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  1. Lettre 68 2 juin 2021, Samuel, 4) La France de 1715 à 1774 d) Le règne de Louis XV de 1743 à 1757 L’affaire du Vingtième Le vingtième fut un impôt établi par le ministre des finances Jean-Baptiste de Machault d’Arnouville en 1749. Après la paix d’Aix-la-Chapelle il s’agissait de combler le déficit du royaume provoqué par le coût de la guerre. L’idée nouvelle fut d’établir un impôt direct touchant l'ensemble de la population (tiers-état, nobles et clergé) correspondant au vingtième des revenus des assujettis.Cet impôt était donc une brèche dans le statut privilégié du clergé et de la noblesse. Les Parlements (voir note ci-après sur le parlement de Paris), dont les membres étaient tous issus de la noblesse d’épée et de robe, protestèrent. Le roi défendit Machault, mais devant les attaques des parlements et du clergé il finit par céder et par renoncer à cet impôt. Cette reculade le rendit impopulaire. L’importance prise près de lui par la marquise de Pompadour aggrava encore son impopularité. Jeanne Le Normant d’Etiolles, née Poisson, devint la favorite en 1745. Le roi lui attribua une terre limousine tombée en déshérence : le marquisat de Pompadour afin qu’elle soit acceptée à la cour. Fille d'un financier, d’extraction bourgeoise, elle appartenait donc au tiers état. Le fait que le roi se commette avec une roturière provoqua la réprobation de l’aristocratie mais aussi celle du peuple qui haïssait le monde de la finance. En 1757 Robert-François Damiens, domestique chez des conseillers du Parlement, porta un coup de couteau à Louis XV. Sans grande conséquence car la lame ne s’enfonça que d’un centimètre entre les côtes du roi. Damiens était un homme simple, qui, à force d’entendre décrier le roi par les parlementaires, avait décidé de passer à l’acte. Il voulait rappeler Louis XV à ses devoirs. Après avoir été jugé par le parlement de Paris Damiens fut exécuté sur la place de Grève dans des conditions effroyables. La main qui avait tenu le couteau fut brûlée avec du soufre, on lui entailla les membres et la poitrine pour y introduire du plomb fondu, ses quatre membres furent arrachés par des chevaux et son tronc fut finalement jeté aux flammes. Les classes dominantes, y compris les philosophes, tinrent à afficher leur solidarité avec Louis XV, par peur du peuple, ressenti, à travers l’acte de Damiens, comme capable de violence barbare. Louis XV touché par cette solidarité de classe abandonna toute velléité de réforme qui pût contrarier les privilégiés. Le peuple choqué par le traitement infligé à Damiens, révolté par les fastes de la Pompadour, déçu par la démission du roi face aux intérêts des nobles et du clergé se mit à haïr Louis XV qui passa de bien aimé à bien haï (l’affaire Damiens fut reprise par les historiens d’après la révolution (notamment Michelet) qui virent en lui un annonciateur des événements futurs, à savoir la révolution et la décapitation du roi). Dans cet environnement contrasté, par surcroît bousculé par la guerre de 7 ans qui venait de commencer, Louis XV confia la gestion des affaires au duc de Choiseul. Le Parlement de Paris Le parlement de Paris était une institution statuant souverainement et sans appel pour les affaires de justice, avec compétence sur tout le territoire. Seul le roi pouvait casser ses jugements. Il existait treize autres parlements en province mais le parlement de Paris devint prééminent. Les membres des parlements étaient tous nobles ou anoblis dès lors qu’ils prenaient possession de leurs offices ( office : fonction publique, ici fonction propre à la magistrature). Ces offices étaient vendus aux roturiers à un prix élevé, en général à des bourgeois enrichis dans les affaires. C’était un moyen pour eux d’accéder à la noblesse moyennant finance et c’était un moyen pour le roi d’augmenter ses recettes fiscales. A partir du XIV siècle le parlement prit l'habitude d'enregistrer les ordonnances et édits royaux. Cet enregistrement se transforma peu à peu en une approbation donnée à la volonté royale : un édit n'avait force de loi que lorsque le parlement l'avait transcrit sur ses registres. Si le parlement jugeait la loi non conforme à l'intérêt de l'État, il disposait d'un droit de remontrance, droit de contester les décisions du roi avant leur enregistrement.Un texte jugé irrecevable par les magistrats était renvoyé au roi, accompagné de considérations le priant de procéder à un nouvel examen du texte. Le roi pouvait imposer sa volonté en forçant l'enregistrement par la tenue d'un lit de justice, séance solennelle du parlement au cours de laquelle il ordonnait à l’assemblée d'enregistrer les édits et ordonnances contestés. Entre 1673 et 1715, le droit de remontrance des Parlements fut limité par Louis XIV. Marqué par le Fronde initiée par la révolte des parlements, Louis XIV voulut mettre ceux-ci hors d'état de nuire. En 1667 il n'autorisa de remontrances que dans un délai très bref, et qu'une seule fois. Puis, par sa déclaration royale du 24 février 1673, il retira aux parlements le droit d'émettre des remontrances avant l'enregistrement d'un texte. Il leur imposa donc un enregistrement immédiat et automatique et n'autorisa de « respectueuses remontrances » qu'après, leur enlevant ainsi tout pouvoir. Colbert déclara de ce fait, en 1679, que « les bruits de parlement ne sont plus de saison ». Le 2 septembre 1715, lendemain de la mort de Louis XIV, Le duc d’Orléans, (le Régent) constatant que Louis XIV dans son testament avait limité ses attributions, s’efforça de faire casser ce dernier. Pour rallier le parlement de Paris, il lui restitua le droit de remontrance. Il obtint satisfaction et reçut les pleins pouvoirs. Après l’affaire Damiens et le renoncement du roi à engager toutes réformes les parlementaires, voyant là un aveu de faiblesse, ne cessèrent de critiquer l’absolutisme monarchique et de revendiquer, comme au temps de la Fronde, un droit de contrôle sur le gouvernement. Parlement de Paris et parlements de province entretinrent l’agitation et contribuèrent à créer dans tout le royaume un état d’esprit révolutionnaire. Le duc de Choiseul n’osa pas entrer en lutte ouverte contre eux. Ils en profitèrent pour accentuer leur opposition forçant la main au roi ou même se rebellant ouvertement contre lui. Je pense à toi, J’espère que tout va bien pour toi à Moscou, Je t’aime
  2. Lettre 67 30 mai 2021, Samuel, 4) La France de 1715 à 1774 d) Le règne de Louis XV de 1743 à 1757 La guerre de succession d’Autriche A la mort de Fleury Louis XV décida de gouverner lui-même sans s’appuyer sur un premier ministre. Il était déjà engagé dans la guerre de succession d’Autriche, brièvement étudiée dans la lettre 19 du 15 septembre 2020 sur la Russie. Cette guerre dura de 1740 à 1748. Elle fut déclenchée à la mort de Charles VI, en 1740. Ce dernier avait pris en 1713 l’édit de la « Pragmatique sanction » par lequel, en l’absence d’héritier mâle, il transmettait les territoires héréditaires de la maison de Habsbourg à sa fille Marie-Thérèse. Ces territoires étant l’archiduché d’Autriche, le royaume de Hongrie, le royaume de Bohême, les Pays-Bas et les possessions italiennes de l’époque : duché de Parme et Plaisance et duché de Toscane. En revanche la dignité d’Empereur du Saint-Empire restait élective. En contrepartie de son vote à l'élection impériale, Frédéric II, le roi de Prusse, demanda à Marie-Thérèse de lui céder la Silésie, riche province autrichienne, peuplée d'un million d'habitants. Elle refusa. Frédéric II décida d’envahir la Silésie. C’est avec succès qu’il l’occupa. L’Électeur de Bavière, Charles Albert, qui s’était marié avec l’archiduchesse Marie-Amélie d’Autriche, fille de Joseph 1er . un Habsbourg, ancien empereur du Saint-Empire, revendiqua la succession de Charles VI considérant que la « Pragmatique sanction » n’avait pas force de loi et ne pouvait pas l’écarter de la succession. Il trouva un allié auprès de Louis XV qui vit là un moyen d’affaiblir l’Autriche. Ce conflit finit par emporter avec lui, du côté de l’Autriche, la Grande-Bretagne et la Hollande, qui veillaient à contenir la puissance française, de l’autre coté l’Espagne qui, alliée à la France, comptait récupérer des territoires en Italie. Le roi de Sardaigne, duc de Savoie et prince de Piémont, Charles-Emmanuel III, se rangea du côté de l’Autriche. Nous ne rentrerons pas dans les détails de cette longue guerre. En résumé les franco-bavarois après avoir réussi à prendre Prague (mais pas Vienne trop bien défendue) furent repoussés par Marie-Thérèse. Les Prussiens ne purent être délogés de Silésie. Les Français se rabattirent sur les possessions autrichiennes des Pays-Bas qu’ils réussirent à occuper allant même jusqu’à prendre des positions hollandaises. Ils se battirent aussi sur mer contre les Anglais, chaque partie gagnant ou perdant quelques comptoirs coloniaux. Enfin l’Espagne occupa la Savoie. Ce conflit s’acheva avec la signature du traité d’Aix-la-Chapelle en 1748. La France et la Grande-Bretagne se séparèrent sans s’être rien pris, la France restitua les Pays-Bas à l’Autriche et les positions conquises à la Hollande. La Prusse garda la Silésie (et le comté de Glatz). Le duché de Parme et Plaisance fut cédé par l’Autriche à l’Espagne. La « Pragmatique Sanction » fut reconnue par la communauté européenne ce qui permit à Marie-Thérèse de légitimer sa prise de possession de l’héritage de son père. Elle réussit même à devenir Impératrice grâce à l’élection de son mari François 1er, l’ancien duc de Lorraine, à la tête du Saint-Empire (voir fin de la lettre précédente). Ce traité consacra la victoire de la Prusse. L’annexion de la Silésie permit à Frédéric II de doubler sa population et de prendre le contrôle d'une importante industrie. En revanche nul ne comprit l’attitude de Louis XV. Il ne retirait rien de cette guerre alors qu’il aurait pu garder les Pays-Bas ( la Belgique et le Luxembourg actuels). Il prétexta qu’il ne voulait pas trop affaiblir l’Autriche face à la Prusse et déclara qu'il avait conclu la paix « en roi et non en marchand ». Sa générosité fut saluée en Europe, satisfaite de constater que la France ne gagnait pas en puissance malgré sa victoire militaire. Mais sa posture discrédita lourdement le souverain dans son propre pays : Voltaire parla alors d'avoir « travaillé pour le Roi de Prusse », expression devenue par la suite proverbiale pour signifier « se sacrifier pour rien », ou même « travailler contre ses intérêts ». Cette guerre profita tout de même à Louis XV en raison des mésaventures qu’il subit pendant le conflit. Il se porta lui même sur le champ de bataille pour superviser les opérations. En fait il observait les combats entouré de sa cour (400 personnes) intervenant le cas échéant dans les décisions de ses généraux. Pendant le conflit il fut mis en difficulté à Metz, le 4 août 1744, en tombant gravement malade d'une « fièvre maligne ». Le 12 août le chirurgien qui le soignait déclara que le roi n'en avait que pour deux jours. Le 15 août, Louis XV reçut l'extrême-onction. Alors les prières se multiplièrent à travers le pays pour son salut. Le roi fit le vœu de faire construire une église dédiée à Sainte-Geneviève, dans le cas où il guérirait. En désespoir de cause, on fit appel à un médecin juif, Isaïe Cervus Ullmann, qui parvint à sauver le roi. Louis échappa ainsi à la mort. Une messe d'action de grâce fut célébrée en l’église Notre-Dame de Metz. Le pays tout entier reprit les qualificatifs du célébrant, l’abbé Josset, qui fit acclamer le roi en le parant du titre de « Louis le Bien-Aimé ». C’est ainsi que le roi garda pour la postérité le nom qui lui fut donné dans cette église. Il donna des directives pour faire construire l'église qu'il avait promise en cas de guérison : elle deviendra le Panthéon. Notes : Le sacrement de l’extrême-onction est un sacrement de l’Église catholique administré par un prêtre qui a pour but de donner une ultime force au mourant pour tenter de le sauver ou pour lui permettre de passer la mort en étant accompagné par la grâce de Dieu (la présence de Dieu). Le sacrement consiste en une série de gestes (un rite) dont l’onction : acte de verser une huile sur le front de la personne malade, rite accompagné de prières. Sainte-Geneviève : selon la tradition, lors du siège de Paris (Lutèce à l’époque) en 451 par les Huns, Geneviève harangua les Parisiens en les convainquant de résister aux envahisseurs. C’est ainsi qu’Attila choisit de contourner Lutèce. Bon courage pour le bac, bravo pour ta prestation au saxophone. Je t’aime, je pense à toi
  3. Lettre 66 25 mai 2021, Samuel, 4) La France de 1715 à 1774 Pendant que la fin de la Régence se termine dans la confusion de la faillite financière de Law, la vie sociale, au moins dans les villes, se transforme. Les voyages commerciaux internationaux provoquent des rencontres qui permettent de mieux connaître les points de vue étrangers. La pratique de la démocratie anglaise par exemple pique la curiosité des philosophes. A Paris se développe un nouveau type de lieu de sociabilité : les cafés. Ceux-ci sont apparus à la fin du XVII siècle pour répondre au goût nouveau pour les boissons d’outre-mer : le thé, le chocolat et le café. On y boit, on y joue aux échecs, on lit et on commente les gazettes. Cet environnement est propice aux débats intellectuels et politiques. Les salons souvent tenus par des femmes jouent également un rôle important dans la diffusion des idées nouvelles. En 1721 paraissent « les Lettres persanes » de Montesquieu dont le ton critique annonce l’offensive des Lumières. Cet ouvrage est une satire des mœurs politiques et sociales de la France présentée sous la forme de lettres écrites par deux Persans en voyage à Paris. Montesquieu amorce la réflexion sur les fondements de la monarchie en moquant le roi. En 1748 Montesquieu publiera « De l’esprit des lois » où il défendra la nécessité des libertés individuelles et l’importance de la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). b) L’intermède Louis-Henri de Bourbon 1723-1726 En 1723 Louis XV sacré et couronné roi à Reims le 25 octobre 1722, n’a encore que 13 ans. A la mort du Régent il confia l’exercice du pouvoir à Louis-Henri, duc de Bourbon, prince de Condé (1692-1740), fils d’une fille de Louis XIV. Trop occupé par les plaisirs et les loisirs, ce dernier prit peu de soin des affaires, abandonna le gouvernement à sa maîtresse, la marquise de Prie, et à un financier (Pâris-Duverney), puis il perdit la confiance du peuple en créant des impôts impopulaires. Tombé en disgrâce Louis XV l’écarta du pouvoir en 1726. Deux événements ponctuent ce court exercice : En 1725 le mariage de Louis XV avec Marie Leszczynska, princesse catholique et fille du roi détrôné de Pologne Stanislas Leszczynski (sur Leszczynski voir les lettres 18 du 8 mars 2020, 18 du 13 mars 2020, 19 du 9 août 2020 sur la Russie). En 1724, le Roi signa une révision du Code noir de Colbert. Destiné à la Louisiane, il s'agissait d'un durcissement de la version précédente. Notamment, les mariages entre Noirs et Blancs furent interdits. c) Le gouvernement du cardinal de Fleury 1726-1743 1-Le redressement intérieur Louis XV appela son ancien précepteur, Fleury, âgé de 73 ans en 1726, pour assurer l’exercice du pouvoir. Sous cette gouvernance la France connut une période de paix et de tranquillité qui favorisa la croissance économique. La valeur de la monnaie, la livre, fut stabilisée, ce qui ramena la confiance. La création de routes et de canaux favorisa le développement du commerce intérieur et le commerce maritime continua sur son impulsion donnée à l’origine par le système de Law. La population passa de 20 millions d’habitants en 1715 à 23 millions en 1750. Entre 1720 et 1740 l’amélioration des techniques agricoles permit d’augmenter les rendements de la terre. Comme les prix au même moment se mirent à monter les revenus paysans se redressèrent mais cet enrichissement concerna exclusivement les propriétaires encore peu nombreux. Les inégalités s’accrurent entre les possédants et les ouvriers agricoles. Le développement de l’hygiène, les progrès médicaux et une meilleure alimentation permirent d’accroître l’espérance de vie. En septembre 1729, après sa troisième grossesse, la reine donna enfin naissance à un garçon, Louis, qui devint aussitôt dauphin (Le titre de dauphin est attribué au fils aîné du roi de France régnant). L'arrivée d'un héritier mâle, qui assurait la pérennité de la dynastie, fut accueillie avec joie et célébrée dans toutes les sphères de la société française. Le couple royal était à l'époque très uni, se manifestait un amour réciproque et le jeune roi était extrêmement populaire. [L’enfant, Louis de France mourut en 1765 avant son père. Il ne régna pas. Mais il fut le père des trois rois : Louis XVI, Louis XVIII et Charles X] 2-La politique extérieure Sous Fleury elle fut marquée par la guerre de succession de Pologne, étudiée dans l’histoire de Russie, lettre 19 du 9 août 2020 dont je donne ci-après un extrait : « La guerre de succession de Pologne 1733-1735 Le roi de Pologne-Lituanie, Auguste II le Fort, mourut le 1 février 1733 ce qui ouvrit une guerre