Nous éborgnions des cyclopes, et campions dans une forêt sombre. Enfoncés dans la noirceur des grottes, sous l'évier, se cachaient nos trophés de chasse et nos trésors durement volés. Puis, en un pas de géant, les sept lieux parcourus nous menaient dans la clairière isolée, respirant le bonheur d’une chambre. Les mondes habitées d’âmes solitaires et errantes du grenier nous effrayaient, tu m’y attrapais la main, et dans cette confiance commune, laissais évaporer un peu de nos craintes. Et cette chaise qui était un dragon, et cette table, qui était une maison, ont pudiquement cessés de compter ces souvenirs.
Je voudrais m’envoler encore vers ces pays abandonnés. Avec toi, recommencer nos voyages sans fin. Découvrir encore des elfes au fond des bois endormis d’un salon. Sous une pluie de rires, encore t’emmener vers de ces quêtes d’enfants, où les bonbons étaient de l’or, et quelques plastiques, de précieux diamants. Partir si loin, pour ne jamais revenir. Tendre un espoir vers les lendemains qui n’existent que les heures passant, et rêver, doucement, d’un futur qui nous échappe. Reprendre ta main, pour voir s’envoler mes peurs, et sourire aux sombres destinées, rassurer d’une douceur sans faille. Effleurer ta lèvre d’un regard tendre, et danser sans mouvement dans une joie qui toi seule peut comprendre. Rire au nez des monstres sur une balançoire. Faire de ces souvenirs le matelas de notre vie. Mais tu as tout oublié. Et, seul au fond d’un grenier, j'ai peur de combattre le sérieux des adultes, ces monstres qui t’ont fait grandir, ces monstres qui transformèrent notre maison en table et notre dragon en chaise.
Je voudrais encore porter sur ton front, la couronne charmante de l’univers que nous avions construit, le faire revivre, par ta magie, d’entre les morts pour s’y blottir, quand il fait froid, quand les temps sont durs, ou quand nous le voulons. Ma reine, pour que les contes existent, il faut des enfants pour les faire naître, de l'insouscience pour les arroser, de la folie pour les rendre plus beau. Il faut cette chaise qui est un dragon et cette table qui est une maison.
Peut être un jour, te souviendras tu. Au détour d’une musique, d’une histoire ou d’une route parsemée de lilas. Peut être te rappelleras tu tout ce que nous vécûmes, d’une seule âme. Peut être viendras tu à la mémoire de nos esprits complices qui s’aimaient à tout rompre. Peut être te souviendras tu que les aventures perdurent encore dans ces mondes qui n'ont de limites que celles qu'on leur impose. Peut être referas tu le voyage d’une exploratrice pour faire une exception à la réalité.
Ce jour là, rejoins moi dans ce monde, suis la route que tu souhaites, et tu me trouveras et enfin cette chaise, sera un dragon, et enfin cette table sera une maison. Je t’accueillerai d’une fleur violette, le sourire aux lèvres, et t’embrasserai. Je te donnerai la main pour effacer tes peurs, et nous irons nous venger des infâmes ennemis adultes, en leur lançant à la figure, d’un geste moqueur, et d'un rire bruyant, une maison, un dragon, et la folie heureuse qui nous lie encore...
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