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Naissance du concept d’existence
satinvelours a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Philosophie
Soit je suis platonicien et ce qui m'intéresse c'est de comprendre le beau en soi, mais pour comprendre le beau en soi à la limite ai-je besoin de passer par des œuvres belles, je peux faire uniquement de la spéculation. Si je veux à la fois ne pas rester dans la sphère limitée de ma subjectivité et me contenter de me dire c'est beau, sous-entendu je ne peux pas en rendre compte, on est là dans la sensation purement subjective. De l'autre côté si j'ai bien conscience que se mouvoir dans la pure métaphysique c'est-à-dire définir ce qui est beau en soi, ce que veut faire Platon, me conduit à ce paradoxe qui est que je peux parler du beau sans jamais rencontrer le beau. Nous sommes dans une très grande difficulté. La seule voie possible sera à la voie kantienne qui ouvre les grandes réflexions esthétiques. Si je veux prendre en considération les œuvres et savoir ce qu'est le beau quand j'ai l'impression que telle œuvre que je vois, que j'entends est belle il me faut revenir à la sensation, ne pas faire l'impasse. Telle est la difficulté. De la même façon que Kant montrera que la métaphysique ne saurait être une science véritable, de la même façon on ne peut fonder le beau. Le beau se manifeste au travers de choses belles qui sont dites belles parce qu'elles produisent un certain type de sensations et d'émotions en moi. Ce n'est pas du beau qu'il faut parler d'abord mais du goût. On ne peut normer le beau, sauf d'une façon sociologique. Sur le plan conceptuel ce n'est pas possible. La seule chose que l'on va normer c'est le goût, c'est le jugement de goût. Car c'est bien ce jugement là qui dit que telle chose est belle ou qu'elle ne l'est pas. Kierkegaard emprunte ce terme car le stade esthétique est un stade ou par définition nous allons nous laisser guider pas totalement passivement, mais nous allons organiser notre existence autour de la sensation, de nos sensations, qui est, chronologiquement parlant, la première chose, la première expérience qu'en tant que vivant j'ai. Ce terme n'est pas inventé par Kierkegaard. Ce terme est travaillé aussi bien par la philosophie que par la littérature. Le stade esthétique est un retour à la sensation, réaction à l'hégélianisme. On tire un trait sur l'abstraction, on part de ce qu'il y a de plus concret c'est-à-dire justement la subjectivité, la subjectivité sensible, donc la sensation ainsi ce que l'on pourrait appeler son empreinte psychique : l'émotion. Le sentiment, empreinte psychique de la sensation ne peut se comprendre qu'à travers une double référence qui constitue l’héritage kierkegardien. Double référence : philosophique et littéraire. -
Naissance du concept d’existence
satinvelours a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Philosophie
Il y a volonté de repérer ces éléments de les distinguer pour ce qu'ils sont et il nous appartient de nous structurer autour de noyaux qui essayent de rassembler d'abord les éléments esthétiques, ensuite l'élément éthique et en terminer avec l'élément religieux. Cela ne veut pas dire que dans l'esthétique il n'y a pas déjà de l'éthique, du spirituel, du religieux. Cela veut dire que là cet élément ne sera pas majoritaire et qu'il va nous permettre une conduite, un type d'existence particulier. Mais c'est en vivant ce type d'expérience particulier qu'au bout d'un certain moment j'en serai peut-être lassé, parce que moi-même, de par mes expériences, j'en sentirai la finitude, j'en sentirai les limites. Et c'est là que l'on trouve le dynamique, non pas la personne dynamique, mais la personne qui est mue par un mouvement propre intérieur. L'idée de Kierkegaard c'est qu'un homme normalement constitué au bout d'un certain moment finit par éprouver comme étant limité, fini, ce qui au début de ce moment de sa vie lui apparaissait au contraire comme infini, plein de promesses. C'est en vivant l'existence que nous-mêmes, parce que nous sommes habités par ce mouvement, au sens grec neutre, nous habiterons les trois stades. Travaillant la notion d'esthétique Kierkegaard va s'intéresser à deux mythes : Don Juan et Faust. Faust ayant lu tous les livres a fait le tour de l'intellectualité. Il sait que la connaissance ne peut pas nous apporter le bonheur. Et même si l'on va jusqu'au bout de la connaissance il y a toujours quelque chose qui est insatisfait. Ayant découvert que même l'esprit ne nous arrache pas à notre finitude Faust revient à la chair. Ayant lu tous les livres, il vend son âme au diable et retourne à ce mode d'existence esthétique. C'est le parcours inverse de Don Juan. Le stade esthétique (Aisthêsis) D'une façon générale aisthêsis en grec est un terme qui signifie la sensation. Le terme esthétique est créé par Baumgarten au XVIIIe siècle pour désigner ce domaine de la réflexion qui va appartenir à la philosophie et qui va s'intéresser à la sphère de la sensation car nous sommes tous des êtres qui ressentons les choses, éprouvons des sensations. Or l'esthétique au sens premier du terme c'est non seulement l'étude de la sensation, mais surtout c'est le domaine qui va essayer de construire une science de la sensation. L'esthétique est toute la réflexion qui essaye de normer les sensations, et de voir comment les sensations dans leur spécificité peuvent participer à la construction du vrai. Le problème majeur de la sensation philosophique c'est qu'elle est radicalement subjective. On sent tout de suite l'impasse, l'aporie qui guette la construction d'une esthétique, c'est ce paradoxe qu'il y a à tenter, à chercher, à vouloir construire une science de l'individuel. Comme Aristote le disait déjà « il n'y a de science que du général », on ne peut pas construire de choses individuelles. Toute l'esthétique, à commencer par l'esthétique Kantienne, ne va pouvoir se construire qu'en prenant acte de l'existence de ce paradoxe. -
Naissance du concept d’existence
satinvelours a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Philosophie
