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Loopy

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Billets posté(e)s par Loopy

  1. Loopy
    Ce temps est si loin. Où les mondes baignaient de choses étranges. Autant de créatures et d’inconnues imaginaires, produits des rêves tissés par nos yeux d'enfants. Nous foulions les grandes étendues sauvages, nous les partagions de vallées en montagnes. Les plus petits espaces se transformaient en immenses contrées, verdoyantes souvent, enneigées parfois. Puis quand les fabriquer ne suffisaient plus nous sautions à en perdre les altitudes au fond de ces images. Et cette chaise, qui était un dragon, et cette table, qui était une maison, en sont aujourd'hui les ultimes témoins. Affreusement pentu ce couloir n’avait d’horizontale qu’une réalité qui ne nous touchait guère. Nous descendions ce ravin vers les trésors que les pirates enterrèrent près de la porte. Nous traversions les marécages dangereux d’une tonnelle sans verrières.
    Nous éborgnions des cyclopes, et campions dans une forêt sombre. Enfoncés dans la noirceur des grottes, sous l'évier, se cachaient nos trophés de chasse et nos trésors durement volés. Puis, en un pas de géant, les sept lieux parcourus nous menaient dans la clairière isolée, respirant le bonheur d’une chambre. Les mondes habitées d’âmes solitaires et errantes du grenier nous effrayaient, tu m’y attrapais la main, et dans cette confiance commune, laissais évaporer un peu de nos craintes. Et cette chaise qui était un dragon, et cette table, qui était une maison, ont pudiquement cessés de compter ces souvenirs.
    Je voudrais m’envoler encore vers ces pays abandonnés. Avec toi, recommencer nos voyages sans fin. Découvrir encore des elfes au fond des bois endormis d’un salon. Sous une pluie de rires, encore t’emmener vers de ces quêtes d’enfants, où les bonbons étaient de l’or, et quelques plastiques, de précieux diamants. Partir si loin, pour ne jamais revenir. Tendre un espoir vers les lendemains qui n’existent que les heures passant, et rêver, doucement, d’un futur qui nous échappe. Reprendre ta main, pour voir s’envoler mes peurs, et sourire aux sombres destinées, rassurer d’une douceur sans faille. Effleurer ta lèvre d’un regard tendre, et danser sans mouvement dans une joie qui toi seule peut comprendre. Rire au nez des monstres sur une balançoire. Faire de ces souvenirs le matelas de notre vie. Mais tu as tout oublié. Et, seul au fond d’un grenier, j'ai peur de combattre le sérieux des adultes, ces monstres qui t’ont fait grandir, ces monstres qui transformèrent notre maison en table et notre dragon en chaise.
    Je voudrais encore porter sur ton front, la couronne charmante de l’univers que nous avions construit, le faire revivre, par ta magie, d’entre les morts pour s’y blottir, quand il fait froid, quand les temps sont durs, ou quand nous le voulons. Ma reine, pour que les contes existent, il faut des enfants pour les faire naître, de l'insouscience pour les arroser, de la folie pour les rendre plus beau. Il faut cette chaise qui est un dragon et cette table qui est une maison.
    Peut être un jour, te souviendras tu. Au détour d’une musique, d’une histoire ou d’une route parsemée de lilas. Peut être te rappelleras tu tout ce que nous vécûmes, d’une seule âme. Peut être viendras tu à la mémoire de nos esprits complices qui s’aimaient à tout rompre. Peut être te souviendras tu que les aventures perdurent encore dans ces mondes qui n'ont de limites que celles qu'on leur impose. Peut être referas tu le voyage d’une exploratrice pour faire une exception à la réalité.
    Ce jour là, rejoins moi dans ce monde, suis la route que tu souhaites, et tu me trouveras et enfin cette chaise, sera un dragon, et enfin cette table sera une maison. Je t’accueillerai d’une fleur violette, le sourire aux lèvres, et t’embrasserai. Je te donnerai la main pour effacer tes peurs, et nous irons nous venger des infâmes ennemis adultes, en leur lançant à la figure, d’un geste moqueur, et d'un rire bruyant, une maison, un dragon, et la folie heureuse qui nous lie encore...