de succession. Auguste régnait sur un pays qui, depuis l’institution de la République des Deux Nations, le 1 er juillet 1569 à Lublin (voir lettre 59-8 de l’histoire des Hébreux) avait perdu beaucoup de son influence. En 1620-1621 la Moldavie, petite principauté de la côte occidentale de la mer Noire passa sous contrôle ottoman avant que la partie orthodoxe de cette région ne revienne sous l’autorité de Moscou en 1656. Puis la révolte des cosaques zaporogues, menés par Bogdan Khmelnitski conduisit à la perte de la Petite-Russie en 1654 avant que la partie occidentale de celle-ci revienne à la République des Deux Nations après la signature du traité d’Androussovo en 1667. Ce fut un bref retour de souveraineté : dès 1669 le chef de cette partie occidentale fit acte de soumission à l’Empire ottoman. Après une guerre menée contre les Suédois en 1655 la République dut abandonner, par le traité d’Oliva, sa suzeraineté sur le duché de Prusse qui fut rattaché au Brandebourg (préfigurant ainsi la naissance de la Prusse, futur État dominant de l’Allemagne). Auguste II s’était entendu avec Pierre le Grand pour contrer l’hégémonie suédoise. Mais lors de la Grande guerre du Nord (voir lettre 18 première et deuxième parties) le jeune roi de Suède Charles XII envahit la Pologne et, en 1706, il chassa Auguste le Fort et le remplaça par Stanislas Leszczynski qui lui était dévoué. Ce dernier régna en Pologne de 1706 à 1709. Après la défaite de Charles XII à Poltava (voir même lettre) Auguste le Fort put chasser Leszczynski et reprendre le pouvoir grâce au soutien de Pierre le Grand qui en profita pour faire stationner des troupes russes en Pologne. Quant à la partie occidentale de la Petite-Russie, après la révolte de Mazepa (voir lettre 18, cinquième partie) elle passa sous administration russe. La République des Deux Nations sortait de ces épreuves considérablement affaiblie. Cet affaiblissement résultait aussi de son mode de gouvernement dans lequel les nobles se souciaient beaucoup plus de leurs intérêts particuliers que de l’intérêt du pays. La diversité des acteurs en présence, Polonais, Lituaniens, Ukrainiens, ne permit pas l’instauration d’un pouvoir fort, accepté par tous. Réputée pour son adhésion à la liberté plutôt qu’à l’autorité, la République ne sut pas faire face aux actions conquérantes des nations européennes. Ainsi les puissances dominantes continentales et européennes, la France, la Suède, l’Autriche (qui dominait alors le Saint-Empire) la Russie tentaient sans cesse de s’implanter en Pologne-Lituanie afin d’en faire (pratiquement de force) un allié dans leurs visées expansionnistes. Quand Auguste II s’éteignit son héritier naturel était son fils, Frédéric Auguste, électeur du duché de Saxe au sein du Saint-Empire. Mais la France et la Suède, pour faire opposition à l’influence de l’Autriche et de la Russie poussèrent en avant Stanislas Leszczynski qui avait déjà occupé le trône de Pologne de 1706 à 1709 (voir supra). Leszczynski, après son éviction du trône avait trouvé refuge en France et avait marié sa fille Marie au jeune Louis XV. Celui-ci lui assura son soutien militaire. La szlachta polonaise (la noblesse polonaise), qui désirait se dégager de l’étreinte de son voisin russe, vota pour Leszczynski qui redevint ainsi roi de Pologne le 12 septembre 1733. Cette élection déplut éminemment à Anna, à ses conseillers allemands, et à l’Autriche (dont l’Archiduc, c’est-à-dire le roi, Charles VI, était aussi l’Empereur du Saint Empire). Ils ne voulaient pas laisser s’immiscer en Europe orientale de nouvelles nations. Ils poussèrent la candidature du fils d’Auguste le Fort, et comme l’élection avait déjà été faite, ils forcèrent le destin : des troupes russes rentrèrent en Pologne juste après l’élection de Leszczynski. Le roi dut s’enfuir, et, sous la pression, mais aussi grâce aux noble lituaniens qui penchaient plutôt pour la Russie, la szlachta organisa un nouveau vote, le 5 octobre 1733, à l’issue duquel Philippe Auguste devint roi sous le nom d’Auguste III. Leszczynski n’abdiqua pas. Il se réfugia à Dantzig, dans la forteresse, où il se défendit en attendant l’aide française. Sous la direction de von Münnich l’armée russe assiégea la forteresse qui résista vaillamment. Les Français ne dépêchèrent que de faibles renforts : Louis XV n’avait pas l’intention de faire la guerre à la Russie. Son but était d’affaiblir le Saint-Empire avec lequel il était en concurrence directe en Europe occidentale. Dantzig capitula le 27 juin 1734. Leszczynski trouva refuge en Prusse puis en France. Louis XV déclara la guerre, non à la Russie, mais à son allié, Charles VI. Il en sortit victorieux et prit le contrôle des duchés de Lorraine et de Bar (attenant au duché de Lorraine). En 1736 sous la pression de la France qui désirait désormais pacifier la situation Leszczynski abdiqua officiellement, renonçant définitivement à reprendre le pouvoir en Pologne » Nous voyons donc que Fleury, sous l’influence de Louis XV, décida de faire la guerre à Charles VI retrouvant là le vieux réflexe de la France : affaiblir le Saint-Empire, malgré la récente signature de la Quadruple-Alliance. Cette guerre eut un théâtre territorial limité. Fleury occupa sans rencontrer de résistance les duchés de Bar et de Lorraine qui appartenaient à un prince allemand, François III (pour situer ces deux duchés voir carte de la lettre 63 du 18 avril 2021). La paix fut signée en 1735 et conduisit à la signature du traité de Vienne en 1738 entre la France et l’Autriche qui mit fin à la guerre de la succession de Pologne. L’Électeur de Saxe fut confirmé au trône de Pologne sous le nom d’Auguste III. Stanislas Leszczynski dut renoncer à toute prétention sur ce trône et reçut, en compensation, à titre viager, les duchés de Lorraine et de Bar dont il fut prévu qu’ils reviendraient à la France à sa mort. Quand il mourut en 1766 ces deux duchés furent en effet réunis à la France. François III reçut en dédommagement le grand duché de Toscane (région d’Italie dont la capitale est Florence). Ce dernier appartenait à Don Carlos, le fils de Philippe V d’Espagne. Il l’avait reçu de sa mère, Élisabeth Farnèse, femme de Philippe V, italienne et héritière de la Toscane. En échange Don Carlos reçut les royaumes de Naples et de Sicile. Il devint ainsi roi du royaume des Deux-Siciles (Naples et la Sicile) et inaugura la dynastie des Bourbons de Naples. Ce traité était donc largement favorable à la France et à l’Espagne. Il permettait à la France d’accroître son territoire et de repousser la présence de l’Autriche plus loin de ses portes. François III en effet devait devenir l’héritier de l’Autriche et du Saint-Empire après son mariage avec la fille de Charles VI, Marie-Thérèse. En Italie aussi l’Autriche reculait suite à la perte de Naples et de la Sicile, même si elle récupérait, par l’intermédiaire de François III, la Toscane. Enfin l’Espagne retrouvait une partie de ses possessions perdues lors des traités d’Utrecht et de Rastatt (lettre 64) : Naples et, sinon la Sardaigne, cédée par l’Autriche au duc de Savoie par échange avec la Sicile (lettre 65), la Sicile. Une autre guerre éclata sous le gouvernement de Fleury, la guerre de la succession d’Autriche (1740-1748). Mais, déclarée par Louis XV plutôt que par Fleury, elle se déroula essentiellement sous la gouvernance du roi. Elle sera étudiée dans la lettre suivante. Quand Fleury mourut en 1743 il laissait un pays relativement apaisé et économiquement dynamique. J’espère que tu te sens fin prêt pour la fin de cette année scolaire. Je t’accompagne dans tes efforts, Je t’aime, Je t’embrasse
  4. Lettre 65 23 mai 2021, Samuel, 4) La France de 1715 à 1774 a) La Régence 1715-1723 Louis XIV à sa mort laissa la succession à son arrière petit-fils Louis XV, âgé de cinq ans. En attendant sa majorité le pouvoir fut confié, sur les dispositions du testament du défunt, à un neveu de Louis XIV, le duc Philippe d’Orléans. Celui-ci se fit voter les pleins pouvoirs par le parlement et prit le titre de Régent. On appelle Régence la période de huit années pendant laquelle le royaume fut ainsi gouverné. La mort de Louis XIV fut accueillie avec soulagement par le peuple tant le souverain avait fini par lasser en raison de ses guerres incessantes, mais aussi en raison de son absolutisme. La dernière guerre entreprise, celle de la succession d’Espagne, avait épuisé le pays, par surcroît durement touché par l’hiver de 1709 (voit lettre précédente). Quant à l’absolutisme royal, sur le plan religieux comme sur le plan politique, il avait fini par peser sur les mentalités françaises. Sur le plan religieux non seulement le roi avait provoqué l’exode des protestants en révoquant l’Édit de Nantes mais il s’était aussi opposé au renouveau catholique inspiré par les jansénistes (lettre 60-8 du 12 janvier 2020) allant jusqu’à détruire le centre de leur vie religieuse, l’abbaye de Port Royal. Louis XIV avait choisi de suivre la ligne incarnée par les jésuites, le fer de lance catholique et papal contre la Réforme (les protestants). Or les jésuites œuvraient pour le pape lequel tendait à asseoir son autorité sur l’ensemble des clergés européens (ultramontanisme), les jansénistes défendant plutôt le gallicanisme (voir lettre 59-4 du 16 août 2019). Aussi les jésuites étaient-ils devenus impopulaires. Sur le plan politique Louis XIV utilisa trop souvent le système des lettres de cachet pour enfermer ses adversaires dans la forteresse de la Bastille, devenu le symbole de l’arbitraire royal (la lettre de cachet est une lettre qui donne ordre d’emprisonner quiconque sans passer par la justice). Aussi la Régence fut marquée par une violente réaction contre l’époque précédente. Versailles fut provisoirement délaissé et la Cour s’établit à Paris. Louis XIV avait donné le Palais Royal à son frère dit « Monsieur », le père du Régent. Ce dernier récupéra le Palais pour y donner des fêtes libertines et y pratiquer des rendez-vous galants. Le temps de la fête, des plaisirs et de l’impiété succéda au temps morose du passé. De nombreux embastillés furent libérés notamment les jansénistes. La guerre, devenue abhorrée, fut conjurée par la signature d’une alliance avec l’Angleterre et la Hollande en 1717. Cette alliance fut étendue à l’Autriche en 1718 pour former la Quadruple-Alliance. La France par ces accords fit ainsi la paix avec tous ces anciens ennemis. Ce renversement d’alliance fut préjudiciable à Philippe V, le roi d’Espagne. Celui-ci, mécontent des traités d’Utrecht et de Rastatt qui lui avaient fait perdre ses possessions italiennes voulut les récupérer (voir lettre précédente). Mais la Quadruple-Alliance l’en empêcha. Après une courte guerre perdue par l’Espagne en Italie, fut signée la Paix de La Haye en 1720. L'Espagne perdit définitivement tous ses territoires en Italie et en Hollande mais Philippe V fut confirmé sur le trône espagnol. Le traité échangea la Sicile du duc de Savoie, Victor-Amédée II, contre la Sardaigne de l'Autriche. Au sortir des guerres menées par Louis XIV les finances étaient dans un état désastreux. La dette s’élevait alors à 2,8 milliards de livres, l'équivalent de dix ans de recettes. C’est alors que John Law (1671-1729), un Écossais, proposa ses services au Régent qui les accepta. La vision économique de Law était fondée sur l’idée que la monnaie ne devait n’être rien de plus qu’un moyen d’échange, et non une richesse matérielle (l’or ou l’argent). Pour lui la richesse d’un pays provenait d’abord du commerce. Cette vision était inspirée de l’exemple donné par les Provinces-Unies, qui, engagées dans la construction navale et le commerce maritime, s’étaient ainsi enrichies. Ce que John Law avait aussi compris c’est que la monnaie était quantitativement nécessaire au développement des échanges. Or le stock des monnaies métalliques n’était pas suffisant pour dynamiser les échanges. L’idée de créer une monnaie en papier fit son chemin. Cette monnaie est appelée monnaie fiduciaire car elle repose sur la confiance que les acteurs économiques lui donnent. Une monnaie en papier, en soi, ne vaut rien de plus que son coût de fabrication, très bas. Mais si sa valeur d’échange est garantie par une autorité fiable alors cette monnaie peut jouer son rôle intermédiaire dans les transactions en acquérant une valeur d’échange forte. La monnaie papier existait déjà, émise par les banques d’Amsterdam ou de Londres par exemple. Elle était gagée par des espèces métalliques : il était toujours possible de la convertir en or ou en argent. L’idée de John Law fut de créer du papier monnaie gagé par de l’or ou de l’argent certes mais en quantité supérieure au stock métallique convertible. Ce qui permettrait d’augmenter la masse monétaire et de dynamiser les échanges commerciaux sans attendre de constituer des stocks de monnaie métallique équivalents en valeur. Il créa la Banque royale, autorisée par le Régent à émettre des billets de banque, et la Compagnie perpétuelle des Indes, exploitant les colonies, qui émit des actions. Pour acheter des billets de banque ou des actions il fallait apporter des espèces métalliques mais il était aussi possible de payer en apportant des titres de créance sur l’État émis par Louis XIV pour financer ses dépenses. Les personnes étaient incitées à échanger leurs espèces ou leurs titres de créances car les billets de banque avaient cours légal, ils étaient en outre commodes à utiliser, et les actions promettaient de forts dividendes. En outre Law prêta de fortes sommes d’argent au roi. C’est là son originalité. En effet en émettant des billets il les livraient au roi sans demander en échange de l’or ou de l’argent, il demandait simplement un remboursement étalé dans le temps. Cette monnaie était donc créée ex nihilo. Le roi ensuite dépensait cet argent et cela dynamisait les échanges qu’il avait avec les acteurs économiques. Le remboursement des prêts permettait de détruire la monnaie créée en retirant du circuit la monnaie remboursée. Le système de Law s’effondra à cause de la spéculation qui s’empara des titres actions de sa Compagnie des Indes. Il avait créé une bourse où les spéculateurs purent acheter ces actions à des prix de plus en plus élevés anticipant de forts dividendes. Mais les bénéfices et les dividendes ne furent pas au rendez-vous. Du coup tout le monde vendit ses actions sur le marché boursier et leur valeur s’effondra. Les porteurs de billets de banque doutèrent à leur tour de la valeur de leurs billets et en demandèrent le remboursement en monnaie métallique. Mais il y avait beaucoup trop de billets par rapport au stock métallique car une grande partie de ces billets avaient été souscrits par apport de titres d’État (et non avec du métal précieux) ou ils avaient été émis lors des opérations de prêts sans contrepartie métallique. Il fut impossible de rembourser tous les porteurs de billets. Ce qui paniqua leurs détenteurs car plus personne ne voulut accepter les billets comme moyen de paiement : la confiance avait disparu. Ce fut la banqueroute et Law dut s’enfuir de France. Finalement le système fut abandonné. Les petits porteurs furent quand même remboursés mais les gros porteurs perdirent leurs mises. On revint à un système classique de monnaie métallique. Law ne sut pas maîtriser son système. Il se fourvoya avec sa Compagnie des Indes qu’il ne réussit pas à rentabiliser.. Mais son système bancaire, la création de monnaie papier en quantité supérieure au stock métallique (façon de se libérer de cette monnaie) fut un trait de génie. Aujourd’hui le système bancaire mondial fonctionne ainsi. Les banques, quand elle prêtent, créent de la monnaie (dite scripturale car cette monnaie consiste en lignes comptables ouvertes dans des comptes bancaires) qui n’est même plus convertible en espèces métalliques depuis que Nixon, président des USA, le 15 août 1971, décida de mettre fin à la convertibilité du dollar en or. Tout le monde crut que le système bancaire mondial allait s’effondrer mais rien ne se passa. Les acteurs économiques continuèrent d’avoir confiance dans le dollar car ils avaient confiance dans la puissance économique américaine. Cette création monétaire est aujourd’hui contrôlée par les banques centrales qui veillent, grâce à divers mécanismes de régulation, à ce que cette création n’excède pas les besoins de l’économie. C’est grâce à cette création monétaire que le monde moderne fonctionne. La monnaie permet les échanges et les accélère, accélération qui accélère à son tour la création de richesses. La faillite de Law introduisit une grande méfiance en France à l’encontre de la monnaie fiduciaire. Pourtant le système de Law eut des effets bénéfiques. Les finances du royaume furent sensiblement améliorées puisque les titres d’État disparurent après avoir été échangés contre des billets ou des actions. De plus la création de monnaie qui dura de 1716 à 1720 dynamisa l’économie française. Seuls les gros rentiers perdirent de l’argent. Devenu impopulaire après la faillite de Law, le Régent s’éloigna de Paris et revint avec la Cour à Versailles en 1722. C’est là qu’il mourut en 1723. Bon courage pour ton épreuve de philo, Je pense à toi, Je t’aime toujours et toujours !
