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Je suis un philosophe


Jedino

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Je ne sais pas pour vous, mais l'affirmation "Je suis un philosophe" à tendance à me déconcerter. En effet, à quel moment peut-on dire, sait-on, en fait, que nous sommes, au sens fort du terme, un philosophe ? Est-ce parce que nous sommes parvenus à écrire une oeuvre à teneur philosophique, ou bien plutôt plusieurs ? Est-ce plutôt davantage un ressentiment, une sorte d'accomplissement qu'on estime avoir atteint et qui correspondrait à une définition plus ou moins claire de ce qu'il est ?

Il faut déjà définir ce qu'il est. Il n'est pas un sage, ou plutôt celui qui est en quête de sagesse, en tout cas en son sens moderne. Il est plutôt du côté de celui qui parvient à raisonner et conceptualiser selon une certaine rigueur. Autrement dit, un scientifique. Et il est vrai que nombreux sont ceux qui ont eu cette double étiquette. Je ne fais pas apparaître tous le champ des possibles, mais on comprend vite que le problème est de savoir ce qu'est être philosophe (pour cette personne).

Mais plus encore, ce qui me gêne, c'est cela : "Chacun est capable de philosopher, mais tout le monde n'est pas philosophe". Il y aurait donc différents degrés dans la manière de philosopher : celui qui, apparemment, fait de la philosophie basse, commune et banale. Bref, l'homme du quotidien qui se demande s'il est heureux un beau matin d'hiver, sujet à une petite dépression saisonnière. De l'autre côté, on peut trouver celui qui philosophe "à la dur", le spécialiste, l'homme capable de jongler avec des concepts des plus abstraits et métaphysiques. Bref, un homme qui tel un albatros voit le monde de loin et le décrit tel qu'il est.

En allant plus loin, on nous dit que la vraie philosophie, la sérieuse, est la deuxième, celle-là même qui est la plus éloignée de la vie et de ses événements. N'oublions pas ce principe d'objectivité qui est proportionnel à la distance prise avec la situation. Autrement dit, ce personnage exceptionnel, indépendant de toute situation, est plus à même de ne pas impliquer ses passions dans un exercice qui demande la raison. On voit là que ça ne tient pas : le fait même de se prétendre philosophe, en opposition à d'autres, est une auto-exclusion (pour ne pas parler d'un mépris sourd) de tous ceux qui sont en face. "Moi, je suis capable de raisonner (justement). Et donc c'est moi qu'il faut écouter".

Pourtant, quelqu'un qui est capable de prendre avec hauteur, avec philosophie, un drame de la vie ou que sais-je d'autres, n'est-il pas lui aussi un philosophe ? Parce qu'il a justement su prendre de la meilleure des façons ce qui pouvait l'être autrement, moins "heureusement". Certes, il n'aura pas écrit une "Critique de la raison pure". Certes, il n'aura pas davantage discuté longuement sur des concepts allant de la monade à la liberté. Et certes, il n'aura pas été débattre avec d'autres grands philosophes de toutes ces questions (?) là.

Mais si je peux me permettre un avis, philosopher ne consiste pas à se poser des questions sur tout. Non, c'est se poser les bonnes questions sur chaque chose, et seulement si elles se posent. Douter est le meilleur des ciments pour qui cherche à s'endurcir droitement. Il faut cependant veiller à ne pas y être excessivement d'eau, sinon l'oeuvre à construire ne tiendra jamais. Par mes lectures, par mes conversations, je me rends compte que nous aimons les concepts globaux, les idées, en un mot : l'abstrait. Pourtant, il me semble que le but premier de la philosophie n'est pas d'enfumer un sujet par d'autres concepts nouveaux, mais bien d'éclaircir ou de corriger ceux qui existent déjà. Autrement dit, c'est avoir une démarche utile et constructive devant mener non pas à savoir quel terme abstrait décrira le moins mal ce qu'on connaît, mais qu'est-ce qui, dans cette description, est vrai, c'est-à-dire au plus proche de ce qui est. Et c'est par cette recherche de l'être, et uniquement de celle-ci, que j'apprends sur qui je suis ou peux être, et non pas en discutant sur ce que pourrait être le monde, chose qui correspondrait à rêver de ce que j'aurais pu être si j'avais été, paraît-il, parfait.

