Aller au contenu

Dompteur de mots

Membre
  • Compteur de contenus

    1 842
  • Inscription

  • Dernière visite

Tout ce qui a été posté par Dompteur de mots

  1. Toute l'éthique moderne envers les personnes handicapées repose sur l'idée que la nature les a défavorisés sur certains aspects et qu'il en va de la bonne hygiène des rapports sociaux de les aider à pallier à leurs difficultés. Les normes en vigueur ne visent qu'à établir une frontière stricte quant à l'octroi des privilèges. Quant au raisonnement sur les nains, il omet le fait que l'idée de handicap est précisément fondée sur la teneur même des conditions de vie. Il est évident que si les conditions de vie étaient différentes, les handicaps ne seraient plus les mêmes. Si le monde était différent, les choses seraient certes différentes. Mais le monde étant ce qu'il est, les choses sont aussi ce qu'elles sont.
  2. Je vais dire ce que j’entends d’une autre façon : c’est que la sélection naturelle est consubstantielle à la vie, en ce sens que la vie suppose nécessairement qu’il y ait un milieu dans lequel elle ait pu émerger, que ce milieu ait des conditions changeantes, et que la vie ait des formes diverses et antagonistes – bref, la vie suppose nécessairement l’existence de la sélection. Ou plutôt, la vie suppose l’évolution, et la sélection n’en est que le mode. En conséquence, la sélection ne s’analyse pas comme s’analyse le phénomène par lequel on observe qu’un morceau de sucre ajouté dans une boisson la rend sucrée. Dans le cas du morceau de sucre, il est possible de ramener le phénomène au schéma causal parce qu’il est possible de le délimiter dans le temps et dans l’espace. Mais il n’est pas possible de délimiter la sélection naturelle de la sorte. Ou sinon, il faut isoler un cas précis d’évolution, comme par exemple l’évolution du singe jusqu’à l’homo sapiens. Là on pourra délimiter un début, une fin et chercher des causes matérielles. Le durcissement des conditions de vie n’explique pas l’émergence de la sélection : il en explique seulement l’accélération. C’est-à-dire que le changement de mot sera approprié s’il y a effectivement changement de régime de la chose en question, lorsqu’elle se déploie dans la culture humaine. Or, si les modalités changent effectivement, tout comme elles changent lorsque l’on passe du règne végétal au règne animal, le régime de base de la sélection naturelle lui, il ne change pas; sa prémisse demeure la même : le plus adapté prévaut. L’homme ne contrarie pas l’évolution naturelle des choses : il fait partie de l’évolution naturelle des choses. Si la prévalence du handicap augmente, c’est que ce handicap peut être considéré comme moins défavorisant au regard de l’évolution naturelle; autrement dit que les conditions de vie actuelle n’en font plus un critère aussi important. L’homme contrarie seulement les conditions de vie, et donc les critères qui règlent la sélection naturelle, mais le régime global de celle-ci ne change pas. Voyez-vous la distinction que j’essaie de poser ? On ne peut « accorder » une responsabilité. On ne peut que la susciter en informant et en discourant. On peut par contre instaurer des limites aux actes possibles pour assurer la bonne hygiène des rapports sociaux. Soit dit entre nous, appeler « responsabilité » ce qui lie les actes d’untel aux limites sociales n’est qu’un moyen hypocrite de légitimer la contrainte qu’exerce l’autorité sociale sur cet untel.
  3. Votre discours biffe toute la nature simple de la pensée. Le cadre informationnel jongle avec des éléments discontinus qui répondent d’une logique d’identité et de la différence (o et 1) stricte. Mais la pensée est un élément simple, continu, dont les faits ne sont qu’une partie – une partie d’ailleurs tardivement articulée dans l’histoire des idées. La parole exprime donc, en plus des faits, des intentionnalités, des états affectifs, l’ambiguïté même, bref, tout ce qui fait le sel de la pensée et de la vie. La destination d’un discours n’est pas forcément, comme dans le cadre informationnel, d’obtenir un résultat strict, de restituer un sens précis, mais ce peut être simplement d’ouvrir un espace communicatif, un espace conceptuel, d’expérimenter, d’avoir du plaisir – et c’est souvent, sinon toujours le cas en philosophie. Le philosophe part d’une intuition, qui est un élan simple de la pensée et la fragmente dans l’univers de successivité du langage. Les règles de logique et le sens strict du lexique sont des aspects importants du discours en ce qu’ils assurent une certaine cohérence de l’ensemble et qu’ils éliminent certains problèmes interprétatifs, mais le sens de la chose est en fait par-delà les mots; il est indicible.
