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satinvelours

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  1. satinvelours

    Recherches

    En effet il est peut être impossible de comprendre un monde à l’intérieur duquel nous sommes. Il nous faudrait sortir de ce monde pour le comprendre, mais nous ne pouvons pas sortir de ce monde. Nous rejoignons là les démonstrations de Godel : tout système doit trouver à l’extérieur de lui même la raison de ce système. Cela agace notre volonté de tout comprendre. Il n’est pas interdit d’essayer d’imaginer ce que pourrait être cette entité créatrice de notre univers. Mais même là notre imagination s’affole. D’une certaine manière nous retombons dans ce concept de la chose en soi. Ce concept kantien dont Kant lui même nous dit que nous pouvons le penser sans pourtant rien y comprendre. Nous n’aimons pas constater que nous avons des limites.
  2. satinvelours

    Recherches

    Au fond vous ne vous adaptez pas à l’autre. Votre tutoiement je le ressens comme une agression. Mais cela vous est égal. L’autre n’existe pas. Il m’est difficile de continuer de discuter avec vous. C’est comme discuter, pour moi, avec un violeur. C’est pénible pour moi. Je vais arrêter là avec vous. Désolée.
  3. On peut se demander jusqu’où les Russes peuvent aller. Renoncer à Odessa me paraît curieux vu que cette ville fut fondée par la grande Catherine. Je dis cela parce que l’histoire ce n’est pas rien pour les Russes, lesquels ont une vision du temps incompréhensible pour l’Occident. Odessa pour les Russes, est russe.
  4. satinvelours

    Recherches

    Ce n’est pas une question de pouvoir. C’est une question de choix. Vous décidez de vous en tenir à une perception du temps limitée à la vie d’un homme. Ce sont nos choix qui déterminent nos oppositions. Vous choisissez ainsi, je choisis autrement. Par exemple vous choisissez de me tutoyer, je choisis de vous vouvoyer. A partir de ces choix minimaux se dessinent des cultures différentes.
  5. satinvelours

    Recherches

    Face à l’hypothèse d’une origine il y eut en effet un tir de barrage. Cette hypothèse fut combattue par l’Allemagne hitlérienne et le Russie stalinienne à tel point que les astrophysiciens qui défendirent cette hypothèse le payèrent de leur vie. L’hypothèse d’une origine permettait de réintroduire l’idée de Dieu et cette possible réintroduction entraîna une répression stalinienne féroce. Je ne me souviens plus pourquoi les nazis réfutèrent aussi cette hypothèse. Pour ma part l’idée d’une origine n’entraîne pas chez moi de révolte. Que certains en profitent pour réintroduire l’idée de Dieu m’indiffère. Nous sommes devant un mystère, et tout mystère stimule l’intelligence. Tout mystère stimule l’énergie des plus jeunes. Comment résoudre ce mystère. Les vieux ont moins d’agilité mentale et l’idée de mystère semble les déstabiliser. Je trouve passionnant que certaines questions restent sans réponse. Pour le moment. Oui pourquoi l’univers, pourquoi quelque chose plutôt que rien ? Mais je vais plus loin encore. Supposons qu’il existe une réalité inconnue qui engendra l’univers. Pourquoi aurait il engendré un univers voué à la mort. Même si je me range sous le point de vue des déistes, je me dis : mais pourquoi un dieu aurait il créé l’univers ?
  6. satinvelours

    Recherches

    C’est ma façon culturelle de parler. Je passe par une forme synthétique qui nécessite le recours à l’imaginaire. L’univers contient l’homme et l’univers donc a des désirs. Vous séparez l’univers de l’homme, façon de le placer hors de l’univers. Ce qui n’est pas possible pour moi si je conçois l’univers comme la totalité de ce qui est, y compris l’homme.Je conçois bien que ma forme de penser ne soit pas la vôtre. Nous ne pouvons pas nous rencontrer puisque déjà, quand aux mots, nous n’entendons pas la même chose. Tout ce que je peux vous dire pour tenter de signaler ma propre culture c’est que j’entends l’univers comme la totalité donc de ce qui est, y compris la vie. Votre séparation entre l’univers et la vie, entre l’univers et la vie, n’est pas mon choix. Vous parlez en spectateur, je parle en acteure, selon notre position, notre engagement, nous ne pensons pas de la même façon. Si je me pose en spectatrice il devient indifférent en effet que le monde soit voué à la mort ou pas. Nous sommes dans le divertissement. Mais ce que je vise c’est tout de même l’action, et toute action, pour qu’elle devienne engagement, exige la création de représentations spécifiques.
  7. satinvelours

    Recherches

    Le scénario de la mort thermique de l’univers reste pour moi le plus probable, le plus crédible, je ne vois pas comment il serait possible d’aller contre le second principe de le thermodynamique à moins, bien entendu, que les lois scientifiques soudain ( ou un jour) se modifient. La contradiction dont il s’agit pourrait être plus idéalement définie en ces mots : comment se fait il que l’Univers ait pu engendrer en lui le désir d’éternité ( à travers l’être humain) alors qu’il paraît voué d’après ses propres lois à la mort ? Si cette contradiction peut paraître trop abstraite et surtout exiger une représentation culturelle du temps spécifique, nous pourrions avancer cette contradiction actuelle entre nos modes de vie, soutenus par un désir puissant, désir lui-même issu de la nature ou de l’évolution, et le fait que nos modes de vie conduisent à modifier notre environnement de manière telle que nous ne pourrions ne plus y vivre. D’un côté une vitalité irrépressible de l’autre une conséquence de cette vitalité tendant à détruire cette vitalité. Ce type de contradiction est étonnant. Mais il est possible que de telles contradictions soient aussi la source de toute création.
  8. satinvelours

    Recherches

    Il est possible bien entendu de limiter sa perception du temps au temps d’une vie humaine. Ce n’est pas mon attitude et je me donne la permission d’envisager le temps dans son éternité. Il s’agit probablement là d’une question, d’une attitude culturelle. Tout dépend aussi de notre comportement actuel. Certains s’investissent à fond dans le réel actuel dans des actions à dimension sociale. Or s’investir à fond, pouvoir s’investir à fond, s’appuie, pour ceux là, sur le sentiment d’une éternité de leur action, sans lequel leur engagement perd de son énergie. C’est cette contradiction entre le sentiment d’une éternité vécue dans le moment présent pour quiconque s’engage à fond dans une action sociale et ce fait que le cadre dans quel se déploie cet engagement total ( l’univers) voue toute vie, tout engagement à la mort qui pose question. Bien entendu si vous limitez votre engagement moral ou intellectuel à la durée de votre vie cette question, pour vous, ne se pose pas. Nous voyageons dans des représentations culturelles, vous et moi, probablement étrangères les unes aux autres.
  9. satinvelours

    Recherches

    Vous voyez donc bien que la question de l’origine de l’univers est une question scientifique. Quant aux modèles qui tendent à rendre compte de cette origine ( dont le bing bang) ils sont en constante évolution, nul ne parvenant à élaborer un modèle définitif. Si je tente de sortir de cette actuelle interrogation scientifique sur les débuts de l’univers j’accède sans doute à la philosophie. La question devient : si le temps et l’espace notamment ont un début quelle est la « réalité » qui engendra l’espace et le temps ( entre autres ) ? Bon ce genre de question ne semble pas pouvoir être traitée par un esprit humain. Ou encore ce genre de question peut cacher une intention qui est de poser l’existence d’une réalité immatérielle. Bon ce peut être un peu vain. En fait ce qui me trouble, plus que l’origine, c’est la fin de l’univers. Et cette fin franchement je ne vois pas comment y échapper : la loi, le principe en fait, le second principe de la thermodynamique, est une loi d’airain. Il est possible de s’en sortir en avançant que même une loi aussi avérée que le second principe peut changer au cours du temps. Mais si je tiens ce principe comme étant un principe irréfragable alors la fin de l’univers, et donc de toute vie, contredit ce désir humain de construire un monde meilleur. L’idée de progrès est même anéantie. C’est assez troublant cet affrontement, entre le désir de construire un monde, dans un monde en cours de destruction. Bon on a le temps quand même de continuer de croire que nous bâtissons un monde meilleur.
  10. satinvelours

    Recherches

    Luminet (il s’agit d’un éminent scientifique, regardez sur internet) écrit : « Pour la première fois dans l’histoire de la cosmologie, les problèmes du commencement et de la fin de l’Univers sont posés en termes scientifiques ». Luminet parle de Friedmann ( qui est aussi un scientifique assez réputé) lequel entretint une polémique avec Einstein sur cette question de l’origine de l’Univers. Einstein (qui était un scientifique assez réputé) finit par donner raison à Friedmann. La question de l’origine de l’Univers est actuellement le centre des recherches de tous les astrophysiciens. Vous pourriez lire Brian Greene qui vulgarise assez bien ce thème dans son livre « Jusqu’à la fin des temps » ( Brian Greene est aussi un scientifique plutôt réputé). Dans ce livre notamment, page 69, édition Flammarion, il y a ce rappel historique : « Einstein adopta sans réserve l’idée que l’univers avait eu un commencement » ( après les observations de l’astronome Hubble). Cela a toujours un côté inattendu de rencontrer quelqu’un, en 2022, qui ne connaît pas les avancées de la science depuis presque cent ans. Cela a un côté exotique, je trouve, de vous lire disant : la question de l’origine de l’Univers n’est pas scientifique. Me voici transportée dans une tribu tropicale.
  11. satinvelours