  2. Loopy
    Te voilà qui arrive, arrogante et fière sur ton nuage noir,
    Ton outil à la main qui ma tête tranchera. Viens voir.
    Viens voir les Dieux que je vénère, plein de panache
    Encore, dans le dernier souffle que tu m'arraches...
    Note bien, divine faucheuse, impatiente dramatique,
    Dans le creux de ta mémoire, mes dernières rondes.
    Ah tu voudrais entendre de tristes musiques,
    Quand enfin mon corps restera en ce monde
    Cependant que mon âme fugue, discrète Toccata ?
    Mais non, je veux des Adieux aux sons de l'Appassionata.
    Sous un Requiem au Lacrymosa Pathétique
    Quand Mozart rencontre Beethoven,sous le Clair
    D'une Flûte enchantée par la palette symphonique,
    Sous l'Hymne à la joie, je souhaite que l'on m'enterre
    Point de Bagatelle ! Près de Waldstein, où l'on posera
    La dernière stèle, j'aimerais que reposent avec moi
    Mes quelques Lettres pour Elise. Et dans la profonde
    Musique d’un Dvorak, je trouverai le Nouveau Monde
    Alors quand je prendrais avec Rachmaninov
    Mes envols sur les airs légers de Korsakov
    Aux ténébreuses heures... Point de recueillement
    C'est plein de joie, de frissons et sans rancune
    Que je veux voyager. Aux lèvres un sourire célébrant
    Ce tout dernier mouvement à l'ombre de Ma Lune
  3. Loopy
    Sur la table, une dizaine de flacons ouverts.
    Les étiquettes, un peu effacées par le temps,
    Eurent révélé certains de ces secrets sous verre,
    Si la vue n'était bridée par un noir enivrant.
    Dans les oreilles, des bouchons solidement ancrés
    Bloquant ces microscopiques vibrations aériennes.
    Entre le Marteau et l'Enclume, pas une persienne.
    Les pieds bien encrés dans l'Étrier.
    Sous la langue, une pastille d'un puissant
    Anesthésique, local. Cela fait maintenant
    Longtemps qu'aucun goût ne se laisse deviner
    Longtemps qu'il ne fait plus que respirer.
    Sur ses poignets, des bandages. Restes pathétiques
    Des lacérations qu'il s'est faites en voulant trancher
    Les autoroutes électriques du toucher. Nerfs parasites
    A son plaisir. On peinera à les lui reconnecter.
    Seul un sens persiste… Il inspire, en se penchant,
    Profondément le premier flacon. Une odeur d'alcool.
    Soudaine et très perceptible fragrance désorientant
    Plus encore que toutes ces choses qu’on inhale.
    Il se sent comme ailleurs, transporté.
    Cette odeur le pénètre, exacerbée
    Le viole de toute part. Elle s'incruste
    Dans les moindres recoins et investit tout.
    Elle arrache, dans une douleur jouissive
    Les minuscules particules de consciences
    Qui enferment l'esprit. Elle libère tout,
    Elle frappe, elle cogne, elle caresse, elle coure...
    Ses idées fusent, instantannées.
    Tout se bouscule. Très vite,
    Son voyage le mène dans les lieux imperceptibles
    De son inconscient. Les monstres de son imagination
    Surgissent, l'attaquent, le frôlent, il se sent trembler.
    Son esprit frissonne, foisonne, dans une explosion
    Gigantesque, gargantuesque. Le big bang de ses paradoxes
    Crée l'univers, le modifie, à une vitesse fabuleuse.
    Puis, comme si le temps s'était soudain inversé,
    L'explosion se rétracte aussi vite qu'elle était arrivée
    Laissant place au vide olfactif... apaisant.
    Il s'était relevé. L'odeur ne subsistait pas.
    Mais son voyage l'avait mené en des endroits
    Où la limite de l'orgasme psychologique,
    D'ordinaire effluve violente, intemporelle,
    Avait des accents d'éternité… Onirique…
    Il sourit, se remettant à peine
    De ses émotions, l'estomac encore noué
    Par ses acrobaties. L’âme toute déchirée.
    Son cœur frappe si fort… Il sent sa vibration…
    Oh oui ! Encore ! - Il se penche sur le second flacon...