  4. Non. Je veux savoir ce que vous entendez par là.
  5. Qu'est-ce qu'une vision "poétique" de la philo ? Si je résume, pour vous, un bon philosophe est un philosophe qui ne recherche pas la vérité mais qui sait la reconnaître, en faisant preuve de modestie, de largesse d'esprit, d'honnêteté, de doute, de réflexion, etc., et qui sait que tout prend sa source dans la matière, qui fait donc preuve de réalisme, puis qui travaille à se fonder une éthique de vie ?
  6. C’est là où nous différons : vous affirmez que la compétition entre les êtres découle d’un instinct de survie, alors que j’affirme qu’elle est un pur vouloir-vivre. Autrement dit, qu’il y a une avidité fondatrice qui habite les êtres – une avidité de vivre, si vous voulez. Ainsi, que les conditions soient dures ou non, il y a tout de même une compétition entre les êtres et donc une sélection naturelle. Elle peut être dite « naturelle » dans la mesure où son essence ne change pas le moins du monde. Maintenant, si cela vous fait plaisir de la dire « culturelle » dans la mesure où son domaine application passe de la nature sauvage à la nature civilisée, alors soit ! Certes, mais ce n’est pas ce que j’appelle une « incidence substantielle » sur le cours de l’évolution, d’autant plus que les personnes handicapées sont assurément moins susceptibles de se reproduire, défavorisées qu’elles sont par la nature. Vous avez certainement le mérite de poser cette question éthique sainement, sans l’entremêler avec le reste de la discussion. Dans un esprit de bonne entente collective et d’hygiène des rapports sociaux, la meilleure solution serait sans doute d’informer la personne porteuse de la maladie de la transmissibilité de son état et des conséquences possibles sur d’éventuels descendants. Sinon, technologiquement, nous sommes aptes à détecter de telles maladies et donc à faire avorter les fœtus qui en sont atteints. En ma propre conscience, je ne pourrais arriver à comprendre que l’on puisse vouloir mettre au monde en toute connaissance de cause un enfant atteint d’une telle maladie. Ce serait un geste totalement égocentrique. Moi-même je m’y serais soustrait coûte que coûte.
  7. Je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit qui vous autorise à m’étiqueter de la sorte, surtout que la substance de cette accusation n’est pas bien claire. Il me semble que vous tentez ici de vous aménager a priori un espace à l’intérieur duquel vous pourrez rejeter unilatéralement ce que j’avance, ce qui n’est pas bien constructif. Il est assez difficile de suivre votre propos et de trouver la cohérence avec ce que j’avançais. Tout d’abord, l’expédition de Hearne concerne bien les amérindiens Chipewyan, et non les Inuits. D’autre part, Cook n’a rien à voir là-dedans. Ensuite, Hearne n’établit pas un jugement ethnologique sur le traitement des vieillards par les Chipewyan : il rapporte tout simplement une anecdote vécue, à la manière d’un naturaliste. Il n’est donc pas question d’un jugement global. Mon but en citant cette histoire était de contester votre affirmation selon laquelle il est naturel pour une société de s’occuper de ses handicapés. Encore une fois, je ne sais pas à quel jeu vous voulez jouer en dramatisant ce que j’avance et en extrapolant sur d’autres plans de réflexion que je n’ai pas abordés. Je n’ai jamais affirmé que notre société actuelle ou que la société blanche traitait ses vieillards d’une manière supérieure. Je vous pose la question : êtes-vous intéressée à mener une discussion philosophique sérieuse ou ne désirez-vous finalement que donner une sorte de spectacle polémico-intellectuel ? Dans le premier cas, je vous demanderais alors de rester polie et de ne plus extrapoler sur mes propos et dans le deuxième cas, j’apprécierais que vous me le disiez clairement car à ce moment-là, je ne serais plus votre homme. Je suis navré de vous dire que je ne comprends pas trop ce que votre propos signifie. Je vous précise tout de même que je n’ai pas cité l’exemple des amérindiens Chipewyan pour illustrer la manière dont la sélection naturelle se transpose dans la culture des sociétés. Vous avez encore extrapolé sur mon propos. J'étais certain que vous alliez rappliquer sur ce thème et j'en suis fort ravi ! Affirmation gratuite qui se passe d’arguments ! Je vous repose la question : philosophie ou spectacle ? Retracer des éléments anthropologiques au travers du langage n’implique pas du tout quelque posture éthique que ce soit; cela ne fait que nous renseigner sur les origines de notre langage et sur les conditions dans lesquelles il s’est développé. Je vous invite à faire preuve de courage et à lire calmement mon propos et à le commenter sérieusement au lieu de vous dissimuler derrière ce spectaculaire écran de fumée fait d’extrapolations, d’accusations et de sophismes. Je vous en prie: dites-nous pourquoi !
