dont la France est alimentée ». Il fit reconstruire routes, ponts et canaux. En revanche comme Sully se méfiait de l’industrie où il ne voyait que goût du luxe, Henri IV s’appuya sur un autre homme, Laffemas pour relancer les manufactures de tapisserie (les Gobelins à Paris), de verreries en cristal, de cuirs dorés, de soieries de luxe. Enfin Henri IV reprit l’exploration du Canada. En 1608 Samuel Champlain fonda la ville de Québec. Voir lettre 60-41 du17 mai 2020 et lettre 60-36 du 7 mai 2020 relatant le début de cette exploration. En dix ans Henri IV redressa ainsi le pays. Il décida de contrer la puissance des Habsbourg qui restaient menaçants sur le plan territorial en s’apprêtant à les attaquer en Espagne, en Italie et en Allemagne. C’est alors qu’il fut assassiné en 1610 par Ravaillac, un fanatique catholique qui ne supportait pas que le roi projeta d’attaquer les défenseurs du catholicisme qu’étaient les Habsbourg. Mais pour Henri IV ce n’était pas tant la religion qui comptait que la défense du territoire. d) Rappel : le règne de Louis XIII de 1610 à 1643 Louis XIII le fils de Henri IV n’avait que 9 ans en 1610. Aussi ce fut sa mère Marie de Médicis qui assura la régence. Elle ne sut pas exercer la même autorité que son époux, Henri IV. Les princes régionaux et les protestants de nouveau s’agitèrent et tentèrent d’accroître leurs pouvoirs locaux. Le mariage, le 18 octobre 1615, de Louis XIII avec Anne d’Autriche, fille de Philippe III d’Espagne, catholique donc, inquiéta les protestants qui virent dans cette union une menace future contre leur religion. L’ordre revint en France lorsque Louis XIII, qui prit le pouvoir à sa mère en 1617, s’adjoignit les services du cardinal de Richelieu : voir lettre 60-1 du 15 décembre 2019. La France rentra alors dans la guerre de Trente ans déclarée en 1618 (voir lettre 60 du 13 décembre 2019) guerre qui mit d’abord aux prises protestants et catholiques du Saint Empire avant de dégénérer en guerre européenne dans laquelle l’Espagne s’impliqua. Ce fut à l’Espagne que la France déclara la guerre en 1635 (lettre 60-1 du15 décembre 2019) mais la guerre l’entraîna aussi sur les territoires allemands. Le but de la France ne variait pas : desserrer l’étreinte des Habsbourg qui régnaient alors au sud et au centre de l’Europe. Il ne s’agissait plus de guerre de religion mais de guerre territoriale. C’est ainsi que la France se retrouva alliée avec la Suède pourtant protestante, grand puissance nordique de l’époque. Les développements de cette guerre sont exposés dans la lettre 60-1 du 15 décembre 2019. Richelieu mourut en 1642 puis Louis XIII mourut en 1643 sans que la guerre fût terminée. Notons que Richelieu commença de doter la France d’une flotte marchande afin de ne plus dépendre des Hollandais pour le commerce maritime. Il accrut aussi l’empire colonial en acquérant quelques Antilles (voir carte « le partage de l’archipel caraïbe au XVII siècle » de la lettre 60-38 du12 mai 2020), en fondant des comptoirs à Madagascar et au Sénégal (voir lettre 60-44 du 30 mai 2020) et en poursuivant l’implantation au Canada (voir lettre 60-41 du 17 mai 2020). e) Rappel : le règne de Louis XIV de 1643 à 1697 A la mort de Louis XIII, Louis XIV n’ayant que 5 ans (il était né en 1638), ce fut sa mère Anne d’Autriche qui assura la régence, épaulée par le cardinal Mazarin. La guerre de Trente ans, victorieuse pour la France et la Suède, relativement au Saint-Empire, se termina sous sa régence, sanctionnée par la Paix de Westphalie de 1648 (voir lettre 60-3 du30 décembre 2019). La France acquit officiellement les Trois Évêchés déjà occupés par Henri II (lettre précédente numéro 63) et une grande partie de l’Alsace. Pour la première fois depuis le traité de Verdun de 843 la France atteignait le Rhin. En revanche la paix ne fut pas signée avec l’Espagne avec laquelle donc la guerre continua. Encore une fois, profitant de l’affaiblissement du pouvoir avec la régence d’Anne d’Autriche, s’appuyant sur la crise économique et financière que la guerre avait provoquée entraînant la colère de la population, les princes se rebellèrent contre l’autorité royale. A la guerre contre l’Espagne s’ajouta donc une guerre civile, dite la Fronde, qui dura de 1649 à 1652. Mazarin finit par parvenir à bout de la Fronde et de l’Espagne. La guerre contre ce pays s’acheva avec la signature du traité des Pyrénées en 