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Anabel26

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  1. Anabel26

    un jour... un poème

    Épouvantail 1, par Oliverio Girondo. Je me fiche éperdûment que les femmes aient des seins comme des magnolias ou comme des figues sèches, une peau de pêche ou de papier de verre. Je n’attache aucune importance au fait qu’elles se réveillent avec une haleine aphrodisiaque ou avec une haleine insecticide. Je suis parfaitement capable de supporter qu’elles aient un nez digne de remporter le premier prix d’une exposition de carottes; -mais il y a une chose- et sur ce point je suis intraitable- que je ne leur pardonne sous aucun prétexte, c’est de ne pas savoir voler. Si elles ne savent pas voler, celles qui prétendent me séduire perdent leur temps! C’est la raison et la seule pour laquelle je suis tombé si follement amoureux de Maria Luisa. Que m’importaient ses lèvres à épisodes et ses chaleurs sulfureuses? Que m’importaient ses extrémités de palmipède et ses regards de pronostic réservé? Maria Luisa était une véritable plume! Dès l’aube elle volait de la chambre à la cuisine, elle volait de la salle à manger au cellier. En volant elle préparait mon bain, ma chemise. En volant elle faisait ses courses, vaquait à ses occupations… Avec quelle impatience j’attendais qu’elle rentre, en volant, de quelque promenade dans les environs! Là-bas au loin, perdu dans les nuages, un point rose. « Maria-Luisa! Maria-Luisa! » …et en quelques secondes, elle m’étreignait de ses jambes de plumes, pour m’emmener, en volant, quelque part. Durant des kilomètres de silence nous planions en une caresse qui nous rapprochait du paradis; durant des heures entières nous faisions notre nid dans un nuage, comme deux anges, et soudain, en vrille, en feuille morte, l’atterrissage forcé d’un spasme. Quel délice d’avoir une femme aussi légère…, même si elle nous fait voir trente-six chandelles, de temps en temps! Quelle volupté de passer ses journées dans les nuages et ses nuits dans un vol sans escale! Après avoir connu une femme éthérée, Quel sorte d’attrait une femme terrestre peut-elle offrir? Il n’y a pas de différence substantielle, n’est-ce pas? entre vivre avec une vache ou avec une femme qui a les fesses à soixante-dix huit centimètres au-dessus du sol. Moi, du moins, je suis incapable de comprendre la séduction d’une femme pédestre, et pour autant que je m’efforce de le concevoir, je ne peux même pas imaginer qu’on puisse faire l’amour autrement qu’en volant. Traduit par Juliette Gheerbrant et Olivier Favier.
  2. Anabel26

    un jour... un poème

    Les fleuves Nous sommes temps. Nous sommes la fameuse parabole d'Héraclite l'Obscur, nous sommes l'eau, non pas le diamant dur, l'eau qui se perd et non pas l'eau dormeuse. Nous sommes fleuve et nous sommes les yeux du grec qui vient dans le fleuve se voir. Son reflet change en ce changeant miroir, dans le cristal changeant comme le feu. Nous sommes le vain fleuve tout tracé, droit vers sa mer. L'ombre l'a enlacé. Tout nous a dit adieu et tout s'enfuit La mémoire ne trace aucun sillon. Et cependant quelque chose tient bon. Et cependant quelque chose gémit. Jorge Luis Borges
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