Enfin bon ! Ne lisez pas trop sérieusement toutes ces choses, je ne suis pas un philosophe.

13 Commentaires


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Mais mon petit Jedino, la question que tu poses, pourrait elle-même, avec la même acuité, se poser pour un artiste ( ou sportif ), sous quels critères peut-on se dire artiste, que ce soit dans la musique ou un autre art !

Je crois qu'il suffit de le vouloir déjà en premier lieu, ensuite avec la pratique on obtient inévitablement quelques résultats, avec plus ou moins d'efforts/facilités selon les individus. Mais n'est pas philosophe, artiste ou sportif celui qui aura eu une occasion sporadique de pratiquer une de ses activités, à ne pas confondre avec une philosophie de vie qui s'apparente plus à un mode ou un style de vie que d'oeuvrer en philo, ou encore d'avoir su agir, ou réagir, sagement/intelligemment dans tels circonstances ou conditions.

Bien à toi, D-U

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Oui et non. Je peux concevoir ça pour un artiste, moins pour un sportif (où l'objectif est compétitif pour ceux que l'on considère comme "sportifs professionnels"). Mais en effet, la question se pose aussi pour l'artiste. Et la différence est souvent faite entre l'artiste, qui pratique simplement un art, et un artiste de "génie", à savoir quelqu'un qui est classé comme au-dessus des autres selon certains critères.

Nous sommes bien d'accord. Sauf qu'en philosophie, tu as le philosophe, et l'autre. Tu n'as pas le philosophe du quotidien, celui qui suit une philosophie de vie, et le philosophe de "génie", celui qui se range aux côtés d'un Bergson ou d'un Platon. Le problème, c'est que la philosophie de vie peut aussi faire d'un philosophe quelqu'un qui restera dans l'histoire : il suffit de prendre le cas de l'école cynique pour le voir. Là, nous sommes clairement dans une philosophie de vie, philosophie de vie qui a toute sa place dans la philosophie et à quoi nous rattachons des philosophes ayant certaines idées.

Donc, la question que je pose est : être philosophe, donc faire de la philosophie, est-ce vraiment écrire des traités jargonneux, ou n'est-ce pas plutôt (ou aussi) justement l'aspect "philosophie de vie" ? Autrement dit, est-ce qu'un philosophe est uniquement celui qui pense par les lettres, ou bien couple-t-il sa pensée par l'action, transformant son action en agir ? Pour ma part, je suis davantage sur la dernière des positions, mais j'ai bien conscience que je n'ai pas forcément celle de pas mal de passionnés de la question.

Mais plus encore que cette question, c'est le fait même de s'affirmer philosophe qui me dérange tant j'attache une forme de modestie et de discrétion à un tel personnage. Le rôle du philosophe n'est pas d'affirmer sa position en le proclamant haut, il est plutôt de le démontrer par ses talents propres. On est jamais aussi peu philosophe qu'au moment où on prétend l'être. Et je te retourne la question par analogie : est-ce que dire "je suis un scientifique" fait de la personne un véritable scientifique, et non pas une caricature ou simplement un "mauvais" scientifique ? S'en convaincre ne suffit pas toujours, ou alors seulement dans son coin pour soi.

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Je comprends mieux où se situe tes interrogations. Je vais tenter comme à l'habitude de faire synthétique, tu me connais !

Tout d'abord, je fais une nouvelle analogie, cette fois-ci avec les mathématiques, à quel moment peut-on se dire mathématicien ?

Il ne suffit bien évidemment pas d'utiliser cette science pour en être un, doit-on en avoir une activité professionnelle, pas beaucoup plus, les plus grands noms n'étaient pas payés pour cela, comme Fermat, magistrat et amateur de mathématiques à son époque, mais qui douterait qu'il fasse partie de cette classe d'individus. De trouver un élément nouveau, comme une lectrice américaine qui a trouvé un moyen par le tricot de rendre tangible des constructions topologiques, à mon sens non, par contre celui qui s'adonne à cette branche, et qui cherche et/ou trouve des résultats, ou des méthodes, des ponts entre branches distinctes, même si il ne fait que les redécouvrir, sera à mes yeux un mathématicien, c'est à dire que c'est comme un travail de chercheur.

