Aller au contenu

satinvelours

Banni
  • Compteur de contenus

    3 006
  • Inscription

  • Jours gagnés

    1

Tout ce qui a été posté par satinvelours

  1. Je reviens sur le poème précédent Norma y paraíso de los negros. Évidemment ce n’est pas n’importe quoi. C’est un texte difficile et abstrait. Si l’on veut en faire une analyse très succincte on s’aperçoit qu’il fourmille de symboles et de métaphores ce qui, à mon sens, rend la lecture difficile à comprendre. L’ombre et la lumière se heurtent. . Pour comprendre les poèmes noirs de Lorca, il faut savoir que dès son arrivée à New York c’est Harlem qui le fascine - Harlem comme centre de libération de la population noire- avec tout particulièrement une attirance et une passion pour la musique noire et le jazz. Aussi dans ses poèmes apparaissent les problèmes de discrimination, de pauvreté, de différences culturelles que subit le noir américain. D’ailleurs Lorca dit lui-même à propos de ses poèmes qu’il a voulu faire des poèmes pour les noirs et souligner leur douleur, car rejetés et toujours esclaves de toutes les inventions de l’homme blanc…
  2. Lettre 58-3 1 juin 2019, Samuel, XV siècle chapitre 3 En Europe occidentale une succession d’évictions, d’autodafés et d’incarcérations collectives fut menée contre les Juifs après la fin de la période de la Peste noire. De 1450 à 1520 quelques quatre-vingt-dix villes allemandes procédèrent à des expulsions en chaîne. En Suisse les Juifs durent quitter Zurich en 1436 puis Genève et Lausanne en 1490. Lorsque la Provence fut rattachée au royaume de France en 1481 les Juifs provençaux furent à leur tour expulsés. D’une manière générale, en Europe occidentale, ils furent tous progressivement bannis ou cantonnés dans des ghettos. Seule l’Italie les accueillit avec bienveillance. Bien intégrés, ils participèrent activement à la Renaissance et celle-ci influença à son tour les études juives. Quelques noms de la communauté juive se distinguèrent. Dans le domaine de la musique : Salomone de Rossi, dans celui de l’histoire : Azaria de Rossi, dans celui de la philosophie : Elyio Delmedigo et Jean Alemanno qui fut le professeur d’hébreu de Pic de la Mirandole (1463-1494), chrétien hébraïsant, kabbaliste et philosophe majeur de la culture européenne. Mais l’Italie finit par être rattrapée par la vague hostile aux Juifs. Dans le pays même une propagande anti-juive initiée par les franciscains se développa dans la seconde moitié du XV siècle. En 1475, à Trente, une première accusation de meurtre rituel fut portée contre la communauté. Cette date indiqua le début de l’enfermement et de l’expulsion des Juifs d’Italie. Cette hostilité s’accrut encore quand les rois d’Espagne, qui possédaient alors la Sicile et la Sardaigne, décidèrent d’expulser les juifs d’Espagne, y compris donc ceux de ces deux régions. Seules Rome, Ancône, Ferrare et Venise conservèrent une population juive notable, pourtant formée de « nouveaux chrétiens », mais acceptés en raison de leurs capacités à établir des relations commerciales avec l’empire ottoman. Dans le même temps l’Europe ne s’ intéressa jamais autant aux Juifs quant à leur histoire, à leur langue et à leurs textes sacrés. Un nombre croissant d’humanistes et de savants chrétiens s’adonnèrent à l’étude de l’hébreu et de l’Ancien Testament, l’hébreu étant considéré comme la clé de compréhension des textes juifs, textes censés, aux yeux des chrétiens, conserver les secrets de l’Univers, les preuves de la divinité du Christ et le mystère de l’attachement des Juifs à leur religion. En Pologne où de nombreux Juifs avaient trouvé refuge (voir lettre 57-chapitre 1) la vague anti-juive eut des effets limités. L’héritière du trône du pays se maria en 1386 avec le grand-duc Jagellon de Lituanie (vaste région située à cette époque entre la Pologne et la Russie) ce qui ouvrit le duché à l’immigration juive : en effet, en 1388, des droits économiques identiques à ceux acquis par les Judéens de Pologne leur y fut accordés. D’une manière générale les Juifs durent faire face à l’offensive des autorités catholiques menée par l’archevêque de Cracovie ce qui leur valut de subir quelques persécutions mais ils bénéficièrent de la protection des Jagellons ce qui leur permit de rester dans le pays. Je t’embrasse
