
En fait, déménager est un bien grand mot, chacun savait, qu'on allait se contenter de boire, au mieux de boire du café, en glandouillant sévèrement, en devisant avec des airs sérieux, et aussi que nôtre ami allait finir par nous filer deux ou trois babioles dont il n'avait plus besoin, ce qui venant de sa part, pouvait être de parfaits trésors.
Fut en temps, j'ai quasiment vécu en voisine avec cet ami qui déménageait, je passais souvent mes nuits dans un appartement situé deux étages en dessous. Je passé mes nuits entourée de plein de monde, mais finalement, n'étant ni propriétaire ni locataire, mais seule habitante, disons que j'y vivais seule.
Et ce voisin que nous appellerons A. par pure convention, devint rapidement ma seule attache, les personnes que je croisais souvent, étant de fourbes idiots inintéressants, dont les apparitions suffisaient à m'irriter, des gens de passage qui faisaient comme chez eux, car je n'étais pas chez moi.
A. était un type grand, large, surement fort, mais néanmoins, un peu gras. La première fois que je suis monté le voir pour lui piquer un truc à bouffer, je m'attendais à tout sauf à voir un type de ce genre ouvrir la porte. Il avait l'air sombre, bien que finalement très réservé, et discret...je me suis souvent demandée à cette époque, comment pouvait-on être un tel monument, et faire si peu de bruit.
Au début, j'en avais peur, un peur bleue...il fallait voir ses grosses mains, poilues, et son visage, non pas laid, mais tout plein de plis, et cette barbe drue, dont aucun rasoir 5 lames ne parviendrait jamais à venir à bout. Il semblait créé pour cogner, arracher, détruire...au point qu'au bout de 5 minutes à le regarder, je me disais que si jamais il tentait quoi que soit: viol, extorsion de fond, lecture de contes, ménage non rémunéré...il fallait céder, tant sa force semblait inhumaine et la perspective de douleur énorme.
Mais dès l'instant où il me fit assoir à table, dès qu'il eut sorti sa cafetière, et se mit à farfouiller dans son garde manger...il apparut tel qu'il était: un humain comme moi, embarrassé par son effrayante carcasse. Il devait lui aussi se sentir seul, de semaines en semaines, mon habitude squatter sa table crasseuse ne semblait pas le gêner, je devinais que ça égayais sa journée.
Naturellement, il n'était pas très causant, mais pour autant, au fur et à mesure que je m'incrustais dans son quotidien, il finissait par échanger des banalités. Cette amitié, entre un moineau, tel que j'étais à l'époque, et une sorte de sosie de "Leon" faisait pas mal jaser, personne ne connaissait son passé, mais moi je ne voulais pas le connaître.
Je voyais un type sympa, qui me cuisinait des raviolis quand je voulais pas manger toute seule, une bête muette qui finissait par trouver les bons mots avec le temps. Et donc on est devenu amis, sans vraiment le choisir.
Et c'est pour ça que des mois, que dis-je des années plus tard, je m'invitai à son anti-crémaillère, en espèrant lui piquer un bibelot, un morceau de ce jour où j'ai sonné à sa porte avec le ventre plein de gargouillis.
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