    Recherches

    Le fait que l’univers puisse avoir une origine est si confondant que, même un esprit comme celui d’Einstein s’y opposa, dans un premier temps. L’intelligence la plus haute soit-elle est bornée par les préjugés. S’il y a une origine à l’univers, quoi ou qui déclenche ou engendre l’univers ? Cela dépasse l’imagination. Mais face au mystère de l’origine il y a le mystère de la mort thermique de l’univers qui signifie la disparition in fine de toute vie. Comment donner sens à toute construction sachant que toute construction in fine est vouée à l’anéantissement ?
  12. La Philosophie des Lumières en France Lettre 6 (suite 3) Du Contrat social ou Principes de droit politique En 1762 Rousseau écrivit l’une de ses principales œuvres : « Du contrat social » , traité de philosophie politique qui influença fortement la pensée politique de l’Occident en développant les idées de peuple souverain, de volonté générale, de liberté et d’égalité. « L’homme est libre et partout il est dans les fers » ainsi commence Rousseau. Quel est le fondement de toute société ? Quand les obstacles naturels deviennent trop contraires pour que les hommes puissent assurer leur propre conservation alors ceux-ci s’unissent et s’engagent dans le pacte social suivant: « chacun met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale et tous reçoivent chaque membre comme partie indivisible du tout » L’acte d’association produit un Corps moral et collectif, appelé Corps politique. A l’égard des associés ce Corps est le Peuple. Rousseau écrit : « ce que l’homme perd par le contrat social c’est sa liberté naturelle et un droit illimité à tous ses désirs, ce qu’il gagne c’est la liberté civile et le droit à la propriété » La liberté naturelle a pour bornes les forces de l’individu, la liberté civile a pour bornes la Volonté générale. Rousseau revient sur le droit à la propriété du premier occupant. Ce droit est légitime si l’occupant exploite lui-même sa terre et s’il n’occupe que la seule quantité dont il a besoin pour subsister. La Volonté générale seule dirige le Corps collectif. La Volonté générale émane du Souverain qui est l’être collectif formé par tous les citoyens. Le Souverain est donc le Peuple. Si toute volonté particulière tend aux préférences en revanche toute volonté générale tend à l’égalité. De cette égalité il infère que tous ont les mêmes droits mais aussi tous ont les mêmes devoirs. C’est la Législation qui met en mouvement le Corps collectif. La Loi est l’acte par lequel tout le peuple statue sur tout le peuple. Les Lois sont des actes de la Volonté générale. Le peuple soumis aux Lois doit en être l’auteur. L’obéissance à la Loi qu’on s’est prescrite est liberté. Les objets principaux du contrat social sont donc la liberté parce que tout asservissement personnel est une force ôtée au Corps politique, et l’égalité parce que sans elle il n’ y a plus de liberté. Rousseau ne rejette pas les inégalités de richesse à condition que celles-ci ne soient pas telles qu’elles permettent à un homme d’en acheter un autre ou qu’elles conduisent un homme à se vendre à un autre. Le Corps politique, comme tout corps, a deux faces : l’une morale, l‘autre physique. La face morale est la Volonté générale qui porte la puissance législative, le versant physique est le Gouvernement qui porte la puissance exécutive. Le Gouvernement est un Corps intermédiaire chargé de l’exécution des Lois et du maintien de la liberté. Il est composé de magistrats (ministres, roi, etc.) Le Souverain, qui est donc l’être collectif formé par les citoyens, peut transférer le Gouvernement à tout le peuple ou à une partie du peuple : c’est la démocratie, il peut le transférer à un petit nombre : c’est l’aristocratie, enfin il peut le transférer à un seul : la monarchie. La démocratie, qui donc pour Rousseau est une identification entre le Souverain et le Gouvernement, n’est pas recommandée : le peuple ne peut pas passer son temps à gouverner. Dans l’aristocratie comme dans la monarchie il y a donc un Souverain et un Gouvernement distincts. Le Gouvernement parle au peuple au nom du Souverain c’est-à-dire au nom du peuple lui-même. La voie élective est la meilleure voie pour constituer le Gouvernement. La voie héréditaire est la pire. Les régimes se dégradent sous l’effet des intérêts particuliers du Gouvernement qui rentrent sans cesse en lutte contre la Volonté générale. La forme de dégradation la pire est celle du despotisme. Cette usurpation de la souveraineté doit être combattue par l’établissement construit du régime. Le peuple assemblé, le Souverain donc, fixe la Constitution. Il établit un gouvernement et il fixe le mode d’élection des magistrats. Même après cette originelle assemblée le peuple doit pouvoir encore s’assembler pour délibérer. Il fixe les conditions de ces nouvelles assemblées. Lorsque le peuple est légitimement assemblé toute juridiction du gouvernement cesse, la puissance exécutive est suspendue, tout citoyen a alors la même puissance que le magistrat, il n’ y a plus de représentant. D’une manière générale la souveraineté ne peut pas être représentée (Rousseau s’oppose donc à la démocratie parlementaire). Les députés du peuple ne sont pas ses représentants, ils en sont les commissaires. Toute loi que le peuple n’a pas ratifiée en personne est nulle. « Au temps des Gracques, écrit Rousseau, la foule délibérait et les citoyens donnaient leur suffrage du dessus des toits ». L’idée de représentant vient de la féodalité et l’espèce humaine se dégrade dans cette notion. Enfin Rousseau veut limiter le pouvoir des religions. Il ne peut y avoir de religion nationale exclusive. On peut seulement tolérer les religions qui tolèrent elles-mêmes les autres religions pour autant que leurs dogmes ne soient pas contraires aux devoirs des citoyens. Paris le 17 décembre 2021
  13. La Philosophie des Lumières en France Lettre 6 (suite 2) Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes Quelle est l'origine de l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la Loi naturelle ? » En réponse à cette question mise en concours par l'académie de Dijon en 1753 Rousseau rédigea son second discours en 1754. Il déclara : c'est la société, fondée sur la propriété qui est la cause de l’inégalité et de la corruption des hommes. Il bouleversa le paysage de la philosophie politique de son siècle. Rousseau note deux types d’inégalité, l’une naturelle : différences d’âge, de santé, de force corporelle, l’autre morale ou politique : privilèges, richesse. Dans l’état de nature le sauvage doit lutter pour survivre. La lutte fortifie les corps, éloigne les maladies, élimine les plus faibles. Dans l’état civilisé l’oisiveté s’impose et avec elle tous les vices. La nature entraîne le sauvage dans l’action, la civilisation pousse l’homme à la réflexion. « J’ose presque assurer que l’état de réflexion est un état contre nature et que l’homme qui médite est un animal dépravé » [Cette assertion exaspéra Voltaire]. Si les animaux et les hommes sont des machines ingénieuses, il existe deux différences de taille entre eux. Les comportements des animaux sont dictés par la nature alors que l’homme, lui aussi soumis aux diktats de la nature, peut néanmoins choisir entre acquiescement et résistance. Il peut ne pas obéir à la nature. Ensuite l’homme possède cette incomparable faculté : celle de pouvoir se perfectionner, faculté qui fait défaut à l’animal. L’idée de cette faculté inspira la philosophie allemande notamment celle de Kant, elle inspire encore notre pensée d’aujourd’hui. Dans l’état de nature les sauvages développent ce sentiment : la pitié, nom que Rousseau donne à ce nous appelons aujourd’hui la compassion. Le sauvage est compassionnel. Il vit en paix avec ses semblables grâce à l’étendue d’un territoire dans lequel il peut trouver sa subsistance sans rentrer en concurrence, il déploie vis à vis des hommes une indéfectible compassion. Le sauvage vit heureux. Mais au fur et à mesure que l’homme emplit le monde de sa présence, sous l’effet notamment de la démographie, il entra en concurrence avec les bêtes sauvages et même avec les autres hommes dans la quête de sa subsistance. Alors il s’appuya sur cette faculté de perfectionnement pour cultiver la raison et concevoir des outils et des armes propres à assurer sa survie. La raison ainsi apparaît comme une faculté mise au service de passions, celles d’exister et de s’imposer. Le développement de la raison, en promouvant la technique, adoucit les conditions de vie de l’homme qui fit l’expérience de la jouissance. Alors il pensa que le but de la vie était le bien-être, ce qui donna jour à l’individualisme, lequel enfanta l’indifférence aux autres. Occupé désormais à rechercher le bien-être l’homme développa l’habitat. Il construisit des huttes où il choisit de vivre dans ce premier regroupement : la famille. Il développa les passions de l’amour conjugal et de l’amour paternel qui engendrèrent d’autres passions : la possession, la jalousie, l’exercice de l’autorité paternelle (jouissance du pouvoir). Les hommes s’agglomérèrent ensuite en nations ou en cités. Le langage apparut. Habitués à se retrouver ensemble autour de leurs cabanes ils observèrent leurs différences. Ils devinrent sensibles au jugement des autres. Ils développèrent les arts, danse, musique, habillement, ils voulurent se distinguer « ce fut là le premier pas vers l’inégalité et vers le vice en même temps » Les arts de la métallurgie et de l’agriculture apparurent. Certains hommes se spécialisèrent dans la métallurgie ce qui conduisit d’autres hommes à se spécialiser dans l’agriculture pour les nourrir. Ainsi se créa des dépendances entre les hommes. L’agriculture entraîna le partage des terres et l’apparition de la propriété privée, la terre devenant possession légitime de celui qui la travaillait (Rousseau repend les théories de Locke). Le premier homme qui, ayant enclos un terrain, dit « ceci est à moi » fut le fondateur de la société civile et de l’inégalité entre possédants et non possédants. La différence des talents naturels trouva un prolongement dans l’aptitude au travail. Les plus industrieux s’enrichirent dans l’échange devenu nécessaire en raison de la division des tâches, en raison de l’interdépendance des hommes entre eux. Puis à partir de l’appropriation privée des terres apparut la pratique de l’héritage. Ainsi furent perpétuées les inégalités. Elles engendrèrent des guerres intestines pour la possession des biens. Pour éviter l’anarchie les hommes finirent par s’entendre. Ils instituèrent les lois qui réglèrent leurs rapports mais qui entérinèrent aussi les positions acquises. « Ainsi furent fixées dans la loi la propriété et l’inégalité ». A l’origine il y eut accord entre les peuples et ses chefs. Les peuples renoncèrent à une partie de leur liberté contre la protection offerte par les chefs contre les autres nations. En effet les rapports entre nations restèrent sauvages, d’où source de guerres parfois effrayantes. Pour que l’accord fût respecté on en appela à la volonté divine. Différentes formes de gouvernement apparurent selon les spécificités locales (Rousseau repend les théories de Montesquieu). Là où un homme était éminent le gouvernement fut monarchique, là où un groupe d’hommes était éminent le gouvernement fut aristocratique, là où les hommes étaient encore proches de l’état de nature le gouvernement fut démocratique. Mais ces diverses formes de gouvernement se dégradèrent. Au début toutes les fonctions étaient électives mais les élus finirent par s’approprier leur mandat et le transmirent par hérédité à leur descendance, passant outre l’élection. Cette dérive finit par ouvrir sur le despotisme où ne règne plus que l’arbitraire d’un seul homme. Le paradoxe est que dans le despotisme tous les particuliers redeviennent égaux parce qu’ils ne sont plus rien face au despote. Ils se retrouvent ainsi dans un état de nature. Le despote ne tient plus que par la force. Il suffit d’employer la force pour l’abattre. C’est dans la perspective d’un tel événement, l’émeute finale, que Rousseau s’attela à imaginer un nouveau contrat social. Paris, le 27 novembre 2021