  3. Facticité ouvre sur contingence. Nous ne sommes pas des êtres nécessaires. Nous sommes là, mais nous aurions très bien pu ne pas être là, avec toutes les implications qu’il faudra tirer. Mais de l’autre côté facticité, parce que justement induisant l’idée d’une construction de soi, d’une élaboration de soi, et donc un choix de soi, s’articule nécessairement sur le concept de liberté. On ne peut comprendre l’existentialisme sartrien si on désimplique facticité et liberté. L'une conduit nécessairement à l’autre. Ce qui n’est pas évident d’un certain point de vue car on pourrait dire que si nous sommes des êtres factuels, si nous somme de l’ordre du fait, nous n’avons pas la liberté d’être là. C’est la seule liberté que l’on n’ait pas : d’avoir été mis au monde. Cela nous n’y sommes pour rien. Mais à partir du moment où nous sommes là, tout découle de nous. À partir du moment où notre développement permet un certain degré d’autonomisation il nous appartient d’orienter notre existence. Et notre existence sera totalement traversée, occupée, « préoccupée » à découvrir la liberté et en faire quelque chose. D’en faire quelque chose peut aussi être négatif. Cela veut dire aussi ne pas vouloir l’assumer, ne pas vouloir la considérer, tenter de la fuir et donc, chez Sartre, le « salaud » c’est celui qui se fuit lui-même. Facticité et liberté sont deux termes absolument centraux dans la philosophie sartrienne. On pourrait dire que l’étude de ces thèmes, de ces concepts et de leurs liens constitue l’étude de l’existentialisme en tant que tel. « L’existence est un humanisme » ed. Nagel coll. Pensées Sartre fait figure de géant de son siècle sur tous les plans : plan de la pensée bien sûr, plan littéraire – abondance de l’œuvre littéraire y compris de la critique littéraire. En même temps l’homme est incontournable par ses engagements politiques.
  4. Lettre 58-2 28 mai 2019 Samuel, XV siècle chapitre 2 En Espagne les Juifs furent de plus en plus discriminés : obligation de vivre dans des quartiers isolés et fermés, de porter un signe distinctif ; interdiction d’exercer une fonction d’autorité, de soigner des chrétiens ou de leur vendre des produits alimentaires ; interdiction d’employer du personnel chrétien, interdiction de faire des prêts d’argent. Les conversos intégrèrent l’élite dirigeante, certains devenant même évêques (hauts ecclésiastiques de l’Église catholique). Ceux-là argumentèrent et démontrèrent à leurs anciens coreligionnaires que Jésus était bien d’essence divine et humaine et qu’il était bien le Messie attendu. Le catholicisme à leurs yeux venait donc réaliser l’attente messianique du judaïsme, dépassant cette religion. Les conversions continuèrent. A la fin du XV siècle il y avait autant de « nouveaux chrétiens » (de convertis) que de Juifs (entre 150 000 et 200 000 personnes). Économiquement appauvris du fait des interdictions précitées la plupart des Juifs étaient désormais de condition modeste : artisans, petits commerçants, maçons, forgerons… bien que certains parvinrent grâce à leurs compétences à rester médecins des rois ou encore trésoriers de leurs finances. Certains conversos continuèrent d’observer dans l’intimité de leur famille les prescriptions du judaïsme tout en s’affichant catholiques à l’extérieur, parvenant ainsi à pratiquer les professions désormais interdites aux Juifs. Les catholiques finirent par s’en rendre compte, ce qui engendra une forte animosité contre ces conversos. Les catholiques les appelèrent : les marranes (en espagnol marranos signifie : porcs). Le 17 janvier 1449, à Tolède, des émeutes dirigées contre les marranes éclatèrent. Le 5 juin le conseil de Tolède adopta un statut établissant qu’aucun converso d’origine juive ne pourrait obtenir ou conserver aucune fonction dans la ville. Le 24 septembre le Pape condamna ce statut arguant que tous les baptisés, y compris les conversos, formaient un même corps. Ce statut fut ensuite condamné par un avis royal estimant que les mariages mixtes entre membres de l’aristocratie et familles conversos étaient si nombreux qu’il était illusoire de prétendre écarter les lignages d’origine juive au risque de remettre en cause l’ensemble des élites. Mais ce furent les ecclésiastiques