  5. Lettre 64 9 mai 2021, Samuel, 3) La France de 1697 à 1715 b) Rappel : de 1559 à 1589 A la mort de Henri II, en 1559, 30 années de guerres civiles appelées guerres de religion mirent aux prises catholiques et protestants, encore appelés papistes et huguenots. Ces guerres opposèrent les rois catholiques du royaume à une aristocratie rebelle, rassemblée sous le protestantisme. Cette période est traitée dans les lettres 59-3 du 11 juillet 2019 et 59-4 du 16 août 2019. Les trois fils de Henri II, François II, Charles IX (avec la régence de Catherine de Médicis, femme de Henri II et mère de Charles IX) et Henri III se succédèrent au trône de France. En 1572, sous le règne de Charles IX, eut lieu le massacre de la Saint-Barthélemy au cours duquel les catholiques massacrèrent près de 3000 protestants à Paris et 10 000 dans le reste de la France. En mourant poignardé par Jacques Clément, en 1559, Henri III désigna Henri de Navarre pour héritier légitime, tout en adjurant ce dernier, qui était alors protestant, de se convertir au catholicisme.[La Navarre dont Henri était le seigneur correspond en partie au département des Pyrénées-Atlantiques actuel]. Henri de Navarre descendait d’une branche des capétiens dite maison de Bourbon, car son fondateur eut pour seigneurie le Bourbonnais, région de France correspondant au département actuel de l’Allier, tandis que Henri III descendait d’une autre branche capétienne dite maison de Valois car son fondateur eut pour seigneurie le Valois région de France qui correspond aujourd’hui à une partie des départements de l’Aisne et de l’Oise. Tous descendaient du premier roi capétien, Hugues Capet qui régna de 987 à 996. c) Rappel : le règne de Henri IV de 1589 à 1610 Tant qu’Henri de Navarre, devenu roi de France sous le nom de Henri IV, resta protestant il ne fut pas accepté par le peuple de France resté profondément catholique. Philippe II d’Espagne grand défenseur du catholicisme, pensa profiter de ce rejet en tentant d’installer sur le trône de France sa fille Isabelle qu’il avait eu de sa troisième femme Elizabeth de France, fille de Henri II et de Catherine de Médicis (et donc sœur des rois François II, Charles IX et Henri III). Il profita de l’affaiblissement de la France pour envahir la Bourgogne, la Picardie et la Bretagne. Le roi de Piémont-Savoie, Charles-Emmanuel 1er qui lui aussi pensait avoir des droits sur le royaume de France, vu son ascendance, fit des incursions sur le sol français, au sud-est du territoire (il était le petit-fils de François 1er par sa mère Marguerite de France fille de François 1er) . Mis en difficulté Henri IV abjura en juillet 1593 le protestantisme et se convertit au catholicisme. Il réussit ainsi à obtenir le soutien du peuple. En 1595 il déclara la guerre à Philippe II à qui il reprit les provinces françaises occupées. En 1598 cette guerre s’acheva par la signature de la paix de Vervins : les Espagnols furent chassés de France. De 1600 à 1601, Henri IV fit la guerre à Charles-Emmanuel, guerre qui se termina par le traité de Lyon de 1601. Aux termes de cet accord, les États de Savoie perdirent définitivement la Bresse, les pays du Bugey et de Gex (voir carte jointe). Ces victoires sont certes à mettre au crédit de la force de caractère du roi mais aussi aux atouts français de l’époque : une population la plus importante d’Europe (20 millions d’habitants contre 12 millions pour l’Italie, 15 millions pour l’Allemagne, 8 millions pour l’Espagne et 5 millions pour l’Angleterre et l’Écosse réunies) et un vif sentiment national. Henri IV pacifia le pays en faisant accepter, en 1598, aux deux fronts religieux, l’Édit de Nantes. L’Édit accorda aux protestants le droit de célébrer publiquement leur culte. Il leur accorda également l’égalité avec les catholiques devant la loi ainsi que l’accès à tous les emplois. Au sortir des guerres de religion le pays était en ruine. De nombreux villages étaient abandonnés, les paysans étaient affamés et formaient des bandes de pillards, les routes et les ponts étaient coupés, les bois étaient envahis par les loups, les ouvriers étaient réduits au chômage et miséreux, les épidémies sévissaient. L’autorité royale était ruinée, plus personne ne respectait la parole du roi. Malgré son apparente bonhomie Henri IV gouverna d’une main de fer. Il imposa son autorité en n’hésitant pas à recourir à la force en cas d’insubordination. Le gouverneur de la Bourgogne qui lui tenait tête, allant jusqu’à pactiser avec le roi d’Espagne, fut arrêté et décapité. Les autres gouverneurs furent mis sous surveillance d’intendants dévoués au roi. D’une manière générale il restreignit les libertés. Il redressa le pays en s’appuyant sur Sully, financier compétent et économe. Ce dernier, défenseur de l’agriculture, favorisa les paysans en diminuant leurs impôts, en remettant quelques arriérés, en empêchant que leurs créanciers saisissent leur instruments de travail et leur bétail, en empêchant la chasse sur leurs terres. La devise de Sully était : « pâturage et labourage sont les deux mamelles dont la France est alimentée ». Il fit reconstruire routes, ponts et canaux. En revanche comme Sully se méfiait de l’industrie où il ne voyait que goût du luxe, Henri IV s’appuya sur un autre homme, Laffemas pour relancer les manufactures de tapisserie (les Gobelins à Paris), de verreries en cristal, de cuirs dorés, de soieries de luxe. Enfin Henri IV reprit l’exploration du Canada. En 1608 Samuel Champlain fonda la ville de Québec. Voir lettre 60-41 du17 mai 2020 et lettre 60-36 du 7 mai 2020 relatant le début de cette exploration. En dix ans Henri IV redressa ainsi le pays. Il décida de contrer la puissance des Habsbourg qui restaient menaçants sur le plan territorial en s’apprêtant à les attaquer en Espagne, en Italie et en Allemagne. C’est alors qu’il fut assassiné en 1610 par Ravaillac, un fanatique catholique qui ne supportait pas que le roi projeta d’attaquer les défenseurs du catholicisme qu’étaient les Habsbourg. Mais pour Henri IV ce n’était pas tant la religion qui comptait que la défense du territoire. d) Rappel : le règne de Louis XIII de 1610 à 1643 Louis XIII le fils de Henri IV n’avait que 9 ans en 1610. Aussi ce fut sa mère Marie de Médicis qui assura la régence. Elle ne sut pas exercer la même autorité que son époux, Henri IV. Les princes régionaux et les protestants de nouveau s’agitèrent et tentèrent d’accroître leurs pouvoirs locaux. Le mariage, le 18 octobre 1615, de Louis XIII avec Anne d’Autriche, fille de Philippe III d’Espagne, catholique donc, inquiéta les protestants qui virent dans cette union une menace future contre leur religion. L’ordre revint en France lorsque Louis XIII, qui prit le pouvoir à sa mère en 1617, s’adjoignit les services du cardinal de Richelieu : voir lettre 60-1 du 15 décembre 2019. La France rentra alors dans la guerre de Trente ans déclarée en 1618 (voir lettre 60 du 13 décembre 2019) guerre qui mit d’abord aux prises protestants et catholiques du Saint Empire avant de dégénérer en guerre européenne dans laquelle l’Espagne s’impliqua. Ce fut à l’Espagne que la France déclara la guerre en 1635 (lettre 60-1 du15 décembre 2019) mais la guerre l’entraîna aussi sur les territoires allemands. Le but de la France ne variait pas : desserrer l’étreinte des Habsbourg qui régnaient alors au sud et au centre de l’Europe. Il ne s’agissait plus de guerre de religion mais de guerre territoriale. C’est ainsi que la France se retrouva alliée avec la Suède pourtant protestante, grand puissance nordique de l’époque. Les développements de cette guerre sont exposés dans la lettre 60-1 du 15 décembre 2019. Richelieu mourut en 1642 puis Louis XIII mourut en 1643 sans que la guerre fût terminée. Notons que Richelieu commença de doter la France d’une flotte marchande afin de ne plus dépendre des Hollandais pour le commerce maritime. Il accrut aussi l’empire colonial en acquérant quelques Antilles (voir carte « le partage de l’archipel caraïbe au XVII siècle » de la lettre 60-38 du12 mai 2020), en fondant des comptoirs à Madagascar et au Sénégal (voir lettre 60-44 du 30 mai 2020) et en poursuivant l’implantation au Canada (voir lettre 60-41 du 17 mai 2020). e) Rappel : le règne de Louis XIV de 1643 à 1697 A la mort de Louis XIII, Louis XIV n’ayant que 5 ans (il était né en 1638), ce fut sa mère Anne d’Autriche qui assura la régence, épaulée par le cardinal Mazarin. La guerre de Trente ans, victorieuse pour la France et la Suède, relativement au Saint-Empire, se termina sous sa régence, sanctionnée par la Paix de Westphalie de 1648 (voir lettre 60-3 du30 décembre 2019). La France acquit officiellement les Trois Évêchés déjà occupés par Henri II (lettre précédente numéro 63) et une grande partie de l’Alsace. Pour la première fois depuis le traité de Verdun de 843 la France atteignait le Rhin. En revanche la paix ne fut pas signée avec l’Espagne avec laquelle donc la guerre continua. Encore une fois, profitant de l’affaiblissement du pouvoir avec la régence d’Anne d’Autriche, s’appuyant sur la crise économique et financière que la guerre avait provoquée entraînant la colère de la population, les princes se rebellèrent contre l’autorité royale. A la guerre contre l’Espagne s’ajouta donc une guerre civile, dite la Fronde, qui dura de 1649 à 1652. Mazarin finit par parvenir à bout de la Fronde et de l’Espagne. La guerre contre ce pays s’acheva avec la signature du traité des Pyrénées en 1659. La France reçut le Roussillon, l’Artois et plusieurs places fortes situées en Flandre et en Lorraine. Pour sceller la réconciliation entre les deux pays Louis XIV épousa Marie-Thérèse d’Autriche, fille de Philippe IV roi d’Espagne et d’Élisabeth de France. Les époux étaient doublement cousins germains, la régente Anne d’Autriche étant la mère de Louis XIV et la sœur de Philippe IV, et Élisabeth de France étant la sœur de Louis XIII, le père de Louis XIV (voir lettre 60-4 du 3 janvier 2020). En 1661 Mazarin mourut, Louis XIV prit alors le pouvoir. La lettre 60-8 du 12 janvier 2020 relate la politique intérieure de Louis XIV et l’événement majeur de cette politique : la révocation de l’Édit de Nantes en 1685 qui provoqua l’exode des couches sociales protestantes les plus dynamiques du pays sur le plan économique. Les lettres 60-9 du 15 janvier 2020 et 60-10 du 17 janvier 2020 relatent sa politique extérieure. La première guerre (dite) de dévolution menée par le roi consista à revendiquer des territoires dans les Pays-Bas espagnols lors de la mort de Philippe IV d’Espagne. Sa femme étant fille de Philippe il estima qu’elle avait des droits sur la succession espagnole. Charles II, fils de Philippe, héritier officiel du trône d’Espagne ne l’entendit pas ainsi. Il s’ensuivit une guerre qui dura de 1667 à 1668 à l’issue de laquelle par le traité d’Aix-la-Chapelle de 1668 la France annexa une douzaine de places fortes parmi lesquelles Lille, Tournai, Douai, Charleroi. En outre en 1662 Louis XIV racheta Dunkerque aux Anglais. La deuxième guerre opposa la France aux Provinces-Unies formées par les 7 provinces du Nord des Pays-Bas sur les 17 que comptaient ces derniers quand Charles Quint partagea son royaume entre son frère Ferdinand 1er et son fils Philippe II. A la suite de la guerre de Quatre-Vingts ans (1568-1648) contre l’Espagne les Provinces-Unies obtinrent définitivement leur indépendance lors du traité de Westphalie de 1648. Louis XIV avait des vues sur les provinces du Sud restées possession de l’Espagne, appelées Pays-Bas méridionaux. Il comptait repousser sa frontière nord mais il voulait aussi casser la suprématie commerciale des Provinces-Unies sur les mers. Cette guerre dura de 1672 à 1678 et devint une guerre européenne, la France finissant par susciter contre elle une coalition en raison de ses ambitions jugées excessives. Louis XIV finit par remporter cette guerre. La paix de Nimègue signée en 1678 et 1679 permit à la France d’annexer enfin la Franche-Comté (le Comté de Bourgogne) mais pas encore le comté de Charolais. Louis XIV rendit quelques places comme Gand, Oudenarde, Charleroi, mais il acquit la ligne Cambrai-Bouchain-Valenciennes-Condé-Maubeuge complétée par Saint-Omer, Cassel, Ypres. Il acquit aussi Nancy en Lorraine et Fribourg au-delà du Rhin. Finalement les Provinces-Unies ne perdirent aucun territoire dans cette guerre au contraire de l’Espagne qui sortit une fois de plus affaiblie de ce conflit. La troisième guerre, dite « Politique des Réunions », dura de 1679 à 1684. Cette politique consista à annexer sur simple autorité du roi, sans déclaration de guerre, des territoires attenants à des villes régulièrement acquises (après traités de paix). Ces annexions reprises dans la lettre 60-10 du17 janvier 2020 provoquèrent un ressentiment européen fort contre la France accusée de morgue et de suffisance. L’annexion de Strasbourg notamment provoqua une grande indignation. La quatrième guerre dite de la ligue d’Augsbourg est détaillée dans la lettre 60-10 du 17 janvier 2020. f) Le règne de Louis XIV de 1697 à 1715 1- La guerre de succession d’Espagne Charles II, le roi d’Espagne, sans héritier, légua toutes ses couronnes à Philippe, duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV un mois avant de mourir, en 1700. Louis XIV accepta ce testament et le duc d’Anjou prit le titre de roi d’Espagne sous le nom de Philippe V. Tous les souverains le reconnurent sauf l’Empereur du Saint-Empire, Léopold 1er, qui, ayant pour mère une sœur du roi d’Espagne Philippe IV (le père de Charles II) considérait avoir des droits sur la succession. Le nouveau souverain fut bien accueilli par ses sujets. Son grand-père Louis XIV utilisa son autorité pour le maintenir dans ses droits à hériter du trône de France. La perspective de voir la France et l’Empire espagnol réunis sous un seul pouvoir provoqua l’hostilité des autres nations inquiètes de la constitution possible d’un tel empire. Dès lors l’Angleterre, les Provinces-Unies et le Saint-Empire s’entendirent pour donner la succession d’Espagne non à Philippe V mais au fils cadet de Léopold 1er, l’archiduc Charles. Il s’ensuivit une guerre qui dura de 1701 à 1714. Cette guerre fut longue et la plus terrible du règne. Louis XIV devait défendre non seulement la France mais aussi l’Espagne et ses possessions. Les Anglais s’emparèrent de Gibraltar et de l’île de Minorque, une des îles Baléares, toutes deux possessions espagnoles. Puis ils occupèrent, avec les Autrichiens, une partie de l’Espagne. Ainsi l’archiduc Charles occupa Madrid quelques jours. Les Provinces-Unies refoulèrent les Français en occupant la Flandre française. Lille fut prise en 1708. C’est alors qu’un hiver terrible s’abattit sur la France en 1709. Tout ce qui avait été semé fut perdu. Les hausses des prix alimentaires furent vertigineuses. La misère s’installa dans le pays. Louis XIV tenta de négocier la paix. En vain. Alors dans un ultime effort les Français reprirent le combat. En Espagne, en 1710, le général Louis-Joseph de Vendôme parvint à chasser les austro-anglais. Au Nord, en 1712 , le maréchal Claude de Villars parvint à casser l’offensive de alliés. Entre-temps, en 1705, Léopold 1er mourut et fut remplacé par Joseph 1er son fils aîné, qui lui-même mourut en 1711. Il fut remplacé par l’archiduc Charles, le prétendant au trône d’Espagne, qui devint ainsi Empereur du Saint-Empire sous le nom de Charles VI. Ce voyant l’Angleterre qui ne tenait pas à ce que Charles réunisse sous une même direction les possessions espagnoles et allemandes, reconstituant ainsi l’Empire de Charles Quint, abandonna la coalition en 1712 et commença à négocier avec Louis XIV. Du coup la guerre s’arrêta. 