De la même façon aucune existence ne saurait prétendre à être ordonnée. Il y a, souligne Kierkegaard, dans notre tradition philosophique un fantasme qui est celui de l'ordre : rationalisme cartésien, philosophie leibnizienne, Hegel. L'ordre est rassurant. Cet acharnement à trouver de l'ordre, à exiger que l'existence obéisse à un ordre, s'accommode de cette quête du sens. Or il n'y a pas d'ordre. Tout ordre que l'on peut trouver à son existence, à celle des autres est une construction artificielle rétroactive, c’est-à-dire c'est toujours dans l'après coup, en nous retournant sur ce qui n'est plus que nous arrivons à conférer un ordre à ce qui, précisément, ne se préoccupait pas d'en avoir. Exemple : l'importance de la vie monastique. Si l’on veut aimer Dieu, on ne peut le faire qu'en se retirant de la vie et en créant une vie parfaitement artificielle. On pourrait voir dans la vie monastique un essai pour imposer à l'existence une règle que, pour elle-même, elle est incapable de donner. L'abstraction supprime et résout toutes les contradictions. Kierkegaard conclut donc que penser l'existence s'avère impossible parce que, dit-il, « c'est essentiellement la supprimer, comme on supprime une contradiction ». L'existence est à vivre, elle est à mettre en acte, à mettre en œuvre, non pas d'une façon générale mais pour chaque existant. Mais cette mise en existence, cette mise en acte passe par des moments, des configurations qui exigent une mise en forme correspondant à des modes d'exister dont chacun de ces modes d'exister constituera ce que Kierkegaard appellera stades. Est-ce que l'on ne retombe pas ici dans la même position que Hegel ? Non. Ces stades ne sont pas des constructions théoriques qui découlent du travail strictement conceptuel mais on doit les comprendre comme la tentative de se servir, de se faire cristalliser des éléments qui figurent dans toute existence, qui seront d'un côté la sensualité, de l'autre côté cet élan, la métaphysique, élan vers l'absolu et pour certains la rencontre avec Dieu. Tous ces éléments figurent dans n'importe quelle existence. L'idée de stade ne provient pas d'une formalisation artificielle de quelque chose qui se servirait uniquement d'un travail conceptuel et illustrerait cela en se retournant de temps en temps vers la vie, non. Ceci est contournable, ces éléments nous les rencontrerons à des degrés divers et sous différentes formes, il va falloir apprendre à s'en servir. L'idée est que plutôt que de laisser ces éléments, qui de toute façon existent, travailler, se saisir de nous et nous conduire dans des directions que nous ne pouvons plus choisir, il va falloir apprendre à s'en servir c'est-à-dire les intégrer dans des ensembles, s'en servir comme dans un moteur et en prélever l'événement dynamique. Car c'est à vivre jusqu'au bout ce que chacun de ces éléments pourra nous faire vivre que, très naturellement et sans se faire violence, nous serons portés à dépasser cela. Le dépassement des phases se fera par l'investigation de la sphère esthétique, et mus naturellement par un mouvement nous serons portés à aller voir autre chose, ailleurs, d'une autre façon. Dynamisme = sens neutre, idée de mouvement. C'est une volonté de la part de Kierkegaard de dire que si nous laissons les choses évoluer "naturellement" en nous, nous allons subir des influences qui nous viennent du monde extérieur puisque nous ne vivons pas tout seuls, nous n'allons pas savoir diriger ces éléments mis en rapport les uns avec les autres, et si nous n'arrivons pas à les diriger nous en ferons les frais, c'est-à-dire que les autres disposeront de nous, nous ne serons pas maîtres de notre existence. Il y a volonté de repérer ces éléments de les distinguer pour ce qu'ils sont et il nous appartient de nous structurer autour de noyaux qui essayent de rassembler d'abord les éléments esthétiques, ensuite l'élément éthique et en terminer avec l'élément religieux. -
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satinvelours a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Philosophie
Il y a distorsion entre la pensée spéculative philosophique, la pensée qui nous emprisonne dans les règles idéalistes et de l'autre côté la vie, plus exactement l'existence. C'est toute la philosophie idéaliste depuis Platon qui est là attaquée, c'est la branche la plus puissante de notre tradition, celle qui porte toute la métaphysique donc une grande partie de la philosophie. La pensée abstraite nous éloigne, nous coupe même de la vie réelle, de l'existence, de sorte que plus on s'ingénie à construire une pensée spéculative (Hegel) plus on porte loin la spéculation, plus on se coupe de l'existence. Non seulement le recours à l'abstraction, la spéculation qui vident l'existence de sa substance, mais également la mise en système. Cette philosophie spéculative ne résiste pas au système, au désir de réduire la vie à une totalité que l'on peut penser sous forme systématique. Or, par définition, Kierkegaard part d'un postulat qui est qu'aucune existence ne saurait être totalisable. C'est une idée qui traversera l'ensemble des philosophies existentielles. Elle sera reprise par Sartre. Toute la théorie sartrienne de la liberté présuppose cela. Si nous sommes libres, alors il est impossible d'enfermer notre existence dans un quelconque système, car système implique notion de totalité. Aucune existence n'est totalisable. -
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satinvelours a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Philosophie