  4. Loopy
    Te souviens tu, aujourd'hui, de ces jeux,
    Imaginaires perdus des enfants
    Pays des rêves qui nous rendit heureux
    Et que n'estompe pas le présent ?
    Te souviens tu, ici, de ces voyages
    De ces tromperies à la vérité
    Que nous pardonnaient nos jeunes ages
    Aventuriers rêveurs de nos pensées ?
    Te souviens tu, de si loin, avant le Nous
    Du toi et du moi ? Là, juste avant
    Que nous quittions ces mondes fous
    Et que les distances ne rallongent le temps ?
    En panne au bord de la vie, je m'en souviens
    Et le calme qui règne alentour
    Me plonge dans ces pays oubliés
    Qu'en secret je gouverne toujours.
  5. Loopy
    I. La Mandragore
    La Lune, Rousse, éclaire majestueusement la campagne des environs. Une chouette ulule seul affront au calme qui règne depuis longtemps déjà. Glissés sous les chuchotements du vent caressant l'herbe et le feuillage, quelques pas feutrés, étouffés s'approchent.
    C'est une horrible vieille, petite, courbée, ployée, rabougrie, estropiée, boitant, sale et odorante, qui marche à reculons avec un rictus infâme. Si elle ne s'aidait pas d'une canne, sans doute s'écroulerait-elle contre terre, entraînée par le simple poids de ses hardes sombres... l'inconnu qui irait la secourir alors, soulevant le grand tissu de voile, ne verrait rien en-dessous. La poussière retourne à la poussière. D'une démarche louvoyante, elle recule vers le carrefour oscille vaguement un pendu aux lèvres plus trè frais, ancienne décoration des lieux dont les braves gens se sont lassés.
    Son odeur de charnier et son visage dévoré par les insectes sont révulsants. Le cadavre en décomposition, déformé sous son propre poids, a laissé au sol une flaque visqueuse de sang pourri. Personne ne pourrait devant se spectacle rester de marbre. Pourtant, presque aussi laide que lui, la sorcière se penche sans sciller et attrape une curieuse branche au-dessous du cadavre qui, pourrissant, a fertilisé la terre morte. D'un coup sec, elle arrache la mandragore en poussant un cri. Un liquide rouge vif coule sude sa main— Tout saigne.
    II. La Vielle
    On l’avait attrapé, cette fois, et on l’avait battu, insulté. Il avait eu peur, il avait eu mal. Puis, on l’a emmené ici, dans un noir naissant. Il se souvint de celui-ci, le simplet qui le confondit sans avoir vu son visage. Il se souvint de cette seigneurette désinvolte, qui portait le jugement. Et de cet homme d’église, acquiesçant la sentence, qui lui offrait de se confesser. Puis tout est devenu rouge, puis tout est devenu noir. Et après ? … Il se sentait bien, léger, sain, heureux, propre, il n’avait pas froid, il n’avait ni faim ni soif.
    Au dessus, au bout d’une corde craquant sourdement, funestement, son corps pendait. Qu’avait il fait ? … Qu'importe. Un vent fit vaguement osciller son ancienne ressemblance d’où le sang perlait encore. Il n’était plus. Il était mort.
    Il se senti soudain extraire à son bien être douloureux. Une force qu’il ne connaissait pas, un être l’arrachait à la Mort comme plutôt on l'arrachait à la vie. C’était une horrible vielle souriante, une sorcière de la fôret, de celle qu'on brule sur les buchets. Dans un cri, tout saigne.
    III. La distribution
    — Je voudrais un philtre d'amour qui le fasse revenir, dit la châtelaine.
    L'horrible vieille aux cent verrues lui tendit d'une main olivâtre un petit flacon en verre. À l'intérieur, quelques gouttes à peine d'une substance capiteuse — une huile? Noire en était la couleur, brune la coloration du verre, d'œufs la fragrance.
    — Je voudrais un élixir me stimulant le cœur et l'esprit, dit le petit prêtre tonsuré.
    L'acariâtre matrone sortit d'une étagère, derrière un crâne de bouc et des monticules de poussière— dans un cliquetis de verre — un petit flacon rempli d'une huile noirâtre. L'odeur de soufre qui s'en exhalait empuanta la pièce dès qu'elle en ôta subrepticement le bouchon.
