Cela fait quatre ans maintenant.
Jour pour jour. Quatre ans que je m'en suis évadée. Quatre années que je me suis enfuie de cette prison, entravée comme je l'étais. Et oui, car j'y suis allée moi. J'ai été captive durant huit années de ma vie.
Mais la prison qui me retenait, qui prenait tant de place dans ma vie, avait quelque chose de particulier, elle était différente des autres prisons.
Déjà, tout y était rose, beau et paradisiaque. Il y avait une sorte de bonne atmosphère, les gens étaient détendus, insouciants, souriants...
Mais ensuite, pour tout endroit comme celui-ci, c'est-à-dire semblable au bonheur incarné, au paradis du bien-être, il fallait payer. Oui, payer.
Chaque jour, ou presque pour certains. Payer la somme qui correspondait à la valeur de notre bien-être que nous procurait cette si merveilleuse prison. Payer ces choses qui nous maintiendraient sur ce nuage merveilleux, qui nous mèneraient sur la voie de la rédemption chaque matin.
C'était notre quotidien. Notre routine. Chaque jour passé dans cette prison, nous payions, nous donnions de notre argent à nos gardiens, nos geôliers, nos guides, nos maîtres. Nous les payions puis nous passions un jour de plus dans notre pénitencier béni. Enfin nous croyions qu'il était béni.
Parce-que finalement tout cela n'était que tromperie. Mensonge. Nous étions tellement heureux que nous ne pensions plus à rien d'autre que ce bonheur. Que même si nous payions pour l'avoir, cela restait magnifique.
Mais tout un prix. Tôt ou tard, il faut payer réellement. Pas avec notre argent, non...Avec ce qui nous était de plus précieux : nous-même, notre esprit, notre corps...Et peut-être notre vie.
Des gens s'en sont échappés de cette prison. Nous les traitions de fous, car pourquoi échapper au paradis? Pourquoi fuir la rédemption?
Puis un jour j'ai compris. Mais il était sûrement trop tard. Car cette prison, finalement, n'était pas une prison, mais bien pire : un agent destructeur qui se disait bon.
Il nous attrapait avec un beau sourire, puis nous vidait de notre vie un peu chaque jour, sans que nous nous en rendions compte : car sa liqueur nous nourrissait, nous donnait de l'espoir, de la confiance, du bonheur...
Oui, elle nous vidait chaque jour de notre vie, mais heureusement ou malheureusement, je ne saurais le dire, chacun en prend conscience un jour : une fois que le méchant t'a prit, il fais de toi ce qu'il veut. Il te relâche sain et sauf, ou te tue. Ou alors tu t'échappe.
C'est ce que j'ai fait il y a quatre ans. Je me suis échappée. J'ai d'abord arrêter de payer chaque jour, puis j'ai arrêter tout court. Ce fut dur, car cette douce et belle prison me manquait. J'étais accrochée comme jamais à elle.
Commet me suis-je rendu compte de la malveillance de cette cage, de ce démon geôlier?
Parce-qu'il me l'a prit. Il a prit ma sœur. Enlevée, disparue, à jamais. Le méchant a choisi de tuer sa captive.
Alors je suis redescendue de ce nuage que je considérait jusqu'alors comme merveilleux, fantastique, incroyable, pour m'enfuir, m'échapper à tout jamais.
Je n'ai pas essayé d'avertir les autres captifs, car, eux, ils ignoraient tout. Ils ne faisaient que relativiser, que défendre le grand geôlier qui leur procurait ce bonheur. Je les comprenait, c'était normal. Moi aussi j'avais été comme ça. Mais là, c'est fini. Au revoir.
Ou plutôt, Adieu.
Voilà. Quatre ans que je ne suis plus là, chaque jour, à demander à un des ambassadeurs de ce geôlier perfide, égoïste et malhonnête de me donner le bonheur, la joie, le bien-être. Car ce bonheur, je suis navrée de vous le dire, n'en était pas un.
Ce n'était finalement qu'une illusion, en fait. Une tromperie absurde, une arnaque abominable, qui menait à une finalité effroyable pour la moitié des personnes qui s'y adonnaient.
Oui, car quand je me suis échappée de cette prison, je me suis rendue compte que les autres personnes, ceux qui n'ont jamais été captifs, sont aussi heureux que les autres.
Quatre ans maintenant. Et j'ai eu beaucoup de chance. Car je n'ai payé mon séjour dans cette geôle maléfique qu'avec mon or, et non ma vie.