Pour en revenir au sportif, il n'y a pas lieu de se focaliser sur la compétition, il n'est pas exclu que certains adeptes assidus soient plus performants que d'autres qui tentent leur chances dans des championnats. D'ailleurs, il faut faire la distinction, de savoir quels critères retenir pour définir un sportif, ses performances vis à vis d'un pays ou mondial, ou de telle épreuve médiatique, ou vis à vis de ses propres évolutions personnelles ? Ne serait-ce que par ces deux critères, on peut facilement devenir indécis, basculant de l'un à l'autre, ou justifiant par rapport à l'un ou à l'autre.

Il existe aussi des sportifs extrêmes qui ne se mesurent à personne directement, ils innovent, difficile dans ce cas, de les comparer à des standards bien rodés.

Maintenant, pour ce qui concerne la philosophie de vie, je la rapproche toujours de principes de vie, qui certes peut faire des adeptes en nombre, que ce soit par exemples le stoïcisme, l'épicurisme ou le taoïsme, mais qui pour ma part ne sont que des produits dérivés. Dit autrement, la philosophie de vie est une méthode prête à l'emploi, quelqu'en soit les raisons initiales, même si on en est l'investigateur, et la philosophie serait le moyen, comme la science en est un autre.

Il ne faut bien sûr pas confondre, ou en conclure, que la philosophie est condamnée à n'être qu'intellectuelle, non, je ne m'abuse pas pour dire que Sartre par exemple, était un philosophe engagé.

En ce qui me concerne, dans la vie, ce qui prime est le qualité du chemin emprunté, plus que la destination elle-même, et comme je vois la philosophie comme un moyen, entre autre de répondre à ses questionnements, qui peuvent aussi d'être de nature pragmatique, arrive par la force des choses, le moment où la philosophie ainsi élaborée aide à s'orienter, à faire des choix dans la vie, dans sa vie, elle n'est donc pas, toujours pour moi, indépendante de l'être qui la pratique, ou ne devrait pas l'être. Ceci se distingue d'une philosophie de vie, qui serait trop rigide, voire aveugle, alors que le philosophe s'adapterait, évoluerait, dit autrement une philosophie de vie serait analogue à un outil, donc fixiste, et la philosophie s'apparenterait à un organisme vivant, donc adaptatif.

Il n'est bien évidemment pas décent pour un philosophe de le clamer sur tous les toits, ce serait effectivement déplacer, mais je ne vois pas de mal, et des philosophes antiques eux-mêmes l'ont fait, de se proclamer philosophe. Et justement, je peux dire je ne suis pas un mathématicien, même si je m'y intéresse de près, par contre je suis un scientifique dans l'âme, parce que ce n'est pas ma profession mais que j'en ai l'état d'esprit et le cursus, et puis de dire, que je suis un philosophe car je pratique cette activité quotidiennement depuis des années, même avant de pouvoir la nommer ainsi, indépendamment de mes lectures ou apprentissages dans ce sens.

C'est pour cela que j'avais dit qu'il fallait également pratiquer, mais avant cela, il faut le vouloir profondément, le désirer, l'un ne va pas sans l'autre. Qui aurait/devrait avoir honte de dire qu'il est marathonien par exemple, si c'est effectivement ce qu'il fait régulièrement ?

Tout dépend en définitive de quelles sont les intentions, de se dire ceci ou cela, bien plus que ce dont il est question, comme de balancer d'être riche face à des pauvres gens, ou de bien montrer qu'on a des fonctions hautes placées face à des ouvriers, d'être diplômé en ceci devant une autre qui ne l'est pas, etc... Les intentions, c'est ça qui importe !

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J'ai aucun souci avec la longueur, je ne complexe pas devant les pavés !