2- Les traités d’Utrecht, de Rastatt, et d’Anvers (appelé traité de la Barrière) La paix fut signée à Utrecht en 1713 avec l’Angleterre, confirmée à Rastatt en 1714 avec le Saint-Empire puis à Anvers en 1715 avec les Provinces-Unies. Philippe V garda l’Espagne et ses colonies mais il dut renoncer à tous ses droits sur la couronne de France. Ainsi les Habsbourg quittaient définitivement le pouvoir en Espagne pour y être remplacés par les Bourbons. Les possessions espagnoles d’Europe furent toutes cédées. L’Empereur Charles VI reçut les Pays-Bas méridionaux (en gros la Belgique et le Luxembourg actuels), le Milanais, la Sardaigne et Naples. Le duc de Savoie, qui avait participé à la guerre, reçût la Sicile et prit le titre de roi. L’Angleterre conserva Minorque et Gibraltar. En outre elle se fit accorder par l’Espagne le monopole de la traite des Noirs dans l’Amérique espagnole. Enfin la France dut lui céder Terre Neuve, l’Acadie, la Baie d’Hudson et une île à sucre : Saint-Christophe. La finalité du traité de la Barrière fut de créer une ligne défensive au nord de la France, dans les Pays-Bas méridionaux, pour protéger les Provinces-Unies d'une nouvelle invasion française. Ainsi les Provinces-Unies obtinrent le droit de tenir des garnisons dans les villes de Namur, Tournai, Menin, Furnes, Warneton, Ypres et Dendermonde. 3- La mort de Louis XIV Les dernières années du roi furent marquées par de nombreux deuils. En 1711 il perdit son fils, puis trois de ses petits-enfants et encore un arrière petit-fils. En août 1715 il fut atteint par la gangrène. Il supporta les souffrances avec une maîtrise de soi qui fit l’admiration de tous. Il mourut à 77 ans le 1er septembre 1715 après 55 années de règne. g) Considérations générales sur le règne de Louis XIV 1- Colbert et l’enrichissement de la France Voir lettre 60-8 du 12 janvier 2020. Pour ce qui est de l’Empire colonial Colbert fonda deux comptoirs en Inde : Pondichéry et Chandernagor (voir lettre 60-45 du 1 juin 2020). Il mit en valeur les Antilles françaises et le Canada, il établit une série de comptoirs au Sénégal. Il ne put conserver les comptoirs de Madagascar mais il acquit l’île Bourbon (aujourd’hui la Réunion) et l’île de France (aujourd’hui l’île Maurice). Voir lettre 60-44 du 30 mai 2020. Enfin c’est sous son exercice que la Louisiane fut explorée par Cavelier de la Salle : voir lettre 60-41 du 17 mai 2020. 2- La société française à l’époque de Louis XIV La société française était alors fondée sur l’inégalité. Les Français n’étaient pas tous égaux devant la loi et devant l’impôt. Trois ordres étaient distingués : le Clergé, la Noblesse et le Tiers-État. Le Clergé formait le premier ordre officiellement représenté auprès du roi par des agents qui défendaient ses intérêts. Il vivait du revenu des immenses domaines que l’Église possédait (Elle était le plus grand propriétaire du royaume). Il avait le droit de lever un impôt à son profit (la dîme), il avait des propres tribunaux, appelés officialités. La richesse du clergé était répartie de manière inégale. Il y avait le haut-clergé, archevêques, évêques, abbés choisis le plus souvent dans les familles nobles, propriétaires de domaines fonciers importants, donc très aisés. Le haut clergé fréquentait la cour et restait fidèle au roi. Il y avait le bas-clergé, recruté dans le Tiers-État, chez les paysans ou les ouvriers. Ceux-là menaient une vie souvent misérable, ne vivaient que de la dîme, parfois difficile à lever, et dont une grande partie était prélevée par le haut-clergé. La noblesse d’épée formait le second ordre. Elle ne payait pas l’impôt, levait des droits seigneuriaux sur les paysans qui travaillaient sur ses domaines, exerçait certains droits de justice. Les nobles d’épée étaient les seuls à être nommés par le roi aux commandements militaires, postes diplomatiques, dignités d’Église et charges de cour. Il y avait aussi une certaine inégalité entre eux. La noblesse de cour dépensait en fêtes et en jeux ses revenus, elle disposait en outre de pensions royales qui lui permettaient ainsi de dépenser sans compter. La noblesse de province vivait plus difficilement et ses revenus diminuaient par suite de la baisse constante des prix des denrées sous le règne de Louis XIV. Le Tiers État formait le troisième ordre. Il était composé de la majorité des Français appelés : roturiers. Il comprenait des classes sociales très variées. Les privilégiés formaient la bourgeoisie elle-même divisée en deux catégories : la Marchandise qui comprenait les riches marchands, les industriels, les banquiers et les « fermiers » c’est-à-dire ceux qui s’occupaient de lever l’impôt et la Robe qui comprenait les médecins, les officiers de finances et de justice. Ces derniers, les « robins » pouvaient être anoblis. Ainsi de cette bourgeoisie sortit la Noblesse de robe ou encore la Grande Robe. Les bourgeois occupaient une place stratégique dans la société. Ils tenaient la justice et l’administration, jusqu’à l’administration de l’État en devenant parfois ministres ou secrétaires d’État. La plupart des bourgeois étaient également grands propriétaires. Quand un noble ou un paysan vendait sa terre c’était le plus souvent un bourgeois qui l’achetait. Ce désir d’acheter de la terre détourna la bourgeoisie de l’investissement dans les entreprises commerciales qu’avait voulu développer Colbert. Au-dessous de la bourgeoisie il y avait les travailleurs manuels qui vivaient dans les villes : petits patrons, artisans et ouvriers. Le régime des corporations dominait, formes d’associations professionnelles régies par une réglementation sociale et technique. Un maître artisan travaillait avec un petit nombre de compagnons et d’apprentis autour de lui. Maîtres et compagnons formaient deux classes distinctes et hostiles. Pour devenir maître il fallait réaliser un « chef-d’œuvre » dont l’exécution était si coûteuse qu’il était pratiquement impossible à un compagnon de le réaliser. Les maîtres se succédaient de père en fils. Les ouvriers se réunissaient en dehors des corporations dans des associations souvent secrètes appelées Compagnonnages où ils s’entraidaient. Enfin venaient les paysans qui formaient le plus gros de la population (environ 80 pour cent). Certains paysans étaient propriétaires mais seule une minorité vivait aisément du revenu des terres : ils étaient appelés laboureurs. Parmi les paysans non propriétaires certains étaient fermiers c’est-à-dire qu’ils étaient locataires des terres et ils devaient payer une redevance aux seigneurs ou laboureurs propriétaires. D’autres étaient métayers et devaient verser non une redevance mais livrer une partie de leur récolte, environ la moitié voire plus. La majorité des paysans étaient domestiques de ferme ou bien ouvriers agricoles. Ils vendaient leur force de travail. Ils étaient misérables. Ils avaient la possibilité d’utiliser les terrains communaux en exerçant le droit de vaine pâture (possibilité de faire paître leurs bêtes) et le droit de couper du bois. Mais les seigneurs avaient tendance à s’approprier les terrains communaux, aggravant leur misère. En outre les paysans supportaient l’essentiel des impôts. Mal logés, mal vêtus, peu nourris, sujets aux épidémies et aux famines, les paysans avaient une faible espérance de vie et atteignaient rarement l’âge de 21 ans. 3- La vie intellectuelle en France au XVII siècle Le gouvernement dirigea la vie intellectuelle en imposant l’ordre et la centralisation. Des associations de personnes compétentes, les Académies, fixèrent les principes auxquels écrivains, artistes et scientifiques furent tenus de se soumettre. Richelieu créa l’Académie française pour fixer le bon usage de la langue, Mazarin fonda l’Académie de peinture et de sculpture, Colbert créa l’Académie des sciences. Sous Louis XIII et Louis XIV la littérature et la philosophie française connurent leur âge d’or, avec les œuvres de Corneille, le « Discours de la Méthode » de Descartes, les « Provinciales » de Pascal, les comédies de Molière, les tragédies de Racine, les fables de La Fontaine, les satires de Boileau, l’éloquence religieuse de Bossuet. Plus tard les attaques contre l’absolutisme royal et l’inégalité sociale menées par la Bruyère et Fénelon annoncèrent le XVIII siècle. Trois monuments fondèrent en Europe la réputation de l’art français : la Colonnade du Louvre par Perrault, l’hôtel des Invalides par Bruant et Mansart, et surtout le château de Versailles construit par Le Vau et Mansart, décoré sous la direction de Le Brun, et dont les jardins furent l’œuvre de Le Nôtre. Près des architectes Le Vau, Mansart et Perrault se distinguèrent dans la mise en valeur des monuments construits par le roi, les sculpteurs Girardon et Coysevox, les peintres Le Brun et Mignard. Louis XIV protégea également les musiciens dont l’Italien Lulli, il acclimata l’opéra en France. 4-Idée de progrès et esprit critique. Sous Louis XIV la science connut un vigoureux développement non seulement en France mis aussi en Europe. Les Français Descartes, Pascal et Mariotte, les Allemands Kepler et Leibniz, les Italiens Galilée et Torricelli, le Hollandais Huygens, les Anglais Newton et Harvey impulsèrent un développement remarquable aux mathématiques, à la physique, à l’astronomie, aux sciences naturelles (tout en renouvelant la philosophie). Tous ces développements scientifiques durent beaucoup aux exploits des grands explorateurs du XVI et du XVII siècles pour lesquels il fallut concevoir des instruments de mesure performants (instrumentation) : lunette astronomique, télescope, baromètre, horloge à balancier, etc. Ce développement scientifique inspira l’idée de progrès : il était possible de sortir des représentions traditionnelles pour concevoir un monde autre en s’appuyant sur le progrès des connaissances. L’esprit critique, nécessaire à la recherche scientifique fondamentale, s’attela, après la science, à la politique et à la religion. Le principe de la monarchie absolue et son corollaire l’inégalité sociale commencèrent à être mis en question ainsi que le caractère divin de l’Église et de la révélation. Désormais conscients que l’exercice de leur propre pensée, sans inféodation à une autorité autre que celle de la raison, leur permettait de réviser la réalité du monde, les critiques mirent l’accent sur les contradictions d’une pratique politique et religieuse en contradiction avec l’esprit chrétien de la civilisation affirmant dans les écritures l’égalité de tous les hommes devant Dieu. L’inégalité sociale comme principe ne pouvait pas se marier avec l’esprit chrétien. C’est toute l’Autorité traditionnelle qui fut mise à mal par une lucidité d’esprit formée dans la conquête scientifique. J’espère que tu passes des vacances agréables et que la pratique du saxophone te plaît. Je pense à toi, Je t’aime