extrémistes qui eurent le dernier mot. Le franciscain Alfonso de Espina publia en 1460 un ouvrage dénonçant les marranes. Il en conclut que si l’Espagne chrétienne voulait rester espagnole et catholique elle n’avait pas d’autre choix que celui d’expulser les Juifs et de sévir contre leurs frères « camouflés ». En 1474 Isabelle régna sur la Castille puis en 1479 Ferdinand régna sur l’Aragon. Grâce à leur mariage en 1469 les deux régnants réunirent ainsi les deux plus grandes provinces d’Espagne. Pour affermir leur nouvelle puissance et réaliser l’unité du royaume, ils mirent au pas la noblesse, assainirent les finances et décidèrent d’assurer l’homogénéité religieuse du pays, ce qui impliquait la disparition du royaume de Grenade, dernier bastion musulman de la péninsule, et la mise au pas des Juifs et des marranes. En 1478 le Pape Sixte IV établit à la demande des Rois catholiques l’Inquisition qui disposa d’un pouvoir absolu sur les « hérétiques ». En 1482 la Pape ratifia la nomination de sept inquisiteurs, tous dominicains, parmi lesquels Thomas de Torquemada qui présida le Conseil (dit Conseil suprême du Saint-Office). L’Inquisition s’attaqua aux marranes. Des tribunaux furent créés dans les grandes villes d’Espagne. Si les marranes se dénonçaient eux-mêmes la conséquence en était la confiscation de leurs biens et ils évitaient le bûcher. Les non-repentis, s’ils étaient démasqués, risquaient le bûcher. A Séville 700 « nouveaux chrétiens » furent brûlés vifs et 5000 autres furent « réconciliés » c’est-à-dire condamnés à des peines diverses. A Tolède 200 marranes furent brûlés et 7000 autres « réconciliés ». Les Inquisiteurs finirent par estimer qu’ils ne pourraient jamais vraiment extirper l’hérésie juive des « nouveaux chrétiens » si les Juifs continuaient de vivre en Espagne. En effet ces derniers, selon eux, ne cesseraient d’influencer les « nouveaux chrétiens » et de les aider à pratiquer le judaïsme en cachette. Les Inquisiteurs fabriquèrent un procès pour convaincre les Rois. A la fin de 1490 six Juifs et cinq conversos furent accusés du meurtre rituel d’un enfant disparu dont personne n’avait jamais retrouvé le corps. Torturés les prévenus durent avouer avoir arraché le cœur de l’enfant et l’avoir mélangé avec une hostie consacrée pour en fabriquer un poison destiné à détruire la chrétienté et assurer la victoire du judaïsme. [Une hostie consacrée, chez les catholiques, consiste en une pastille de pain sans levain censé incarner le corps du Christ]. Condamnés au bûcher ils furent exécutés le 16 novembre 1491. Ce procès public et retentissant convainquit les Rois d’ordonner l’expulsion des Juifs. Le 2 janvier 1492 les Rois catholiques prirent Grenade et y firent une entrée solennelle : c’en était fini de la présence musulmane en Espagne. Le 31 mars Isabelle et Ferdinand signèrent dans le palais de l’Alhambra l’édit d’expulsion des Juifs. Divulgué le 1 mai 1492 cet édit donnait quatre mois aux Juifs pour liquider leurs affaires et prendre le chemin de l’exil. Par le hasard des dates, ce fut la même année que Christophe Colomb, pour le compte des Rois catholiques, croyant accoster aux Indes, débarqua le 14 octobre 1492 sur une petite île de l’archipel des Bahamas (au sud-est de la Floride) qui fut baptisée San Salvador ( le Saint Sauveur, par référence au Christ). Au cours de l’été 1492, 150 000 à 200 000 Juifs durent quitter l’Espagne. Quelques-uns allèrent en Navarre, 50 000 à 80 000 allèrent au Portugal, 20 000 à 40 000 au Maghreb, 20 000 en Italie, 40 000 à 60 000 dans l’empire ottoman. Beaucoup moururent sur la route de l’exil. « En quelques mois raconte le chroniqueur Andrès Bernaldez les Juifs vendirent tout ce qu’ils purent ; ils donnaient une maison pour un âne, une vigne pour une pièce de tissu...Ensuite ils se mirent en route, les uns tombant, les autres se relevant, les uns mourant, les autres naissant, d’autres encore tombant malades et il n’ y eut pas de chrétiens qui les plaignit » Je t’embrasse