1659. La France reçut le Roussillon, l’Artois et plusieurs places fortes situées en Flandre et en Lorraine. Pour sceller la réconciliation entre les deux pays Louis XIV épousa Marie-Thérèse d’Autriche, fille de Philippe IV roi d’Espagne et d’Élisabeth de France. Les époux étaient doublement cousins germains, la régente Anne d’Autriche étant la mère de Louis XIV et la sœur de Philippe IV, et Élisabeth de France étant la sœur de Louis XIII, le père de Louis XIV (voir lettre 60-4 du 3 janvier 2020). En 1661 Mazarin mourut, Louis XIV prit alors le pouvoir. La lettre 60-8 du 12 janvier 2020 relate la politique intérieure de Louis XIV et l’événement majeur de cette politique : la révocation de l’Édit de Nantes en 1685 qui provoqua l’exode des couches sociales protestantes les plus dynamiques du pays sur le plan économique. Les lettres 60-9 du 15 janvier 2020 et 60-10 du 17 janvier 2020 relatent sa politique extérieure. La première guerre (dite) de dévolution menée par le roi consista à revendiquer des territoires dans les Pays-Bas espagnols lors de la mort de Philippe IV d’Espagne. Sa femme étant fille de Philippe il estima qu’elle avait des droits sur la succession espagnole. Charles II, fils de Philippe, héritier officiel du trône d’Espagne ne l’entendit pas ainsi. Il s’ensuivit une guerre qui dura de 1667 à 1668 à l’issue de laquelle par le traité d’Aix-la-Chapelle de 1668 la France annexa une douzaine de places fortes parmi lesquelles Lille, Tournai, Douai, Charleroi. En outre en 1662 Louis XIV racheta Dunkerque aux Anglais. La deuxième guerre opposa la France aux Provinces-Unies formées par les 7 provinces du Nord des Pays-Bas sur les 17 que comptaient ces derniers quand Charles Quint partagea son royaume entre son frère Ferdinand 1er et son fils Philippe II. A la suite de la guerre de Quatre-Vingts ans (1568-1648) contre l’Espagne les Provinces-Unies obtinrent définitivement leur indépendance lors du traité de Westphalie de 1648. Louis XIV avait des vues sur les provinces du Sud restées possession de l’Espagne, appelées Pays-Bas méridionaux. Il comptait repousser sa frontière nord mais il voulait aussi casser la suprématie commerciale des Provinces-Unies sur les mers. Cette guerre dura de 1672 à 1678 et devint une guerre européenne, la France finissant par susciter contre elle une coalition en raison de ses ambitions jugées excessives. Louis XIV finit par remporter cette guerre. La paix de Nimègue signée en 1678 et 1679 permit à la France d’annexer enfin la Franche-Comté (le Comté de Bourgogne) mais pas encore le comté de Charolais. Louis XIV rendit quelques places comme Gand, Oudenarde, Charleroi, mais il acquit la ligne Cambrai-Bouchain-Valenciennes-Condé-Maubeuge complétée par Saint-Omer, Cassel, Ypres. Il acquit aussi Nancy en Lorraine et Fribourg au-delà du Rhin. Finalement les Provinces-Unies ne perdirent aucun territoire dans cette guerre au contraire de l’Espagne qui sortit une fois de plus affaiblie de ce conflit. La troisième guerre, dite « Politique des Réunions », dura de 1679 à 1684. Cette politique consista à annexer sur simple autorité du roi, sans déclaration de guerre, des territoires attenants à des villes régulièrement acquises (après traités de paix). Ces annexions reprises dans la lettre 60-10 du17 janvier 2020 provoquèrent un ressentiment européen fort contre la France accusée de morgue et de suffisance. L’annexion de Strasbourg notamment provoqua une grande indignation. La quatrième guerre dite de la ligue d’Augsbourg est détaillée dans la lettre 60-10 du 17 janvier 2020. f) Le règne de Louis XIV de 1697 à 1715 1- La guerre de succession d’Espagne Charles II, le roi d’Espagne, sans héritier, légua toutes ses couronnes à Philippe, duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV un mois avant de mourir, en 1700. Louis XIV accepta ce testament et le duc d’Anjou prit le titre de roi d’Espagne sous le nom de Philippe V. Tous les souverains le reconnurent sauf l’Empereur du Saint-Empire, Léopold 1er, qui, ayant pour mère une sœur du roi d’Espagne Philippe IV (le père de Charles II) considérait avoir des droits sur la succession. Le nouveau souverain fut bien accueilli par ses sujets. Son grand-père Louis XIV utilisa son autorité pour le maintenir dans ses droits à hériter du trône de France. La perspective de voir la France et l’Empire espagnol réunis sous un seul pouvoir provoqua