Sauf que les intentions ne font pas tout. L'acte a davantage d'importance que l'intention : si l'action est mauvaise, l'intention pouvait être bonne, cela ne changera pas l'action mauvaise. Au mieux, l'autre en face sera tolérant, par compassion ou compréhension, mais il subira malgré tout l'effet de l'action.

Autrement dit, j'ai beau vouloir, j'ai beau avoir l'intention et l'envie d'être ceci ou cela, je ne le suis pas parce que je le crois mais parce que je le démontre. Et quelqu'un qui le démontre n'a, généralement, pas besoin de le dire : cela se voit et est confirmé par les autres.

Pour ce qui est des philosophes grecs, le cas est différent car ce n'est pas entendu de la même manière actuellement. C'était davantage le synonyme de "je suis en quête de la sagesse", ce que je ne trouve pas choquant.

En fait, dit brièvement, je ne dis pas davantage que "nul besoin de dire ce qu'on est si on est vraiment ce qu'on prétend être". Maintenant, si le philosophe est une profession comme le serait un mathématicien, soit. Mais on perd ce que la philosophie prétend justement apporter depuis l'Antiquité, à savoir en partie une modestie (de pensée) : "Je sais que je ne sais pas" est somme toute évocateur. Et quand je dis "Je suis un philosophe", le "Je suis" affirme clairement que "Je sais" qui je suis. Ce qui me paraît bien vite dit.

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Les intentions ne font pas tout, prises dans un sens très général, j'en conviens avec toi, mais dans le cadre de notre sujet, à savoir si il vaut mieux s'abstenir de dire que l'on est un philosophe, nous ne sommes pas dans des actions, à proprement parler, sauf à envisager l'acte en paroles, ce qui est d'un autre niveau, puisqu'il n'y a pas vraiment d'action dans le sens que tu l'entends. Ce qui signifie, puisqu'il n'y a pas d'action véritablement, qu'il nous faut en revenir à l'analyse que j'avais donnée, c'est à dire, de savoir quels sont les motifs ou objectifs de l'individu, derrière son aveu, son affirmation, en l'occurrence d'être un philosophe, si ses intentions sont louables, il n'y a à mon sens rien à rejeter, mais si cela masque un besoin malsain, compulsif ou égocentrique, alors nous pouvons effectivement nous en insurger.

Néanmoins, même en allant aussi dans cette direction, et en restant dans une dimension acceptable/tolérable, c'est à dire de ne pas se retrouver par exemple paraplégique par la faute d'autrui, nous pouvons tout de même constater que d'une part, on peut avoir un acte à notre encontre désagréable, comme d'être bousculé, sans mauvaises intentions, la personne s'excuse, et dans ce cas, nous ne lui en tenons pas véritablement rigueur, et d'autre part le non acte consommé mais dont les intentions étaient manifestes, comme de chercher à nous voler ou à nous nuire, même si le projet a capoté, il n'y a donc aucun acte réellement, juste des intentions, et pourtant notre sentence sera terrible vis à vis du fautif. Hormis donc un cas extrême, nous nous focaliserons bien plus sur les intentions qui étaient à notre encontre, que les actes ou actions réels, d'un point de vue du jugement d'autrui.

Tu veux le démontrer, mais j'ai envie de te répondre, mais à qui ? Car comme je l'avais soulevé au-dessus, tout dépend de quel angle d'attaque tu te places, dit autrement, s'agit-il de celui subjectif ( le sportif qui a progressé par rapport à avant, vis à vis de lui même, ou le matheux qui découvre de lui-même pour lui-même ) ou de celui objectif ( le sportif devant une compétition, une grille de résultat d'autres personnes, ou du mathématicien qui publie dans une revue surveillée/critiquée par ses pairs ), de même l'artiste qui est convaincu d'en être un, qui a le droit ou le privilège de lui retirer ce qu'il dit être, à partir du moment où effectivement il crée quelque chose, et/ou si il est jugé par un néophyte ou un artiste reconnu comme tel !?