Le propos de Kierkegaard est de dire attention à l’abstraction, c’est-à-dire la conceptualisation, la mise en concept de ce qui au départ n'est qu'une impression positive, sensations, sentiments. Exister c'est d'abord ressentir des choses physiquement, émotionnellement. Ensuite il y a ce passage que Kierkegaard appelle l'abstraction, la mise en concept. Donc attention parce que cette mise en concept, cette conceptualisation, cette théorisation ont pour effet d'anéantir littéralement l'existence, de la tuer. Parce que concept, théorie, vident l'existence de sa substance véritable et le premier exemple c'est le temps. Lorsque nous essayons de quitter le sol de la subjectivité, et nous sommes avant tout des sujets qui avons un rapport nécessairement subjectif au monde, aux choses, aux autres, à nous-mêmes, nous sommes obligés de faire comme si nous n'étions pas constamment aux prises avec le temps. Nous sommes obligés de nier ce qui pourtant constitue l'essentiel de notre substance c'est-à-dire justement le temps. Pourquoi ? Parce que le concept nous contraint à penser sous la catégorie de l'éternité. Le concept nous contraint à parler de tout à commencer par notre existence dans une catégorie totalement déplacée puisqu'il s'agit d'une catégorie de l'éternité, en tout cas de ce qui échappe au temps, une catégorie intemporelle, alors que tout en nous est pétri de temps et plus particulièrement ce qu'il faudra appeler, au sens bergsonien, la durée, ce temps intérieur, ce temps subjectif qu'à partir de Bergson on préfère appeler, en philosophie, la durée. L'abstraction de ce point de vue là ignore ce qui fait toute la singularité de l'existence à savoir cette tension, dont personne ne peut sortir, entre finitude, fini. Nous sommes sous de multiples rapports et pour des causes diverses des êtres finis. Nous avons un corps, qui nous enferme dans la finitude de la matière, qui a des limites physiques, spatiales donc. Nous sommes assujettis à l'irréversibilité du temps, là aussi s'indique notre finitude. Et cet être fini, qui de toute part éprouve à chaque instant sa finitude, néanmoins par une partie de sa conscience ne cesse de chercher des voies, des traverses pour sortir, briser cette finitude, tout cet élan métaphysique qui nous porte vers des absolus, le beau, la liberté, l'immortalité de l'âme, Dieu ou le divin. Le vocabulaire de l'abstraction ne permet pas de rendre compte de cela, il fait de nous des êtres mutilés qui n'avons plus comme recours que de choisir entre l'un et l'autre terme, soit le fini ou la voix de la finitude c'est l'ordre du corps, Pascal, soit nier cela et se mutiler pour évoluer dans l'atmosphère raréfiée, éthérée de la métaphysique, de la théologie. L'existence n'est pas cela dit Kierkegaard. L'existence il faut d'abord la comprendre comme une sorte de tension dont il appartiendra à chacun de prendre cette tension et de décider par quel moyen on va la vivre, l'assumer et surtout quelle forme il faudra lui donner. Nous ne sommes pas dépourvus de libre arbitre, il conviendra de décider de la forme que nous allons lui imposer pour la vivre dans un cadre et peut-être nous apercevoir qu'elle peut produire des choses fécondes et non pas l'écartèlement qui n'est que douleur, souffrance. Cela dit même si on arrive à s'accrocher à la pire douleur cela sera pour s’ouvrir à l'expérience fondamentale de l'angoisse. Il y a différentes formes d'angoisse pour Kierkegaard. Il y a des formes appauvrissantes, stérilisantes de l'angoisse. Mais il essaiera de donner une forme à l’angoisse, de rendre à l'angoisse une positivité, voire une fécondité. Anthologie- Kierkegaard- Existence- PUF coll. sup. -
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satinvelours a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Philosophie
Que reproche Kierkegaard à Hegel ? Tout d'abord il refuse le qualificatif de philosophe. Pourquoi se défend-t-il d'être assimilé à un philosophe ? Et pourquoi refuse-t-il toute empreinte hégélienne ? Premier motif de son rejet c'est l'utilisation systématique abusive, selon lui, et particulièrement par Hegel de ce qu'il appelle l'abstraction. La philosophie est soit une idéologie déguisée, soit elle utilise depuis Platon jusqu'à Hegel une abstraction qui peu à peu va vider, va récuser la vie, va empêcher l'homme de se servir de ses capacités à réfléchir, de faire de la philosophie pour construire, pour passer de la vie à l'existence c'est-à-dire construire son existence. Il y a pour Kierkegaard un excès, un défaut de théorisation dont souffre la philosophie. Et quand on fait de la philosophie on passe à côté de l'existence. Hegel lui semble l'emblème le plus parfait de ce travers. « La langue de l'abstraction ne mentionne à vrai dire jamais ce qui constitue la difficulté de l'existence et de l'existant, et elle en donne encore moins l'explication » (Post Scriptum aux miettes philosophiques- deuxième partie- deuxième section- chapitre 13). La philosophie est comptable depuis Platon d'une machine infernale construite avec toutes les légitimations a posteriori. La philosophie essaye de comprendre les choses, le monde, en bâtissant des concepts. La philosophie essaye de nous arracher de la sphère du subjectif, de l'individuel, de la particularité pour nous élever, « auf heben », terme central dans le vocabulaire hégélien qui exprime à lui tout seul comment Hegel construit la dialectique. Dans « auf heben » il y a l'idée de conserver tout en dépassant. On conserve l'essentiel de deux choses contradictoires et en mettant en contact l'essentiel de la contradiction on fait produire une troisième chose qui permet un dépassement. On dépasse la contradiction pour en produire une autre à un autre niveau. En effet comme le dit Hegel, le propre de la philosophie depuis Platon c'est de nous arracher de la sphère individuelle du subjectif, du particulier pour nous élever progressivement vers le général, puis l'universel au moyen du concept en forgeant une langue qui est la langue philosophique. D'ailleurs l'une des difficultés propres à cette matière c'est de circuler dans cette langue sans forcément se servir de l'acceptation des termes. Ce faisant, forgeant cette langue qui lui est nécessaire la philosophie va travailler le réel, revenir à l'existence au moyen de ces concepts, au travers de ces termes qu'elle forge et qui vont déformer, aux yeux de Kierkegaard, dévoyer l'existence. Remarque importante qui nous montre que jamais la langue ne doit être négligée. La langue doit toujours être prise comme un instrument avec des effets redoutables. La langue, tout le temps nous traverse, nous dépasse et produit à notre insu des effets que nous ne pouvons pas prévoir et que nous ne pouvons qu'analyser. -