l’hostilité des autres nations inquiètes de la constitution possible d’un tel empire. Dès lors l’Angleterre, les Provinces-Unies et le Saint-Empire s’entendirent pour donner la succession d’Espagne non à Philippe V mais au fils cadet de Léopold 1er, l’archiduc Charles. Il s’ensuivit une guerre qui dura de 1701 à 1714. Cette guerre fut longue et la plus terrible du règne. Louis XIV devait défendre non seulement la France mais aussi l’Espagne et ses possessions. Les Anglais s’emparèrent de Gibraltar et de l’île de Minorque, une des îles Baléares, toutes deux possessions espagnoles. Puis ils occupèrent, avec les Autrichiens, une partie de l’Espagne. Ainsi l’archiduc Charles occupa Madrid quelques jours. Les Provinces-Unies refoulèrent les Français en occupant la Flandre française. Lille fut prise en 1708. C’est alors qu’un hiver terrible s’abattit sur la France en 1709. Tout ce qui avait été semé fut perdu. Les hausses des prix alimentaires furent vertigineuses. La misère s’installa dans le pays. Louis XIV tenta de négocier la paix. En vain. Alors dans un ultime effort les Français reprirent le combat. En Espagne, en 1710, le général Louis-Joseph de Vendôme parvint à chasser les austro-anglais. Au Nord, en 1712 , le maréchal Claude de Villars parvint à casser l’offensive de alliés. Entre-temps, en 1705, Léopold 1er mourut et fut remplacé par Joseph 1er son fils aîné, qui lui-même mourut en 1711. Il fut remplacé par l’archiduc Charles, le prétendant au trône d’Espagne, qui devint ainsi Empereur du Saint-Empire sous le nom de Charles VI. Ce voyant l’Angleterre qui ne tenait pas à ce que Charles réunisse sous une même direction les possessions espagnoles et allemandes, reconstituant ainsi l’Empire de Charles Quint, abandonna la coalition en 1712 et commença à négocier avec Louis XIV. Du coup la guerre s’arrêta. 2- Les traités d’Utrecht, de Rastatt, et d’Anvers (appelé traité de la Barrière) La paix fut signée à Utrecht en 1713 avec l’Angleterre, confirmée à Rastatt en 1714 avec le Saint-Empire puis à Anvers en 1715 avec les Provinces-Unies. Philippe V garda l’Espagne et ses colonies mais il dut renoncer à tous ses droits sur la couronne de France. Ainsi les Habsbourg quittaient définitivement le pouvoir en Espagne pour y être remplacés par les Bourbons. Les possessions espagnoles d’Europe furent toutes cédées. L’Empereur Charles VI reçut les Pays-Bas méridionaux (en gros la Belgique et le Luxembourg actuels), le Milanais, la Sardaigne et Naples. Le duc de Savoie, qui avait participé à la guerre, reçût la Sicile et prit le titre de roi. L’Angleterre conserva Minorque et Gibraltar. En outre elle se fit accorder par l’Espagne le monopole de la traite des Noirs dans l’Amérique espagnole. Enfin la France dut lui céder Terre Neuve, l’Acadie, la Baie d’Hudson et une île à sucre : Saint-Christophe. La finalité du traité de la Barrière fut de créer une ligne défensive au nord de la France, dans les Pays-Bas méridionaux, pour protéger les Provinces-Unies d'une nouvelle invasion française. Ainsi les Provinces-Unies obtinrent le droit de tenir des garnisons dans les villes de Namur, Tournai, Menin, Furnes, Warneton, Ypres et Dendermonde. 3- La mort de Louis XIV Les dernières années du roi furent marquées par de nombreux deuils. En 1711 il perdit son fils, puis trois de ses petits-enfants et encore un arrière petit-fils. En août 1715 il fut atteint par la gangrène. Il supporta les souffrances avec une maîtrise de soi qui fit l’admiration de tous. Il mourut à 77 ans le 1er septembre 1715 après 55 années de règne. g) Considérations générales sur le règne de Louis XIV 1- Colbert et l’enrichissement de la France Voir lettre 60-8 du 12 janvier 2020. Pour ce qui est de l’Empire colonial Colbert fonda deux comptoirs en Inde : Pondichéry et Chandernagor (voir lettre 60-45 du 1 juin 2020). Il mit en valeur les Antilles françaises et le Canada, il établit une série de comptoirs au Sénégal. Il ne put conserver les comptoirs de Madagascar mais il acquit l’île Bourbon (aujourd’hui la Réunion) et l’île de France (aujourd’hui l’île Maurice). Voir lettre 60-44 du 30 mai 2020. Enfin c’est sous son exercice que la Louisiane fut explorée par Cavelier de la Salle : voir lettre 60-41 du 17 mai 2020. 