Même les grecs anciens, se disaient philosophes pour se démarquer des sophistes, de ceux qui pratiquaient la rhétorique, c'était à mon avis, un état d'esprit, dont il fallait s'affirmer, pour bien marquer la distinction, comme aujourd'hui dans un autre registre, les élites le font en rappelant de quelle école ils sortent. Je ne crois pas que tous étaient si humble que ça, même pas l'illustre Socrate, qui ne pouvait qu'être faussement modeste en s'exprimant ainsi, et pourtant je suis toujours un fan, mais force est de constater, qu'il aurait mieux valu, qu'il s'exprime comme je le fais de temps en temps: plus j'apprends et plus je sonde la profondeur de mon ignorance, ce qui est bien plus juste et sincère, telle aurait dû être sa devise, son adage, en toute humilité, bien sûr. ( d'ailleurs ce n'est que la retraduction de ce que j'ai retenu de " ses " oeuvres, c'est la même mais rendu crédible )

Mais ne crois pas que je sois en opposition, je dis sensiblement la même chose que toi, avec des réserves et des nuances, c'est comme celui qui se dit bon bricoleur, il faut aussi qu'il le montre à un moment ou à un autre, pour que l'on puisse acquiescer ou pas.

Et quand moi aussi, je dis que je suis un philosophe, et ce n'est pas pour t'embêter ou te provoquer, loin de moi une telle idée, il ne faut tout simplement pas oublier que philosopher n'est qu'un moyen, non un résultat acquis, il n'y a donc aucune incompatibilité à se dire l'être, et être loin de quelque chose de satisfaisant, vois le plutôt comme " je suis un apprenti, je cherche des réponses à mes questions ", ce qui serait plutôt prétentieux et déplacer, serait plus de dire je suis sage/j'ai le savoir, car là il faudra être irréprochable, et le fait même de s'engager à le dire, n'est peut-être pas une preuve manifeste de ce fait. Grosso modo, une fois que l'on est philosophe, ce ne peut être que pour la vie, ou alors on a jeté l'éponge, et tourné le dos à cette quête, au mieux on aura été philosophe, comme un retraité aura été sportif par exemple.

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Je vois très bien ce que tu veux dire. Pour ma part, j'ai mis du temps à le devenir, mais je suis devenu extrêmement critique envers la philosophie et les philosophes. Tu l'auras compris, je le suis particulièrement à l'égard de ceux qui ont la prétention de l'être. Ne serait-ce que pour la raison simple qu'on ne se connaît jamais assez pour pouvoir le prétendre, et que si on le dit devant quelqu'un, rien ne nous dit qu'au fond il le soit davantage que nous. Peu importe la définition de ce qu'est le philosophe, d'ailleurs.

Sauf que dire "je suis" n'est pas dire "J'apprends à être", et c'est là le problème. Le premier cas signifie bien ce qu'est l'être que j'incarne, de la même manière que je m'attribue un prénom quand je dis "Je suis ce prénom". Si le sens de cette phrase voulait vraiment dire ceci, une personne qui passe son temps à raisonner et nuancer son propos serait parfaitement capable, je suppose, de nuancer la phrase en question. Ou alors il l'ignore, ce qui est pire, car il a tort sur sa personne. Le pire étant à mes yeux, bien entendu, d'en avoir conscience et de croire que nous le sommes.

En fait, je ne l'admets pas pour la raison simple qui est que je ne vois pas sur quel(s) critère(s) on peut dissocier le "bon" du "mauvais" philosophe, ou même le philosophe d'une autre personne. Il n'est pas un mathématicien qui démontre un théorème ardu un beau jour, et il n'est pas un sportif qui bat un record du monde. Au mieux il construit un système qui prétendra être meilleur que celui d'un prédécesseur, mais jamais on ne le saura : on ne pourra qu'y croire.

Pour être peut-être plus clair, ce qui me dérange profondément, c'est de remplir notre ignorance par des croyances qui deviennent parfois une foi au lieu de la remplir de savoirs. Autrement dit, je déteste (mais c'est pas nouveau) la métaphysique et sa prétention de décrire logiquement la réalité. Ce n'est pas parce qu'il existe un système théorique qu'il fonctionne, bien au contraire. L'économie nous le démontre tous les jours.