  14. Lettre 70 24 novembre 2021, Samuel, A propos du shabbat, Le shabbat (cessation, abstention) est le septième jour de la semaine biblique, le samedi. C’est un jour de repos obligatoire. Il commence le vendredi à la tombée de la nuit et dure jusqu’au samedi soir, à la tombée de la nuit. Ce jour a une grande importance chez les Hébreux. C’est un des piliers de leur identité. C’est le seul jour sacré qui soit mentionné dans le décalogue, dans le quatrième commandement des deux tables de la loi. Ce jour est introduit dans la tradition hébraïque par deux textes. Tanakh, Genèse 32,1-3 : « L’Éternel mit fin le septième jour, à l’œuvre faite par lui ; et il se reposa, le septième jour… L’Éternel bénit le septième jour et le proclama saint, parce qu’en ce jour il se reposa de l’œuvre entière qu’il avait produite et organisée » Exode 20,8-11, « Pense au jour du shabbat pour le sanctifier. Durant six jours tu travailleras et tu t ‘occuperas de toutes les affaires ; mais le septième jour est la Trêve de l’Éternel : tu n’ y feras aucun travail, ni toi, ton fils, ta fille, ton esclave mâle ou femelle, ton bétail, ni même un étranger qui est dans tes murs. Car en six jours l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment, et il s’est reposé le septième jour : c’est pourquoi il bénit le jour du shabbat et l’a sanctifié » Puisqu’il s’agit d’un jour de repos tous les travaux sont interdits sauf cas de force majeure. Le shabbat est une fête de famille et l’occasion pour tous de se retrouver ensemble en se détachant de tous les labeurs imposés par l’engagement dans le monde. Il est interdit d’allumer un feu, de faire la cuisine (d’où l’obligation de tout cuisiner pour le vendredi soir et le samedi avant l’ouverture du shabbat), d’utiliser l’électricité ou son téléphone portable...en fait ce jour-là les Hébreux renoncent à transformer le monde (donc à utiliser toute énergie) afin de signifier la paix faite avec le monde. Le vendredi tous se souhaitent « shabbat shalom » (shalom : paix). La maîtresse de maison prépare le repas du soir et ceux du lendemain. Dans la communauté séfarade le plat principal est la Dafina composée de pois chiches, de pommes de terre, d’œufs, de viande de bœuf et de blé. Dans la communauté ashkénaze le plat traditionnel est le Tcholent à base de pommes de terre, d’orge perlé, de viande et de haricots. Pendant qu’un office se déroule à la synagogue, la maîtresse de maison allume des bougies peu avant la tombée de la nuit. Elle orne la table avec divers objets conçus pour cette occasion. A la place du père elle dispose deux hallot (petits pains) recouvertes d’un napperon, une coupe d’argent pour le vin, et les bougies. Les hallot évoquent la double ration de manne qui tombait du ciel dans le désert pendant l’errance des Hébreux (après la sortie d’Égypte). Au retour de la synagogue, après s’être lavée les mains (ablutions), la famille se réunit autour de la table. Les hommes portent la kippa (signe de respect devant la présence divine). Les parents bénissent les enfants et tous se joignent au chant d’accueil du shabbat. Le chant terminé le père élève une coupe de vin et prononce les paroles du Qiddouch ( sanctification). Il rompt le pain et en distribue un morceau à chacune des personnes attablées. Le repas peut alors commencer. C’est un repas plein de joie, il est recommandé d’y faire bombance et d’y manifester sa joie de vivre près de l’Éternel. Le Qiddouch est une prière récitée pour sanctifier le shabbat et les jours de fête. Le texte du Qiddouch est le suivant : « Sois loué, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par tes commandements et qui dans ton amour et dans ta bienveillance nous a donné en partage ton saint jour de shabbat, souvenir de la création du monde. Ce jour est la première des solennités instituée en mémoire de la sortie d’Égypte. Oui, c’est nous que tu as choisis entre tous les peuples et que tu as sanctifiés, et c’est à nous que dans ton amour et ta bienveillance tu as donné ton saint jour de shabbat en héritage. Sois loué l’Éternel qui sanctifie le shabbat » Le samedi est consacré au repos, à la famille, à la prière, à la fréquentation de la synagogue. Un nouveau Qiddouch introduit le second repas familial du shabbat, le repas du midi. Pour le troisième repas, le soir du samedi, le Qiddouch n’est pas récité. Après avoir consommé le repas le maître de maison récite la Havdala (séparation) prière qui sépare officiellement le moment saint du shabbat du monde profane de la semaine. Le père dispose d’un verre de vin rempli à ras bord, en signe d’abondance, d’une boite contenant des épices (symbole de la vie spirituelle en raison des senteurs qu’elles exhalent) et d’une bougie. Le père récite une bénédiction puis il fait circuler la boite aux épices. Il boit la coupe de vin et éteint la bougie avec le fond du verre. En principe le shabbat est terminé mais certains l’achèvent seulement après la tombée de la nuit avec une ultime collation appelée Mélavé Malka (qui signifie : raccompagner la reine, le shabbat étant alors comparé à une reine reçue chez soi). Au cours de ce quatrième repas on mange peu voire pas du tout se contentant seulement de boire une tasse de boisson. Ce dernier acte a pour but d’établir la liaison finale entre le shabbat et le premier jour de la semaine. Je pense à toi, J’espère que la Déesse précisera son message quand tu iras à Saint-Pétersbourg et j’espère que tu auras le temps de recevoir le présent des Iakoutes : le petit renne. Je t’embrasse, Je t’aime
  15. La Philosophie des Lumières en France Lettre 6 (suite 1) Discours sur les sciences et les arts Le Discours sur les sciences et les arts est une réponse à cette question mise au concours par l’Académie de Dijon en 1750 : « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs ». Lauréat du concours, Rousseau voit son essai enflammer les discussions. Il devient célèbre. Dans la première partie Rousseau étudie les effets des sciences et des arts sur les sociétés humaines. Si les besoins du corps sont le fondement de la société, ceux de l’esprit en sont l’agrément (le divertissement). « Tandis que le gouvernement pourvoit à la sûreté et au bien-être des hommes » les sciences et les arts ont pour fonction d’adoucir leur quotidien et de leur faire accepter leur esclavage. Cet adoucissement des mœurs, provoqué par l’irruption des sciences et des arts, provoque l’affaiblissement des caractères, l’émergence d’une morale de l’hypocrisie et de la fourberie, le déclin des civilisations, rendant celles-ci vulnérables lorsque des peuples plus rudes, tels les Lacédémoniens, les Scythes ou encore les Germains, non civilisés (non instruits pas les sciences et les arts), s’avisent de les attaquer. Alors ces civilisations raffinées mais corrompues, savantes mais sacrilèges, s’écroulent. Ainsi en fut-il de l’Égypte, de la Grèce, de Rome.... Dans la seconde partie Rousseau s’interroge sur l’origine des sciences et des arts. « L’astronomie est née de la superstition, l’éloquence de l’ambition, la géométrie de l’avarice, la physique d’une vaine curiosité, la morale de l’orgueil humain ». Les sciences et les arts doivent leur naissance à nos vices, elles en portent l’énergie funeste : l’avilissement de toutes les valeurs. Les savants (de toutes disciplines) font la promotion du luxe et de l’enrichissement. Ils n’en viennent plus qu’à parler de commerce et d’argent, chaque homme n’ayant plus de valeur qu’en fonction de ce qu’il vaut sur le plan monétaire. Enfin ces savants recherchant les applaudissements finissent par s’abaisser jusqu’au niveau le plus bas. Rousseau en profite pour attaquer Voltaire : « dites-nous célèbre Arouet » combien vous avez sacrifié vos nobles aspirations à la flatterie ou à la notoriété. Pourtant Rousseau distingue les savants qui méritent les honneurs et le respect : ceux qui sont dans le faire plutôt que dans le dire, ceux qui tentent d’éclairer le peuple et non de le corrompre en vue de leur seule gloire. Il cite Descartes, Newton, Bacon, Cicéron...ceux-là travaillent pour la félicité du peuple et non pour la leur. Rousseau conclut : il y a les savants qui savent bien dire, la lie des sociétés, et ceux qui savent bien faire, les bâtisseurs. Paris, le 12 novembre 2021
  16. La Philosophie des Lumières en France Lettre 6 Jean-Jacques Rousseau Rousseau est le philosophe du siècle des Lumières le plus saillant. Sa pensée atypique qui fit de lui un marginal dans son temps est pourtant celle qui connut et qui connaît toujours le plus grand retentissement. Il inspira la Révolution dans un discours raisonné, mais aussi le romantisme, grâce à sa profonde sensibilité, à son amour de la nature. Or le romantisme, dans son développement allemand, s’opposera à l’esprit de la Révolution. Bien qu’il fut un solitaire, un ermite parfois, sa pensée s’est toujours développée dans le rapport à l’autre (l’éducation, l’amour) et aux autres (la politique). Je développerai plus loin ses idées dans l’analyse de quelques œuvres. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) naquit en 1712 à Genève, république calviniste indépendante. Sa mère mourut quelques jours après sa naissance. Son père, Isaac, horloger, violoniste et maître de danse, l’initia à la musique et à la lecture mais dut quitter Genève pour des raisons professionnelles, sans pouvoir l’emmener avec lui. Le monde tranquille de Jean Jacques, alors âgé de dix ans, s’écroula. Élevé à la dure par un ministre du culte protestant, puis par un huissier, enfin par un graveur, il fugua et partit en errance sur les routes à 15 ans. En 1728 il rencontra Madame de Warrens qui le prit sous sa protection. Il vécut avec elle, près de Chambéry, trouvant l’amour maternel qui lui faisait défaut. En 1737 elle partit vivre ailleurs en lui laissant sa propriété, les Charmettes, avec sa bibliothèque. Solitude, lectures : philosophie, romans, traités de mathématiques, le jeune homme dévora les ouvrages. Rousseau se rendit à Lyon en 1740 où il exerça comme précepteur puis à Paris, en 1742, où il donna des leçons de musique. Il rencontra Diderot qui lui confia la rédaction d’articles de l’Encyclopédie sur la musique. Il se mit en couple avec Thérèse Levasseur une servante d'auberge qui devint sa femme et avec laquelle il eut cinq enfants qu’il abandonna à l’Assistance publique n’ayant pas les moyens de les élever. En 1749 l’Académie de Dijon mit au concours la question « Le progrès des sciences et des arts a-t-il contribué à corrompre ou à épurer les mœurs ? » Rousseau participa au concours en écrivant le « Discours sur les sciences et les arts » (dit Premier Discours) dans lequel il soutint que le progrès était synonyme de corruption. Il développa un réquisitoire contre les privilèges des puissants qui avancent masqués sous les arts et les sciences. Il défendit ce qui deviendra le thème central de sa philosophie : l’homme naît naturellement bon et heureux, c’est la société qui le corrompt et le rend malheureux. Il obtint le premier prix. L'ouvrage fut publié en 1951 et connut un grand succès. Rousseau réagit mal à la notoriété, il préférait être seul. Il se fit copiste de musique et composa un opéra, le Devin du village (1752), chantant l'impossible amour dans le mensonge des villes. Ce fut un succès mais il refusa d'être présenté à Louis XV. En 1754 l'Académie de Dijon lança un autre concours auquel il répondit par son « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » (également appelé Second Discours), qui acheva de le rendre célèbre. Il y défendit à nouveau la thèse selon laquelle l'homme est naturellement bon mais il alla encore plus loin : la différence naturelle des hommes n'explique en rien leur inégalité sociale, c'est l'Histoire qui les rend inégaux, non leur nature. Rousseau continua de remettre en cause l’idée même de progrès chère aux Lumières, ce qui lui valut l’ironie de Voltaire et la prise de distance de Diderot et des encyclopédistes. En 1756 il quitta Paris pour rejoindre, près de Montmorency, l'Ermitage, propriété de Mme d'Épinay. Il y travailla beaucoup mais il se brouilla avec sa protectrice. Il quitta l'Ermitage pour s'installer dans les environs, à Montlouis, dans une maison en ruine, avec Thérèse. Il continua d’attaquer l’esprit de son temps en soutenant dans sa « Lettre à d’Alembert sur les spectacles » (1758) que le théâtre flattait les penchants des hommes et ne pouvait les amener à la vertu. Sa pensée originale plut à un aristocrate, Monsieur de Luxembourg qui le prit sous sa protection et fit reconstruire la maison de Montlouis. Rousseau y écrivit Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761), Du contrat social, (1762) et Émile ou De l’éducation (1762). Dans Le Contrat Social, Rousseau fonda la société politique sur la souveraineté du peuple et l’égalité civique devant la loi, expression de la volonté générale. Dans "Émile ou de l’Éducation" il soutint que l'apprentissage doit se faire par l'expérience plutôt que par l'analyse. Il y professa une religion naturelle, forme de déisme, sans dogme, par opposition à la révélation surnaturelle, réfutant l' athéisme, le matérialisme et l'intolérance dogmatique du parti dévot (les catholiques). Le Parlement de Paris et les autorités de Genève condamnèrent ces œuvres qu’ils jugèrent religieusement et politiquement subversives. Rousseau dut fuir la France, mais aussi Genève. Il trouva refuge à Môtiers dans la principauté de Neuchâtel qui relevait de l'autorité du roi de Prusse Frédéric II lequel lui donna sa protection. Il fut attaqué de toutes parts, notamment par Voltaire qui choisit ce moment pour révéler publiquement l'abandon de ses enfants. Le pasteur de Môtiers, qui l’avait accueilli chercha alors à l'expulser. Bien que toujours protégé par Frédéric II la population lui devint si hostile qu’en 1765, il dut s’enfuir. Il regagna Paris où il bénéficia de la protection du prince de Conti. Il décida de commencer une œuvre autobiographique (les Confessions, Rousseau juge de Jean Jacques, les Rêveries du promeneur solitaire). Il survécut grâce à ses travaux de copiste de partitions de musique. En 1778 le marquis de Girardin lui offrit l'hospitalité dans un pavillon du château d’Ermenonville près de Paris. C’est là que le philosophe mourut subitement en 1778 près de sa femme qui resta toujours près de lui. Paris, le 10 novembre 2021