2- La société française à l’époque de Louis XIV La société française était alors fondée sur l’inégalité. Les Français n’étaient pas tous égaux devant la loi et devant l’impôt. Trois ordres étaient distingués : le Clergé, la Noblesse et le Tiers-État. Le Clergé formait le premier ordre officiellement représenté auprès du roi par des agents qui défendaient ses intérêts. Il vivait du revenu des immenses domaines que l’Église possédait (Elle était le plus grand propriétaire du royaume). Il avait le droit de lever un impôt à son profit (la dîme), il avait des propres tribunaux, appelés officialités. La richesse du clergé était répartie de manière inégale. Il y avait le haut-clergé, archevêques, évêques, abbés choisis le plus souvent dans les familles nobles, propriétaires de domaines fonciers importants, donc très aisés. Le haut clergé fréquentait la cour et restait fidèle au roi. Il y avait le bas-clergé, recruté dans le Tiers-État, chez les paysans ou les ouvriers. Ceux-là menaient une vie souvent misérable, ne vivaient que de la dîme, parfois difficile à lever, et dont une grande partie était prélevée par le haut-clergé. La noblesse d’épée formait le second ordre. Elle ne payait pas l’impôt, levait des droits seigneuriaux sur les paysans qui travaillaient sur ses domaines, exerçait certains droits de justice. Les nobles d’épée étaient les seuls à être nommés par le roi aux commandements militaires, postes diplomatiques, dignités d’Église et charges de cour. Il y avait aussi une certaine inégalité entre eux. La noblesse de cour dépensait en fêtes et en jeux ses revenus, elle disposait en outre de pensions royales qui lui permettaient ainsi de dépenser sans compter. La noblesse de province vivait plus difficilement et ses revenus diminuaient par suite de la baisse constante des prix des denrées sous le règne de Louis XIV. Le Tiers État formait le troisième ordre. Il était composé de la majorité des Français appelés : roturiers. Il comprenait des classes sociales très variées. Les privilégiés formaient la bourgeoisie elle-même divisée en deux catégories : la Marchandise qui comprenait les riches marchands, les industriels, les banquiers et les « fermiers » c’est-à-dire ceux qui s’occupaient de lever l’impôt et la Robe qui comprenait les médecins, les officiers de finances et de justice. Ces derniers, les « robins » pouvaient être anoblis. Ainsi de cette bourgeoisie sortit la Noblesse de robe ou encore la Grande Robe. Les bourgeois occupaient une place stratégique dans la société. Ils tenaient la justice et l’administration, jusqu’à l’administration de l’État en devenant parfois ministres ou secrétaires d’État. La plupart des bourgeois étaient également grands propriétaires. Quand un noble ou un paysan vendait sa terre c’était le plus souvent un bourgeois qui l’achetait. Ce désir d’acheter de la terre détourna la bourgeoisie de l’investissement dans les entreprises commerciales qu’avait voulu développer Colbert. Au-dessous de la bourgeoisie il y avait les travailleurs manuels qui vivaient dans les villes : petits patrons, artisans et ouvriers. Le régime des corporations dominait, formes d’associations professionnelles régies par une réglementation sociale et technique. Un maître artisan travaillait avec un petit nombre de compagnons et d’apprentis autour de lui. Maîtres et compagnons formaient deux classes distinctes et hostiles. Pour devenir maître il fallait réaliser un « chef-d’œuvre » dont l’exécution était si coûteuse qu’il était pratiquement impossible à un compagnon de le réaliser. Les maîtres se succédaient de père en fils. Les ouvriers se réunissaient en dehors des corporations dans des associations souvent secrètes appelées Compagnonnages où ils s’entraidaient. Enfin venaient les paysans qui formaient le plus gros de la population (environ 80 pour cent). Certains paysans étaient propriétaires mais seule une minorité vivait aisément du revenu des terres : ils étaient appelés laboureurs. Parmi les paysans non propriétaires certains étaient fermiers c’est-à-dire qu’ils étaient locataires des terres et ils devaient payer une redevance aux seigneurs ou laboureurs propriétaires. D’autres étaient métayers et devaient verser non une redevance mais livrer une partie de leur récolte, environ la moitié voire plus. La majorité des paysans étaient domestiques de ferme ou bien ouvriers agricoles. Ils vendaient leur force de travail. Ils étaient misérables. Ils avaient la possibilité d’utiliser les terrains communaux en exerçant le droit de vaine pâture (possibilité