  6. Lettre 63 18 avril 2021, Samuel, 3) La France de 1697 à 1715 a) Rappel : de 1477 à 1559 Au XV siècle Charles de Valois-Bourgogne dit Charles le Téméraire (1433-1477) se posa comme rival de son cousin le roi de France Louis XI (1423-1483). Tous les deux descendaient (quatrième génération) du roi de France Jean II le Bon (1319-1364). Le Téméraire voulait reconstituer la Lotharingie du Nord et en devenir le monarque quitte à disputer à son cousin des terres françaises. A sa mort en 1477 il régnait sur un territoire qui comprenait au Sud le duché de Bourgogne et la Franche Comté, appelée aussi comté de Bourgogne, le comté du Charolais et d’autres petits comtés attenants, au Nord les 17 provinces du Pays Bas dont faisaient partie le comté de Flandre, le comté d’Artois, le comté de Hainault, le comté de Brabant, le duché de Luxembourg, le duché de Gueldre, le comté de Hollande, le comté de Zélande, le comté de Namur, le comté de Zutphen, le duché de Limbourg, les villes de Anvers, Malines et Utrecht (en gros la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg actuels), un petit territoire de Picardie et quelques petits comté adjacents. Ces territoires sont repris dans la carte jointe « l’État bourguignon de Charles le Téméraire » . En 1475 le Téméraire occupa les territoires situés entre le duché de Luxembourg et le comté de Bourgogne (ou Franche-Comté) mais en 1477 il fut tué lors de la conquête de ces territoires qui sortirent alors de son influence. A sa mort il légua ses terres à sa fille, Marie de Bourgogne (1457-1482), qui, pour contrer les visées de Louis XI, se maria avec Maximilien 1 er de Habsbourg (1459-1519), Empereur du Saint-Empire. A l’occasion de ce mariage Louis XI réussit à annexer le Duché de Bourgogne (et les comtés attenants, sauf le comté de Charolais qui après des va et vient entre la couronne de France et la Franche-Comté resta attachée à celle-ci) ainsi que quelques territoires de Picardie. Marie et Maximilien eurent un fils, Philippe le Beau (1478-1506), qui hérita des possessions de sa mère après la mort de celle-ci. A la mort de Philippe cet héritage passa aux mains de son fils Charles Quint (1500-1558). Maximilien à sa mort (1519) légua l’archiduché d’Autriche à Charles Quint, son petit-fils, tandis que les électeurs des autres États allemands le choisirent pour Empereur. Ce dernier se trouva ainsi, en 1519, à la tête du Saint-Empire et de l’État bourguignon. Charles Quint reçut un autre héritage, cette fois-ci de sa mère, Jeanne la folle (1479-1555) fille de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille. Jeanne avait reçu de ses parents, en 1516, l’Aragon, Naples, la Sicile, la Sardaigne, la Castille et le nouvel empire colonial alors en cours de formation. Mais reconnue inapte à régner, son héritage passa entre les mains de son fils Charles la même année, lequel réalisa l’union des provinces pour fonder l’Espagne dont il devint roi sous le nom de Charles 1er. En 1519 Charles Quint régnait donc sur un territoire très étendu ainsi qu’il ressort de la carte jointe « l’Europe en 1519 ». La France, sur laquelle depuis 1515 régnait François 1 er (1494-1547), lui faisait face. Les deux souverains s’affrontèrent en Italie et en Bourgogne. François Ier poursuivit l'action des rois Charles VIII et Louis XII qui se succédèrent entre le règne de Louis XI et le sien, et qui tentèrent de conquérir les duchés de Naples et de Milan. De son côté Charles Quint tenta de récupérer le duché de Bourgogne tout en s’opposant aux visées de la France sur l’Italie. François 1er comme ses prédécesseurs ne réussit pas à mener à bien ses ambitions en Italie et Charles Quint ne réussit pas à reprendre le duché de Bourgogne. En 1535, le duc de Milan, François II Sforza, mourut sans héritier. Le duché passa alors sous l’autorité de Charles Quint qui le légua à son fils Philippe en 1540. Cette lutte pour la possession des terres italiennes résultait du désir des deux puissances issues de l’Empire carolingien de Charlemagne de s’affirmer comme les héritières de l’ancien Empire romain d’Occident. Au final aucune n’arriva à ses fins. Charles Quint n’eut pas seulement la France à affronter, il dut aussi repousser les Ottomans à Vienne en 1529 menés par Soliman le magnifique (lettre 59-6). Puis il dut régler la question religieuse soulevée par Luther (voir lettre 59-3) qui se termina par le compromis du traité de paix d’Augsbourg en 1555. Dans sa lutte d’influence contre Charles Quint François 1 er finit par pactiser avec l’Empire ottoman dans l’espoir affaiblir le maître du Saint-Empire. Il signa le traité dit "des capitulations" avec le sultan ottoman Soliman le Magnifique. Ce pacte n’alla pas plus loin que la manifestation d’une solidarité diplomatique et commerciale, mais il inaugura une politique reprise par les successeurs de François 1 er, notamment Louis XIV. Politique mal comprise en Europe car la France passa ainsi pour l’alliée du monde musulman contre le camp de la chrétienté. Henri II succéda à son père François 1er en 1547 et affronta à son tour Charles Quint. Il s’ensuivit une guerre indécise au cours de laquelle Henri II, en 1552, occupa les Trois Évêchés de Toul, Metz, et Verdun alors sous influence du Saint-Empire. Cette guerre se termina par la paix du Cateau-Cambrésis en 1559 (près de Cambrai). Entre temps Charles Quint usé par les guerres, la lutte contre les ottomans, la question religieuse et les incessants soulèvements des sujets de son royaume abdiqua en 1556. Il légua à son fils Philippe II l’Espagne, les 17 provinces du Pays Bas, le comté de Bourgogne (la Franche Comté), le comté du Charolais, les comtés de Milan, le royaume de Naples, la Sardaigne, la Sicile et l’empire colonial. Il légua à son frère Ferdinand 1er le duché d’Autriche et la charge d’Empereur du Saint-Empire (après élection en 1558). Ferdinand était en outre roi de Bohême, de Hongrie et de Croatie. C’est donc Philippe qui signa la paix du Cateau-Cambrésis. La France renonça officiellement à toutes vues sur l’Italie. Henri II récupéra Calais (pris aux Anglais) et les trois Évêchés pris à Charles Quint. Henri II mourut peu après la signature du traité en 1559. Je t’embrasse, Je t’aime
  7. Lettre 62 15 avril 2021, Samuel, XVIII siècle 1) Introduction Le XVIII siècle fut un siècle riche en événements. Il y eut bien sûr la Révolution française de 1789 qui bouleversa non seulement les régimes monarchiques de l’époque mais qui introduisit aussi de nouvelles représentations politiques dominées par la figure du peuple et par la reconnaissance des droits de l’homme et du citoyen. Ces nouvelles représentations furent elles-mêmes pensées par les philosophes des Lumières. Il est habituel de présenter les Lumières comme l’avènement de la Raison, nous pensons par exemple à « la Critique de la raison pure » de Kant, mais il s’est aussi agi d’émanciper l’individu, en avançant cette adresse : « pense par toi-même » et non plus par l’intermédiaire ou sous l’autorité d’un maître. C’est le passage de l’état de minorité (être mineur, obéir à un maître) à l’état de majorité (être majeur, penser par soi-même). Cette adresse avait toutefois été précédée par cette autre adresse formulée au début du XVI siècle par Luther : « chacun doit devenir son propre prêtre, nul ne doit plus se fier aux dogmes de l’Église ». Cette déclaration fut l’un des fondements du protestantisme, nouvelle religion qui révolutionna les modes de pensée occidentaux en invitant chacun à se libérer de la tutelle des autorités religieuses pour penser et vivre selon ses propres inspirations engendrées par une foi venue de son intimité. Il y eut aussi le formidable essor de la révolution industrielle en Angleterre révolution cruciale qui engendra de nouveaux rapports humains dans une nouvelle organisation du travail et de la propriété (le salariat, l’accumulation du capital). Cette révolution provoqua à son tour une révolution technicienne et scientifique rendue nécessaire pour sans cesse augmenter et rentabiliser la production dans le cadre de la concurrence entre producteurs et entre nations. Le monde entier aujourd’hui est économiquement organisé selon les critères de cette révolution. Citons encore la déclaration d’indépendance des États-Unis de 1776, acte de naissance d’une nouvelle puissance appelée à dominer le monde. Elle fut accompagnée par la rédaction d’une constitution, toujours en vigueur aujourd’hui bien qu’amendée au fil du temps, construction qui reste un modèle de démocratie. 2) Les frontières européennes occidentales L’Europe occidentale eut pour ancêtre l’Empire de Charlemagne. Il est possible bien entendu de remonter plus loin encore, mais je choisis de partir de cette époque car elle illustre bien l’histoire de l’Europe occidentale des 1 200 dernières années. Sur la première carte jointe « Expansion de l’Empire franc sous Charlemagne » nous voyons quelle était l’étendue du territoire régi par l’Empereur. Les parties en jaune ne faisaient pas partie de l’Empire mais elles étaient sous son influence. Sur la carte 2 « L’Empire de Charlemagne et le partage de Verdun de 843 » nous voyons comment cet empire fut partagé entre les trois petits-fils survivants de l’Empereur (les trois fils de Louis 1er dit le Pieux, fils de Charlemagne ) : Charles le Chauve reçut la Francie occidentale qui porta le nom de France vers 1200, Lothaire 1er reçut la Francie médiane ou Lotharingie, et Louis II de Germanie reçut la Francie orientale, le noyau dur du futur Saint-Empire romain germanique. Par la suite l’histoire fut une longue dispute entre la France et le Saint-Empire pour annexer le royaume de Lotharingie coincé entre ces deux nations. Le Saint-Empire s’étendit aussi à l’Est en annexant la partie colorée en jaune sur la carte 1. Sur la carte 3 « Le Saint-Empire vers l’an mil » nous voyons que la Germanie avait réussi à annexer pratiquement toute la Lotharingie et la partie colorée jaune de la carte 1. Puis sur la carte 4 « Map of the Imperial Circles » nous voyons un certain recul de l’Empire. Le Saint-Empire ne cessa de s’agrandir ou de s’amenuiser au fil des événements. Après la disparition du Saint-Empire en 1806 la France prit possession de presque toute l’ancienne Lotharingie grâce aux conquêtes de la Révolution et de l’Empire napoléonien. Puis la France perdit tous ces territoires et ce fut au tour de l’Allemagne d’étendre son pouvoir pendant la seconde guerre mondiale sur l’ancienne Lotharingie. Avant, elle aussi, de tout perdre. Si nous rapprochons la carte 1 de la carte 5, carte des frontières de l’Europe occidentale d’aujourd’hui, nous constatons un relatif maintien des frontières de l’ancien Empire carolingien. La frontière Est allemande suit la frontière Est de l’Empire en y incluant les zones d’influence (jaune) des Obodrites et des Wilzes. La Pologne a retrouvé ses frontières ouest de l’époque après avoir disparu sous le règne de Catherine II. La Prusse a dû céder ses terres à la Pologne, seule la partie contenant Berlin étant rattachée à l’Allemagne. La Bohême-Moravie correspond à la République tchèque et à la Slovaquie. Les Marches de l’Est correspondent à l’Autriche qui a acquis des terres à l’intérieur de l’ancien Empire. La Lombardie a été rattachée à l’Italie, la Provence à la France. La partie Nord de la Lotharingie constitue aujourd’hui les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. La partie centrale de la Lotharingie a été rattachée en partie à la France, en partie elle constitue la Suisse. Je poursuivrai en reprenant l’histoire de France sous la fin du règne de Louis XIV. J’espère que tout va bien à Moscou, bon courage pour ta prestation devant les étudiants moscovites, Je pense à toi, Je t’aime
  8. Lettre 61-11 25 juillet 2020, Samuel, B) Le style gothique C’est le caractère de la voûte qui permet de distinguer le style gothique du style roman. L’église gothique se caractérisa à partir de la fin du XI siècle / début du XII siècle par l’innovation technique de la croisée d’ogives. La croisée d’ogives (voir première figure jointe) est constituée de deux arcs sécants dits ars diagonaux se coupant en leur sommet, chacun reposant sur un pilier. Ces deux arcs prennent place entre deux arcs doubleaux qui reposent sur les mêmes piliers. Cette technique permet de limiter le coffrage aux arcs diagonaux et doubleaux. Elle divise la voûte située entre les doubleaux en quatre voûtains (éléments de voûte) qu’il est possible de remplir avec une maçonnerie légère. L’avantage de cette technique est de reporter le poids de la voûte sur les seuls piliers (et non plus sur les murs). Il n’est plus besoin de renforcer les murs par des contreforts, il suffit de renforcer les piliers par des arcs-boutants (voir figure 2). L’arc-boutant prend lui-même appui à l’extérieur de la cathédrale sur un pilier de culée. Cette technique permit de bâtir des églises pus hautes mais aussi mieux éclairées car il fut possible de percer des ouvertures dans les murs latéraux des nefs puisqu’ils n’étaient plus fragilisés par le poids de la voûte. Note : le mot « roman » dans le style roman signifie : à la manière des Romains (voûte en berceau) ; le mot « gothique » réfère aux Goths tribu germanique considérée comme barbare du temps des Romains . Ce mot était donc péjoratif avant que le style dit gothique finisse par s’imposer. Voilà pour le XVII siècle : c’en est terminé ! Je pense reprendre l’histoire de Russie avant d’aborder le XVIII siècle. J’espère que ton entrevue avec le Minotaure se sera bien passée. Je t’embrasse, Je t’aime
  9. Lettre 61-10 21 juillet 2020, Samuel, Complément sur les cathédrales Au Moyen Âge, en Europe occidentale, les chrétiens avaient divisé les territoires en unités administratives religieuses : les diocèses. Chaque diocèse était contrôlé par un évêque. Une cathédrale était une église épiscopale c’est-à-dire une église d’un diocèse. Deux styles caractérisent les cathédrales, le style roman et le style gothique A) Le style roman A partir de la fin du IX siècle des églises d’une grande simplicité commencèrent à être édifiées. Elles étaient construites en pierres (ou en bois) avec pour couverture une charpente en bois et des tuiles. Elles comportaient une simple nef (grande salle allongée où se réunissaient les fidèles) parfois flanquée d’un bas-côté de part et d’autre, ces éléments se terminant par une abside, petite construction extérieure de forme sphérique. Sur la première figure jointe à cette lettre la partie entre les petits disques noirs est la nef. De chaque côté se trouve un bas-côté (qui va des disques noirs jusqu’au mur). Les trois petits cercles à droite sont les absides. Il y a de plus sur le plan un espace vertical qui déborde au-delà des murs : c’est le transept, salle aménagée à angle droit de la nef, ce qui permet de donner à l’ensemble une forme de croix. A partir de la fin du X siècle la voûte en bois fut remplacée par une voûte en pierre plus résistante (insensible au feu), plus majestueuse : la voûte en berceau héritée des Romains, voûte ayant une forme demi-cylindrique (forme arrondie, demi-circulaire sur toute la longueur de la nef). Cette voûte épousait la forme d’un arc en plein cintre (voir deuxième figure jointe à la lettre). Pratiquement les bâtisseurs montaient un coffrage en bois sur lequel ils plaçaient des claveaux ou voussoirs, éléments de l’arc en plein cintre (sur la deuxième figure ce sont les rectangles formant l’arc). Quand ils avaient placé la clé de voûte, le voussoir du haut du cintre, ils pouvaient retirer le coffrage et la voûte venait s’appuyer sur les murs extérieurs verticaux. Pour donner plus de résistance à la voûte les constructeurs la doublaient à intervalles réguliers par des arcs saillants appelés arcs doubleaux lesquels venaient s’appuyer sur des piliers ou pilastres engagés dans le mur, appelés encore : dosserets. (voir figure 3). Le haut de ces pilastres formaient de petits ouvrages appelés chapiteaux (entre le pied de l’arc doubleau et le pilier sur la figure 3). Le poids de la voûte était intense et exerçait sur les murs et pilastres une force oblique dont la composante verticale était certes supportée par les murs et les piliers, mais dont la composante horizontale avait tendance à les renverser vers l’extérieur. Du coup pour que l’édifice ne s’écroule pas il fallut doubler les murs extérieurs par de puissants contreforts (voit figure 3). D’où l’aspect massif des cathédrales romanes et leur faible luminosité intérieure : percer des ouvertures dans les murs auraient en effet contribué à les fragiliser. Vers la fin du XI siècle apparut une innovation technique (déjà connue de l’Orient) : l’arc brisé (voir figure 2). Cet arc transmet aux murs porteurs une poussée moins oblique, plus verticale, ce qui permet de diminuer l’intensité de la force composante horizontale (celle qui tend à renverser les murs). Il fut ainsi possible de diminuer la masse des contreforts. Mais la forme plein cintre fut considérée plus noble, plus esthétique, ce qui limita l’utilisation de l’arc brisé. Je poursuivrai cette lettre avec l’étude du style gothique et ça en sera fini avec le XVII siècle. Je t’embrasse, Je t’aime