Naissance du concept d’existence
satinvelours a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Philosophie
A la fin de sa vie la célébrité de Kierkegaard est acquise, en tout cas au Danemark, mais elle est assombrie par des polémiques violentes qu'il créé lui-même. Il est agressif, ironique. Il va porter des attaques très sévères sur certains prélats qui lui vaudront des ennuis avec la justice. Son dernier texte s'intitule « L'école du christianisme » texte polémique où il attaque un théologien hégélien et un évêque. Durant toute sa vie il revient sur deux événements. Mais il en parle tout le temps en nous dérobant la vérité, ultime duplicité. - Rupture avec Régine Olsen dont on comprend que c'est une femme qu'il a réellement aimé toute sa vie mais il s'est tenu à une certaine posture. - Événement religieux : cette révélation de ce que peut-être l'amour de Dieu lorsque l'on sort du carcan de la faute, de la culpabilité, du péché. Mais en en parlant il referme de plus en plus le mystère sur ces deux événements. En mai 1855, il fonde le journal "L'Instant" comme moyen de répondre aux polémiques. Mais en octobre il s'effondre dans la rue, paralysé, il meurt le 11 novembre 1855 à 42 ans. Mourant il refuse les ultimes sacrements. C'est le dernier acte de quelqu'un qui est revenu à la religiosité la plus sincère, la plus profonde. On peut penser que ce refus des ultimes sacrements est le dernier geste d'un homme qui est de signifier justement qu'il ne reconnaît pas aux hommes, et particulièrement pas à ceux-ci, la possibilité de se substituer à Dieu et de le pardonner de ses péchés. Il n'en répondra que devant Dieu. C'est une des interprétations qui semble la plus crédible. Quel est le sens de l'existentialisme chez un penseur tel que Kierkegaard ? Qu'est-ce que Kierkegaard entend refuser avant de dégager de sa propre position ? Il fait des études de philosophie mais d'une façon plutôt autodidacte. Il fréquente d'une manière capricieuse l'université. Ce que lui apprennent ses maîtres cela ne le marque pas. En revanche c'est un lecteur d'une façon intuitive plutôt qu'universitaire dans le sens classique du terme. A l'université il découvre que toute la philosophie est occupée par l'hégélianisme. Sur le plan philosophique il faudra comprendre la notion d'existence pour Kierkegaard comme une immense réaction à ce que la philosophie va porter à cette jeunesse, à savoir quelque chose de strictement spéculatif, quelque chose d'abstrait. Il a très vite l'intuition que cela ne sert pas à grand chose et même cela peut conduire à rater sa vie, passer à côté de ce qui doit normalement constituer les seules grandes occupations humaines. L'entrée en philosophie de Kierkegaard est commandée, au départ, par une réaction contre l'hégélianisme régnant dans toute l'Europe. -
Naissance du concept d’existence
satinvelours a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Philosophie
Cette débauche a été intense puisqu'il a contracté des dettes que le père a dû payer pendant longtemps. Au travers de l'exemple de son père, Kierkegaard va comprendre très tôt que la religion n'apaise pas les tourments profonds de l'âme. Cette découverte dit-il dans son journal 1847-1848 fut pour lui comme un tremblement de terre. C'est cette prise de conscience qui va le détourner de la religion telle que la pratique le père et telle que l'institution religieuse tente de l'imposer. Il va se réfugier, posture, dans ce qu'il appelle l'intelligence, seule arme qui pourra lui apporter du réconfort. Ce refuge pendant quelques années dans l'intelligence pure et ses capacités va lui faire découvrir le concept d'ironie. Il va reprendre à Socrate la notion d'ironie et devenir un dandy cynique. C'est sa période esthétique où il rejette tout. Il interrompt ses études théologiques, mais il s'aperçoit que toute vie esthétique, posture, est désespoir. L'esthétisme n'est qu'une grimace retenue du désespoir le plus irrémédiable. L'esthète n'a que ses traits et son ironie pour se défendre de son angoisse. Il découvre très vite que la séduction est un leurre qui ne peut que déboucher sur la mort. C'est ce que lui révèle la lecture de Don Juan. Toute séduction est séduction d'elle-même, l'autre n'étant qu'un objet transitionnel, un moyen jamais une fin en soi. Pour Kierkegaard la femme existe toujours pour autre chose, elle n'a pas sa finalité en soi. Dans la séduction c'est moi que je cherche à perdre, côté du séducteur, quand je séduis l'autre. A peine l'autre est-il conquis, à ma merci, à ma portée qu'irrésistiblement je m'en éloigne et je n'ai qu'une envie c'est d'abandonner l'objet devenu ainsi objet inutile, objet encombrant. Conduite donjuanesque qui est évidemment, parce que le mythe est moral, sanctionnée par la mort. Toute séduction est mortelle. La séduction est la scénographie de notre désir et que, comme le dit Hegel, « tout désir poursuit sa propre mort ». Tout désir tant à être d'abord, mais ce n'est qu'une illusion, désir de quelque chose. A peine ai-je la chose que mon désir est supprimé par le contentement que me procure la chose, ce qui permet à Hegel de dire que, si on pense un peu d'une façon dialectique, tout désir implicitement poursuit sa propre mort. C'est très exactement le cas de Don Juan. C'est bien parce que Don Juan est mû par le désir compris profondément dans ce sens là, qu'il accepte la rencontre avec le Commandeur, et va défier la mort et lui donner une ultime illusion que le désir est plus fort que la mort. Kierkegaard parle surtout du mythe du Don Juan de Mozart. C'est cette expérience d'une autre forme de désespoir, aussi grande que la première, qui va arracher Kierkegaard à cette vie dissolue et le ramener à une vie en apparence plus tranquille. Mais en réalité il est toujours aussi tourmenté intérieurement. Il reprend ses études de théologie fait une thèse, se rapproche de son vieux père qui meurt en 1838. C'est une époque très tumultueuse où il rencontre Régine Olsen qu'il va séduire, se fiancer