  17. La Philosophie des Lumières en France Lettre 5 (suite 2) La question du fatalisme chez Diderot. Le fatalisme fut un sujet abondamment débattu par les philosophes des Lumières, notamment par Diderot. Il en débattit surtout dans son roman Jacques le Fataliste qu’il commença à écrire à partir de 1765, et qu’il remania constamment jusqu’à sa mort. L’œuvre met en scène deux personnages principaux, Jacques le valet et son maître qui devisent ensemble tout en voyageant à cheval le long des routes. Pour Jacques tout ce qui nous arrive de bien et de mal est écrit là-haut, sur un « grand rouleau ». Son fatalisme est l’affirmation d’une détermination absolue des événements de la vie excluant tout libre arbitre. Cette affirmation fait écho à celle de Spinoza (1632-1677) : « les hommes se trompent quand ils se croient libres ; cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés » Selon Jacques il n’y a pas de liberté : « notre destinée est écrite là-haut, un homme s’achemine aussi nécessairement à la gloire ou à l’ignominie qu’une boule qui aurait la conscience d’elle-même suit la pente d’une montagne ». Diderot prend la parole dans ce roman et parle au lecteur : « En conséquence Jacques ne devrait se réjouir ou ne s’affliger de rien. Cela n’était pourtant pas vrai. Jacques se conduisait comme vous et moi. Il remerciait son bienfaiteur et se mettait en colère contre l’homme injuste. Et quand on lui objectait que ce faisant il ressemblait au chien qui mord la pierre qui l’a frappé, il répondait : nenni la pierre mordue par le chien ne se corrige pas, l’homme injuste est modifié par le bâton. Il était inconséquent comme vous et moi ». Quiconque en effet soutient le fatalisme et l’absence de tout libre arbitre se trouve tôt ou tard confronté à cette contradiction : qu’un homme l’agresse délibérément et le fataliste rend son agresseur responsable de son acte, considérant donc qu’il l’a commis librement. Comment reconnaître à l’autre un libre arbitre et ne pas le reconnaître pour soi ? Les questions du fatalisme et de la liberté hantèrent Diderot toute sa vie. Il réaffirma sans cesse que nous agissons toujours sous l’empire de causes qui déterminent notre action mais quand il se trouvait face à sa maîtresse, s’il commençait bien à lui affirmer que son amour pour elle ne devait rien à une liberté illusoire, il en ressentait aussitôt une certaine culpabilité et lui affirmait ensuite que oui il l’aimait librement et non pas contraint. Il en concluait que l’esprit (la raison) et le cœur (le sentiment) affirmaient des vérités contraires. Notons que considérer que nous sommes déterminés par des causes extérieures à notre volonté est une philosophie qualifiée aujourd’hui de déterministe plutôt que de fataliste. Le fatalisme réfère au destin : tout est écrit « la haut » le déterminisme réfère à un faisceau de causes qui nous déterminent. Dans les deux cas nous ne serions pas libres. Paris le 3 novembre 2021
  18. La Philosophie des Lumières en France Lettre 5 (suite 1) Le Rêve de D’Alembert est un ensemble de trois dialogues philosophiques rédigés par Diderot en 1769 : « Entretien entre d’Alembert et Diderot », « le Rêve de d’Alembert » et « Suite de l’entretien entre d’Alembert et Diderot » Cette œuvre assez sulfureuse (même encore à notre époque) ne fut publiée qu’en 1830, après la mort de Diderot, ce dernier redoutant d’encourir une nouvelle incarcération. Dans cette œuvre Diderot substitue à Dieu la matière. Il réfute le dualisme de Descartes, (la matière et l’esprit), l’esprit, en tant que réalité distincte de la matière, n’existant pas. Il attribue à la matière deux qualités : la sensibilité et le mouvement. Même la pierre « sent ». Ce n’est pas parce que nous ne l’entendons pas crier quand nous la taillons qu’elle ne crie pas. Il existe une sensibilité inerte, ou passive (ou immobile), celle des minéraux, dont l’immobilité est assurée par des forces extérieures qui les contraignent (pression, réaction du plan qui les supporte, etc.), et une sensibilité active, celle des végétaux et des animaux qui disposent d’une faculté de mouvement propre. Il est possible de faire passer un corps de l’état de sensibilité inerte à l’état de sensibilité active. Ainsi la poudre de marbre (minéral) mêlée à de l’humus, va s’agréger au végétal qu’elle nourrit. Elle deviendra active en permettant au végétal de vivre. Tout être minéral ou vivant est formé de molécules et d’atomes qui, en s’agrégeant et en se fondant les uns dans les autres, forment des êtres complexes. Chaque molécule est dotée d’une sensibilité propre qui s’agrège à la sensibilité des autres molécules pour donner cette sensibilité manifeste que nous pouvons observer chez l’animal ou chez l’homme. Chaque espèce existante, y compris l’homme, ne cesse de se transformer et de donner naissance à de nouvelles espèces. Tel animal énorme était peut-être un vermisseau jadis et peut-être que le vermisseau deviendra un animal énorme. Le passage du minéral inerte au végétal actif est continu, progressif. Comment passe-t-on de l’être sentant à l’être pensant ? Tout être a conscience de ses sensations mais l’homme notamment (Diderot ne semble pas exclure l’animal, ni peut-être le minéral) a cette capacité d’organiser ses sensations dans une mémoire, dans une histoire, organisation à partir de laquelle surgit cette qualité émergente : la pensée. Le monde commence et finit sans cesse. Tout change, tout passe, seul le Tout reste. Le prodige c’est la vie c’est la sensibilité. « Vivant j’agis et je réagis en masse, mort j’agis et je réagis en molécules ». Avec toujours une singularité propre car pas une molécule n’est identique à une autre molécule (qui reste sensible et donc vivante). Naître, vivre, mourir, c’est changer de forme. Il existe dans notre tête un point où convergent toutes nos fibres nerveuses comme les fils d’une toile d’araignée convergent vers l’araignée. Toutes nos sensations sont conduites par ces fibres vers ce point qui a la capacité de réagir et d’agir comme l’araignée réagit et agit quand sa toile est impactée. Diderot aborde enfin la morale sexuelle. Il nie que la chasteté ou la continence puissent être des vertus. Toutes les pratiques sexuelles sont naturelles car tout ce qui est, est naturel. Ainsi il légitime « les actions solitaires » (la masturbation), l’homosexualité et les relations entre espèces animales différentes. Ce traité est considéré encore aujourd’hui comme un peu excessif. Pourtant il brise avec une audace étonnante toutes les conventions de l’époque, ouvrant la voie à la future théorie de l’évolution de Darwin, ouvrant la voie à la liberté sexuelle de notre époque. Les idées osées de Diderot provoquèrent une certaine méfiance non seulement à son époque mais aussi à l’époque de la Révolution. Il faudra attendre le dix-neuvième siècle pour que ses idées commencent à être acceptées et que les commentateurs le rangent dans le groupe des philosophes des Lumières. Il se distingue des autres philosophes de son époque en ce qu’il aborde peu la question politique ou sociale (sinon sous l’angle des mœurs). Sa philosophie n’est pas politique, elle est plutôt « ontologique » (étude de l’être, étude de ce qui « est ») ou encore morale. C’est une philosophie plus personnelle que sociale, une philosophie qui invite le lecteur à penser par soi-même en ouvrant grandes les portes de l’imagination créatrice. Paris, le 23 octobre 2021.
  19. La Philosophie des Lumières en France Lettre 5 Nous allons maintenant étudier une autre figure des Lumières en France : Denis Diderot. Denis Diderot naquit à Langres dans la Haute Marne (Est de la France) et mourut à Paris en 1784. Il excella dans les domaines littéraire et philosophique. Issu d’une famille catholique d’artisans aisés (le père était coutelier) ses parents voulurent l’aiguiller vers une carrière ecclésiastique. Il fit ses études au collège jésuite de Langres, puis il partit étudier la théologie à la Sorbonne à Paris. Mais en découvrant la capitale, ses théâtres, ses cafés, ses salons où foisonnaient tant d’idées nouvelles, il abandonna rapidement la voie religieuse. Il mena une vie de bohème avant de devenir traducteur d’ouvrages anglais. Sa compétence de traducteur le fit recruter dans un projet d’adaptation française de la Cyclopaedia d’Ephraim Chambers, éditeur et encyclopédiste anglais. Avec le mathématicien d’Alembert, il transforma cette adaptation en un projet faisant la recension de tous les savoirs de l’époque. Ce projet devint l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, ouvrage auquel participèrent tous les grands esprits du siècle. Parallèlement à ce travail d’encyclopédiste, Diderot composa des textes subversifs pour l’époque. En 1746 il publia anonymement les Pensées philosophiques, œuvre qui fait l’apologie des passions, contre tout ascétisme religieux et qui critique le dogmatisme religieux. On peut y lire notamment ceci : « Je vous dis qu’il n’y a point de Dieu ; que la création est une chimère ; que l’éternité du monde n’est pas plus incommode que l’éternité d’un esprit ; que, parce que je ne conçois pas comment le mouvement a pu engendrer cet univers, qu’il a si bien la vertu de conserver, il est ridicule de lever cette difficulté par l’existence supposée d’un être que je ne conçois pas davantage ; que, si les merveilles qui brillent dans l’ordre physique décèlent quelque intelligence, les désordres qui règnent dans l’ordre moral anéantissent toute Providence » La tonalité de cette œuvre entraîna sa condamnation et sa mise au feu par le Parlement. En 1749 il publia en son nom la Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient. Dans cette œuvre il s’appuie sur l’opération de la cataracte d’un aveugle de naissance qui recouvre la vue pour mettre en cause les « évidences » de ceux qui voient et qui prouvent l’existence de Dieu par le simple fait de voir la beauté de la nature. L’aveugle est pour Diderot l’image du penseur réduit au tâtonnement de l’expérience et aux hypothèses sans possible référence à l’émotion visuelle. Il commença à développer dans cet essai une pensée matérialiste et athée. Cette publication provoqua l’ire des autorités. Il fut arrêté et emprisonné pendant des mois au château de Vincennes. Traumatisé par son incarcération il renonça à publier de son vivant la plupart de ses écrits. Il conserva ainsi par devers lui, sous forme de manuscrits, l’essentiel de ses œuvres maîtresses : Le Rêve de d’Alembert, La Religieuse, Jacques le fataliste ou encore le Neveu de Rameau. À l’achèvement de l’Encyclopédie, il vendit sa bibliothèque en viager à l’impératrice russe Catherine II et il devint son courtier en tableaux. Il acheta pour elle de nombreuses œuvres aujourd’hui exposées au musée de l’Ermitage. Il entreprit à soixante ans un voyage jusqu’à Saint-Pétersbourg, son seul grand voyage et expérience de la vie de cour. Il se rêva conseiller influent de la tsarine mais le contact avec cette femme d’action fut rude et calma ses ambitions. La réflexion politique domina la dernière partie de sa vie avec une collaboration avec Raynal dans l’Histoire des deux Indes, dans lequel il prit partie contre l’esclavage. Dans la prochaine lettre j’analyserai l’exposé de sa pensée matérialiste telle quelle est développée dans le Rêve de d’Alembert. Paris le 20 octobre 2021