  10. Lettre 61-9 19 juillet 2020, Samuel, Le développement de la technique des origines jusqu’au XVII siècle H) Le XVII siècle Le XVII siècle fut marqué par la naissance de la pensée scientifique. Les rapports entre la science et la technique changèrent. La science jusqu’alors inspirée par la technique prit désormais le pas sur cette dernière et en provoqua un nouvel essor. Les savants, mathématiciens, physiciens et astronomes prirent le relais des ingénieurs dans la recherche de l’innovation. Cette révolution scientifique fut préparée par la Renaissance du XVI siècle avec les travaux des astronomes Copernic (polonais, 1473-1543) et Kepler (bavarois,1571-1630) continués au siècle suivant par les travaux de l’italien Galilée (1564-1642), du britannique Newton (1642-1727), du français Descartes (1596-1650), de l’allemand Gottfried Leibniz (1646-1716). A la conception géométrique du monde consistant en une sphère centrée sur la Terre succéda une nouvelle conception géométrique de l’univers considéré comme un espace homogène et infini ne privilégiant plus aucun « centre ». La vision de la structure spatiale sphérique et centrée héritée de l’Antiquité était en outre chargée d’une vision morale : le monde était un tout fini et bien ordonné avec une hiérarchie de valeurs et de perfection, entre une Terre lourde et opaque, centre d’une région sublunaire du changement et de la corruption, et une région au-dessus de la lune, supralunaire, où s’élevaient des sphères célestes incorruptibles et lumineuses (les deux mondes formant le Cosmos). Avec la nouvelle vision géométrique de l’univers, espace homogène et infini, disparut aussi toute vision morale. L’univers n’était plus chargé de valeurs. Ainsi la science opéra la séparation totale entre le monde des faits et celui des valeurs. Elle promut également la force descriptive des mathématiques : « l’univers est écrit en langage mathématique » écrivit Galilée, et l’universalité du modèle mécanique des machines qui commençaient à faire leur apparition dans l’économie européenne : « l'univers est une machine où il n'y a rien du tout à considérer que les figures et les mouvements de ses parties » écrivit Descartes. Grâce au développement de l’optique Galilée perfectionna la technique de la lunette astronomique, les télescopes ensuite ne cessèrent de se perfectionner, puis le hollandais Van Leeuwenhoek (1632-1723) inventa le microscope. En observant en 1677 sous sa lentille les pérégrinations des « animalcules vivants », il mit un terme à la théorie de la génération spontanée. En 1624 Edmund Gunter (anglais, 1581-1626) inventa la règle à calcul, instrument essentiel jusque dans les années 70 avant l’invention des calculatrices électroniques. En 1623 Wilhem Schickard construisit une machine à calculer qui pouvait faire des additions et des soustractions mais dont l’intérêt pratique resta limité. En 1645 Blaise Pascal construisit lui aussi une machine à calculer rudimentaire. Elle fut commercialisée sous le nom de Pascaline. En 1631 Vernier inventa un dispositif destiné à mesurer de très petites distances inférieures au millimètre, appelé : le vernier. Cet instrument permit la construction du pied à coulisse instrument de base de l’ajusteur. Dans l’art militaire la connaissance des lois du mouvement (Galilée) permit notamment la création d’un affût (pièce du canon) contrôlant le réglage de l’angle de tir et par conséquent le réglage de la portée du boulet. Les armes à feu portatives évoluèrent vers plus de légèreté et de fiabilité. L’usage de la cartouche, cylindre de papier fermé contenant la charge de poudre, se généralisa. En 1669 Jean Martinet inventa la baïonnette. Sébastien Le Prestre de Vauban mit au point un système de fortifications aujourd’hui encore admiré. L'horlogerie accomplit un bond décisif en 1656 avec l'horloge à balancier du néerlandais Christian Huygens (1629-1695). Galilée avait remarqué que la période d’un pendule (temps mis pour accomplir une oscillation complète) était constante (cette période ne dépend que de la longueur du pendule). Huygens utilisa cette régularité en construisant une horloge dont le balancier fit office de pendule. A chaque oscillation le balancier mettait en œuvre une technique permettant une avancée régulière des aiguilles. Cette amélioration de la mesure du temps profita surtout aux navigateurs dans leur effort à mesurer les longitudes. Les premiers travaux sur la vapeur d'eau et son utilisation remontaient à l'Antiquité : Héron d’Alexandrie conçut et construisit au Ier siècle son éolipyle (voir lettre 61-4). Au XVII siècle de nombreux scientifiques s’intéressèrent à l’utilisation de la vapeur comme source d’énergie. En 1679 le français Denis Papin (1647-1713) construisit la première chaudière (utilisée comme autocuiseur) contrôlée par une soupape. Puis il conçut l’idée du piston mu par la vapeur pouvant engendrer dans son mouvement un travail mécanique. Ces travaux finirent par déboucher sur la machine à vapeur de James Watt au XVIII siècle, machine essentielle dans le cadre de la révolution industrielle. J’espère que tu avances bien dans la préparation de ta rencontre avec le Minotaure ! Je t’embrasse, Je t’aime
  11. Lettre 61-8 15 juillet 2020, Samuel, Le développement de la technique des origines jusqu’au XVII siècle G) Le Moyen Âge et la Renaissance (VII siècle - XVI siècle) Partie 3 Vers 1450 Gutenberg (né à Mayence dans le Saint Empire romain germanique, mort dans la même ville en 1468) inventa une nouvelle forme d’impression appelée typographie qui permit le développement de l’imprimerie, invention majeure qui permit la diffusion dans toutes les populations de tous les savoirs. La typographie est la technique d’assemblage de caractères mobiles en vue de créer des mots et de les imprimer. Gutenberg n’inventa pas l’imprimerie à caractères mobiles, déjà connue des Orientaux, mais il inventa un ensemble de techniques associées : les lettres et caractères mobiles en plomb, leur principe de fabrication, la presse typographique (inconnue des Orientaux) et l’encre nécessaire à cet usage. La presse typographique est un dispositif permettant d’imprimer des textes et des illustrations en exerçant une forte pression sur une feuille de parchemin ou de papier. Le parchemin est une peau d'animal, mouton, chèvre ou veau, apprêtée spécialement pour servir de support à l'écriture. Succédant au papyrus, principal medium de l'écriture en Occident jusqu'au VII siècle, le parchemin fut utilisé durant tout le Moyen Âge jusqu'à son remplacement par le papier. La feuille de papyrus était un support d'écriture obtenu grâce à la transformation des tiges d’une plante, appelée cyperus papyrus. Son invention remonte à près de 5 000 ans. Le papier est une matière fabriquée à partir du bois. Le premier message sur papier connu vient de Chine et date de l’an 8 avant l’E.C. Le secret de la fabrication du papier est resté chinois et japonais jusqu’au VIII siècle. Lors de la bataille de Talas en 751, dans l'actuel Kirghizistan, les Arabes firent prisonniers des Chinois et récupérèrent ainsi le secret. Ils le diffusèrent ensuite en Occident. Tout au long du Moyen Âge la demande de fer ne cessa d’augmenter, en raison de l’activité militaire (fabrication des armures, des canons, développement de l’artillerie). La métallurgie du fer, appelée sidérurgie, employait la combustion du charbon de bois. Les bas-fourneaux de l’époque ne suffisant plus on commença à construire des fourneaux plus grands, appelés hauts-fourneaux. L’entretien de la combustion par des soufflets manœuvrés à la main ne parvenant plus à entretenir de tels foyers on utilisa des soufflets hydrauliques actionnés par des roues à eau (ce qui déplaça l’implantation de la sidérurgie près des cours d’eau). Il s’ensuivit une augmentation de la température des foyers ce qui modifia la technique d’obtention du fer. Dans les bas-fourneaux le fer était obtenu directement, tandis que dans les hauts-fourneaux, où la température était plus élevée, la fusion des minerais donnait d’abord la fonte (fer enrichi de carbone) qu’il fallait ensuite retravailler (affinage) pour obtenir le fer. En 1543, pendant le siècle de la Renaissance, Nicolas Copernic, astronome polonais, proposa la théorie de l’ héliocentrisme, appelée révolution copernicienne, selon laquelle la Terre tourne autour du soleil, centre de l'Univers, détrônant ainsi la Terre dans cette fonction centrale. Cette théorie bouleversa les point de vue scientifique, philosophique et religieux même si les religions la refusèrent un temps. Copernic construisit sa théorie sur l’observation et la mesure. L’étude et la technique de la mesure sont appelées : l’instrumentation. Pour que l’expérimentation soit possible, au sens de Bacon et de Alhazen, il fallut en effet affiner les instruments de mesures. Ces derniers furent d’abord des instruments utilisés dans la fabrication des canons, des armes portatives, des horloges etc. Jusque là il existait bien sûr des instruments de mesure mais peu précis en raison d’un travail surtout exécuté sur le bois, matériau facilement ajustable par le bricolage. Le remplacement du bois par le métal obligea à prévoir à l’avance les formes et les dimensions des pièces utilisées en raison de l’impossibilité de bricoler facilement ces pièces une fois mises en rapport. Cette nécessité d’un ajustage a priori favorisa la mise au point d’instruments de mesure de plus en plus précis. Cette précision permit de progressivement mathématiser les relations entre causes et effets observés. L’emploi de canons et la nécessité de prévoir le lieu d’impact des boulets engendra l’étude du mouvement des corps. Ainsi naquit la balistique, partie de la mécanique qui étudie le mouvement des projectiles, puis naquit la cinématique, étude du mouvement de tous les corps, projectiles comme corps célestes, puis naquit la dynamique qui étudie les causes du mouvement. Crois-tu que tu pourras rentrer dans le labyrinthe, monté sur un cheval ? Si tu dois affronter le Minotaure à pied, ajuste bien ton habit de cosaque. Cela va l’impressionner. Les Cosaques sont précédés dans leur renommée par leur fantastique histoire. Ne terrorise pas trop le Minotaure en lui révélant que tu es Ivan. Le Terrible continue de rôder dans le ciel russe et nul, pas même le Minotaure, n’a le goût ni l’envie de devoir à nouveau l’affronter. Je t’embrasse, Je t’aime