et néanmoins après avoir séduit d'une façon programmatique cette jeune fille va l'abandonner et rompre ses fiançailles. Cela va lui valoir de très grandes et violentes critiques parce que personne ne comprend. A ce moment il écrit « Le journal du séducteur » et va élaborer les concepts centraux dans son œuvre des stades de l'existence, particulièrement les deux premiers : esthétique et éthique ; commence l'usage des pseudonymes qu'il utilisera jusqu'à la fin de sa vie et, pouvant vivre de ses rentes, se consacre à une tâche d'écriture. Son travail sur l'angoisse qu'il appelle la maladie mortelle va relâcher l'étau du désespoir et il va être touché par la lumière de la foi. Journal août 1847 « Père céleste ne sois pas avec nos péchés contre nous, mais avec nous contre nos péchés». Désormais Kierkegaard se sent sauvé de sa morbidité, de sa mélancolie, les idées suicidaires disparaissent. Mais une forme de tristesse profonde l'habitera jusqu'à sa mort. -
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satinvelours a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Philosophie
Kierkegaard Philosophe danois naît et meurt à Copenhague 1813-1855. C'est le dernier enfant d'un second lit. Il naît d'un père qui passe pour un vieillard pour l'époque, il a 56 ans. Il a perdu sa première femme dont il a plusieurs enfants, il épouse en catastrophe sa servante dont il attend un enfant. Et quand Kierkegaard naît c'est évidemment l’enfant du péché. Le père de Kierkegaard sera la figure toute puissant qui va déterminer la vie la pensée l’oeuvre. Son très long journal donne de nombreux renseignements sur sa vie. Dans l'année 1848 de son journal le père est décrit comme despote « endurci par les ans dont la vie a été sombre et glacée » c'est un père religieux, chrétien de tradition piétiste. Le piétisme est un courant qui fait de la religion quelque chose de sinistre, effrayant, castrateur. ll a écrasé son fils du poids de ses propres tourments, de sa propre culpabilité. Kierkegaard raconte qu'il a passé son enfance avec le sentiment que le père ployait sous le poids de très lourds secrets. Et cette culpabilité ravageuse qui a miné la vie du père s'est exercée sur ses enfants au travers de leur éducation et particulièrement sur ce petit dernier très sensible et qui va réagir dès sa plus tendre enfance à ce côté tourmenté, angoissé. Kierkegaard est élevé dans l'idée que nous sommes tous pécheurs, qu'aucun acte de la vie n'existe sans qu'aux yeux de Dieu il ne soit un péché. L'imagination de l'enfant est frappée par cela et Kierkegaard insiste sur le fait qu'il a eu l'impression, par cette éducation qu'il juge « insensée », que son père l'a tué avant qu'il n'ait eu la possibilité de commencer à vivre. Cette jeunesse totalement lugubre, vouée à une méditation morbide sur la notion de péché va laisser au jeune Kierkegaard une angoisse indélébile et particulièrement une angoisse face à toutes formes de sensualité, une méfiance totale du bonheur qui constitueront chez lui, à son tour, un tourment aussi puissant qu'à été le tourment du père et l'a conduit plusieurs fois au seuil du suicide. Néanmoins quand on regarde les témoignages des compagnons, des étudiants, de sa jeunesse il est décrit comme un jeune homme très brillant, plein de vie, gai, enjoué, spirituel aimant la compagnie et la recherchant. Mais la totalité de l'œuvre, y compris l'œuvre philosophique, démontre combien ceci fut effectivement un masque, une posture, qui cachait, recouvrait ce que Kierkegaard appelle « une monstrueuse mélancolie ». Pour survivre donc il n'y a que la duplicité. Plus on s'enfonce dans la culpabilité plus à l'extérieur on essaye de montrer une figure totalement opposée. Cette duplicité Kierkegaard ne l'abandonnera jamais et nous en avons une trace par l'utilisation permanente des pseudonymes qui a aussi une fonction apotropaïque. Pseudonymes qui protègent son identité véritable et qui lui donnent l'impression de pouvoir explorer la diversité des possibles qui s'offrent à lui, la diversité de tous les personnages qui constituent son moi. Son seul plaisir était de faire en sorte que personne ne put découvrir sa misère intérieure. Son seul plaisir était sa capacité de dissimuler l'état réel de son moi, la détresse totale et extrême qui l'habitait, «Journal d'un séducteur ». Cette misère, cette détresse, cette solitude extrême que le jeune homme va dissimuler pendant quelques années 1835-36-37 au travers de mœurs dissolus, voire de débauche a pour origine la religion ou plus exactement une forme exacerbée, morbide de la religiosité. Mais ce qu'il y a de très exceptionnel c'est qu'il se soignera d'une certaine façon par un retour à la religion, au christianisme. C'est le poison qui tue et le remède qui soigne. Cette religion haïe qui l'empêche de vivre, l'oppresse, sera de l'autre côté sa planche de salut au terme d'un gros travail qui occupera la deuxième partie de sa vie. Il va repenser intégralement le christianisme, voir s'il est possible d'aimer Dieu en sortant de ces limites mortifères que le père lui avait imposées. Crainte et tremblement. -
Naissance du concept d’existence
satinvelours a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Philosophie