  20. La Philosophie des Lumières en France Lettre 4 (suite 2) Voltaire et le despotisme éclairé Le despotisme éclairé est une formule qui désigne un type de gouvernement dans lequel un souverain se comporte comme un maître absolu tout en pratiquant une politique inspirée par la philosophie des Lumières. Cette formule n’existait pas du temps de Voltaire. Elle fut pensée par les historiens allemands du XIX siècle qui désignèrent ainsi certains régimes absolutistes du XVIII siècle, notamment ceux de Frédéric II, le roi de Prusse et de Catherine II, la tsarine de Russie. Ces historiens idéalisèrent la philosophie des Lumières en la résumant sous ces cinq mots : individu, raison, nature, progrès, bonheur. Mais ces cinq idées-forces étaient elles vraiment présentes à l’esprit des philosophes français du XVIII siècle ? Il est peu probable qu’elles le fussent dans l’esprit de Voltaire. Ce que Voltaire mit en avant ce fut l’idée de liberté, d’abord la liberté de penser, ensuite la liberté d’agir selon sa pensée. S’il parla du bonheur c’est avant tout pour s’opposer au bonheur tel qu’il était conçu par les catholiques, un bonheur assujetti à l’observance d’une morale puritaine triste et pesante, marquée par l’idée de péché et par le sentiment de culpabilité. De ce joug Voltaire voulut se débarrasser. Il s’opposa au discours pessimisme de Pascal et il affirma dans sa manière de vivre que les plaisirs issus des sens étaient légitimes. S’il parla de la raison ce fut surtout pour recommander d’agir avec un esprit critique, dénué d’émotions et de tous préjugés. Le progrès il ne le voyait pas comme une idée philosophique mais comme la conséquence d’une pratique scientifique menée en toute liberté au sein de l’activité économique. Même si le machinisme n’en était qu’ à ses balbutiements en 1730 il était déjà notoire que la technique était un champ à investir quand il s’est agi par exemple de multiplier la production lainière et ses produits. La technique était elle-même associée à la science, conçue alors comme un moyen d’affiner la technique. Le progrès, donc, à l’origine, c’est d’abord le progrès technique. Voltaire était un homme d’action avant d’être un philosophe alors qu’aujourd’hui les philosophes sont devenus des penseurs qui commentent l’action des autres sans vraiment y participer. Ces philosophes-là idéalisent les comportements des hommes d’action comme Voltaire pour en extraire des idées-forces dont nul ne sait si vraiment elles étaient réellement pensées par ceux-là. Voltaire pensa le pouvoir comme influence exercée auprès des puissants de son siècle. Il voulut orienter et éclairer l’action des despotes de son temps. Il fut l’un des rares philosophes des Lumières qui s’intéressa à l’économie politique. Ses deux années passées en Angleterre, 1726-1728, l’inspirèrent . Dans la sixième lettre des Lettres philosophiques il écrivit, en parlant de la bourse de Londres : « là le juif, le mahométan et le chrétien travaillent l’un avec l’autre comme s’ils étaient de la même religion. » L’activité économique, ici financière, lui apparut d’abord comme une activité qui permettait de transcender les différences religieuses et culturelles. A l’époque de Voltaire la finance et l’activité commerciale n’étaient aucunement entachées de culpabilité. La révolution industrielle avec son mode de production spécifique (dont le développement du machinisme) dans laquelle la classe ouvrière fut d’abord exploitée à mort par les tenants du capital (les possesseurs des bâtiments, des machines et des capitaux financiers, possesseurs appelés : bourgeois) n’était pas encore enclenchée en 1730, ou si peu. L’opprobre jeté contre l’activité financière vint plus tard lorsqu’il devint patent que l’activité industrielle naissante contribuait à l’exploitation inhumaine des ouvriers. Du temps de Voltaire ce qui prédominait c’était le négoce notamment avec les colonies. Financiers et négociants furent les premiers bourgeois au sens donné à ce mot dans l’économie capitaliste (à l’origine le mot bourgeois désignait l’habitant d’un bourg ou d’une ville). Il écrivit encore, dans la dixième lettre : « le commerce qui a enrichi les citoyens en Angleterre a contribué à les rendre libres et cette liberté a étendu le commerce à son tour ». Ou encore : « je ne sais lequel est plus utile à un État, ou un seigneur bien poudré...qui se donne des airs de grandeur en jouant le rôle d’esclave dans l’antichambre d’un ministère, ou un négociant qui enrichit son pays...et contribue au bonheur du monde » Nous voyons que c’est toujours la recherche de la liberté qui guide Voltaire, une liberté essentiellement individuelle, ce qui contribua à mettre en valeur l’individu contre la collectivité. Mais la mise en valeur de l’individu, telle que l’analysent aujourd’hui les commentateurs du siècle des Lumières, fut une conséquence de la recherche de la liberté, ce ne fut pas un objectif idéologique. Nous voyons que l’idée de bonheur est liée ici à l’idée d’enrichissement. L’enrichissement conduit au bonheur, c’est-à-dire à la liberté d’user de son temps pour notamment jouir du présent. Nous sommes loin de l’idéologie du bonheur telle qu’elle fut pensée plus tard. Nous voyons enfin que Voltaire pense que l’enrichissement des négociants et des financiers contribue aussi à l’enrichissement de tous, puisque les riches dépensent et animent le commerce de détail national. Voltaire voulut s’introduire à la cour du roi Louis XV mais il n’ y réussit pas. Ses Lettres philosophiques heurtèrent les convictions religieuses catholiques du roi qui, voir lettre précédente, lança même une lettre de cachet contre lui. En revanche ses positions philosophiques intéressèrent d’autres despotes de son temps, surtout Frédéric II de Prusse. Les deux hommes entretinrent, à partir de 1736, une correspondance épistolaire qui dura 50 ans, Voltaire allant même vivre auprès du souverain à Potsdam près de Berlin pendant trois ans. Les relations entre les deux hommes furent passionnelles rythmées par des périodes d’amitié puis d’inimitié. Voltaire tint auprès du souverain un rôle de conseiller mais aussi de confident. Dans les faits il accompagna Frédéric dans sa volonté de réformer la gestion de son pays. Si le père du souverain avait surtout développé l’art militaire en mettant sur pied une armée redoutable, Frédéric s’était rendu compte que les armées ne suffisaient pas. Il fallait aussi développer l’économie du pays pour le rendre encore plus fort. Un tel développement impliquait de créer les conditions le permettant. Il fallait d’abord créer un sentiment de paix civile et de liberté qui favorisa les affaires, puis construire une nouvelle économie. C’est ainsi que Frédéric défendit la liberté religieuse, mais aussi les libertés individuelles en instituant un code civil qui délivra les sujets de l’arbitraire. Il libéra la mobilité intérieure en développant les communications. Il jeta les principes d’une économie forte en développant l’agriculture, l’activité financière, puis l’industrie. Voltaire fut en quelque sorte le transmetteur du libéralisme économique, qu’il avait observé en Angleterre, auprès de l’Empereur de Prusse. Le philosophe entretint aussi une correspondance épistolaire avec Catherine II mais la tsarine fut en définitive peu influencée. Il était difficile au demeurant d’influencer Catherine. Paris, le 17 septembre 2021
  21. La Philosophie des Lumières en France Lettre 4 (suite 1) Voltaire et la liberté d’expression Par prudence Voltaire publia ensuite clandestinement de courtes œuvres philosophiques qu’il désavouait aussitôt comme n’étant pas les siennes pour éviter l’embastillement. Il combattit surtout l’intolérance religieuse catholique, ennemie de la liberté individuelle de penser et d’agir. Son combat pour la tolérance est illustré par cette citation qu'on lui attribue à tort : « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ». Il apparaît qu’il n’écrivit jamais ce texte, mais certains critiques ont ainsi résumé son attachement à la liberté d’expression. S’il critiqua les religions il n’en devint pas pour autant athée. Il défendit le déisme, pensant qu’il existait une cause première à l’existence de l’univers. Il écrivit : « L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer Que cette horloge existe et n’ait point d’horloger » Ou encore : « Nous pouvons concevoir Dieu comme l’être nécessaire de qui tout émane ». En revanche il rejetait les récits religieux tout autant que l’incarnation de Dieu dans un homme (Jésus), récits qu’il tenait pour des billevesées. Candide Candide ou l’Optimisme est un conte philosophique paru à Genève en 1759. Voltaire y raconte les aventures, plutôt malheureuses, d’un jeune homme, Candide, « jeune garçon au jugement assez droit, esprit le plus souvent simple » en prise avec les aléas de la vie. Né dans une famille noble mais fils naturel par son père, ne pouvant donc se prévaloir d’une origine aristocratique pure, il est chassé quand il commence à faire la cour à une jeune fille bien née, Cunégonde. Jeté dans le monde Candide va de mal en mal. Il assiste aux horreurs de la guerre entre Bulgares et Abares, qui figure la guerre de Sept ans entre Prussiens et Français. Il s’enfuit en Hollande où il retrouve Pangloss, son précepteur, chassé à son tour de la famille noble pour avoir attrapé la petite vérole. Pangloss reste optimiste, il professe cette philosophie : tout va pour le mieux car ce monde est le meilleur des mondes possibles. Voltaire raille là la philosophie de Leibniz (1646-1716) un savant allemand ayant excellé dans tous les domaines de la pensée, et plus particulièrement en mathématiques (inventeur du calcul infinitésimal). Leibniz pose le principe « du meilleur » selon lequel Dieu agit toujours pour le meilleur. De ce fait le monde dans lequel nous vivons est le meilleur des mondes. Une telle attitude revient à justifier le mal en affirmant que tout mal engendre un bien. De Hollande Candide part pour Lisbonne, accompagné par Pangloss. La ville est frappée par un tremblement de terre qui fait 30 000 morts [il y eut effectivement un tremblement de terre meurtrier à Lisbonne en 1755] . Devant l’horreur de l’événement Pangloss continue de penser que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes car les choses étant ce qu’elles sont elles ne peuvent être autrement. Il est condamné par les Inquisiteurs qui estiment que sa philosophie nie le péché originel et la chute de l’homme (chassé de l’Eden). Le péché est le mal engendré par l’homme et l’homme doit se racheter pour le mal qu’il a commis. En outre Pangloss en affirmant que le mal est une cause nécessaire qui engendre le bien nie la liberté humaine de choisir entre le bien et le mal. Les Inquisiteurs organisent un autodafé public et y brûlent des pécheurs, dont Pangloss, responsables de ce tremblement de terre (punition de Dieu). A peine l’autodafé terminé la terre se met de nouveau à trembler. Horrifié Candide s’enfuit non sans dire « si c’est ici le meilleur des mondes, que sont donc les autres ». Dans sa fuite il retrouve Cunégonde dont la famille noble a été ruinée par la guerre. Elle a par surcroît été violée et poignardée. Ils voguent vers l’Amérique latine où Cunégonde devient de force la maîtresse d’un gouverneur de Buenos-Aires tandis que Candide avec un ami découvre l’Eldorado, un pays protégé de la civilisation, entouré de montagnes, ancienne patrie des Incas, au Pérou. Dans l’Eldorado tout va pour le mieux. Les habitants regorgent de richesses, il n’ y a pas