de faire paître leurs bêtes) et le droit de couper du bois. Mais les seigneurs avaient tendance à s’approprier les terrains communaux, aggravant leur misère. En outre les paysans supportaient l’essentiel des impôts. Mal logés, mal vêtus, peu nourris, sujets aux épidémies et aux famines, les paysans avaient une faible espérance de vie et atteignaient rarement l’âge de 21 ans. 3- La vie intellectuelle en France au XVII siècle Le gouvernement dirigea la vie intellectuelle en imposant l’ordre et la centralisation. Des associations de personnes compétentes, les Académies, fixèrent les principes auxquels écrivains, artistes et scientifiques furent tenus de se soumettre. Richelieu créa l’Académie française pour fixer le bon usage de la langue, Mazarin fonda l’Académie de peinture et de sculpture, Colbert créa l’Académie des sciences. Sous Louis XIII et Louis XIV la littérature et la philosophie française connurent leur âge d’or, avec les œuvres de Corneille, le « Discours de la Méthode » de Descartes, les « Provinciales » de Pascal, les comédies de Molière, les tragédies de Racine, les fables de La Fontaine, les satires de Boileau, l’éloquence religieuse de Bossuet. Plus tard les attaques contre l’absolutisme royal et l’inégalité sociale menées par la Bruyère et Fénelon annoncèrent le XVIII siècle. Trois monuments fondèrent en Europe la réputation de l’art français : la Colonnade du Louvre par Perrault, l’hôtel des Invalides par Bruant et Mansart, et surtout le château de Versailles construit par Le Vau et Mansart, décoré sous la direction de Le Brun, et dont les jardins furent l’œuvre de Le Nôtre. Près des architectes Le Vau, Mansart et Perrault se distinguèrent dans la mise en valeur des monuments construits par le roi, les sculpteurs Girardon et Coysevox, les peintres Le Brun et Mignard. Louis XIV protégea également les musiciens dont l’Italien Lulli, il acclimata l’opéra en France. 4-Idée de progrès et esprit critique. Sous Louis XIV la science connut un vigoureux développement non seulement en France mis aussi en Europe. Les Français Descartes, Pascal et Mariotte, les Allemands Kepler et Leibniz, les Italiens Galilée et Torricelli, le Hollandais Huygens, les Anglais Newton et Harvey impulsèrent un développement remarquable aux mathématiques, à la physique, à l’astronomie, aux sciences naturelles (tout en renouvelant la philosophie). Tous ces développements scientifiques durent beaucoup aux exploits des grands explorateurs du XVI et du XVII siècles pour lesquels il fallut concevoir des instruments de mesure performants (instrumentation) : lunette astronomique, télescope, baromètre, horloge à balancier, etc. Ce développement scientifique inspira l’idée de progrès : il était possible de sortir des représentions traditionnelles pour concevoir un monde autre en s’appuyant sur le progrès des connaissances. L’esprit critique, nécessaire à la recherche scientifique fondamentale, s’attela, après la science, à la politique et à la religion. Le principe de la monarchie absolue et son corollaire l’inégalité sociale commencèrent à être mis en question ainsi que le caractère divin de l’Église et de la révélation. Désormais conscients que l’exercice de leur propre pensée, sans inféodation à une autorité autre que celle de la raison, leur permettait de réviser la réalité du monde, les critiques mirent l’accent sur les contradictions d’une pratique politique et religieuse en contradiction avec l’esprit chrétien de la civilisation affirmant dans les écritures l’égalité de tous les hommes devant Dieu. L’inégalité sociale comme principe ne pouvait pas se marier avec l’esprit chrétien. C’est toute l’Autorité traditionnelle qui fut mise à mal par une lucidité d’esprit formée dans la conquête scientifique. J’espère que tu passes des vacances agréables et que la pratique du saxophone te plaît. Je pense à toi, Je t’aime
