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Vous avez dit métèque ?


Louis de Montalte

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Membre, 114ans Posté(e)
Louis de Montalte Membre 47 messages
Baby Forumeur‚ 114ans‚
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Ayant déjà publié de nombreux ouvrages, je devrais être blasé en ce qui touche les plaisirs de la sortie d'un livre. Néanmoins, si désenchanté que je puisse être, c'est toujours avec une même émotion que je prends entre mes mains mon nouveau bébé, le feuillette, en contemple la couverture, en respire le papier qui sent encore la bonne odeur de l'imprimerie.

Si, dans mon intime particulier, je suis spécialement affectionné à mes romans et à mes poèmes, cela ne signifie pas que je tienne le roman et la poésie pour supérieurs aux autres genres littéraires. Un récit, un essai, un journal intime, un recueil de textes, une pièce de théâtre peuvent, autant qu'un roman ou un poème, immortaliser leur auteur.

Certains des meilleurs livres d'un Chestov, d'un Bernanos, d'un Montherlant, d'un Mauriac (Athènes et Jérusalem, La Liberté pour quoi faire ?, Service inutile, Bloc-notes) sont des recueils d'articles parus dans la presse. Il ne s'agit donc là, en aucune façon, d'un genre mineur.

Au demeurant, les genres¿ Que les historiens de la littérature et les professeurs de lettres classent les livres d'un écrivain par genres, pour la commodité, c'est bien naturel, et les éditeurs eux-mêmes le font lorsqu'ils établissent la page intitulée « Du même auteur » ; mais une telle classification a quelque chose d'artificiel, car quel que soit le genre dans lequel s'exprime un écrivain, ses mots sont tracés par la même main, jaillissent du même coeur, du même cerveau, des mêmes entrailles.

Une ¿uvre véridique jouit donc, par delà la diversité de ses facettes, d'une réelle unité intérieure, et c'est pourquoi j'espère que dans Vous avez dit métèque ?, recueil de cent sept textes où je traite des thèmes les plus divers, l'émigration, le racisme, le nouvel ordre moral, l'impérialisme américain, la pédophilie, la langue française, la Palestine, l'Arménie, les conseils à un jeune écrivain, le suicide, le Christ, Tintin, Byron, Venise, la diététique, l'ancienne Rome, Drieu la Rochelle, Hocquenghem, mes ex amantes et mes actuelles, l'Eglise orthodoxe, l'intégrisme mahométan, j'arrête ici une liste encore longue, mes fidèles lecteurs retrouveront le Matzneff qu'ils aiment ; j'espère aussi que ceux qui me découvriront grâce à cet ouvrage en sortiront avec le désir de lire tous mes autres livres.

Je le note dans Vous avez dit métèque ? à propos de Pierre Boutang, et je viens de l'éprouver une nouvelle fois à Quimper avec Guy Hocquenghem : un écrivain qui participe aux luttes de son siècle, qui a un talent de polémiste, qui donne de nombreux textes aux journaux ne devrait jamais laisser à ses exécuteurs testamentaires le soin de les recueillir, il devrait impérativement les réunir en volume de son vivant. Guy Hocquenghem est mort en 19882, mais vingt ans après sa mort il n'existe toujours aucun recueil des articles étincelants qu'il écrivit à Libération, au Gai Pied, à Tout, à Recherches et à tant d'autres feuilles. Les articles parus dans de grands journaux seraient, je suppose, assez faciles à retrouver, mais il n'en va pas de même de ceux publiés dans d'obscures revues aujourd'hui disparues, dans des bulletins ronéotypés dont je suis persuadé que même à la Bibliothèque Nationale ou à l'IMEC il n'existe pas la moindre trace. C'est pourquoi, en ce qui me regarde, je suis heureux d'avoir pu, de mon vivant, sauver de la dispersion ou, pire, de la destruction, des textes tels ceux qui composent Vous avez dit métèque ?.

En particulier, cela va sans dire, les nombreuses pages politiquement non correctes, sexuellement non correctes, qu'aucun organe de la grande presse purée, quotidiens et hebdomadaires confondus, n'oserait aujourd'hui publier.

Bonne lecture, donc, jolies lectrices, audacieux lecteurs, et, comme le chante notre cher Don Juan, Viva la libertà !

Ah oui, j'allais oublier ! La nuit qui a suivi le jour où Vous avez dit métèque ? est sorti de chez l'imprimeur, insomniaque, j'ai allumé la lumière, ouvert le livre, et je suis illico tombé sur une coquille ! Cette coquille que l'on découvre à peine ouvert le livre flambant neuf est une tradition qui, je pense, remonte à Gutenberg, il faut en sourire, car elle a son charme malicieux. Bref, à la page 275, ligne 20, un mot a sauté : « ¿ ces émigrés russes morts pour la France¿ ». Coquille que je vous invite à corriger dans votre exemplaire.

Gabriel Matzneff

www.matzneff.com

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