Donc le philosophe ne se rapproche pas vraiment du mathématicien. Il pourrait l'être pour le sportif, si on entend par là qu'il va dans un dépassement de lui-même. Mais si ce dépassement est une quête métaphysique pour donner sens à ce que nous ignorons, c'est davantage de la religion que du sportif qu'il faut rapprocher cela.

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J'ai eu peur de t'avoir froissé, en développant... mais non.

En fait il y a plusieurs petits problèmes à l'intérieur de ton interrogation, le premier serait d'ordre du vocabulaire/linguistique si je peux dire, et le second d'ordre pratique et enfin le dernier éthique. Reprenons:

Est-ce qu'un individu qui se dit informaticien, est une personne qui sait tout sur tout en informatique, ou juste une fraction ? Je dirai déjà qu'un informaticien est avant toute chose, quelqu'un qui pratique l'informatique, par définition, dans notre cas, un philosophe est quelqu'un qui pratique la philosophie.

Le fait de dire je suis ainsi ou quelqu'un, n'est pas obligatoirement en contradiction avec un résultat inachevé ou un processus en cours, ainsi en va t-il du jeune mathématicien ou de la personne en apprentissage ou en formation, puisqu'elle dira volontiers je suis apprenti, je suis en formation, ou encore pour un scientifique par exemple, je suis chercheur, même si il n'a encore rien trouvé/découvert !

La métaphysique n'est pas du ressort pour moi du philosophe, pas plus que le surnaturel ou le paranormal l'est pour le scientifique, ce qui ne signifie pas qu'il n'a rien à en dire, mais ce sera de l'extérieur de ces domaines.

Est-ce donc une prétention, ou une évidence pour celui qui s'en réclame ? On peut aussi distinguer le cas du philosophe amateur, dans le sens noble du terme d'une part, ou d'autre part pour se démarquer de celui professionnel/carrièriste. Faut-il avoir un titre officiel pour se nommer philosophe, alors que nombre d'étudiants en philosophie ne sont pas tous du même niveau, et qu'au delà d'un bagage culturel acquis, certains seraient même mauvais vis à vis d'un passionné.

Quels critères peuvent être utilisés pour vérifier que la dite personne soit bien un philosophe ? Et si c'était un autre domaine, j'ai déjà parlé de l'art, du sport, des mathématiques ainsi que de l'informatique ou de la science, comment font ces individus, artiste, sportif, mathématicien, informaticien ou scientifique pour porter cette dénomination !? Il faut au moins être actif dans ce domaine, et faire ce qui est reconnu comme tel dans cette activité, que l'on soit rémunéré ou pas pour cela, que l'on ait ou pas de renommé présentement, ne change rien à l'affaire.

Maintenant, comment discerner un bon praticien d'un mauvais ? Si il pratique pour lui même exclusivement, il sera donc seul maitre à décider de la valeur de son travail, si il échange, communique, se compare aux autres, il peut continuer à s'auto-évaluer, mais il prend aussi le risque d'être jugé par autrui, ce qui peut être subjectif, néanmoins la valeur de ce jugement dépendra fortement du crédit qu'il accorde à ses juges, à ses pairs, il n'y a donc rien d'absolu, pour preuve le nombre de personnes qui de leur vivant en été rejetées, puis à titre posthume réhabilitées ! Mais un bon philosophe sera aussi celui qui nous touchera nous personnellement, individuellement, comme une oeuvre d'art, et même si l'auteur l'avait vu d'une certaine manière, le lecteur le vivra, l'interprétera en fonction de lui, peut-être d'une manière originale, dont lui même sera le pourvoyeur, ainsi de suite, à ce jeu, on peut y voir une forme d'évolution darwinienne.

