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16 mai 1717 : François-Marie Arouet, 23 ans, est envoyé à la Bastille.


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16 mai 1717 : François-Marie Arouet, 23 ans, est envoyé à la Bastille.

Arouet père veut donner à son cadet une formation intellectuelle qui soit à la hauteur des dons que celui-ci manifeste. À dix ans, il entre comme interne chez les Jésuites du collège Louis-le-Grand, l’établissement le mieux fréquenté et le plus cher de la capitale. Il y restera sept ans.

Les jésuites enseignent le latin et la rhétorique, mais veulent avant tout former des hommes du monde et initient leurs élèves aux arts de société : joutes oratoires, plaidoyers, concours de versification, et théâtre (un spectacle, le plus souvent en latin et d'où étaient bien sûr exclus l'amour et les rôles de femmes, était donné chaque année à la distribution des prix).

Élève brillant, vite célèbre par sa facilité à versifier (son Ode à sainte Geneviève est imprimée par les Pères et répandu hors les murs de Louis-le-Grand) , Arouet apprend au collège à parler d’égal à égal avec les fils de puissants personnages. Il y tisse des liens d’amitié et des relations précieuses dont il saura user toute sa vie : les frères d’Argenson, René-Louis et Marc-Pierre, futurs ministres de Louis XV et le futur duc de Richelieu.

Arouet quitte le collège en 1711 à dix-sept ans et annonce à son père qu’il veut être homme de lettres, et non avocat ou titulaire d’une charge de conseiller au Parlement, investissement pourtant considérable que ce dernier est prêt à faire pour lui. Devant l’opposition paternelle, il s’inscrit à l’école de droit mais fréquente la société du Temple qui réunit dans l’hôtel de Vendôme, descendant d’un bâtard légitimé de Henri IV et grand prieur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, des membres de la haute noblesse et des poètes (dont Chaulieu), épicuriens lettrés connus pour leur esprit et leur amoralité, et amateurs de soupers galants où l’on boit sec.

L’abbé de Châteauneuf, son parrain, qui y avait ses habitudes, l’avait présenté dès 1708. En leur compagnie, il se persuade qu’il est né grand seigneur libertin et n’a rien à voir avec les Arouet et les gens du commun. C'est aussi pour lui une école de poésie. Il va apprendre dans ce milieu de libertins sceptiques à faire des vers « légers, rapides, piquants, nourris de référence antiques, libres de ton jusqu’à la grivoiserie, plaisantant sans retenue sur la religion et la monarchie ».

Son père l’éloigne un moment en l’envoyant à Caen, puis en le confiant au frère de son parrain, le marquis de Châteauneuf, qui vient d’être nommé ambassadeur à La Haye et accepte d’en faire son secrétaire privé. Mais son éloignement ne dure pas. À Noël 1713, il est de retour, chassé de son poste et des Pays-Bas pour cause de relations tapageuses avec une demoiselle.

Furieux, son père veut l’envoyer en Amérique mais finit par le placer dans l’étude d’un magistrat parisien. Il est sauvé par un ancien client d’Arouet, lettré et fort riche, M. de Caumartin, marquis de Saint-Ange, qui le convainc de lui confier son fils pour tester le talent poétique du jeune rebelle. Arouet fils passe ces vacances forcées au château de Saint-Ange près de Fontainebleau à lire, à écrire et à écouter les récits de son hôte (« Caumartin porte en son cerveau/De son temps l’histoire vivante/Caumartin est toujours nouveau/À mon oreille qu’il enchante ») qui lui serviront pour La Henriade et le Siècle de Louis XIV.

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Le château de Sceaux. La duchesse du Maine y tient une cour

royale et exige de ses hôtes des vers sur tout et sur rien.

À ces jeux, Arouet est de toute première force.

En 1715, c’est la Régence. Arouet a 21 ans. Il est si brillant et si amusant que la haute société se dispute sa présence. Il aurait pu devenir l’ami du Régent mais se retrouve dans le camp de ses ennemis. Invité au château de Sceaux, centre d’opposition le plus actif au nouveau pouvoir, où la duchesse du Maine, mariée au duc du Maine, bâtard légitimé de Louis XIV, tient une cour brillante, il ne peut s’empêcher de faire des vers injurieux sur les relations amoureuses du Régent et de sa fille, la duchesse de Berry, qui vient d'accoucher clandestinement.

Le 4 mai 1716, il est exilé à Tulle. Son père use de son influence auprès de ses anciens clients pour fléchir le Régent qui, bon prince, remplace Tulle par Sully-sur-Loire où il s’installe dans le château du jeune duc de Sully, une connaissance du Temple, qui vit avec son entourage dans une succession de bals, de festins et de spectacles divers. À l’approche de l’hiver, il sollicite la grâce du Régent qui, sans rancune, pardonne.

Le jeune Arouet recommence sa vie turbulente à Saint-Ange (Caumartin est aussi un ennemi du Régent) et à Sceaux, profitant de l’hospitalité des nantis et du confort de leurs châteaux. Mais, pris par l’ambiance, quelques semaines plus tard, il récidive. S'étant lié d'amitié avec un certain Beauregard, en réalité un indicateur de la police chargé de le faire parler, il lui confie être l'auteur de nouveaux ouvrages de vers satiriques contre le Régent et sa fille.

Le 16 mai 1717, il est envoyé à la Bastille par lettre de cachet. Arouet a vingt-trois ans. Il restera onze mois à la Bastille.

À sa sortie, conscient d’avoir jusque-là gaspillé son temps et son talent, il veut donner un nouveau cours à sa vie, et devenir célèbre dans les genres les plus nobles de la littérature de son époque, la tragédie et la poésie épique.

Pour rompre avec son passé, avec sa famille surtout, pour effacer un patronyme aux consonances vulgaires, équivoque (à rouer), il se crée un nom euphonique, Voltaire.

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