Mais la posture est également ce qui transcende mon être. La posture c'est quelque chose qui est de l'ordre d'une forme que j'invente, que j'ai choisi, que j'ai construit avec l'idée que je puis en changer donc je ne suis jamais emprisonné définitivement dans une seule posture. Cette possibilité de trouver des postures, d'en changer, ramène à une certaine idée de la transcendance parce que cela veut dire que par-là j'essaye de faire bouger ce que je vis et ce que j'expérimente néanmoins comme étant mes limites propres. Par l'ensemble des postures qui seront les miennes, je fais sans arrêt bouger les limites qui doivent exister pour que j'existe moi-même et que je sois une entité réellement existante. Sans limites je me dissous. Il va falloir garder pour Kierkegaard l'idée que la posture accomplit toujours deux choses : à la fois elle va protéger, elle sera forcément du côté de l'artifice, de l'hypocrisie, le cynisme, la séduction, donc fonction apotropaïque très importante, mais de l'autre côté elle montre cette espèce extraordinaire mobilité de notre être qui peut sans arrêt inventer des formes à l'intérieur desquelles une partie de l'huis tient, qui peut jouer avec ces formes, passer d'une forme à l'autre sans que jamais une seule posture à elle toute seule puisse prétendre épuiser ce que nous sommes. Dans la posture, dans cette configuration de notre être il y a un mouvement de transcendance. C'est une idée très importante que l'on retrouvera chez Sartre, même s'il abandonnera l'idée de posture, mais l'idée qui restera, que l'on trouvera stigmatisée au sein de la mauvaise foi, à l'intérieur de cette idée sartrienne de la mauvaise foi, c'est qu'il nous faut toujours improviser pour être. Il y a un lien qui par-delà la posture va nous amener dans une philosophie tout à fait athée. Il y a une telle osmose entre la vie de l'individu Kierkegaard et l'élaboration de sa pensée que l'on est obligé de donner brièvement un certain nombre d'éléments biographiques. -
Naissance du concept d’existence
satinvelours a répondu à un(e) sujet de satinvelours dans Philosophie
On ne peut ici que souligner la différence entre le sort humain, le sort dévolu à l'être humain, et le sort de cet autre vivant qu'est animal, puisque l'animal en effet ne se définit que par son espèce. En lui c'est l'espèce qui parle bien plus que l'individu, d'où l'idée que, comme une espèce évolue peu, il n'y a pratiquement pas de progrès chez l'animal. Si progrès il y a, il se fait par sélection naturelle mais pas par contribution d'un apport d'individu à individu. « L'espèce ne vieillit jamais » Schopenhauer : Métaphysique de l'amour, métaphysique de la mort. En effet l'espèce vit dans une certaine forme d'éternité alors que nous sommes découpés dans le temps comme dans l'espace. Telle est la tragédie de toute existence mais peut-être aussi sa chance, voire son salut. C'est ce paradoxe qu’il faut essayer de comprendre en s'aidant de la lecture de Kierkegaard. Cette existence qu'il nous faut donc, puisque nous ne pouvons pas nous contenter de vivre, mais qu'il nous faut tenter d'exister, cette existence qu'il nous faut promouvoir, peut-on la décrire sous forme de continuum ou au contraire doit-on admettre que nécessairement pour se construire elle doit en passer par des moments, ce que Kierkegaard appellera des stades ? Chacun de ces stades se marquant par une certaine conception de l'existence, une certaine manière de se comporter, en un mot une certaine posture. Il faut entendre par posture deux choses qui nous ramènent à une ambivalence, que nous retrouverons dans tous les propos de Kierkegaard. La posture est à la fois quelque chose qui nous protège, c'est une sorte de masque, d'armure que nous revêtons par une gestualité, par une façon de configurer l'espace autour de nous, de nous tenir dans cet espace, avec l'idée que ceci est tout à fait conscient. La posture est quelque chose qui est travaillé, qui n'est pas hasardeux, et qui tend à autrui une image, une représentation de nous dont il va s'abreuver. C'est du moins l'espoir de celui qui tient une posture pour ménager un espace intérieur dans lequel éventuellement on peut vivre tout à fait autre chose. La posture a une fonction apotropaïque, c'est-à-dire une fonction de protection, une fonction de protection qui vise à préserver le moi profond qui est bien trop fragile, bien trop vulnérable pour pouvoir se montrer à nu. C'est la première dimension, le premier sens de cette idée de posture. -
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C'est tout le thème de l'absurde chez Camus où il va montrer qu’il faut en passer par ces fourches caudines, que si l'on ne s'est pas confronté à la déréliction, non pas d'une façon permanente mais sous forme d'expérience existentielle, on ne peut pas véritablement se construire. On se construira certes mais d'une façon artificielle, fausse. On sera une coque vide, une carcasse qui pourra fonctionner, puisque nos sociétés nous demanderont d’être des automates remplissant des fonctions, mais sur le plan existentiel nullité totale. Ce terme de déréliction a une très forte connotation existentielle mais davantage lié aux réflexions et à la méditation de Camus. D’où la tentation du suicide chez Camus. Il nous dit que le suicide est le seul problème philosophique qui vaut la peine d’être vécu. Le suicide est l’acte philosophique par excellence. L’Antiquité ouvre la voie. Le sage est celui qui ne renoncera jamais à son autarcie, sa liberté. Il peut avoir cette force d’âme intérieure à préférer la mort plutôt que se compromettre dans des choses qu’il ne choisit pas, sur lesquelles il n’a aucune maîtrise. Cette thématique du suicide vient donc de l’Antiquité Elle va être repensée dans d’autres directions par Camus. Pour Camus il y a deux formes de suicide : les suicides psychologiques qui sont des réponses ultimes à un sentiment d’impuissance par rapport à sa propre vie, ce n’est pas ce suicide là qui l’intéresse ; quand il nous parle de suicide c’est le suicide dans son sens philosophique. On comprend que l'expérience de l'angoisse ou de la déréliction sont des expériences humaines, fondamentales, nécessaires. Sans elles nous ne parviendrions pas à constituer notre humanité -