Normalement, en tout cas pour moi, et donc pour toi aussi selon ce que je comprends de tes écrits, le travail du philosophe sera de se défaire du mieux possible de toutes ses croyances, de reprendre point par point toutes ses connaissances, et suspendre celles incertaines, douteuses, ne reposant sur aucun fondement tangible, ou au contraire sur une analyse superficielle ou trop parcellaire, le criticisme du philosophe doit donc s'adresser à lui même en premier lieu, tout comme un maçon vérifie que sa règle est bien droite ou son niveau juste, i.e. en rapport avec l'aplomb de la pesanteur, ce n'est qu'après qu'il peut entreprendre de construire quelque chose, notre philosophe doit lui aussi s'assurer que ses outils ne soient pas faussés, mauvais ou inadaptés, mais cette entreprise est bien plus délicate, car c'est la raison qui s'observe elle-même, il y a donc péril potentiel en la demeure, d'où une vigilance accrue, et d'être attentif à n'importe quel signe aussi insignifiant soit-il, pour réviser si besoin ses pensées.

Le philosophe n'est pas condamné à dire uniquement la vérité véritable, il peut aussi se tromper malgré lui, se fourvoyer, nul ne peut prétendre à la perfection, mais il a le mérite de s'y atteler, d'y tendre, de faire reculer l'ignorance, de défricher notre psyché par les mots, de nous interpeler sur nos comportements, sur la qualité de nos actions, les raisons d'agir et comment mieux le faire, sans nécessairement prétendre d'avoir trouver la solution ultime, juste d'avoir mis la pierre à l'édifice, à son édifice, cela ressemble à un ouvrage par approches successives, parsemé de tâtonnements, de fausses routes, d'errance et aussi d'erreurs, mais ce qui compte c'est d'avoir progresser dans notre compréhension, ne serait-ce que d'un iota, pour soi ou pour l'humanité toute entière, en tout cas il le désire ardemment, tout comme similairement l'inventeur est conscient que ce qu'il a fait est une invention parce qu'il l'a voulu vraiment et a oeuvré dans ce sens, ce n'est pas une contingence ou une sérendipité, sinon cela s'appelle une découverte.

Voilà, j'espère avoir réussi à infléchir quelque peu ta vision plutôt négative du philosophe, pris en général.

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Je te l'ai dit, aucun souci avec les développements. Je mets simplement plus de temps à répondre ^^<br><br>Si nous nous comprenons bien, je suis d'accord avec ce que tu me racontes là. Si je suis exigeant avec la philosophie, ce n'est que parce que je l'estime. Et si je la questionne, c'est uniquement parce qu'elle m'a dit qu'il fallait se questionner sur chaque chose. Je n'en renie pas l'intérêt et la nécessité, loin s'en faut. <br><br>Par contre, je me méfie particulièrement, parmi ceux qui sont censés se questionner, de ceux qui affirment si indiscutablement de pareilles choses. Cela me paraît aussi ahurissant que de se prétendre être un sage. Sauf à se penser dans l'excellence, ce qui est possible, mais est trahi par le fait même de le dire. C'est une conception du philosophe que j'ai, elle est sûrement toute personnelle.<br><br>Pour le reste, j'ai l'esprit relativement scientifique, du coup oui, je ne cours personnellement pas après les croyances et j'aime mieux comprendre le monde, peu importe en quel sens. Donc en effet, tout travail permettant d'aller plus loin dans la compréhension me paraît louable. <br><br>Mais je crois que, comme pas mal de sujets, on va rester dans un désaccord de nuances. Ce n'est pas vraiment sans raison que je suis davantage attiré par les philosophes qui ont pu remettre en question la discipline et ses hommes : ils ont justement attaqué la prétention parfois excessive de la philosophie. Parfois de façon fallacieuse aussi. Mais ils l'ont fait. <br><br>Je dois t'avouer que conceptuellement parlant, j'ai du mal à concevoir qu'on puisse savoir qui nous sommes au sens philosophique du terme. C'est là un des "blocages" que j'ai face à ça. Et tu noteras que jusque-là, mis à part si ça m'a échappé, nous n'avons toujours pas défini ce qu'est un philosophe. Pourtant, nous discutons de gens qui ont prétendu l'être. Bien entendu que, tout comme toi, je sais "reconnaître" quelqu'un qui peut l'être de quelqu'un qui ne le serait pas. J'en ai lu pas mal pour m'en faire une idée. Seulement, je me demande s'ils sont vraiment si à part que ça. Suffit-il d'avoir la volonté d'y prétendre, d'oeuvrer vers cela pour pouvoir affirmer l'être ? <br><br>Si je peux me permettre une image que tu as déjà évoqué plus tôt pour défendre l'intention il me semble, il y a bien une différence entre celui qui est sur le chemin et celui qui arrive à la destination. Peut-être le chemin en vaut-il davantage la peine, je l'ignore et ce n'est pas mon point ici. En revanche, il faut être arrivé à cette destination pour pouvoir dire que nous y sommes (ou que nous le sommes, dans notre cas). Autrement dit, si tu oeuvres à être philosophe, tu n'es par définition pas philosophe, seulement en voie de (à considérer que tu es sur le bon chemin). En cela, cela me paraît bien absurde de le dire. <br><br>Maintenant, si être philosophe se résume à une profession comme le mathématicien, mes raisons semblent globalement ridicules. A condition de savoir ce qu'est la philosophie, ce qui n'est pas forcément simple.<br>