  8. Faux-cul ? Il me semble au contraire que notre ami Dompteur est honnête jusqu'au ridicule. Malotru, grossier: voilà des qualificatifs qui lui conviennent mieux.
  9. Je suis désolé de cette erreur d’interprétation. Notez que la sélection naturelle n’impose pas quelque diktat que ce soit, et elle est encore moins responsable de la brutalité et de l’insécurité du monde. La sélection naturelle n’est que la loi qui régit le cours de l’évolution des êtres, mais elle n’est pas un principe moteur. Le principe moteur est plutôt enfoui au cœur de chacun des êtres – c’est le vouloir-vivre qui, conjugué à la singularité et au voisinage des êtres, suppose des collisions. Non. Pour que la sélection naturelle opère, il faut tout simplement des individus aptes à se reproduire, ainsi que des conditions de vie changeantes. La sélection naturelle consiste en ce phénomène par lequel les conditions de vie favorisent certains types d’individus qui ont alors plus de chances de se reproduire et de perpétuer leur bagage génétique. Il n’est donc pas question de la dureté des conditions. Évidemment, plus le changement dans les conditions est brusque, plus la sélection sera rapide. Une société n’a aucun contrôle sur le cours de la sélection naturelle - je veux dire sur son existence. Au point de vue naturel, la société n’est qu’une modification parmi d’autres des conditions de vie : elle favorise certains types et en défavorise d’autres. La preuve étant que notre morphologie et notre physiologie continuent d’évoluer. D’autre part, il faut voir que les handicaps découlent pour la plupart d’anomalies de la nature. En cela, ils n’ont pas vraiment une incidence substantielle sur le cours de la sélection naturelle. Et pour les esprits frileux : non, je ne viens pas de dire que les personnes handicapées ne sont pas importantes, ni que leur sort doit nous être indifférent.
  10. Oui, mais ce n’est pas un écart qui tient dans l’horizontalité – comme celui d’un individu isolé par rapport à une masse, mais bien dans la verticalité : le philosophe se distingue par la profondeur de sa pensée. Le commun réfléchit en bonne partie à partir de signes arbitraires tirés de la culture populaire, des médias, des scandales du moment, bref, de tout ce qui lui tombe sur la main, et à partir de ces matériaux, il se forme une opinion plus ou moins cohérente. Le philosophe lui part de son ressenti, de ce qu’il voit de problématique dans la disposition même de sa vie, de la société, de la culture, de la connaissance et du monde. Ce n’est pas le feuillage qui l’intéresse mais bien les racines car son vœu n’est pas seulement d’ordonner esthétiquement l’arbre de sa vie en le taillant, mais bien de modifier le cours de sa croissance en agissant là où il tire son suc vital. Nietzsche disait qu’un philosophe peut sembler impassible aux évènements du concret parce qu’avant de l’atteindre l’évènement en question doit parcourir toute la distance qui le sépare du fond de sa pensée – cette distance n’étant pas constituée par l’analyse qu’il ferait de la chose en premier lieu, mais bien par le tourbillon que l’évènement fait surgir dans l’esprit du philosophe : monde de ramifications, de pensées, d’intuitions diverses qui l’étourdissent. Socrate n’était pas le premier des philosophes. La tradition académique nomme Thalès de Milet à cette position (sans doute parce qu’il est le plus ancien qui soit étudiable) mais nous pourrions sans doute en discuter pendant des années. Bourgeoise la philo ? Non. Aristocrate ? Certainement. Il faut des aptitudes particulières pour être un bon philosophe, tout comme il en faut pour être un bon footballeur. Et dans les deux domaines on voit que les meilleurs éléments se réunissent en des ligues afin de s’exercer entre eux et d’entretenir leur niveau d’excellence. *** On peut distinguer 2 définitions de ce qu’est un philosophe : a. Un homme qui pense sa vie et qui la mène selon cette pensée – auquel cas sa qualité se mesure à la joie. Le commun préférera cette définition parce que c’est la plus démocratique; b. Un homme habile à l’art de manier les concepts et les représentations et à les ordonner – auquel cas sa qualité se mesure à l’érudition et à la cohérence dialectique. C’est la catégorie qui correspond à une bonne catégorie d’universitaire et de fonctionnaires de la connaissance; c. Un homme qui prospecte et explore les méandres de sa pensée – auquel cas sa qualité se mesure à l’originalité. C’est une catégorie qui va sans doute plaire aux poètes et autres acrobates du langage; d. Un homme qui effectue un travail sur la culture, sur l’épistémè de son temps – auquel cas sa qualité se mesure à son influence. *** Quant à moi, je dirai que mon philosophe idéal possède toutes ces qualités et doit donc être jugé à l’aune de tous ces critères.