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Lettre 63 18 avril 2021, Samuel, 3) La France de 1697 à 1715 a) Rappel : de 1477 à 1559 Au XV siècle Charles de Valois-Bourgogne dit Charles le Téméraire (1433-1477) se posa comme rival de son cousin le roi de France Louis XI (1423-1483). Tous les deux descendaient (quatrième génération) du roi de France Jean II le Bon (1319-1364). Le Téméraire voulait reconstituer la Lotharingie du Nord et en devenir le monarque quitte à disputer à son cousin des terres françaises. A sa mort en 1477 il régnait sur un territoire qui comprenait au Sud le duché de Bourgogne et la Franche Comté, appelée aussi comté de Bourgogne, le comté du Charolais et d’autres petits comtés attenants, au Nord les 17 provinces du Pays Bas dont faisaient partie le comté de Flandre, le comté d’Artois, le comté de Hainault, le comté de Brabant, le duché de Luxembourg, le duché de Gueldre, le comté de Hollande, le comté de Zélande, le comté de Namur, le comté de Zutphen, le duché de Limbourg, les villes de Anvers, Malines et Utrecht (en gros la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg actuels), un petit territoire de Picardie et quelques petits comté adjacents. Ces territoires sont repris dans la carte jointe « l’État bourguignon de Charles le Téméraire » . En 1475 le Téméraire occupa les territoires situés entre le duché de Luxembourg et le comté de Bourgogne (ou Franche-Comté) mais en 1477 il fut tué lors de la conquête de ces territoires qui sortirent alors de son influence. A sa mort il légua ses terres à sa fille, Marie de Bourgogne (1457-1482), qui, pour contrer les visées de Louis XI, se maria avec Maximilien 1 er de Habsbourg (1459-1519), Empereur du Saint-Empire. A l’occasion de ce mariage Louis XI réussit à annexer le Duché de Bourgogne (et les comtés attenants, sauf le comté de Charolais qui après des va et vient entre la couronne de France et la Franche-Comté resta attachée à celle-ci) ainsi que quelques territoires de Picardie. Marie et Maximilien eurent un fils, Philippe le Beau (1478-1506), qui hérita des possessions de sa mère après la mort de celle-ci. A la mort de Philippe cet héritage passa aux mains de son fils Charles Quint (1500-1558). Maximilien à sa mort (1519) légua l’archiduché d’Autriche à Charles Quint, son petit-fils, tandis que les électeurs des autres États allemands le choisirent pour Empereur. Ce dernier se trouva ainsi, en 1519, à la tête du Saint-Empire et de l’État bourguignon. Charles Quint reçut un autre héritage, cette fois-ci de sa mère, Jeanne la folle (1479-1555) fille de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille. Jeanne avait reçu de ses parents, en 1516, l’Aragon, Naples, la Sicile, la Sardaigne, la Castille et le nouvel empire colonial alors en cours de formation. Mais reconnue inapte à régner, son héritage passa entre les mains de son fils Charles la même année, lequel réalisa l’union des provinces pour fonder l’Espagne dont il devint roi sous le nom de Charles 1er. En 1519 Charles Quint régnait donc sur un territoire très étendu ainsi qu’il ressort de la carte jointe « l’Europe en 1519 ». La France, sur laquelle depuis 1515 régnait François 1 er (1494-1547), lui faisait face. Les deux souverains s’affrontèrent en Italie et en Bourgogne. François Ier poursuivit l'action des rois Charles VIII et Louis XII qui se succédèrent entre le règne de Louis XI et le sien, et qui tentèrent de conquérir les duchés de Naples et de Milan. De son côté Charles Quint tenta de récupérer le duché de Bourgogne tout en s’opposant aux visées de la France sur l’Italie. François 1er comme ses prédécesseurs ne réussit pas à mener à bien ses ambitions en Italie et Charles Quint ne réussit pas à reprendre le duché de Bourgogne. En 1535, le duc de Milan, François II Sforza, mourut sans héritier. Le duché passa alors sous l’autorité de Charles Quint qui le légua à son fils Philippe en 1540. Cette lutte pour la possession des terres italiennes résultait du désir des deux puissances issues de l’Empire carolingien de Charlemagne de s’affirmer comme les héritières de l’ancien Empire romain d’Occident. Au final aucune n’arriva à ses fins. Charles Quint n’eut pas seulement la France à affronter, il dut aussi repousser les Ottomans à Vienne en 1529 menés par Soliman le magnifique (lettre 59-6). Puis il dut régler la question religieuse soulevée par Luther (voir lettre 59-3) qui se termina par le compromis du traité de paix d’Augsbourg en 1555. Dans sa lutte d’influence contre Charles Quint François 1 er finit par pactiser avec l’Empire ottoman dans l’espoir affaiblir le maître du Saint-Empire. Il signa le traité dit "des capitulations" avec le sultan ottoman Soliman le Magnifique. Ce pacte n’alla pas plus loin que la manifestation d’une solidarité diplomatique et commerciale, mais il inaugura une politique reprise par les successeurs de François 1 er, notamment