    — Je voudrais une décoction triplant de volume ma virilité intime, dit le jeune, beau et grand berger.
    La sorcière puante marmonna pour elle-même d'une voix éteinte et malfaisante des mots sans queue ni tête ; durant cette glossolalie, elle tira d'un coffre une petite flasque contenant une larme d'essence graisseuse et sombre. Dans l'odeur de renfermé de son laboratoire on discernait une vague odeur aigre-douce de pourriture.
    Trois maux, un remède.
    IV. L'effet Papillon
    - La châtelaine vit son chevalier revenir sale et ensanglanté. La guerre faisait rage encore au loin, mais il était là.
    "Ô , mon chevalier, mon roi, mon empereur, vous qui jadis avez si bien embrasé mon coeur, et qui aujourd'hui préfèrez aux douceurs de ma couche, les larme et le sang de votre guerre, je vous en conjure, restez que je vous vois, car si je ne fais plus votre bonheur, vous gouvernez encore mes joies"
    Une flèche venue de nulle part fusa alors, traversant le coeur du chevalier. La vieille sorcière l'avait murmuré, la mort l'empèchera de bouger.
    - Le prêtre retourna dans son église. Heureux. Il s'agenouilla devant la croix de son Dieu. Ses larmes témoignaient de l'émotion presque parfaite. "Mon Dieu, je vous ai tout offert, mon coeur et mon esprit sont à vous... Dussent elles être impénétrables je les souhaite pour seules guides, faites moi entendre vos voies"
    L'église fut emplie d'un vacarme soudain. Des hurlements, des craquements qui semblaient provenir de tout, de la gravure à la statuette, l'église vibrait des cris torturés de toutes les choses, ponctués par ceux du prêtre... Il pressa ses oreilles si fort pour ne plus les entendre, qu'il s'écroula, mort, sans que personne ne l'entende.
    La vieille sorcière l'avait pourtant murmuré. C'est folie de se croire Dieu, car seule la folie pourra guider cette route.
    - Fort d'une virilité de cheval, le jeune, grand et beau berger retourna voir l'élue de son coeur. Il la trouva se morfondant sur la dépouille de son chevalier, coeurs brisé, percé de part en part. La fraicheur de sa naïveté le fit alors espérer. "Ô mon amante, maintenant qu'il n'y plus de barrière à notre amour, que votre rang gît à nos pied, prennez ma main pour vous relever et mon coeur pour vous consoler" Il n'eut pour réponse qu'un cri, des larmes, et cette dague plantée dans sa poitrine.
    La vieille sorcière l'avait dit. Si tu lui donne ton coeur, alors, elle le prendra.
    En sortant de la ville, la vielle se retourna. Elle sourit. Un point noir tombait de la plus haute tour du château. L'espace d'un instant, ses oreilles fripées crurent entendre autre chose que le battement du coeur de la mandragore qu'elle tenait serrée contre elle. On aurait dit le bruit sourd des os qui se fracassent contre le sol. Elle rit. Puis, forte de sa victoire nouvelle, porta sa puanteur jusqu'à la ville voisine.
    Un mal, sans remède.
    V. Moralité
    En ce monde, l’injustice est affaire quotidienne. Mais prudence. A faire couler en remède le sang des autres, en guise de salaire coulera le notre.
  6. Loopy
    C’est un endroit fantastique
    Qui pourtant a toujours existé
    Le moment où la plume artistique
    Lancée telle une épée
    Au blanc vierge de la toile
    Etire les traits d’un geste frénétique
    On dirait des lueurs d’étoiles
    Qui naissent aux éclats féeriques
    Brisent les lignes étroites, et meurent
    Dans l’infini d’une ligne de fuite
    Quand la folie des ardeurs
    S’éteint avec elle.
    Alors,
    Ne touchant plus guère
    A la parfaite imperfection
    Nous laissons’échapper l’air
    Reprenons notre respiration
    Et dans ce souffle muet
    En reposant le crayon
    Observons insatisfait
    La beauté d’un brouillon
  7. Loopy
    J’ai encore sur les lèvres, le goût de ta peau,
    Les frissons caressants d’une pénombre plus claire
    Que la transparence de tes sourires. Dans mon dos
    Tes ongles se plantent, me piquent et me lacèrent.
