Aller au contenu

La blessure

  • billets
    5
  • commentaires
    9
  • vues
    2 207

Croisée


Loufiat

346 vues

Nous sommes assis là, sur une marche. Elle me reproche d'être né trop tôt. Puis elle s'en va après m'avoir embrassé. Je sens qu'elle vibre de tout son être, mais elle est tiraillée, incapable de l'assumer, d'y faire face. Soit. Va t'en encore.

Une semaine plus tard, aussitôt qu'elle comprend que quelque chose se passe, elle est la première à m'écrire, dans la seconde. "Tout va bien ? Tiens moi au courant."

Pourquoi ? Pourquoi vouloir être au courant. Je suis alors dans le métro, la gorge sèche. Aucune idée de ce que je vais trouver au bout. Possible que mon frère veuille se venger. Il a surement une arme d'ailleurs. Possible qu'il soit pathétique seulement. Je l'ignore. Mais il m'a donné rendez-vous dans un chantier où il est entré par effraction - sa dernière passion. Il veut que je le rejoigne. Et je dois le rejoindre. Pour sa femme, son fils, pour ma mère. Pour lui ? Pas vraiment. J'ai perdu toute complaisance envers lui. Il faut l'enfermer.

Sauf sa compagne, terrorisée, il ne savent pas qui il est. Mais comme nous avons été les plus proches, les plus complices, je sais qui il est devenu. Et je suis neutre, sans haine mais sans sympathie. Je sais que c'est un camé à qui je parle. Que 20 ans de drogues et d'alcool ont transformé, déformé - j'ai déjà perdu mon frère. J'ignore si quelque chose répond encore en lui, véritablement. Se souvient-il seulement de sa vie d'avant ? De qui il était ? J'en doute. La drogue semble tout déformer, jusqu'à la mémoire, jusqu'aux plus précieux moments de l'existence, jusqu'au cœur du cœur. J'avance sans espoir envers lui.

Il n'a jamais été violent avec moi, mais il s'en est pris à mon père. Il n'avait jamais osé lever la main sur lui avant cette crise. Il n'a jamais pu d'ailleurs - le bucheron, même vieillard, reste solide comme une buche. Mais, enfin, cette fois, c'est clairement autre chose. Cette crise est sans commune mesure avec les précédentes. Je l'entends à sa voie au téléphone, alors qu'il me donnait rendez-vous. Une voie difforme, des idées, des mots tordus exprimant la démence pure et simple. Tout pouvait arriver. J'avais donc dû prendre des disposition au travail, en cas d'absence imprévue, selon ce qui arriverait, pour quelque raison que ce soit. Ce qui avait alerté Elena.

Elle s'inquiétait donc. Et plus tard encore, après ce soir là où je devais retrouver mon frère, de passage en coup de vent à Paris, elle était venue dire bonjour, elle avait vu ma tête. Le lendemain elle m'invitait à parler, si j'en avais besoin... Invitation dérisoire, ne le savait-elle pas ? Sa présence oui. Sa présence seule m'aurait réchauffé. Mais elle était déjà repartie à l'autre bout du pays.

Et la solitude m'accable maintenant. Parler est inutile. Seule cette présence, si rare, si précieuse a un véritable effet. Présence d'Elena, mais d'Oscar aussi, qui m'a quitté récemment lui aussi, pour aller au-devant de son destin - et n'est-ce pas moi qui l'y ai poussé ? Encouragé ? Et me voilà en train de me noyer, de chercher des appuis, à bout de souffle. Où êtes vous, mes amis ? Vous qui comprenez tout. J'aime les autres. Vraiment. Mais vous êtes plus que ça. Vous êtes des âmes soeurs pour moi. Je sais que vous savez, et vous savez que je sais. Et pourtant j'ai dû vous laisser partir l'un et l'autre. Et maintenant... Où êtes-vous ?

Mais même quand on tombe, comme ça sans sécurité, c'est la vie elle-même qui semble vous rattraper. La pluie. Le bitume. Et la vie reprend son cours.

 

2 Commentaires


Commentaires recommandés

Il y a 5 heures, Axo lotl a dit :

Vos écrits sont excellents, poignants, passionnants. J'aimerais tellement lire la suite en savoir plus sur cet homme, sur ces blessures, sa solitude. Merci pour la qualité de vos textes. C'est un plaisir de vous lire.

Merci c'est gentil, même si ce texte est particulièrement obscur et désarticulé (sans parler des coquilles), je suis heureux s'il a pu vous toucher. 

  • Like 1
Lien vers le commentaire
Invité
Ajouter un commentaire…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

Chargement
×