de hiérarchie, juste un roi sympathique. Il n’y a pas de tribunaux car il n’ y a pas de délinquance. Les indigènes croient en Dieu mais ils ne lui demandent rien car ils ont tout. Il n’y a pas de prêtres non plus. Enfin il existe des locaux où sont répertoriés tous les savoirs mathématiques et physiques. Pourtant Candide ne veut pas rester dans ce pays parfait. D’abord Cunégonde n’y est pas mais aussi « ici nous serons comme les autres » tandis que si nous retournons dans le monde avec les pierres précieuses et l’or de l’Eldorado nous serons plus riches que les autres et nous ne craindrons personne. Il ajoute : « On aime tant à se faire valoir chez les siens, à faire parade » Candide rallie Surinam avec son ami où ils assistent au martyre d’un esclave noir, ce qui les révolte. Ils rencontrent un philosophe Martin, qui se dit manichéen, qualificatif d’un penseur qui estime que tout est bien ou que tout est mal. Martin pense que tout est mal. C’est l’anti-Pangloss. Martin dit : « Dieu a abandonné le monde à un être malfaisant. Partout les faibles ont en exécration les puissants devant lesquels ils rampent et les puissants les tiennent comme des troupeaux dont on vend la laine et la chair » Candide part à Venise avec Martin tout en demandant à son ami d’aller chercher Cunégonde à Buenos-Aires puis de les rejoindre. Tous se retrouvent à Venise sauf Cunégonde qui a été vendue comme esclave à Constantinople. Candide part sur une galère pour Constantinople et a la surprise de retrouver Pangloss qui est devenu un galérien. Bien que brûlé et disséqué il est revenu par miracle à la vie. Candide retrouve Cunégonde qui est devenu grosse et laide, puis avec Pangloss, Martin, Cunégonde et quelques amis il part en Transylvanie. Ils y trouvent un petit lopin de terre, une métairie où ils s’installent. Cunégonde devient acariâtre et insupportable, Pangloss est au désespoir de ne plus enseigner dans une université et Martin est toujours persuadé que le mal est partout. « Quel est le pire, être violé cent fois, fessé, pendu, disséqué ou bien rester ici à ne rien faire ? » Martin conclut que l’homme est né pour vivre dans les convulsions de l’inquiétude ou dans la léthargie de l’ennui. Candide s’aperçoit qu’il n’éprouve plus d’amour pour Cunégonde mais il l’épouse. Au voisinage de la métairie la petite troupe rencontre un vieillard qui les reçoit chez lui. L’homme affirme ne pas s’intéresser aux aléas politiques de son pays, la Turquie, et de se contenter de vendre à Constantinople les produits de son jardin qu’il cultive en famille. Il ajoute « j’ai 20 arpents, je les cultive avec mes enfants, le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin » Candide en déduit : « cultivons notre jardin », ce à quoi Martin répond : « travaillons sans raisonner, c’est le seul moyen de rendre la vie supportable » Chacun alors se met à exercer ses talents dans la petite métairie, « la terre rapporta beaucoup ». Pangloss de son côté en déduisit que s’ils n’avaient pas connu de multiples déboires ils n’auraient pas trouvé cette terre. Candide conclut : « mais il faut cultiver notre jardin ». Ce conte exprime un certain pessimisme chez Voltaire. Face au sens de la justice inné de Candide le monde apparaît hostile. Issu d’un monde aristocratique oisif et prétentieux il ne peut s’y maintenir en raison d’origines roturières. Jeté dans le monde il doit affronter toutes sortes d’horreurs ou de désillusions : la guerre, les catastrophes naturelles, l’intolérance de la religion (catholique), l’arbitraire des puissants (qui eux-mêmes connaissent souvent des fins cruelles), l’insécurité des conditions de vie (brigandages), l’extinction de l’amour et du désir, la rouerie des affairistes. Les philosophes ne sont pas sérieux basculant entre un optimisme ridicule ou un pessimisme désespérant. Pour Voltaire un monde s’écroule, celui des nobles et des clercs, un autre monde apparaît au sein duquel ne se dessine aucun sens. Même l’éventuelle perfection de ce monde ne le satisferait pas. Il ne voit pas de plaisir à vivre dans un Eldorado. Il voit l’égalité entre tous (être pareil à chacun) comme une source d’ennui. En définitive Voltaire se replie sur le travail, mais c’est faute de mieux, pour éviter l’ennui, le vice et le besoin. Il assume l’ impossibilité de trouver un sens aux choses plutôt que de choisir entre un optimisme béat ou un pessimisme déprimant. Il reste là immobile, ne sachant où aller, se repliant sur ce qu’il lui reste : le travail, la mise en valeur de ses qualités, de ses savoir-faire, seule manière de s’imposer s’il lui reste encore le désir de s’imposer. ( A suivre) Paris le 17 juillet 2021
  22. La Philosophie des Lumières en France Lettre 4 Après Montesquieu nous étudierons Voltaire, dont nous pouvons dire qu’il représenta les idées de la bourgeoisie, après que le premier eut développé les idées de la noblesse. Introduction François-Marie Arouet, 1694-1778, fils de notaire, était issu d'un milieu de moyenne bourgeoisie. Après de brillantes études chez les jésuites de Louis-le-Grand il choisit de devenir un homme de lettres plutôt que d’accéder à la noblesse de robe à laquelle le destinait son père en lui proposant de financer une charge au Parlement de Paris. Le jeune homme éprouvait un certain mépris pour la noblesse et pour le clergé catholique. En 1717 il publia des vers irrévérencieux pour les autorités ce qui lui valut d’être brièvement incarcéré à la Bastille. En 1718, par dédain pour ses origines qu’il considérait vulgaires il changea de nom et prit celui de Voltaire (dont nul ne connaît précisément l’origine). Puis, toujours en 1718, il se fit connaître en produisant une pièce de théâtre, Œdipe, qui rencontra un grand succès, pièce dans laquelle il adoptait un ton impertinent contre Louis XIV et les ecclésiastiques. Son insolence lui valut d’être bastonné publiquement par un noble avant d’être à nouveau embastillé. Il s’exila alors en Angleterre en 1726 où il découvrit la pratique d’une liberté religieuse et politique qui le séduisit. Revenu en France en 1728 il y fit fortune en se lançant dans les affaires, le commerce international et le commerce des armes. En 1734 il publia clandestinement les Lettres philosophiques. Nous allons analyser cette œuvre importante, considérée comme le manifeste des Lumières en France. Les lettres philosophiques. Après avoir considéré la diversité religieuse chrétienne en Angleterre, caractérisée par une grande liberté prise par rapport aux dogmes catholiques Voltaire fait l’éloge de la nation anglaise, seule nation sur terre à être parvenue à maîtriser le pouvoir des rois en leur résistant, et à établir un gouvernement sage où « le Prince, tout puissant pour faire le bien, a les mains liées pour faire le mal ». « La chambre des Pairs et celle des communes sont les arbitres de la nation, le Roi est le sur-arbitre ». Les nobles n’ont plus aucun droit seigneurial sur les paysans et ils doivent payer l’impôt. Voltaire vante la pratique du commerce qui enrichit les citoyens et contribue à les rendre libres, pratique qui permet en outre à l’Angleterre de se doter d’une flotte navale capable de régner en maître sur toutes les mers. Il promeut le rôle des négociants, artisans de l’enrichissement et de la liberté nationales alors que les nobles allemands et français passent leur temps à s’adonner à des activités inutiles de cour. Il cite les personnalités qui portèrent l’Angleterre : Bacon, Locke et Newton. Bacon sut mépriser la philosophie classique et son discours pompeux pour inventer la philosophie expérimentale. Locke à son tour sut utiliser la philosophie expérimentale appliquée par Bacon à la physique pour l’appliquer à la connaissance de l’homme. « Au lieu de définir tout d’un coup ce que nous ne connaissons pas, il examina par degrés ce que nous voulons connaître » en observant l’évolution de l’entendement depuis la naissance jusqu’à l’âge d’homme et en conclure que nos idées nous viennent des sens. Ainsi Locke ruine la philosophie de Descartes centrée sur les idées innées, idées dont l’âme est dotée avant d’être placée dans le corps par Dieu. La raison humaine est définie comme étant la faculté de sentir, d’apercevoir et de penser. Les animaux eux-mêmes possèdent la faculté de sentir et d’apercevoir, ce ne sont pas des machines, ils ont des sentiments. Newton à son tour ruine la physique de Descartes. La théorie de l’attraction universelle l’emporte aisément sur la théorie des tourbillons « imaginaires » de Descartes et c’est bien la physique de Newton qui s’impose (bien qu’en optique Descartes tout de même est aussi un précurseur). Voltaire explique le succès de Newton par sa chance d’être né dans un pays libre « où les impertinences scolastiques étant bannies, la raison seule est cultivée » c’est-à-dire un pays où il est possible de penser sans en référer sans cesse aux disputes religieuses dogmatiques. Enfin Voltaire critique la philosophie de Pascal qui souligne l’aspect misérable et malheureux de l’homme qui comble son vide intérieur par le divertissement. Il lui oppose sa foi optimiste en l’homme. L’ouvrage connut un grand succès en France mais aussi en Europe mais il fut perçu à Paris comme une attaque contre le gouvernement, la noblesse et la religion catholique (pour cette dernière affirmer que les idées viennent des sens fut considéré comme un déni de l’existence de l’âme). Le livre fut condamné par le Parlement et brûlé en place publique. Une lettre de cachet fut lancée contre Voltaire. Ce dernier écrivit alors une lettre de désaveu où il protesta de « sa soumission entière à la religion de ses pères ». Il fut laissé en liberté, toujours exposé à l’embastillement car la lettre de cachet ne fut pas révoquée. (A suivre) Paris le 11 juillet 2021
  23. La Philosophie des Lumières en France Lettre 3 La philosophie des Lumières en France s’exprima sous le règne de Louis XV. La mort de Louis XIV, en 1715, libéra l’expression des idées nouvelles nées sous son règne mais étouffées par l’absolutisme royal et l’autorité ecclésiastique restée assujettie à Rome. Le premier réflexe des classes dominantes libérées par la mort du despote fut de verser dans le libertinage ou encore dans la spéculation financière pendant la Régence. Ensuite apparurent les critiques contre le régime et les propositions de réformes sociales et politiques. Le premier philosophe marquant des Lumières fut Montesquieu. Charles de Secondat de Montesquieu, 1689-1755, issu de la noblesse de robe, siégea au Parlement de Bordeaux dont il devint le président. A côté de sa charge de parlementaire il s’intéressa aux sciences et aux cultures spécifiques des pays européens en voyageant notamment en Hongrie, en Italie, en Hollande et en Angleterre. Ce pays l’inspira sur le plan philosophique avec Locke et sur le plan politique avec l’installation de la monarchie constitutionnelle de la Sublime Révolution de 1688 (voir lettre 2 sur les Lumières). Il écrivit trois ouvrages réputés, Lettres persanes en 1721, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence en 1734 et De l’Esprit des lois en 1748. Nous choisissons d’analyser une partie de son œuvre majeure, De l’Esprit des lois. Les lois sont « les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ». C’est la condition nécessaire pour que le monde, une fois créé, subsiste et ne s’effondre pas sur lui-même. Ces lois s’appliquent aux choses et aux hommes. Les lois de la nature précèdent les lois politiques. Dans l’état de nature, thème initié par Hobbes puis par Locke, repris par la plupart des philosophes français des Lumières, « chacun se sent inférieur à chacun » et redoute la compagnie des autres hommes. Ainsi l’état de nature est un état de paix. Dans cet état quatre lois naturelles caractérisent l’homme : l’idée de Dieu, la nécessité de se nourrir, le désir de se reproduire et le désir de vivre en société malgré tout. Dès que l’homme entre en société, l’état de guerre commence. Trois sortes de lois apparaissent, celles qui régissent les relations entre les peuples, entre les gouvernants et les gouvernés (droit politique), entre les citoyens eux-mêmes ( droit civil). Montesquieu s’intéresse au droit politique et s’interroge quant au gouvernement le mieux adapté à la nature de l’homme. Il pose cette idée que chaque peuple a ses caractéristiques. Il n’ y a donc pas une nature d’ homme universelle mais une nature de l’homme caractérisée par la nature du peuple dans lequel il vit. L’esprit général d’un peuple est la résultante d’une multitude d’éléments : « le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les mœurs, les manières... ». L’un de ces éléments va prédominer chez un peuple et un autre chez un autre peuple. Exemple : «la nature et le climat dominent presque seuls sur les sauvages, les manières gouvernent les Chinois, les lois tyrannisent le Japon ». Les lois ne doivent pas aller à l’encontre de l’esprit d’une nation. Dans une nation frivole, par exemple il ne faut pas faire de lois contre le luxe. « Lorsqu’on veut changer les mœurs, il ne faut pas les changer par les lois : cela paraîtrait trop tyrannique ; il vaut mieux les changer par d’autres mœurs.» La diversité des peuples entraîne une diversité des lois, et par conséquent des régimes politiques différents. Il écrit : « les lois doivent être propres au peuple pour lequel elles sont faites, et c’est un très grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir à une autre ». L’esprit propre à chaque peuple détermine l’esprit de ses lois. Montesquieu distingue trois types de gouvernements : le républicain, le monarchique et le despotique. Le républicain a deux modalités qui sont : 1) La démocratie où le peuple tout entier exerce la souveraineté (cités de la Grèce antique). 