  12. Lettre 61-7 8 juillet 2020, Samuel, Le développement de la technique des origines jusqu’au XVII siècle G) Le Moyen Âge et la Renaissance (VII siècle - XVI siècle) Partie 2 L’alchimie pénétra en Occident au XII siècle venue des empires arabes. L’alchimie est l’ensemble des recherches concernant les transformations de la matière. Les Grecs initièrent cette « science » mus par deux intentions : Trouver des procédés pour transformer des matériaux bon marché en matériaux rares Trouver des relations entre les différentes sortes de matière dans une vision du monde où toute pierre correspondant à une réalité invisible toutes relations entre pierres mettent en relation ces invisibles réalités. Cette science fut ensuite développée par trois savants, Geber, Rhases et Avicenne, tous originaires de Perse où ils vécurent aux IX et X siècles, alors sous domination arabe. Leurs ouvrages une fois traduits pénétrèrent en Europe. L’alchimie donna plus tard naissance à la chimie. L’activité technique des bâtisseurs de cathédrales conduisit les artisans à distinguer les pierres les unes des autres. Les métallurgistes les avaient précédés dans cet art de la distinction. Le fer, le cuivre, le verre, etc. étaient obtenus à partir de matériaux bruts que le profane ne distinguait pas mais que l’artisan devait savoir identifier. Cette prise de conscience de l’importance de l’observation, (observer implique savoir distinguer un objet d’un autre) inspira Roger Bacon (1214-1294) philosophe et alchimiste anglais, l’un des pères de la méthode scientifique européenne. Lui-même s’appuya sur les travaux d’Alhazen, savant persan du XI siècle qui vécut à Bagdad sous la dynastie des Buwayides. Alhazen fut l'un des premiers à énoncer les lois de la démarche scientifique : « La recherche de la vérité est ardue, la route qui y conduit est semée d’embûches, pour trouver la vérité, il convient de laisser de côté ses opinions et de ne pas faire confiance aux écrits des anciens. Vous devez les mettre en doute et soumettre chacune de leur affirmations à votre esprit critique. Ne vous fiez qu'à la logique et à l’expérimentation, jamais à l'affirmation des uns et des autres, car chaque être humain est sujet à toutes sortes d'imperfections ; dans notre quête de la vérité, nous devons aussi remettre en question nos propres théories, à chacune de nos recherches pour éviter de succomber aux préjugés et à la paresse intellectuelle. Agissez de la sorte et la vérité vous sera révélée.» Cette position était à l’époque révolutionnaire car elle allait contre les principes de la religion musulmane telle que pratiquée par les Arabes alors au pouvoir. Dans le cadre de l’islam toute vérité vient du jugement des Anciens ( Mahomet) et non de l’expérience. Ainsi le calife, Arabe, régnait sur ses sujets en s’appuyant sur l’autorité d’un homme, Mahomet, dont la parole est vraie en soi, quoiqu’il ait dit. Le vizir, persan, régnait sur ses sujets par sa capacité à résoudre les problèmes pratiques, résolution qui exigeait de se soustraire à l’autorité du dire d’un « seigneur » pour se soumettre à l’autorité des faits. Les alchimistes en tentant de trouver la pierre philosophale (substance mythique censée transformer des métaux bon marché en or) et de créer un élixir de longue vie obtinrent, par distillation de vins, l’eau de vie (appelée encore esprit de vie ou eau ardente), alcool fort à qui on attribua à l’époque des vertus médicinales et qui fut utilisé comme antiseptique. Dans leurs manipulations ils obtinrent aussi l’huile de vitriol (l’acide sulfurique) qui permit de traiter les minerais. Ils obtinrent ensuite l’esprit de sel (l’acide chlorhydrique) également utilisé dans le traitement des minerais. Puis ils découvrirent l’eau forte (l’acide nitrique) qui permit de dissoudre les métaux (sauf l’or) et qui fut utilisée dans l’orfèvrerie. Enfin ils découvrirent l’eau régale (mélange d’acide chlorhydrique et d’acide nitrique) qui permit de dissoudre puis de raffiner l’or. Au XIII et au XIV siècles, dans le cadre des techniques de construction de bâtiments, furent inventées la brouette (transport de matériaux) et les lunettes avec lentilles en verre pour améliorer la vue. Dans le cadre de l’art de la guerre furent inventés dès le XI siècle le trébuchet (machine de guerre lançant de lourds projectiles à l’aide d’un contrepoids) et les armures avec la cotte de mailles ou haubert (grâce au savoir-faire dans le travail du fer). Au début du XIV siècle l’emploi de la poudre noire se généralisa. Il est difficile de savoir avec exactitude quels sont les premiers découvreurs de la poudre. Pour beaucoup d’historiens la poudre viendrait de Chine où elle aurait été utilisée dès le IX siècle. Mais les Byzantins utilisaient dès le VII siècle la technique du feu grégeois, dont il est possible qu’elle employait déjà la poudre. Le feu grégeois était un mélange inflammable, brûlant au contact de l'eau. Les Byzantins l’employèrent lors des batailles navales pour incendier les bateaux ennemis. La formule du feu grégeois était un secret militaire aujourd'hui perdu. Ainsi, la composition du feu grégeois reste purement spéculative avec des hypothèses incluant des mélanges de résine de pin, de naphte (pétrole), de chaux vive, de soufre et de salpêtre. La poudre noire quant à elle est constituée d'un mélange déflagrant de soufre, de salpêtre et de charbon de bois. Sa capacité de déflagration en fit un explosif utilisé pour la propulsion de projectiles. Elle fut utilisée dans la technologie des canons. Puis un petit canon, manœuvrable par un seul homme, la couleuvrine, fut inventé vers la fin du XIV siècle. Enfin cette dernière invention fut améliorée et donna naissance au début du XV siècle au premier fusil à poudre noire, d’emploi toutefois encore très malaisé. Attention au Minotaure, il faut éviter de le contrarier ! Je t’embrasse, je t’aime
  13. Ce poème est extrait de Soledades. À propos de la composition de Solitudes Machado disait : « Je pensais que l’élément poétique n’était pas le mot pour sa valeur phonétique, ni la couleur, ni la ligne, ni un ensemble de sensations, mais une profonde palpitation de l’esprit ; ce que met l’âme, si elle met quelque chose, ou ce qu’elle dit, si tant est qu’elle dise quelque chose, avec sa propre voix, en réponse animée au contact du monde. » Cante Hondo Yo meditaba absorto, devanando los hilos del hastío y la tristeza, cuando llegó a mi oído, por la ventana de mi estancia, abierta a una caliente noche de verano, el plañir de una copla soñolienta, quebrada por los trémolos sombríos de las músicas magas de mi tierra. ...Y era el Amor, como una roja llama... -Nerviosa mano en la vibrante cuerda ponía un largo suspirar de oro, que se trocaba en surtidor de estrellas-. ...Y era la Muerte, al hombro la cuchilla, el paso largo, torva y esquelética. -Tal cuando yo era niño la soñaba-. Y en la guitarra, resonante y trémula, la brusca mano, al golpear, fingía el reposar de un ataúd en tierra. Y era un plañido solitario el soplo que el polvo barre y la ceniza avienta. Traduction : Bernard Sesé Je méditais profondément en déroulant les fils de l’amertume et de la tristesse, quand à mon oreille parvint, par la fenêtre de ma chambre, ouverte sur une chaude nuit d’été, la plainte d’une copla songeuse, brisée par les sombres trémolos des rythmes magiques de ma terre. ...Et c’était l’Amour, comme une flamme rouge… – Sur la corde vibrante une main nerveuse plaquait un très long soupir d’or, qui se transformait en une pluie d’étoiles –. … Et c’était la Mort, sa lame sur l’épaule, marchant à grands pas, farouche et squelettique – comme je la rêvais lorsque j’étais enfant –. Et sur la guitare, résonnante er tremblante, la main en frappant brusquement évoquait le bruit d’un cercueil qui vient frapper la terre. Et le souffle qui balaie la poussière et jette au vent la cendre était un gémissement solitaire.
  14. Antonio Machado C'est un poème onirique, mélancolique, nostalgique ,mais sans tristesse. C'est l’histoire d’une vie. Il nous rappelle que la puissance de la fantaisie est plus grande que toutes les déceptions. Un enfant rêve d’un jouet, un cheval en carton. Puis l’enfant devient un jeune homme, puis vieux et se demande s’il rêve encore. Quelque part, pendant toute notre vie nous sommes et restons des enfants en train de rêver, à la poursuite d’un cheval. Parábolas Era un niño que soñaba un caballo de cartón. Abrió los ojos el niño y el caballito no vio. Con un caballito blanco el niño volvió a soñar; y por la crin lo cogía... ¡Ahora no te escaparás! Apenas lo hubo cogido, el niño se despertó. Tenía el puño cerrado. ¡El caballito voló! Quedóse el niño muy serio pensando que no es verdad un caballito soñado. Y ya no volvió a soñar. Pero el niño se hizo mozo y el mozo tuvo un amor, y a su amada le decía: ¿Tú eres de verdad o no? Cuando el mozo se hizo viejo pensaba: Todo es soñar, el caballito soñado y el caballo de verdad. Y cuando vino la muerte, el viejo a su corazón preguntaba: ¿Tú eres sueño? ¡Quién sabe si despertó! Traduction : Bernard Sesé Paraboles Il était une fois un enfant qui rêvait d’un cheval en carton. L’enfant ouvrit les yeux, ne vit point le petit cheval. D’un petit cheval blanc l’enfant se remit à rêver ; par la crinière il l’attrapait… Ah tu ne va plus t’échapper ! A peine l’eut-il attrapé que l’enfant s’éveilla. Il tenait le poing bien fermé. Le cheval s’était envolé ! L’air très sérieux, l’enfant se disait qu’un cheval de rêve n’a rien de vrai. Désormais il ne rêva plus. Mais l’enfant devint un jeune homme et le jeune homme s’énamoura ; à sa bien-aimée il disait : Toi es-tu, ou non, pour de vrai ? Quand le jeune homme devint vieux, il pensait : tout n’est que rêve, le petit cheval rêvé et le cheval pour de vrai. Et lorsque la mort arriva, à son cœur le vieux demandait : Et toi, es-tu un rêve ? Qui sait s’il s’éveilla !
  15. La tragédie éclate en 1391 : les violences populaires antijuives et les pogroms qui dévastent les juiveries de Séville, puis de Tolède, de Valence, de Gérone et de Jaca, annoncent la fin de l’Espagne des trois cultures et des trois religions. Néanmoins les juifs ne seront expulsés qu’en 1492, suivis un siècle plus tard par les morisques. Malgré toute cette instabilité politique, la poésie castillane s’épanouit dans divers domaines, dans la poésie anonyme de critique sociale avec La Danza de la Muerte. La Danse générale de la Mort prolonge les productions de la poésie doctrinale et s’inscrit dans la tradition médiévale des disputes et des débats. La Danza de la Muerte arme la mort d’un arc et de flèches. La grande tueuse convoque la hiérarchie totale des humains, du pape au vilain, mais ce sont deux jeunes et jolies jeunes filles qui sont d’abord appelées au funèbre défilé. Je reproduis ici une partie du poème avec la traduction de Eugène Kohler. La Danza de la Muerte Dize la muerte: Yo só la muerte cierta a todas criaturas Que son y serán en el mundo durante. Demando y digo : o omne, ¿ por qué curas De vida tan breue, en punto pasante, Pues non ay tan fuerte nin rezio gigante Que desde mi arco se puede anparar ? Conuiene que mueras quando lo tirar Con esta mi fecha cruel traspasante. [...] A la dança mortal venir los naçidos Que en el mundo soes de qualquiera estado ! El que non quisiere, a fuerça e amidos, Fazerle he venir muy toste priado. Pues que ya el frayre vos ha predicado Que todos vayaes a fazer penitencia, El que non quisiere poner diligencia Por mi non puede ser más esperado. Primeramente llama a su dança a dos donzellas : A esta mi dança traxe de presente Estas dos donzellas que vedes fermosas. Ellas vinieron de muy mala mente Oyr mis canciones, que son dolorosas. Mas non les valdrían flores e rosas, Nin las conposturas que poner solían, De mí sy pudiesen partirse querrían, Mas non puede ser, que son mis esposas. [...] La mort dit : Je suis la mort certaine à toutes créatures Qui sont et seront tant que durera le monde. Je demande et je dis : Ô homme, pourquoi te soucies-tu D’une vie si brève, qui passe en un instant, Puisqu’il n’est si fort ni si vigoureux géant Qui contre mon arc puisse se protéger ? Il faut que tu meures au moment où je tirerai Cette flèche cruelle qui te transpercera [...] Venez, les humains, à la danse mortelle De quelque état que vous soyez dans le monde ! Celui qui ne voudrait pas, par la force et contre son gré, Je le ferai venir bien vite et bientôt. Puisque déjà le frère vous a prêché D’aller faire pénitence, Celui qui ne voudrait pas faire diligence Je ne pourrai pas l’attendre plus longtemps. Tout d’abord elle appelle à sa danse deux demoiselles : À cette danse j’ai amené à présent Ces deux demoiselles que vous voyez belles. Elles sont venues bien mal à propos Écouter mes chansons qui sont douloureuses. Mais fleurs ni roses ne leur serviront de rien, Ni les parures qu’elles aiment se mettre, Elle voudraient bien, si elles pouvaient, se séparer de moi, Mais cela ne se peut, elles sont mes épouses. [Après ce bref tour d’horizon des origines de la poésie espagnole, je reprendrai le cours des poètes et poèmes sans souci de chronologie]
  16. Avant que ne soit adoptée définitivement la langue purement castillane, une autre forme poétique apparaît la aljamía, rédigée en langue castillane mais transcrite en caractères arabes ou hébraïques. J’ai choisi deux poèmes pour illustrer cette littérature aljamiada. Le premier poème, anonyme, serait écrit par un morisque aragonais. Le poème raconte l’histoire de Joseph vendu par ses frères à partir d’une légende orientale répandue dans la communauté des musulmans christianisés. Le poème est très long, je n’en donne qu’un aperçu. La reine Zalija tombe amoureuse de l’esclave Yúçuf. Elle est en admiration devant ses miracles et ses prédictions. Poema de Yúçuf [El mercader vende a Zalija, mujer del rey de Egipto ; y ésta desempeña, en el poema, el papel de Potifar, en Génesis.] Reutaban a Zalija las duennas del lugar Porque con su activo quería voltariar ; Ella de que lo supo arte las fue a buscar Convidólas a todas e llevólas a yantar. [...] Traduction : Eugène Kohler [Lemarchand vebd Joseph à Zalija, épouse du roi d’Égypte, qui joue ici le rôle du Potiphar de la Genèse.] Les duègnes de l’endroit grondaient Zalija De vouloir ainsi se compromettre avec son captif ; Dès qu’elle le comprit elle chercha une ruse, Les convia toutes et leur offrit un dîner. [...] Le deuxième poème : Rabbi Sem Tob né vers 1290-mort en 1360 Le rabbin de Carrión, Sem Tob Ibn Ardutiel ben Isaac , est aux yeux de Américo Castro le premier poète de langue castillane authentiquement lyrique. Son œuvre la plus connue : Proverbios morales. Non ay syn noche día, Nin segar syn s’en rat, Nin syn caliente fría, Nin reyr syn llorar. Nin ay syn después luego, Nin tarde syn ay à, Nin ay fumo sin fuego, Nin syn somas farina. [ ...] Traduction : Eugène Kohler Il n’y a pas jour sans nuit, Ni de moisson sans semailles, Ni de froid sans chaleur, Ni de rires sans pleurs. Point d’après sans tout de suite, Ni de lentement sans vite, Ni de fumée sans feu, Ni de farine sans son [...]
  17. Au XII siècle, un poète d’Al-Andalus invente une autre forme poétique, le zejel, qui met fin à la jarcha. Et c’est à l’aube du XIII siècle, en 1205 environ, que naît la poésie en langue romane castillane. Le premier poème en roman castillan est un poème hybride anonyme. Un court extrait, traduction faite par Nadine Ly. La siesta de abril Qui triste tiene su coraçón Benga oyr esta razón Odrá razón acabada Feyta d’amor e bien rymada. Un escolar la rrimó Que siempre dueñas amó ; Mas siempre ovo cryança En Alemania y en Francia ; Moró mucho en Lombardía Pora aprender cortesía. La sieste d’avril Qui a le cœur affligé Ce conte vienne écouter. Ouïra conte achevé, Fait d’amour et bien rimé. Un escholier le rima Qui toujours les dames aima ; Élevé dans son enfance En Allemagne et en France, Il vécut en Lombardie Pour y apprendre courtoisie.
  18. Je ne suis pas partisane. Ce qui est écrit est le résultat de ma lecture de Historia de la litteratura española de Ángel del Río. Je poursuis mes investigations.