  5. La aurora La aurora de Nueva York tiene cuatro columnas de cieno y un huracán de negras palomas que chapotean las aguas podridas. La aurora de Nueva York gime por las inmensas escaleras buscando entre las aristas nardos de angustia dibujada. La aurora llega y nadie la recibe en su boca porque allí no hay mañana ni esperanza posible. A veces las monedas en enjambres furiosos taladran y devoran abandonados niños. Los primeros que salen comprenden con sus huesos que no habrá paraíso ni amores deshojados; saben que van al cieno de números y leyes, a los juegos sin arte, a sudores sin fruto. La luz es sepultada por cadenas y ruidos en impúdico reto de ciencia sin raíces. Por los barrios hay gentes que vacilan insomnes como recién salidas de un naufragio de sangre. Traduction : André Belamich L’Aurore L’aurore de New York a quatre colonnes de vase et un ouragan de noires colombes qui barbotent dans l’eau pourrie. L’Aurore de New York gémit dans les immenses escaliers cherchant parmi les angles vifs les nards de l’angoisse dessinée. L’aurore vient et nul ne la reçoit dans sa bouche parce qu’il n’y a là ni matin ni possible espérance. Parfois les pièces de monnaie en essaims furieux percent et dévorent des enfants abandonnés. Les premiers qui sortent comprennent dans leurs os qu’il n’y aura ni paradis ni amours effeuillées ; Ils savent qu’ils vont à la fange des nombres et des lois, aux jeux sans art, aux sueurs sans fruit. La lumière est ensevelie sous les chaînes et les bruits en un défi impudique de sciences sans racines. Il y a par les faubourgs des gens qui titubent d’insomnie comme s’ils venaient de sortir d’un naufrage de sang. Poème extrait de Poète à New York Le livre, déroutant, violent, difficile, est animé d’une puissance visionnaire qui en fait une clameur grandiose, individuelle et universelle. Le combat, perdu d’avance, de l’instinct vital et des forces obscures du sang contre les puissances glacés de la mort... On a souvent rangé le livre dans le vaste tiroir surréaliste : c’est faire peu de cas de la puissante orchestration symphonique qui maîtrise les zébrures métaphoriques et les fulgurances irrationnelles et les organise en un langage halluciné et cohérent, structuré et onirique, dont les réseaux d’associations, les constellations de mots et d’images rencontrent les structures permanentes de l’imaginaire lorquien. Nous lui appliquerons la conclusion pénétrante d’André Belamich : « Jamais Lorca n’a été si grand que dans Poète à New York ; c’est là seulement qu’il manifeste pleinement sa puissance épique et visionnaire… Le Romancero gitan le mettait au premier rang des poètes espagnols ; Poète à New York le met au premier rang des poètes universels. » Aguilar- Poésies III.
  6. Sartre ou l’existence comme facticité et liberté C’est le penseur le plus important pour l’existentialisme, celui qui va initier ce mouvement. On peut considérer ces deux termes, facticité et liberté, et leur relation, comme étant au centre. Les deux termes de facticité et de liberté constituent les deux concepts majeurs autour desquels se constitue la philosophie sartrienne que l’on appelle vraiment l’existentialisme, au sens restreint et pur du terme. Non seulement ces deux notions, mais aussi leur relation. Facticité : en effet pour Sartre, il s’agit de nous découvrir comme des êtres qui sont de l’ordre du fait. C’est-à-dire que l’existence se constate mais ne se démontre pas, ne se déduit pas (La nausée). Notre existence est donc factuelle, et le substantif qui a été fabriqué par Sartre est un mélange entre quelque chose qui est factuel, de l’ordre du fait, et quelque chose qui est fabriqué, factice, donc le produit de l’intervention humaine et non pas quelque chose de naturel. Il y a ce mélange volontaire de la part de Sartre. À la fois nous sommes de l’ordre du fait ce qui va nous faire réfléchir sur la contingence. Mais il y a dans le terme même de facticité l’idée que cet être que nous sommes de l’ordre du fait, c’est nous-mêmes qui le construisons, qui l’élaborons, qui le fabriquons. Autrement dit, rien n’est naturel en nous, mais tout est de l’ordre de la construction, et donc du choix qui est le nôtre par rapport à nous-mêmes. Donc facticité est un terme extrêmement important qui ouvre sur « la grande découverte » de Sartre de l’existentialisme, du moins de sa thématisation, et de sa radicalisation. Sartre va se réemparer de la contingence et en tirer des implications qui seront des implications engageant nos vies dans leur aspect le plus concret.