2) L’aristocratie où la puissance souveraine appartient à une partie du peuple : les aristocrates (république de Venise ou de Gênes). Il n’ y a pas de monarque, même si le doge est élu à vie à Venise, en ce sens qu’il n’ y a pas hérédité de la charge du commandement suprême. Cette charge est élective et soumise au contrôle des aristocrates. Les aristocrates sont définis comme les « meilleurs », nous dirions aujourd’hui les élites. Il y a donc une différence subtile entre les aristocrates et les nobles ces derniers devant leur qualité de noble à l’hérédité. Le monarchique est « celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes » (des lois non arbitraires).Le monarque ne dispose pas de la toute puissance, qui est limitée et qui dépend des pouvoirs intermédiaires exercés par la noblesse, les magistrats et le clergé. Le despotique est « celui où un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et ses caprices ». (L’empire ottoman mais aussi l’absolutisme royal en France). Montesquieu étudie le principe de chaque gouvernement c’est-à-dire les passions humaines qui le font mouvoir. Dans une démocratie le peuple établit des lois auxquelles il doit se soumettre. Aussi le principe d’un tel gouvernement est : la vertu, définie comme l’amour de la patrie et l’amour de l’égalité. Seule cette vertu peut conduire les citoyens à choisir l’intérêt général contre les intérêts particuliers. Le principe de l’aristocratie est semblable, parce que les aristocrates décident de lois qui les affectent eux-mêmes. Ils doivent eux aussi être vertueux, mais en proportion moindre, ce que Montesquieu appelle modération. La modération est donc le principe d’une aristocratie. La vertu n’est pas le principe des monarchies, puisque le monarque décrète des lois auxquels il n’est pas soumis. Dans une monarchie le principe de gouvernement est l’honneur et la recherche des honneurs, l’attrait pour la reconnaissance sociale. Dans ce cadre l’hérédité de la noblesse est un honneur. Dans le régime despotique le principe de gouvernement est la crainte. Montesquieu examine les lois de l’éducation qui découlent de la nature du régime. Dans les monarchies, l’éducation se fait non pas à l’école, mais dans le « monde », dans les salons où se presse le « beau monde ». On y apprend l’honneur. « On n’y juge pas les actions des hommes comme bonnes, mais comme belles ; non comme justes, mais comme grandes ; non comme raisonnables, mais comme extraordinaires. » Dans un régime despotique, il n’y a pas d’éducation car le savoir est dangereux : « l’extrême obéissance suppose de l’ignorance dans celui qui obéit ; elle en suppose même dans celui qui commande : il n’a point à délibérer, à douter, ni à raisonner ; il n’a qu’à vouloir. » Dans le gouvernement républicain l’éducation des citoyens est essentielle. Celle-ci vise à donner au citoyen l’amour du gouvernement et de la vertu. Chaque type de gouvernement peut se corrompre et sombrer dans le despotisme. La démocratie se corrompt lorsqu’on y perd l’esprit d’égalité pour tomber dans ces deux extrêmes : l’esprit d’inégalité qui conduit à une aristocratie puis au pouvoir d’un seul et l’esprit d’extrême égalité qui conduit lui aussi au despotisme. En effet dans l’esprit d’extrême égalité plus personne ne respecte personne ni aucune autorité. Il s’ensuit une anarchie, génératrice d’un tel sentiment d’insécurité que seul un despote peut rétablir l’ordre. L’aristocratie se corrompt lorsque les nobles n’observent plus les lois. Une monarchie se corrompt lorsque le monarque veut gouverner seul et qu’il supprime les corps intermédiaires. Sous le despotisme il n y a plus de lois stables mais des lois déterminées par le caprice du despote. Or c’est la loi qui détermine les libertés. Le philosophe écrit : « la liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent » Le despotisme se caractérisant par des lois arbitraires il ne détermine plus de cadre stable pour l’exercice de la liberté. Comme le despotisme se caractérise par la réunion en un seul homme de la puissance législatrice et de la puissance exécutrice, pour l’éviter, il ne faut donc pas qu’une seule et même personne ait les trois types de pouvoir : législatif, exécutif et judiciaire. Il faut une séparation des pouvoirs. « Le pouvoir arrête le pouvoir » C’est là une loi fondamentale de tout gouvernement, loi qui a la liberté pour objet. Les trois pouvoirs sont exercés par le Parlement (pouvoir législatif) le Chef d’État (pouvoir exécutif) et les juridictions (pouvoir judiciaire). Les pouvoirs doivent être égaux. Montesquieu estime que la taille du territoire détermine le choix du gouvernement. Seule une république peut subsister dans une cité. Un état monarchique doit être de taille moyenne, tandis que les despotismes s’étendent sur des territoires démesurés. De ce fait, agrandir ou diminuer la taille d’un pays peut provoquer un changement de son régime politique. Il considère impossible la mise en place d’une république dans les sociétés occidentales de son époque car son principe est la vertu; or la vertu n’existe pas dans la société contemporaine en raison notamment du développement du commerce qui favorise l’égoïsme et l’enrichissement qui favorise la recherche du bonheur personnel. Comme Montesquieu considère en outre que la liberté ne passe pas par la participation au pouvoir, mais par la liberté de se mettre à l’abri du pouvoir et de se retirer dans sa sphère privée, il s’appuie sur ces considérations pour écarter la bourgeoisie comme composante nécessaire de l’exercice du pouvoir. Il en revient en définitive à défendre en France une monarchie tempérée par la séparation des pouvoirs et par le recours à des corps intermédiaires entre le roi et le peuple : la noblesse et le clergé. Montesquieu va considérablement influencer le monde occidental. La constitution américaine de 1788 et le constitution française de 1791 rependront le principe de la séparation des pouvoirs. Catherine II sera enthousiasmé par Montesquieu. Elle écrivit à d’Alembert (un philosophe français des Lumières) : « pour l'utilité de mon empire, j'ai pillé le président de Montesquieu sans le nommer. J'espère que si, de l'autre monde, il me voit travailler, il me pardonnera ce plagiat, pour le bien de vingt millions d'hommes. Il aimait trop l'humanité pour s'en formaliser. Son livre est mon bréviaire ». L'impératrice reprit de lui le principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire Mais cet enthousiasme ne dépassa pas les premières années de son règne. Elle instaura bientôt un régime absolutiste. Montesquieu aurait justifié le despotisme de Catherine II en le déclarant adapté à un pays aussi grand que la Russie, à son climat, à ses mœurs ou a sa religion. Montesquieu est un penseur atypique en Europe occidentale continentale. Alors que la philosophie française et allemande partent toujours de l’Idée, de l’idéal propre aux notions philosophiques, Montesquieu, tout comme les philosophes anglais, part de l’observation, de la réalité. Là où le philosophe français ou allemand parleront de la liberté en ce qu’elle doit être idéalement, Montesquieu comme Locke en parleront en tant qu’elle est observée dans les faits et non en tant qu’elle est idéalisée. Paris, le 29 juin 2021
  24. La Philosophie des Lumières en France Lettre 2 En Angleterre, en 1603, à la mort d’Élisabeth, la dernière de la dynastie des Tudors, un Stuart, Jacques 1er , devint roi d’Angleterre (ainsi que roi d’Irlande et d’Écosse, ces deux royaumes gardant leurs propres institutions). Il régna de 1603 à 1625 et commença à entretenir avec le Parlement anglais une relation conflictuelle engendrée par son attitude autocratique. La situation s’aggrava avec son successeur, son fils Charles 1er , qui régna de 1625 à 1649 et qui refusa tout pouvoir d’intervention au Parlement pendant la majeure partie de son règne. Or, depuis le Moyen-Age, l’exercice du pouvoir en Angleterre reposait sur la concertation. Face au roi existait un Parlement composé de deux chambres, la Chambre des Lords et des ecclésiastiques et la Chambre des Communes formée de représentants des Comtés, petits propriétaires terriens, marchands, hommes de lois. Le Parlement participait à l'exercice du pouvoir législatif. Face au pouvoir parlementaire le roi pouvait opposer la Prérogative royale c’est-à-dire le pouvoir de décider en dernier lieu, sans être contesté. Mais la tradition était de parvenir à un accord partagé. Par ailleurs il y avait en Angleterre une grande diversité de religions, conséquence de la rupture de Henri VIII avec le pape en 1534. Les Anglais se donnèrent leur propre religion : l’anglicanisme qui se distingua du catholicisme non sur le fond (les dogmes) mais sur l’affranchissement de l’autorité du pape. Cette autorité fut remplacée par celle de l’archevêque de Canterbury (en Écosse prédomina le protestantisme avec les presbytériens et en Irlande le catholicisme continua de s’imposer). Face à l’anglicanisme de petites communautés religieuses prirent forme : les puritains et les indépendants notamment qui donnèrent plus tard naissance aux Quakers ou encore aux Pères pèlerins. Ces derniers, « Pilgrim fathers », en 1620, animés par leur propre compréhension, épurée de tout dogme, de la Bible, cinglèrent à bord du Mayflower vers l’Amérique pour y fonder une nouvelle Jérusalem. Ainsi naquit l’État du Massachusetts. Plus tard, à la fin du XVII siècle, les Quakers, animés par le mythe puissant de la recherche de la Terre promise, fondèrent l’État de Pennsylvanie. Ces petites communautés tendaient toutes à l’autonomie face aux politiques mais aussi face aux autorités religieuses. Elles se voulaient autonomes, indépendantes, choisissant leurs propres dogmes et leurs propres prêtres ou pasteurs. Elles inaugurèrent ainsi une forme moderne de démocratie. L’absolutisme de Charles 1er percuta de plein fouet la tradition anglaise de partage du pouvoir avec le Parlement, mais aussi il contrevint à la diversité religieuse du pays quand il voulut imposer à tous les dogmes de l’anglicanisme. Ainsi commencèrent les Guerres des trois Royaumes où s’opposèrent d’un côté les Lords et ecclésiastiques anglicans d’Angleterre alliés aux catholiques irlandais tolérés par Charles 1er , de l’autre côté la Chambre des Communes, les Écossais presbytériens et les minorités religieuses anglaises. Ces guerres civiles se terminèrent par la prise du pouvoir par un officier roturier, un indépendant, Cromwell, lequel imposa une dictature, fit décapiter le roi et soumit le Parlement désormais appelé Parlement croupion. Cette dictature dura de 1649 à 1658 puis à la mort de Cromwell, les Stuarts revinrent au pouvoir avec l’agrément du Parlement. Mais à nouveau les rois Charles II puis son frère Jacques II affichèrent des tendances absolutistes copiées sur la monarchie de droit divin instaurée par Louis XIV en France. Deux partis se constituèrent : les tories composés de nobles, qui