    J’ai encore sur les lèvres, le goût des tiennes,
    Offertes en sacrifice aux plaisirs facétieux
    Des douceurs transpirantes d’amours pérennes.
    Elles brilleront toujours au fond de tes cieux.
    J’ai encore sur les lèvres, le goût de ton sang
    La couleur du soir, dans les matins, vacillant,
    D’étranges mixtures et d’obscures médecines.
    J'ai encore dans le sang, le goût de tes rêves
    Sur mes remparts, ils déchaînent sans trêve,
    Leur horrible addiction… Ténébreuse Héroïne.
  8. Loopy
    Ma récurence de thèmes m’attriste
    Pourquoi une chaise en plastique
    Ne pourrait elle pas, elle aussi
    Avoir sa Grande Poésie ?
    Est elle laide, indigne de nous
    Qui l’avons enfantée ?
    Et s’il était, pour l’aimer, un fou
    Au regard enflammé ?
    Le poète veut s’aventurer
    Dans de complexes idées
    Sonder l’âme, le sentiment
    Et s’oublier dans le courant
    Mais se peut il qu’un jour,
    Une plume maitrisée
    S’arrête à l’entour
    De la simplicité
    Y découvre les sens
    Les recouvre d'essence
    Les enflamme, les sublime
    Sans chercher ses rimes
    Poète dansant sa ronde,
    Qui sur le papier pose,
    Une offrande au monde :
    La poésie des choses
    Celle des choses simples.
  9. Loopy
    La nuit était claire. On se serait cru en plein jour. Un jour grisonnant, certes, légèrement argenté même. Mais cette lumière à demi teinte offrait à la campagne un manteau original, un maquillage étrange digne des plus mythiques contes. Il imaginait déjà les chevaliers chassant les sorcières à l'orée du bois, là bas des elfes nocturnes dansaient autour d'un feu blanchâtre dans leurs légers voilages blancs, tout en souplesse et volupté, des farfadets plus loin charmés par ce spectacle tombaient doucement amoureux… Tout ces Magiques enfantins qui peuplent le monde jusqu'aux âges de raison, âges auxquels ils disparaissent dans de ténébreux souvenirs. Il les entendait gémir au fond de son cœur, il les entendait pleurer leur captivité… Ils voulaient vivre, eux aussi, peupler encore l'univers.
    Marchant sur la route l'œil attiré par quelques fleurs dont on ne pourrait dire la couleur, un sourire béa aux lèvres, il savourait l'agréable friction de la terre sèche sous sa chaussure, le strident grésillement de quelques insectes nocturnes. La nuit éveillait une musicalité nouvelle à ce monde, encore méconnue, sur un rythme à la fois frénétique et calme. Fermant les yeux, il écouta, inspira la mélodie, et senti monter la fièvre fraîche des moments de bonheur incompris. Puis il s'enfonça plus loin, invisible à l'œil du dormeur. Un rire sonnant tel un écho parvint à sont oreille, et soudain, il n'entendit plus les grillons. Ils laissèrent place à une note pianistique, répétée. Le rire, était plus aiguë, semblait-il, Impromptu même, étrangement inexistant. Ses pas, les tambours des sabots chevaleresques ramenant quelques sorcières au bûché, soutenait l'ensemble qu'ensuite le chant elfique venait parer de soie fine.
    Il ferma les points pour ne pas perdre sa trouvaille, et couru chez lui. Il s'installa de devant son Piano, une plume à la main, rabaissa le pupitre au dessus de la table d'harmonie. De son encre noire un peu vieillie, il inscrivit alors soigneusement : «F. F. Chopin, Fantaisie Impromptue, Opus 66 ». Dans un sourire, le compositeur laissa parler la Folie qui l'habitait. Libérant les êtres enfermés dans ses confins, il les fit danser sur les touches noires et blanches. On aurait alors pu voir de la couleur sur l'ivoire, si la lune ne s'était pas penchée, toute Argent, pour admirer l'artiste et ses muses jouant ensembles dans la pénombre nocturne.
    Parfois la nuit, on peut apercevoir sur la tombe du Grand Homme, une Fée pleurant son ami.
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