Louis XIV. Politique mal comprise en Europe car la France passa ainsi pour l’alliée du monde musulman contre le camp de la chrétienté. Henri II succéda à son père François 1er en 1547 et affronta à son tour Charles Quint. Il s’ensuivit une guerre indécise au cours de laquelle Henri II, en 1552, occupa les Trois Évêchés de Toul, Metz, et Verdun alors sous influence du Saint-Empire. Cette guerre se termina par la paix du Cateau-Cambrésis en 1559 (près de Cambrai). Entre temps Charles Quint usé par les guerres, la lutte contre les ottomans, la question religieuse et les incessants soulèvements des sujets de son royaume abdiqua en 1556. Il légua à son fils Philippe II l’Espagne, les 17 provinces du Pays Bas, le comté de Bourgogne (la Franche Comté), le comté du Charolais, les comtés de Milan, le royaume de Naples, la Sardaigne, la Sicile et l’empire colonial. Il légua à son frère Ferdinand 1er le duché d’Autriche et la charge d’Empereur du Saint-Empire (après élection en 1558). Ferdinand était en outre roi de Bohême, de Hongrie et de Croatie. C’est donc Philippe qui signa la paix du Cateau-Cambrésis. La France renonça officiellement à toutes vues sur l’Italie. Henri II récupéra Calais (pris aux Anglais) et les trois Évêchés pris à Charles Quint. Henri II mourut peu après la signature du traité en 1559. Je t’embrasse, Je t’aime
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Lettre 62 15 avril 2021, Samuel, XVIII siècle 1) Introduction Le XVIII siècle fut un siècle riche en événements. Il y eut bien sûr la Révolution française de 1789 qui bouleversa non seulement les régimes monarchiques de l’époque mais qui introduisit aussi de nouvelles représentations politiques dominées par la figure du peuple et par la reconnaissance des droits de l’homme et du citoyen. Ces nouvelles représentations furent elles-mêmes pensées par les philosophes des Lumières. Il est habituel de présenter les Lumières comme l’avènement de la Raison, nous pensons par exemple à « la Critique de la raison pure » de Kant, mais il s’est aussi agi d’émanciper l’individu, en avançant cette adresse : « pense par toi-même » et non plus par l’intermédiaire ou sous l’autorité d’un maître. C’est le passage de l’état de minorité (être mineur, obéir à un maître) à l’état de majorité (être majeur, penser par soi-même). Cette adresse avait toutefois été précédée par cette autre adresse formulée au début du XVI siècle par Luther : « chacun doit devenir son propre prêtre, nul ne doit plus se fier aux dogmes de l’Église ». Cette déclaration fut l’un des fondements du protestantisme, nouvelle religion qui révolutionna les modes de pensée occidentaux en invitant chacun à se libérer de la tutelle des autorités religieuses pour penser et vivre selon ses propres inspirations engendrées par une foi venue de son intimité. Il y eut aussi le formidable essor de la révolution industrielle en Angleterre révolution cruciale qui engendra de nouveaux rapports humains dans une nouvelle organisation du travail et de la propriété (le salariat, l’accumulation du capital). Cette révolution provoqua à son tour une révolution technicienne et scientifique rendue nécessaire pour sans cesse augmenter et rentabiliser la production dans le cadre de la concurrence entre producteurs et entre nations. Le monde entier aujourd’hui est économiquement organisé selon les critères de cette révolution. Citons encore la déclaration d’indépendance des États-Unis de 1776, acte de naissance d’une nouvelle puissance appelée à dominer le monde. Elle fut accompagnée par la rédaction d’une constitution, toujours en vigueur aujourd’hui bien qu’amendée au fil du temps, construction qui reste un modèle de démocratie. 2) Les frontières européennes occidentales L’Europe occidentale eut pour ancêtre l’Empire de Charlemagne. Il est possible bien entendu de remonter plus loin encore, mais je choisis de partir de cette époque car elle illustre bien l’histoire de l’Europe occidentale des 1 200 dernières années. Sur la première carte jointe « Expansion de l’Empire franc sous Charlemagne » nous voyons quelle était l’étendue du territoire régi par l’Empereur. Les parties en jaune ne faisaient pas partie de l’Empire mais elles étaient sous son influence. Sur la carte 2 « L’Empire de Charlemagne et le partage de Verdun de 843 » nous voyons comment cet empire fut partagé entre les trois petits-fils survivants de