mirent la personne du roi au-dessus de tout et les whigs, composés de bourgeois, qui se posèrent en défenseurs du Parlement. En 1679 les whigs réussirent à faire adopter par le Parlement et à imposer au roi le bill de l’habeas corpus qui interdit toute arrestation arbitraire, limitant ainsi le pouvoir du régnant. Quand Jacques II voulut restaurer le catholicisme tout en continuant de lutter contre les droits du Parlement les whigs firent appel à l’époux de la fille aînée de Jacques, Guillaume d’Orange-Nassau, protestant, stathouder des Provinces-Unies (chef militaire et chef de la diplomatie ). Le 5 novembre 1688 Guillaume débarqua en Angleterre, marcha sur Londres avec son armée et chassa Jacques II qui dut s’exiler en France. Cet événement fut appelé la Glorieuse Révolution de 1688 car elle engendra une nouvelle forme de pouvoir en Angleterre. Le Parlement, réuni en 1689, constata le départ de Jacques II et affirma son droit de choisir le Roi qu’il voulait, en l’occurrence Guillaume d’Orange qui prit le nom de Guillaume III. Mais le nouveau roi dut signer un pacte avec le Parlement en acceptant la Déclaration des Droits anglais du 13 févier 1689 : le Bill of rights. Cette Déclaration limita définitivement la Prérogative royale, affirma les pouvoirs législatifs du Parlement et définit les libertés fondamentales. Son caractère révolutionnaire en Europe fut de limiter définitivement le pouvoir royal au profit du pouvoir législatif exercé par le Parlement. Ainsi fut instaurée, entre les acteurs politiques, une séparation concertée et convenue des pouvoirs. Cette séparation des pouvoirs fut pensée puis théorisée par John Locke, philosophe anglais qui vécut de 1632 à 1704. Elle fut pensée comme contrat passé entre le Prince et le Parlement ainsi que le soulignait le Bill of rights, écrit sous l’influence de Locke lui-même alors conseiller du prince d’Orange. Puis elle fut théorisée dans son livre paru en 1690 "Essai sur le gouvernement civil". Dans cette conception du pouvoir, les hommes abandonnent une partie de leurs libertés dans le contrat qui fonde la société et le roi doit respecter les libertés "naturelles" et le droit de propriété. La violation de ces droits par le roi autorise ses sujets à ne pas lui obéir. Il existe selon Locke trois pouvoirs : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir fédératif qui est celui de conduire les relations internationales. Locke estimait qu'il ne devait pas y avoir une séparation absolue des pouvoirs exécutif et législatif afin d'éviter le désordre si les deux pouvoirs allaient dans des sens opposés. Il fallait selon lui établir une hiérarchie entre eux, dominée par le pouvoir législatif qui devait être le "pouvoir suprême". Pour comprendre la notion de libertés « naturelles » il faut partir des fondements de la pensée du philosophe. Locke décrit d’abord l’état de nature, état dans lequel les hommes se trouvent en tant qu’hommes et non en tant que membres d’une communauté. Dans cet état les hommes sont libres mais ils doivent respecter des devoirs imposés non pas par la loi commune puisqu’il n y a pas encore de communauté mais par Dieu, ces devoirs étant : conserver sa propre vie, respecter la vie et les biens d’autrui, mener une vie paisible, respecter la parole donnée. Ces lois divines sont des lois naturelles et la liberté naturelle est maîtrisée par le respect dû à ces lois au demeurant favorables aux hommes car conforme à leur nature et à leurs intérêts. Pour comprendre la notion de propriété il faut partir des droits naturels accordés par la nature (ou par Dieu, Dieu et nature étant parfois tenus pour équivalents par Locke) pour remplir les devoirs naturels. Ces droits naturels sont le droit à la vie et à fonder une famille, le droit à la liberté, le droit à la propriété de ses biens et à l'échange. Les hommes deviennent propriétaires de leurs biens par le travail, c’est donc le travail et le produit de ce travail qui légitime l’appropriation privée des biens (Locke justifie ainsi l’appropriation des terres indiennes en Amérique par les colons car ces derniers travaillent la terre tandis que les Indiens non). Adossés à ces devoirs et à ces droits naturels les hommes entrent en relations d’échanges de biens et de services, et dans ce cadre économique, ils acquièrent de nouvelles libertés consacrées par le vote de lois, toujours dans le respect des droits et devoirs naturels. Le pouvoir exécutif, à l’époque celui du roi, doit faire respecter les lois naturelles et votées. Il est assujetti au pouvoir législatif, lequel pilote le devenir de la communauté avec le consentement de tous. Cette vision de l’exercice du pouvoir est en soi unique au monde. Elle appartient en propre à l’Angleterre. Elle était déjà à l’œuvre avant même la Sublime Révolution dans la formation des communautés religieuses anglaises, toutes construites sur l’autonomie, le rejet de toute autorité extérieure et l’élection des chefs. La Sublime Révolution de 1688 et les idées de Locke influencèrent les philosophes français des Lumières. Les Français « mathématisèrent » les idées anglaises en créant des systèmes de pensée théoriques tandis que les Anglais approfondirent la voie de l’inspiration et du pragmatisme. Les Français opposèrent raison et foi alors que les Anglais tinrent raison et foi (ou inspiration pour eux) comme équivalents, comme deux méthodes certes différentes de construire sa pensée et son action, mais deux méthodes tournées vers le même but : la liberté. Liberté de penser, liberté religieuse, liberté d’entreprendre, etc. Ce qui engendra plus tard le concept : libéralisme (toujours maîtrisé par les devoirs naturels). En introduisant le principe d’égalité face à la liberté les Français construisirent un autre système de pensée que celui des Anglais. Paris le 15 juin 2021
  25. La Philosophie des Lumières en France Lettre 1 Quand nous parlons du siècle des Lumières nous entendons : la philosophie des Lumières, celle du XVIII siècle, le siècle, en France, de Louis XV. Philosophie. Nous nous attendons quand nous entendons ce mot à entendre dérouler un discours sur le monde, que ce monde soit celui qui tombe sous nos sens, appelé alors monde extérieur, ou celui qui tombe sous nos ressentis, appelé alors monde intérieur, ce discours impliquant une séparation entre le sujet qui tient ce discours et le monde. Il existe une autre philosophie, qui ne se développe plus à partir de cette séparation entre le sujet et le monde, mais qui se développe à partir de l’immersion du sujet dans la communauté des hommes et des femmes. Cette immersion engendre la philosophie dite politique, par laquelle le sujet se donne pour projet de transformer la communauté à partir d’options, d’hypothèses, d’impulsions, qui lui sont propres. Cette philosophie politique est une philosophie de l’action politique. Telle fut l’ambition des philosophes des Lumières en France. Ambition qu’ils appuyèrent sur ce que nous appelons les Lumières, une métaphore pour désigner la Raison. Voici ce qu’écrivait Albert Soboul, dans « la France à la veille de la révolution », en 1961 : « Le XVIII siècle voit le triomphe du rationalisme qui désormais ne tient aucun domaine hors de ses prises. La raison rejette toute métaphysique...La raison juge, compare, s’efforce de discerner la vérité de l’erreur. Au lieu de partir de principes a priori, elle observe, elle analyse, s’attache au réel. Puis comparant les divers éléments qu’elle a distingués, elle s’efforce de découvrir leurs liens et d’établir des lois. La raison se fonde sur l’expérience. La raison rejette l’autorité : elle est son contraire ; elle rejette la tradition. La raison présente un caractère universel, elle est identique chez tous les hommes : « la raison est à l’égard du philosophe ce que la grâce [de Dieu] est à l’égard du chrétien », cette dernière citation étant extraite de l’article « Philosophe » de l’Encyclopédie.[Quand Soboul écrit : la raison juge, il faut comprendre là ce que Kant entendait sous le mot juger. Penser c’est juger, juger c’est penser écrit-il dans la Critique de la raison pure. Penser ou juger c’est l’acte de relier un concept à un autre. Moscou est la capitale de la Russie est un jugement car nous associons à Moscou la propriété de : « capitale ». Un tel jugement est considéré comme un fondement de la connaissance]. Notes : Albert Soboul, 1914-1982, est un historien français, spécialiste de la Révolution française et de Napoléon. Kant est un philosophe allemand du 18ème siècle (1724-1804), penseur des Lumières allemandes connu principalement pour son ouvrage « la Critique de la Raison pure ». L’Encyclopédie est un ouvrage majeur du XVIII ème siècle, symbole de l’œuvre des Lumières, édité entre 1751 et 1772, en France, sous la direction de Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert. Si nous prenons du recul par rapport à la déclaration de Soboul nous voyons que l’historien décrit dans son texte la méthode scientifique utilisée dans le cadre des sciences exactes. Observations, identifications, séparations d’éléments regroupés ensuite dans des ensembles construits à partir de propriétés communes, observations des relations entretenues entre ces ensembles, identification de relations permanentes appelées lois, etc. c’est le chemin suivi par les physiciens. Les mathématiciens ajoutent à tout cela leur puissance d’esprit concepteur qui consiste à penser des modèles, à les construire en respectant une logique d’airain, modèles qui relient entre elles les observations et les mesures réalisées par les physiciens avant de projeter ces modèles dans le réel observé et de permettre la prédiction. Grace aux modèles des mathématiciens il est en effet possible de prévoir le comportement à venir des phénomènes naturels observés. Cette profession de foi des philosophes des Lumières dans la raison trouve sa source dans la révolution scientifique des XVI et XVII siècles avec les travaux de Copernic ( 1473-1543), de Kepler (1571-1630), de Galilée (1564-1642) de Newton (1642-1727) ou encore de Descartes (1596-1650). Ces scientifiques, outre qu’ils firent voler en éclats les anciennes représentations du monde, permirent des innovations techniques qui firent sensation car elles permirent de surmonter quantité d’empêchements physiques qui entravaient jusque-là, par exemple, les voyages intercontinentaux sur mer, comme elles permirent aussi de dynamiser la production manufacturière et d’améliorer les performances de l’armement. Grace à la science, à l’exercice de la raison propre à la science et à ses applications techniques, il fut possible de commencer à penser que l’homme pourrait un jour se libérer de quantité de contraintes qui lui étaient jusque-là opposées par la matérialité des choses. Les philosophes des Lumières pensèrent que l’instrument des scientifiques, la raison, pouvait être aussi utilisé pour transformer le monde politique. De plus en plus de personnes souffraient d’empêchements et de contraintes exercées notamment par l’absolutisme royal. L’expérience de la conquête progressive de la liberté d’action dans le monde inanimé grâce à la méthode scientifique inspira le désir de conquérir une même liberté d’action dans le monde politique en employant les mêmes méthodes. Le grand principe importé des sciences exactes fut le principe d’égalité. L’égalité est une relation d’équivalence, en mathématiques, reine et omniprésente. Le signe égalité articule tous les raisonnements, sans exception, des sciences exactes, qui fondent à leur tour la conquête de la liberté dans le monde matériel. L’égalité fut ainsi perçue comme un gage de liberté. L’égalité posée comme un universel permettait à tous ceux qui pensaient subir inégalités ou injustices d’en revendiquer la suppression au nom de cet universel. Liberté et égalité sont deux principes qui rentrent dans un rapport dialectique créatif, réformateur ou révolutionnaire. Ce sont ces deux principes qui éclairent le siècle des Lumières. Ce sont encore eux que l’on retrouve cités dans l’article premier de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Ces principes de liberté et d’égalité s’affirmèrent en Angleterre au XVII siècle. C’est de ce pays dont nous allons maintenant parler pour introduire le siècle des Lumières. Paris, le 5 juin 2021
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