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Oui, pour résumé, on peut dire que suivant nos acceptations respectives, non dévoilées, de ce qu'est être philosophe, nous sommes d'accord l'un vis à vis de l'autre, tu me comprends et je te comprends, même si le point de départ est quelque peu différent, ce qui nous fait nous écarter un chouïa l'un de l'autre.

Par contre, depuis le début j'ai l'impression que tu as une idée derrière la tête que tu n'as pas dévoilée présentement, ces fameux philosophes prétentieux de s'affirmer comme tel, qui sont-ils, à qui penses-tu ? Car personnellement, à part voir quelques uns qui dérapent, je n'en vois pas vraiment qui se vantent faussement, y en a même qui sont pris comme philosophes alors qu'ils ne l'étaient pas du tout ou qu'ils se réclamaient autre chose, comme d'être penseur.

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Philosophe, mathématicien, sportif, écrivain, physicien ... J'ai envie de dire que nous sommes tous un peu de ci de ça. Après comme vous l'avez déjà dit nous avons tous plus ou moins des prédispositions pour l' une ou l' autre discipline. Tout dépend de ce que l'on choisit de mettre au coeur de son existence.

Ce n'est pas le fait de penser et/ou de dire que l'on est un philosophe que l'on en est un aux yeux des autres. C'est plutôt dans l'action que nous sommes. C'est la manière de définir, d'analyser cette action qui changera en fonction des époques et des nouveaux acquis dans les différentes disciplines.

Il y a différentes manières de pratiquer ces domaines... effectivement la science peut-être vu comme une religion car l'on se base sur des lois que nous estimons "fondamentales" (la base) se qui est aussi nécessaire pour progresser dans un sens donné mais elle est peut-être aussi pratiquée avec un regard neuf, curieux tout en gardant dans un coin de notre tête que notre savoir est limité a se que nous n'avons pas encore découvert et j'ai envie de dire avec un regard en quelque sorte philosophe.

"amour de la sagesse" ... L'amour se mesure-t'il ? peut-être que finalement cela dépend de la place qu'on lui accorde dans notre vie. Nous avons tous nos instants de philosophie mais ils durent plus ou moins longtemps et vont chercher plus ou moins loin.

Je reste toujours très flou. J'avais seulement envie d'y mettre mon grain de sel et merci à vous pour ces instants de "réflexions philosophiques".

(Je finis par avoir mal à la tête)

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deja-utilise : J'ai écrit ça après avoir vu un "débat" avec Onfray où il a prononcé la phrase telle qu'elle est, ce qui est la seule chose qui m'a marqué.

zera : je me reconnais plus aisément dans ton propos. En revanche, la science a un avantage tout de même, c'est qu'elle avance en confirmant par l'expérience : c'est parce qu'on arrive à comprendre et agir sur la réalité des choses qu'on valide ou non un concept scientifique. C'est tout de même pas la même chose que simplement imaginer un système cohérent qu'on suppose proche de ce que nous sommes, quand bien même on s'y reconnaît.

Et pour l'amour, c'est une définition qui est assez propre à chacun souvent, en effet !

Pas de soucis, merci du passage ;)

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