  7. Lettre 58-1 26 mai 2019 Samuel, XV siècle chapitre I Evolution générale en Europe L’épidémie de peste disparut progressivement au cours du XIV siècle malgré quelques brèves réapparitions au début du XV siècle. La guerre de Cent ans s’acheva en 1453 avec la victoire de la France sur l’Angleterre, sur le continent. Ces épreuves développèrent un fort sentiment d’appartenance nationale dans la plupart des pays européens. Partout les populations durent s’unir contre l’adversité. Ce développement identitaire ne fut pas favorable aux Juifs comme nous le verrons ci-après. Ce sentiment national avait commencé à se développer au XIV siècle dans une révolte généralisée contre l’autorité du Pape. Philippe le Bel, roi de France, s’était opposé à l’autorité du Pape Boniface VIII (1294-1303). Philippe gagna ce combat, allant même jusqu’à faire nommer un Pape d’origine française, Clément V, qui vint siéger en Avignon (qui appartenait alors au roi de Naples). Les Papes résidèrent en Avignon de 1309 à 1376. Les Romains (furieux) appelèrent cette période : la Captivité d’Avignon. Puis les Papes revinrent à Rome en 1377. Un Pape romain fut nommé mais il déplut aussitôt aux cardinaux (ceux qui élisent le Pape) qui élurent un autre Pape (alors qu’il faut attendre la mort du Pape élu pour en nommer un autre). Du coup il y eut deux Papes ! L’un résidant à Rome, l’autre retournant résider en Avignon. Cette scission dura 39 ans et fut appelée le Grand Schisme. Cet affaiblissement de la papauté engendra des hérésies dont les plus connues furent celles de Wyclif (1330-1384) en Angleterre et celle de Jean Huss (1369/1373-1415) en Bohème (ou vivaient les Tchèques, qui sont des Slaves). Wyclif comme Jean Huss voulurent affirmer la prépondérance de l‘identité nationale contre l’autorité religieuse de Rome (Jean Huss voulait aussi s’opposer à l’influence allemande sur son pays). Les hérétiques perdirent leur combat mais ils renforcèrent le sentiment national de leurs pays respectifs. D’une manière générale ce sentiment national, démarré au XIV siècle, continué au sortir des épreuves de ce même siècle, se développa dans tous les pays d’Europe, sentiment symbolisé par l’unité des peuples derrière l’autorité d’un seul homme: le roi. C’en était donc aussi fini de la féodalité. Épidémies et guerres portèrent un coup très rude à l’ensemble de la population européenne qui dut diminuer d’au moins un tiers sinon plus. Conséquences : abandon des terres, ruine des exploitations seigneuriales. La disparition de ces fléaux engendra un puissant désir de renaissance dans les esprits. L’agriculture reprit, l’industrie et le commerce aussi. Cette vitalité économique provoqua un développement marqué des sciences : géométrie, physique, sciences naturelles, astronomie. En raison du manque de bras engendré par la mortalité, les salaires augmentèrent sensiblement, les richesses produites furent ainsi mieux partagées et la démographie prit un nouvel essor. Dans le cadre de ce nouveau sentiment national l’Italie qui avait moins souffert de la peste que les autres pays se tourna vers son passé glorieux en se réintéressant aux œuvres de l’antiquité romaine, ainsi qu’à celles de l’antiquité grecque grâce à l’apport culturel de nombreux byzantins, de culture et de langue grecques, qui fuyaient devant l’avancée des Turcs. L’invention de l’imprimerie par l’allemand Gutenberg vers 1450 fut l’un des événements les plus importants de toute l’Histoire : il était désormais possible de diffuser dans toute la population les œuvres des grandes figures de la Grèce