  11. Vous n'avez donc jamais été bouleversé dans vos idées par la pensée d'un philosophe ?
  12. Il faut distinguer la grammaire comme domaine esthétique du langage de la grammaire comme étude de l'ordre verbal du discours. J'observe que ce contre quoi vous vous rebellez concrètement, c'est la grammaire prise dans son aspect esthétique car essentiellement, vous ne bouleversez pas l'ordre verbal commun du discours. I.e. vos structures de phrase sont parfaitement compréhensibles et répondent aux codes couramment acceptés de la langue française. Ce sont les règles d'accord et d'orthographe que vous transgressez qui eux n'ont pas d'influence sur l'ordre verbal du discours. Pourtant, par votre discours, vous semblez affirmer précisément le contraire: que votre manière d'écrire concerne l'autre genre de grammaire. Or, si c'était le cas, personne ne vous comprendrait ici. Par ailleurs, vous semblez assigner à la grammaire (je parle de celle qui concerne l'ordre du discours) une tendance contraignante et désincarnante. Mais pourtant, la grammaire n'est essentiellement que le fait d'une analyse des formes qui sous-tendent le langage que nous utilisons tous les jours. On a bien essayé à l'époque classique de mettre sur pied une grammaire prescriptive - qui recommandait un ordre idéal de discours - mais cela a disparu depuis longtemps. La grammaire est donc une étude, une analyse des formes "naturelles" de notre discours, lesquelles découlent ultimement, comme Nietzsche le disait, de la disposition même de nos instincts et de notre physiologie au regard du langage. On pourrait à la limite retracer les caractéristiques physiologiques des peuples au travers de leur langage. La poésie ne défait pas plus le cours de la grammaire. C'est sur un autre ordre langagier qu'elle joue. Elle subvertit plutôt le sens des mots et le sens des énoncés. Elle insère des flottements qui font dévier le cours habituel de la pensée. Même Artaud, un poète qui me fait penser à vous par son discours (ou plutôt, c'est vous qui me faites penser à lui), écrit dans un français impeccable, tant au plan esthétique qu'au plan de l'ordonnance. Mais toute son oeuvre est précisément une quête de l'indicible et dénonce sans relâche l'illusion du langage: "Toute l'écriture est de la cochonnerie." disait-il.
  13. Les amérindiens Tchipewyan, des nomades chasseurs, tel que décrits par Samuel Hearne dans son récit de voyage A Journey from Prince of Wales’s Fort in Hudson’s Bay to the Northern Ocean, abandonnaient volontiers les vieillards et les inaptes en cours de route, et cela sans cérémonie. Les conditions de vie de ces améridiens étaient très précaires et ils étaient absolument soumis aux rythmes de la migration des caribous. Aussi ne pouvaient-ils se permettre d'être ralentis par quoi que ce soit... même par les leurs. Hearne est d'ailleurs cité par Darwin dans L'Origine des espèces. Il me semble que, dans tous les cas, tout dépend des circonstances les plus immédiates qui concourrent aux fleurissement d'un tel type de vie. Dans le cas des nomades Tchipewyan, la vitesse de déplacement est un facteur primordial. Dans une cité moderne, la force de l'intellect prend la première place.
  14. Vous croyez vraiment que la sélection naturelle s'est soudainement arrêtée parce que nous nous sommes mis en société ? Que la société constitue une barrière radicale et magique qui nous coupe de la méchante nature ? D'autre part, on n'"applique" pas la sélection naturelle: on ne peut que la subir.
×