l’Empereur (les trois fils de Louis 1er dit le Pieux, fils de Charlemagne ) : Charles le Chauve reçut la Francie occidentale qui porta le nom de France vers 1200, Lothaire 1er reçut la Francie médiane ou Lotharingie, et Louis II de Germanie reçut la Francie orientale, le noyau dur du futur Saint-Empire romain germanique. Par la suite l’histoire fut une longue dispute entre la France et le Saint-Empire pour annexer le royaume de Lotharingie coincé entre ces deux nations. Le Saint-Empire s’étendit aussi à l’Est en annexant la partie colorée en jaune sur la carte 1. Sur la carte 3 « Le Saint-Empire vers l’an mil » nous voyons que la Germanie avait réussi à annexer pratiquement toute la Lotharingie et la partie colorée jaune de la carte 1. Puis sur la carte 4 « Map of the Imperial Circles » nous voyons un certain recul de l’Empire. Le Saint-Empire ne cessa de s’agrandir ou de s’amenuiser au fil des événements. Après la disparition du Saint-Empire en 1806 la France prit possession de presque toute l’ancienne Lotharingie grâce aux conquêtes de la Révolution et de l’Empire napoléonien. Puis la France perdit tous ces territoires et ce fut au tour de l’Allemagne d’étendre son pouvoir pendant la seconde guerre mondiale sur l’ancienne Lotharingie. Avant, elle aussi, de tout perdre. Si nous rapprochons la carte 1 de la carte 5, carte des frontières de l’Europe occidentale d’aujourd’hui, nous constatons un relatif maintien des frontières de l’ancien Empire carolingien. La frontière Est allemande suit la frontière Est de l’Empire en y incluant les zones d’influence (jaune) des Obodrites et des Wilzes. La Pologne a retrouvé ses frontières ouest de l’époque après avoir disparu sous le règne de Catherine II. La Prusse a dû céder ses terres à la Pologne, seule la partie contenant Berlin étant rattachée à l’Allemagne. La Bohême-Moravie correspond à la République tchèque et à la Slovaquie. Les Marches de l’Est correspondent à l’Autriche qui a acquis des terres à l’intérieur de l’ancien Empire. La Lombardie a été rattachée à l’Italie, la Provence à la France. La partie Nord de la Lotharingie constitue aujourd’hui les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. La partie centrale de la Lotharingie a été rattachée en partie à la France, en partie elle constitue la Suisse. Je poursuivrai en reprenant l’histoire de France sous la fin du règne de Louis XIV. J’espère que tout va bien à Moscou, bon courage pour ta prestation devant les étudiants moscovites, Je pense à toi, Je t’aime
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Lettre 61-11 25 juillet 2020, Samuel, B) Le style gothique C’est le caractère de la voûte qui permet de distinguer le style gothique du style roman. L’église gothique se caractérisa à partir de la fin du XI siècle / début du XII siècle par l’innovation technique de la croisée d’ogives. La croisée d’ogives (voir première figure jointe) est constituée de deux arcs sécants dits ars diagonaux se coupant en leur sommet, chacun reposant sur un pilier. Ces deux arcs prennent place entre deux arcs doubleaux qui reposent sur les mêmes piliers. Cette technique permet de limiter le coffrage aux arcs diagonaux et doubleaux. Elle divise la voûte située entre les doubleaux en quatre voûtains (éléments de voûte) qu’il est possible de remplir avec une maçonnerie légère. L’avantage de cette technique est de reporter le poids de la voûte sur les seuls piliers (et non plus sur les murs). Il n’est plus besoin de renforcer les murs par des contreforts, il suffit de renforcer les piliers par des arcs-boutants (voir figure 2). L’arc-boutant prend lui-même appui à l’extérieur de la cathédrale sur un pilier de culée. Cette technique permit de bâtir des églises pus hautes mais aussi mieux éclairées car il fut possible de percer des ouvertures dans les murs latéraux des nefs puisqu’ils n’étaient plus fragilisés par le poids de la voûte. Note : le mot « roman » dans le style roman signifie : à la manière des Romains (voûte en berceau) ; le mot « gothique » réfère aux Goths tribu germanique considérée comme barbare du temps des Romains . Ce mot était donc péjoratif avant que le style dit gothique finisse par s’imposer. Voilà pour le XVII siècle : c’en est terminé ! Je pense reprendre l’histoire de Russie avant d’aborder le XVIII siècle. J’espère que ton entrevue avec le Minotaure se sera bien passée. Je t’embrasse, Je t’aime