  19. Lettre 61-6 16 juin 2020, Samuel, Le développement de la technique des origines jusqu’au XVII siècle G) Le Moyen Âge et la Renaissance (VII siècle - XVI siècle) (Nous allons limiter notre étude à l’Europe occidentale) Partie 1 Au VI siècle l’Empire romain d’occident fut submergé par les migrations des tribus germaniques, Wisigoths, Ostrogoths, Burgondes, Alamans, Francs...Ces tribus avaient des modes de vie qui ne s’appuyaient pas sur le développement technique. Elles formaient des populations dites, par les sédentaires, « barbares », libres, itinérantes, sans État, vivant le plus souvent de pillages. Elles-mêmes fuyaient devant les Huns qui déferlaient en Occident, venus d’Asie. Les seules techniques développées pendant le Haut Moyen Âge (du VII siècle au IX siècle) furent celles de la métallurgie du fer en vue de l’armement, et de la domestication du cheval en vue des déplacements. L’écriture et la lecture tombèrent en désuétude. Dans l’Europe occidentale dévastée les populations autochtones se replièrent dans les campagnes et dans les monastères. La culture chrétienne résista au choc. Ses représentants, moines et membres du clergé, maintinrent l’exercice de la lecture et de l’écriture dans les communautés qui dépendaient d’eux. Ils conservèrent la mémoire de la culture romaine et grecque en recopiant et en archivant les manuels de toutes disciplines dans leurs bibliothèques. Ensuite ils s’appliquèrent à convertir les paysans et les barbares. Le christianisme présente des aspects païens, aisément assimilables par des populations peu instruites : mystères, surnaturel (la résurrection du Christ), magie (les miracles), promesses après la mort de mondes paradisiaques ou infernaux selon le respect d’une morale encore assez souple. Lentement les barbares se convertirent au christianisme sous ses formes inachevées d’abord (l’arianisme, doctrine qui ne reconnaît pas le caractère divin de Jésus) puis sous ses formes dogmatiques (la trinité, c’est-à-dire le dogme de la divinité de Jésus). Lentement les mouvements de populations se stabilisèrent jusqu’à ce que Charlemagne, le roi des Francs parvint à établir un certain ordre, fondé sur le christianisme qu’il imposa de force à toutes les populations. Il se retrouva à la tête d’un Empire qui allait de l’Atlantique jusqu’aux marches slaves, un Empire non pas organisé à la romaine, avec un État fort et une organisation ramifiée, mais un Empire aux terres distribuées entre chefs de tribus, les ducs, régnants sur leurs duchés, qui commencèrent à se sédentariser et acceptèrent de reconnaître en l’Empereur leur chef investi par Dieu. Cela formait un ensemble d’une stabilité douteuse certes mais suffisante pour que reprenne une vie économique viable. L’Empire de Charlemagne néanmoins comptait encore peu au vu des Empires fondés sur la rive sud de la méditerranée par les dynasties arabes, les Omeyyades (661-750) puis les Abbassides (750-809), au vu aussi de l’Empire romain d’orient, Byzance (Constantinople). En 798, Irène, l’Impératrice byzantine, proposa à Charlemagne le mariage afin de reconstituer un Empire romain réunifié entre l’occident et l’orient. Elle voulait lutter contre la pression des arabes et des musulmans sur ses frontières sud. Mais Charlemagne déclina l’offre. Il choisit de s’entendre avec les Abbassides pour lutter contre les incursions d’une dynastie omeyyade qui continuait de régner en Espagne et qui, de temps à autre, s’adonnait à des razzias dans le sud de la France (les Abbassides étaient les ennemis des Omeyyades). Le choix de Charlemagne fut crucial : l’Europe occidentale dut se développer en s’appuyant sur ses seules forces et ce choix solitaire donna plus tard naissance à la formidable culture ouest-européenne qui engendra la révolution industrielle, révolution aujourd’hui étendue au monde entier. Dès le X ème siècle se développèrent une importante activité et un esprit nouveau qui jetèrent les bases de notre civilisation moderne. L’agriculture fut la première à bénéficier de ce renouveau. Trois innovations en améliorèrent sensiblement le rendement : la substitution de la charrue à l’araire, l’utilisation du cheval avec un attelage moderne comme source d’énergie, la mise en place de l’assolement triennal en remplacement de l’assolement biennal. Déjà la domestication continue du cheval avait produit ses progrès techniques dès le VIII siècle avec l’invention de l’étrier, puis le collier d’épaule au IX siècle (élément du harnais du cheval attelé pour tirer une charge) puis le fer à cheval. Une innovation majeure fut ensuite l’utilisation du moulin à eau. Cette « machine » était connue depuis l’Antiquité mais ce fut la première fois que son utilisation fut systématisée. Le moulin à eau servit à moudre le grain (production de farine permettant de faire du pain), à fouler le drap ou tanner des peaux (confection, entre autres, d’habits), à actionner des soufflets de forge (pour la métallurgie), ou encore à prélever de l’eau (utilisation du système de la noria) pour irriguer les champs. Le développement de l’agriculture fut concomitant à la hausse de la démographie ce qui provoqua l’essor de la vie urbaine stimulée ensuite par le développement de l’industrie du textile, celui de l’artisanat et celui du commerce. Dans ce contexte citadin très actif commença au XII siècle l’édification des cathédrales. Toutes les techniques constructives en sommeil depuis la chute de Rome reprirent vie : exploitation des carrières, taille des pierres, fabrication de briques, mécaniques de levage, fabrication du verre. De nouvelles catégories professionnelles se répandirent à travers l’Europe entre le XIII et le XV siècle. Architectes, ingénieurs, tailleurs de pierre, maçons allaient de ville en ville emportant avec eux leur savoir-faire et leurs secrets de fabrication. Les ingénieurs de la Renaissance furent les héritiers de ces constructeurs de cathédrales et leur permirent d’atteindre un savoir-faire pointu dans le domaine notamment de la mécanique, savoir-faire qui favorisa la révolution industrielle du XVIII siècle. Les transports par voie d’eau furent développés et utilisés de préférence aux transports par voie terrestre (réservés aux personnes et aux marchandises de poids moyen). Les Hollandais construisirent en 1253 le premier canal de navigation comportant une écluse simple à Sparendam. Vers 1480 les Allemands construisirent les premières écluses à sas en bois. Ces travaux, ajoutés à ceux affectés à l’irrigation et au drainage engendrèrent la mise au point de techniques qui permirent aux Hollandais de dresser des digues pour contenir la mer, se prémunir contre les inondations et exploiter les terres riches situées au-dessous du niveau de la mer (les polders). Des moulins à vent s’ajoutèrent aux moulins à eau pour pomper les eaux. A partir du XIII siècle la mer joua un rôle essentiel dans la circulation des richesses. Les ports d’Italie, des Pays-Bas et d’Allemagne établirent entre eux des routes commerciales maritimes via le détroit de Gibraltar. Ce commerce maritime permit le développement de techniques nouvelles de construction des bateaux, secteur dans lequel les Hollandais devinrent des champions leur permettant plus tard de lancer un commerce maritime international. La boussole fut introduite au XII siècle (elle était déjà connue des Chinois et des Arabes). La cartographie se développa ainsi qu’une connaissance approchée de la circulation des vents. Autre innovation majeure : l’horloge mécanique qui remplaça l’antique horloge hydraulique (les clepsydres). Mais les horlogers ne parvinrent pas à régulariser son fonctionnement. Les horloges donnaient des heures approximatives décalées parfois d’une ou de deux heures dans la même journée. La difficulté était de donner au mouvement des indicateurs, par exemple les aiguilles (dispositif tardif, précédé par des manifestations sonores, comme le son des cloches pour indiquer l’heure) une vitesse uniforme. Il faudra attendre le XVII et surtout le XVIII siècle pour obtenir un mouvement uniforme circulaire pour les aiguilles. Cette incapacité à obtenir une heure précise et fiable explique les errements des navigateurs partis à la découverte du monde à partir de la fin du XV siècle. Rappelons-nous Cavalier de la Salle ne retrouvant plus la Louisiane (lettre 60-41). Pour se repérer il faut deux coordonnés : la latitude et la longitude. Mesurer la latitude (distance à l’équateur) était aisé : on repérait la hauteur de l’étoile polaire sur l’horizon (avec le sextant). Des tables avaient aussi été dressées pour se baser sur la hauteur du soleil ou de quelques étoiles majeures. Pour trouver la longitude (distance à un méridien donné) il suffit de connaître son décalage horaire avec le méridien choisi comme origine (aujourd’hui, celui de Greenwich). Une heure de décalage correspond à 360/24=15 degrés de longitude. Mais à l’époque, sur un navire perdu au milieu de l’océan, on pouvait connaître l’heure locale (par rapport à la position du soleil par exemple) mais pas celle de Greenwich. Aucune horloge réglée lors du départ sur l’heure de Greenwich n’était alors capable de tenir l’heure exacte pendant un voyage de plusieurs mois. Et une erreur de seulement cinq minutes revenait à se tromper de 150 km. Bravo pour ta belle prestation chez le restaurateur. Les Russes te reconnaissent définitivement comme étant l’un des leurs. Je t’embrasse, Je t’aime
  20. Pour illustrer ce qui a été écrit précédemment, un aperçu d’une jarcha. Dans la version vocalisée manquent certains accents, le clavier n’étant pas approprié Abū-l-Walīd Yūnus Ibn Īsà Al-Jabbāz Al-Mursī (Xe-XIIe siècle) L’auteur s’appelle el Panadero de Mucia ( le Boulanger de Murcie) Version vocalisée : E. García Gómez Las jarchas romances de la serie árabe en su marco. Yā mammā, me-w l-habībe Bais e no más tornarāde. Gār ké Farès, y’a mammā : ¿ No un bezyēllo lēsarāde ? Traduction : Nadine Ly Mère, mon ami S’en va et ne reviendra pas. Dis-moi, mère, que vais-je faire ? Ne me laissera-t-il pas un petit baiser ?
  21. En sondant plus profondément la poésie espagnole, je lis que ce sont les jarchas qui constituent la toute première manifestation connue à ce jour de la poésie lyrique espagnole. La toute première jarcha serait antérieure à 1042 et la poésie occitane des troubadours cesse d’en être la seule initiatrice. Les jarchas étaient des brèves compositions qui s’inséraient à la fin des poèmes plus vastes, arabes ou hébreu, les muguasajas. Ces poème écrits en arabe ou en hébreu appartiennent à la langue mozarabe, celle que parlaient les chrétiens de l’Islam ibérique, al-Andalous. On ne sait pas à l’heure actuelle si les jarchas reproduisaient des chansons mozarabes primitives, que les poètes arabes ou juifs avaient entendues et recueillies, ou si elles étaient le fruit de leur invention. Il faut attendre 1948 pour découvrir que l’écriture hébraïque et arabe de certaines jarchas transcrit des mots qui ne sont ni hébreu, ni arabe, mais mozarabes.
  22. J’ai trouvé intéressant de placer ici ce document poétique datant de la fin du XIIe siècle, trouvé dans la cathédrale de Tolède à la fin du XVIIIe siècle. « C’est une des rares manifestations liturgiques, le rite mozarabe en aurait empêché le développement.C’est le premier texte castillan qui montre les mètres majeurs de la poésie espagnole ». Le texte du poème est établi par R. Menéndez Pídal, la traduction de Eugène Kohler. Auto de los Reyes magos- « Auto » des rois mages Caspar Dios criador, qual maravila, No sé qual es achesta strela ! Agora primas le e veida, Poco tiempo a que es nacida... Balthasar Esta strela non sé dond vinet, Quin la trae o quin la tine. Porqué es achesta sennal ? En mos dias non vi atal... Melchior Tal estrela non es in celo, Desto so io bono strelero; Bine lo veo sines escarno Que uno omne es nacido de carne... Traduction Gaspard Dieu le créateur, quelle merveille ! Je ne sais quelle est cette étoile ! Maintenant pour la première fois je l’ai vue. Il y a peu de temps qu’elle est apparue... Balthazar Cette étoile, je ne sais d’où elle vient, Qui l’emporte ou qui la retient. Pourquoi y a-t-il ce signe ? De ma vie je n’ai vu pareil chose... Melchior Pareille étoile n’existe pas au ciel, De cela je suis, moi, bon astronome ; Je le vois bien sans tromperie Qu’un homme est né de chair d’os... (Gaspard et Balthazar écrivent strela, seul Melchior écrit estrela !)
  23. Lettre 61-5 16 juin 2020, Samuel, Le développement de la technique des origines jusqu’au XVII siècle F) Rome (deuxième siècle avant l’E.C.-cinquième siècle après l’E.C.) La mort d’Archimède symbolise le passage du pouvoir politique européen des Grecs aux Romains. En 212 avant notre ère la ville grecque de Syracuse fut assiégée puis prise par une armée romaine. Le siège fut long, la ville se défendit grâce aux machines de guerre construites par Archimède. Pourtant les Romains finirent par investir la ville. Les soldats rentrèrent dans les maisons pour piller. L’un d’eux trouva un vieil homme assis devant sa table, il le tua, c’était Archimède. Quel avantage permit aux Romains de venir à bout des Grecs ? Leur sens de l’organisation, leur capacité à faire agir, travailler et guerroyer ensemble, avec efficacité, des milliers et des milliers d’hommes et de femmes. Ce savoir-faire immatériel leur permit de créer l’un des plus grands Empires du monde. Les Romains mirent à profit les innovations des civilisations qui les précédèrent en les améliorant. Peu intéressés par la science et la spéculation philosophique, ils ne furent guère des inventeurs. Ils furent des hommes concrets. Ils utilisèrent leur génie pour administrer, organiser et tenir sous leur pouvoir les populations occidentales. Alors que, sur le plan technique, la Grèce se fit connaître par le nom de ses ingénieurs et de ses architectes, Rome se fit connaître par le nom de ses administrateurs et de ses stratèges. Rome engagea de grands travaux qui nécessitèrent une direction centralisée et un pouvoir fort, apte à mobiliser un grand nombre d’hommes. Ils construisirent un réseau hydraulique (transport et utilisation de l’eau par le moyen d’aqueducs) et un réseau routier uniques qui recouvrirent l’ensemble de leur Empire, le pourtour méditerranéen comme le nord de l’Europe, réseaux dont nous avons toujours sous les yeux de multiples vestiges. Ce réseau routier ne fut pas seulement construit pour des raisons militaires (déplacements rapides ; ravitaillement des troupes), administratives et politiques, mais aussi pour des raisons économiques, les nombreux travaux d’aménagement des territoires et des villes, les conduisant à rechercher partout des matières premières ( minerais, pierres, etc.) Ce réseau routier était fort de 90 000 km de grandes routes et de 200 000 km de voies secondaires. La chaussée romaine est restée illustre pour ses qualités de résistance et de souplesse dues à sa structure stratifiée composée de plusieurs couches de matériaux superposées. La réalisation de ces réseaux comme celle des constructions monumentales s’appuya sur la mise au point d’un mortier remarquable qui explique que nombre de leurs ouvrages sont encore utilisés (les ponts notamment). La préparation des mortiers et des bétons romains est restée longtemps mystérieuse, ce savoir-faire ayant été perdu dès la chute de l’Empire romain. Il fallut attendre l’époque contemporaine pour retrouver ce savoir-faire. Les Romains perfectionnèrent le travail du verre, notamment le soufflage du verre, ce qui leur permit d’utiliser ce matériau pour faire des récipients (verre creux) mais aussi des vitres (verre plat) qui remplacèrent dans les constructions publiques les plaques de mica, les toiles ou peaux huilées. Sur le plan de l’architecture les Romains perfectionnèrent la technique de la voûte et ils mirent au point celle de la coupole. Je pense toujours à toi, Je t’aime
  24. Tiens, puisque @riad**s'est insinué sur ce fil , je lui offe ça: Cela ne détonne aucunement. N'est-ce pas de la musique arabo andalouse ? Et puis je me fais plaisir j'aime beaucopu cette musique..
  25. Gustavo Adolfo Bécquer Cette Rima figure dans El libro de los gorriones Como enjambre de abejas irritadas, de un oscuro rincón de la memoria salen a perseguirme los recuerdos de las pasadas horas. Yo los quiero ahuyentar. ¡ Esfuerzo inútil ! Me rodean, me acosan, y unos tras otros a clavarme vienen el agudo aguijón que el alma encona. (Magnifique) Traduction : Robert Pageard Comme un essaim d’abeilles irritées, D’un obscur coin de la mémoire Les souvenirs des heures passées Sortent et me poursuivent. Je veux les faire fuir. Effort inutile ! Ils m’entourent, ils m’acculent Et, les uns après les autres, viennent planter L'aiguillon acéré qui met l’âme en feu.
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