ancienne. Des intellectuels italiens se mirent à traduire toutes ces œuvres et à les transmettre. Ils furent appelés : les humanistes (l’humanisme à l’époque désignait le goût passionné pour les œuvres de la littérature grecque et latine, humanus signifiant : instruit, cultivé). Les premiers humanistes furent Pétrarque (1304-1374) et Boccace (1313-1375). Les artistes italiens s’enthousiasmèrent pour l’art gréco-romain. En quelques années ils réinventèrent l’architecture, la sculpture et la peinture. De toutes les villes d’Italie ce fut Florence, la Florence des Médicis qui fut au quinzième siècle le centre le plus brillant de ce mouvement artistique que nous appelons : la Renaissance. Notons les grands noms de ce mouvement. Pour l’architecture : Brunelleschi (1377-1446), pour la peinture : Fra Angelico (1400-1455) Botticelli (1445-1510), pour la sculpture : Donatello (1386-1466) et Verrochio (1435-1488). Je t’embrasse
  8. Si nous partons de l’hypothèse que la vie sur le forum est une image affadie de la vie réelle, bref si la vie sur le forum est qualifiée de vie virtuelle par opposition à la vie réelle, alors Vilaine a raison : la vie sur le forum est aliénante car elle détourne de la vie réelle. Mais Vilaine est victime d’une illusion. La vie sur le forum n’est pas une activité virtuelle, c’est une activité immatérielle. Comme lire un livre, rêver ou aller raconter sa vie sur un divan à un analyste que l’on ne voit pas ni que l’on entend. Dans une activité immatérielle nous débattons avec nos propres pensées, et les pensées qui arrivent sur l’écran sous forme de signes auxquels nous donnons sens à partir de notre monde deviennent nos pensées. Si nous parvenons à sortir de l’illusion que la vie sur le forum est assimilable à un relationnel réel, si nous comprenons que la vie sur le forum est un débat avec nous-mêmes alors l’activité sur le forum devient précieuse car elle nous permet d’améliorer notre connaissance de soi, avant de repartir à « l’assaut » de la vie relationnelle dite réelle, c’est-à-dire celle qui mélange activité immatérielle et matérielle, celle qui inclut l’action sur et dans le monde réel.
  9. La philosophie de Gabriel Marcel est une ontologie de la présence à soi, à l’autre, au monde. Mais cette notion d’intersubjectivité ne peut pas se comprendre comme constituants d’un « état ». Elle est bien plutôt ce qui se donne à vivre au travers de chacune de nos rencontres ou expériences, fussent-elles les plus ténue. En effet, aucune action ne se fait « seul », mais toujours en référence à l’autre, fût-il absent. La solitude n’est pas l’absence totale de l’autre, des autres mais sa/leur suspension pour un temps donné, car, en effet dans ma solitude, je me rapporte à l’autre, ne serait-ce que pour éprouver pour l’éprouver comme absent. Nous sommes donc profondément des êtres enracinés, qui ne pouvons exister qu’en plongeant nos racines dans ce que Merleau-Ponty appelait « la chair du monde » : langage, gestualité, attitude, comportements. Tout nous relie à cette humanité et à son ouverture vers l’Etre. Il y a, de ce point de vue, dans toute communauté - fut-elle ratée - une promesse de communion. Le mal n’est pas autre chose que se repli sur nous, que cette fermeture désolée et désolante qui scelle aussi notre éloignement de l’Etre. L’Etre n’est pas ce qui est bon en soi mais ce qui fait lever en nous le Bien dont nous sommes capables. C’est peut-être ce fond d’obscurité nécessaire pour que quelque part, loin en nous s’allume une quelconque lumière. (Un homme de Dieu et La Chapelle ardente).