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La vie est essentiellement vie de l’espèce par rapport à quoi la vie individuelle, la vie de tel être vivant ou de tel autre apparaît comme transitoire. L'individu est le moyen par lequel l'espèce se maintient en vie. Dure loi biologique. L'individu est la ruse de l'espèce. L'espèce qui est en droit immortelle, mais qui périt lors de cataclysmes et de mutations, ce que l'on appelle des accidents, est sur un plan purement génétique programmée pour durer indéfiniment. Comment une espèce peut-elle se maintenir en vie ? En se servant de l'individu qui est mortel mais sexué [d'où la relation puissante entre mort et sexualité], qui le contraint par là à se reproduire c'est-à-dire à renouveler la vie de l'espèce. Les choses se passent ainsi du point de vue de la vie. L'existence au contraire est strictement individuelle. La vie est faiblement individuée, elle passe par la fabrication permanente d'individus, mais l'individu n'est pas le terme de la vie. L'existence est nécessairement individuelle. Nul ne peut exister à ma place et chacun a le droit de se concevoir comme une entité unique, singulière. Mais cette singularité que nous revendiquons n'est pas sans ambivalence. Bien sûr cela va nous acheminer vers une très grande recherche d'autonomie, donc de liberté possible, nous livrer dans une très grande vulnérabilité car nu et seul devant la mort. On ne comprend rien à la problématique moderne de l'existence si on ne la relie pas à la mort, à ce que l'on pourrait appeler plus exactement la conscience de la mort. Cette vulnérabilité extrême de ce que l'on peut appeler l'existant se vit dans l'angoisse, thème commun à tous les existentialistes, dans la déréliction, thème essentiellement camusien. Le terme de déréliction signifie sentiment que l'existence est absurde. Non pas mon existence propre parce que j'ai raté ma vie, mais l'idée que l'existence en tant que telle, l'existence humaine, puisqu'il n'y a d'existence que pour l'homme, est fondamentalement dépourvue de sens. -
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Kierkegaard ou l’existence comme posture L'existence de par son étymologie est un terme qui implique l'idée d'extériorité et particulièrement d'extériorité à soi : ex-sistere. Mais cette idée d'extériorité à soi implique à son tour l'idée d'un rapport à soi, exister c'est nécessairement rentrer en rapport avec soi-même. Non pas être, être n'est pas possible donc forcément ce que nous sommes, où ce que nous serons, sera la résultante de ce rapport à soi. Nous sommes nécessairement en rapport avec nous-mêmes, devons soutenir ce rapport à soi. Cette relation n'est pas d'ordre logique, elle implique au contraire deux plans. D'abord une dimension ontologique et métaphysique mais aussi une dimension éthique. Concernant cette dimension éthique, ce rapport à soi il nous appartient de l'édifier, de le construire. Il nous appartient de le choisir. Ceci revient à dire il nous appartient de nous choisir c'est-à-dire de nous faire exister en nous donnant telle ou telle forme. S'indique déjà l'un des grands thèmes de la philosophie sartrienne. Cette idée que nous devons nous choisir, choisir le rapport que nous devons entretenir avec nous-mêmes, donc nous choisir, donc nous faire exister sous telle forme ou au contraire sous telle autre forme, montre effectivement quelle est la différence énorme, le fossé qui sépare ces deux termes que le langage courant confond souvent, c'est-à-dire vie et existence. Si la vie renvoie à une idée de processus physico-chimiques, que nous partageons avec l'ensemble du vivant, qui nous achemine vers la mort, si du point de vue de la vie la mort est un phénomène parfaitement naturel représentant le terme, la fin naturelle de toute vie particulière, l'on peut dire qu'en revanche elle figure le commencement de notre existence. Non pas d'un point de vue religieux, ce n'est pas l'idée religieuse qui est qu'il nous faut mourir dans notre vie, d'être incarné pour accéder à la vraie vie. D'un point de vue strictement philosophique c'est l'idée que parce que nous développons une très haute conscience de notre caractère d'être mortel, que nous avons conscience qu'il faudra mourir un jour, que ce terme, rétroactivement, nous contraint à faire des projets. C'est bien la mort qui constitue la condition de possibilité de l'idée même de projet. Si nous faisons des projets, si nous pouvons nous décrire nous-mêmes comme un ensemble de projets, ces projets ne sont possibles, et sur le plan de la pensée, sur le plan logique compréhensibles, que référés à la mort. Une vie immortelle, une vie qui n'aurait pas de fin n'aurait pas la moindre nécessité de construire le moindre projet. Nous nous laisserions vivre et de ce point de vue nous raterions notre existence. Autant la mort est le terme naturel de la vie pour chaque être vivant, autant elle va être considérée pour l'ensemble des philosophies existentielles comme le point de départ de l'existence, puisque c'est cette connaissance de ma propre mort inéluctable qui va m'amener à me projeter dans l'avenir que je sais limité, et à délimiter d'une façon libre, la plus libre possible, des séquences de ce temps, et cette délimitation est ce que l'on appelle le projet. -
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D’un côté dans l’Antiquité on aboutit à un plaisir de soi. Cela se signale par ce trait particulier qui est que l’éthique est l’instrument privilégié de la liberté. Sans cette culture de soi, on est incapable d’accéder à une quelconque liberté. Le but dans la philosophie grecque c’est la liberté, alors que ce souci de soi préconisé également par le christianisme aboutit à l’inverse, c’est-à-dire ce souci doit nous rendre obéissant à Dieu. Tout ce souci de soi à partir de l’avènement du christianisme est dévoyé de sa fin première. Il va servir à s’attirer les miséricordes divines. D’un côté des philosophies païennes où exister conduit à une exaltation de soi par le travail, d’un autre côté, dans la version chrétienne exister passe par, et exige, un véritable renoncement à soi. L’héritage de l’Antiquité est de faire comprendre que s’il n’appartient pas à l’homme de se donner à lui-même l’existence (ex-sistere), il lui appartient néanmoins de choisir la forme de cette existence. Certes, nous ne nous donnons pas l’existence mais il nous appartient d’en choisir la forme et cette forme constitue ce que nous appelons l’ethos. On peut travailler à produire une belle forme. L’Antiquité produit l’idée d’une conversion réciproque entre éthique et esthétique. Aussi bien le domaine de l’éthique que le domaine de l’esthétique expriment la même chose pour les grecs, mais dans deux ordres différents. Cette plénitude de soi risque de replier l’homme sur lui-même