  10. Il faudrait qu'il y ait de « l’être » pour sauver un tel monde (ici écho du thème heideggerien de l’oubli de l’être ). La dernière partie du Journal Métaphysique qui couvre les années 1928 à 1933 se préoccupe de l’être et de l’avoir au point que cette appellation constituera le titre d’une partie du Journal précédée d’une Esquisse d’une Phénoménologie de l’Avoir. L’Etre est ce qui précisément nous porte à ne jamais nous laisser enfermer dans quelque chose ou quelqu’un fût-ce nous-même. L’Etre est cet appel qui déjà se laisse entendre au travers de ce noeud de liens, sans lesquels je suis par ailleurs incompréhensible à moi-même. « Je ne me soucie de l’Etre que pour autant que je prends conscience plus ou moins distinctement de l’unité sous-jacente qui me relie à d’autres êtres dont je pressens la réalité » (volume II du Mystère de l’Etre). L’Etre est accomplissement de soi, mais s’accomplir est « participer » à la construction d’un monde, comme de son sens. L’Etre constitue ce que Gabriel Marcel appelle « le mystère fondamental », mystère ontologique, à la fois signe et appel de Dieu, du divin, de quelque chose qui nous dépasse. L’Etre par conséquent se rencontre, il est au cœur de l’existence, et en figure le ressort secret. Ainsi donc, la rencontre de l’autre, la présence de l’autre, la joie, la création, l’amour, la foi ne sont que des facettes de l’Etre. C’est donc comme expérience ontologique qu’il nous est donné de vivre l’autre, non pas simple congénère, « animal politique » comme moi, mais véritable « nexus », noeud vivant de chaque existant et qui en tant que tel l’ouvre indéfiniment vers autre chose : l’autre homme, Dieu. Cependant, et contrairement à Sartre nous n’éprouvons pas cette ouverture, cette transcendance sous forme d’angoisse. Nous l’éprouvons sous forme de plénitude car l’autre, écrit encore Gabriel Marcel, par sa présence son attention, son amour « nous renouvelle en quelque sorte intérieurement ».
  11. Norma y paraíso de los negros Odian la sombre del pájaro sobre el pleamar de la blanca mejilla y el conflicto de luz y viento en el salón de la nieve fría. Odian la flecha sin cuerpo, el pañuelo exacto de la despedida, la aguja que mantiene presión y rosa en el gramíneo rubor de la sonrisa. Aman el azul desierto, las vacilantes expresiones bovinas, la mentirosa luna de los polos, la danza curva del agua en la orilla. Con la ciencia del tronco y el rastro llenan de nervios luminosos la arcilla y patinan lúbricos por agua y arenas gustando la amarga frescura de su milenaria saliva. Es por el azul crujiente, azul sin un gusano ni una huella dormida, donde los huevos de avestruz quedan eternos y deambulan intactas las lluvias bailarinas. Es por el azul sin historia, azul de una noche sin temor de día, azul donde el desnudo del viento va quebrando los camellos sonámbulos de las nubes vacías. Es allí donde sueñan los torsos bajo la gula de la hierba. Allí los corales empapan la desesperación de la tinta, los durmientes borran sus perfiles bajo la madeja de los caracoles y queda el hueco de la danza sobre las últimas cenizas. Traduction : Pierre Darmangeat Norme et paradis des noirs Ils haïssent l’ombre de l’oiseau sur la pleine mer de la joue blanche et le conflit de lumière et de vent dans le salon de la neige froide Ils haïssent la flèche sans corps, le mouchoir exact de l’adieu, l’aiguille qui maintient pression et rose dans la rougeur graminées du sourire. Ils aiment l’azur désert, les expressions hésitantes des bœufs, la menteuse lune des pôles, la danse courbe de l’eau sur la rive. Avec la science du tronc et de la piste ils remplissent de nerfs lumineux l’argile et patinent lubriques sur l’eau et sur le sable, goûtant l’amer fraîcheur de leur salive millénaire. C’est dans l’azur craquant, azur sans un ver ni une trace endormie, où les œufs d’autruche demeurent éternels, où déambulent intactes les pluies ballerines. C’est dans l’azur sans histoire, azur d’une nuit sans crainte du jour, azur ou le nu du vent s’en va brisant les chameaux somnambules des nuages vides. C’est là que les torses rêvent sous la gourmandise de l’herbe. Là les coraux imprègnent le désespoir de l’encre, les dormeurs effacent leurs silhouettes sous l’écheveau des coquillages et reste le creux de la danse sur les dernières cendres. Ce poème fait partie de Poeta un Nueva York : Los Negros dédié à Angel del Río. « Norma y paraíso de los negros synthétise le contraste, la confrontation constante entre la civilisation et la nature. Cette opposition civilisation/nature est ce qui confronte les blancs et les noirs. Les noirs détestent le monde blanc, ils s’identifient à la couleur bleue qui les envoient au paradis. L’antithèse fertile entre la liberté tant attendu des forces noires et les forces répressives donne du ton à l’ensemble du poème. » Dans le langage et l’imaginaire lorquiens, les Noirs à New York et les gitans d’Andalousie partagent le même sort poétique et sont l’objet d’une même ferveur, profondément, viscéralement solidaire. Aguilar. Poésies III.
×