et le passage au christianisme s’inquiète de cette possibilité. A trop jouir de soi, à trop vivre dans une plénitude que l’on va travailler constamment de l’intérieur on finira bien par déployer son existence dans un oubli, voire un mépris du divin, des dieux pour les grecs et de Dieu pour le christianisme. Les grecs avaient déjà pensé à cette possibilité qu’ils expriment au travers des mythes. Se référer au mythe de l’androgyne dont Platon nous donne une version dans Le banquet. En Occident on a utilisé ce mythe pour expliquer la quête amoureuse, le sentiment de ne pas exister véritablement tant que nous ne pouvons pas nous unir à quelqu’un que nous aimons. (Denis de Rougemont : L’amour en occident). C’est un mythe ressorti par la pensée féministe. Le mythe dit également que par définition ces êtres qui existaient à l’âge d’or, qui étaient complets, comportant des caractéristiques masculines et féminines, ne souffraient pas de manque, donc ne connaissaient pas de désirs. Le désir étant la marque du manque. Ces êtres étaient éternellement satisfaits, ne manquaient de rien n’étant jamais traversés par le manque, ont bien vite oublié les dieux. Donc Zeus intervient et c’est la fameuse division : Théogonie-Hésiode Le Banquet- Platon. L’existence donc de Dieu doit se vivre peut-être non pas comme cette totalité pleine de soi (Hegel), non pas comme cette plénitude, mais comme une sorte de tension irrésolue entre fini et infini. Le fini renvoyant à l’ordre du corps qui est mortel, l’infini étant porté par ce que longtemps on a appelé l’âme, laquelle est capable d’excéder ses limites physiques et temporelles puisqu’elle peut se tourner vers l’idée de Dieu. Elle peut penser la finitude et pensant sa finitude l’accepter ou, en tout cas, prendre position par rapport à elle. C’est fondamentalement cette idée d’une existence comme tension qui va conduire au premier des philosophes existentialistes : Kierkegaard. -
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Nous voyons très bien la conversion de l’éthique en esthétique au travers de la mise en pratique de ce souci de soi, car concrètement sous le souci de soi il y a un ensemble de pratiques. Ces pratiques vont de choses totalement spirituelles aux choses les plus physiques, les plus médiales. Cela va de la connaissance, apprendre avec de bons maîtres, pratiquer un examen de conscience, mais progressivement cela touche au corps. Il faut nous habituer à trouver le plaisir même lorsque nous sommes privés des choses que nous aimons et dont nous avons l’habitude de disposer. Il y a des exercices d’ascèse où l’on apprend à se dispenser de tout ce qui fait plaisir à notre corps que ce soit dans les vêtements, dans la nourriture, tout ce qui est source d’agréments : pratique ascétique, pratique d’hygiène du corps. Particulièrement chez les romains, cet ethos de la personne, c’est-à-dire l’ensemble de ses qualités morales propres qui va le rendre apte à bien vivre avec ses semblables, doit totalement mouler le corps. Ce travail éthique, ce souci de soi sur soi-même doit littéralement reconfigurer notre corps, doit former un corps résistant qui pourra supporter les privations de l’existence. Quelqu’un qui a un bel ethos, cet ethos se voit dans tout ce qu’il fait. (Ethos : tout ce qui renvoie à nos manières de vivre. Au travers de ces manières de vivre s’indique pour une communauté grecque ce qui est bien pour elle.) Le propos de Foucault, puisqu’il agit aussi en historien, est de montrer que la relative austérité sexuelle qui marque les second et troisième siècles de notre ère, est pleine période romaine. Etrange période où il y a à la fois une partie de la société romaine qui vit en débauchée, dépravée, mais que sous cette apparente licence ce qui est en train d’émerger est l’inverse, c‘est-à-dire le souci jusqu’à l’angoisse d’une austérité sexuelle (Pascal Quiniard : « Le sexe et l’effroi »). Il va donc falloir maîtriser ses pulsions et peu à peu penser sa sexualité, ce qui n’était pas chose imaginable auparavant. Foucault va montrer qu’en dessous de cette dépravation que l’on connaît, il y a un souci beaucoup plus profond, de peu à peu contrôler sa sexualité et en la contrôlant bonifier cet ethos. En intervenant sur notre sexualité nous intervenons sur la totalité de notre être. Nous avons-là une pierre de touche importante quant à notre ethos personnel. Toutes les références données, Socrate d’abord, puis les épicuriens et les stoïciens conduisent à l’idée d’un art de se gouverner. Cet art de se gouverner soi-même permettant une posture qui est d’être maître de soi et possesseur de soi-même. Cet art de se gouverner soi-même, s’il est correctement pratiqué, révèle un passage possible entre un souci éthique vers l’esthétique. C’est à partir de cette idée antique païenne de plaisir de soi que se fera la fracture avec le christianisme. -
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« Le souci de soi » Michel Foucault (Histoire de la sexualité vol. 3 pages 51 à 100) Chapitre II : la culture de soi. Quelles sont ces deux finalités tout à fait différentes ? Du côté de l’Antiquité, ce souci de soi est un souci communautaire. L’homme n’est pas pensable, n’est pas séparable de la communauté politique à laquelle il appartient. Ce souci de soi est justifié, non pas de façon égoïste et individualiste, il est exigé pour que cette communauté des hommes puisse être construite sur un matériau sain, beau et bon. Il faut que les individus soient devenus des hommes au sens noble du terme pour qu’ils puissent conséquemment construire des entités, des communautés les meilleures possibles. On ne peut construire une société à partir d’individus qui n’auraient pas fait de travail sur eux-mêmes et qui se seraient laissés vivre. On ne peut pas en faire les prémices à l’individualisme moderne. Dans l’Antiquité une communauté ne peut pas se faire sans des individus capables de devenir des Hommes. Au contraire, le christianisme va être ce qui va replier ce souci de soi et le transformer en quelque chose qui deviendra individualiste. Il faut devenir un être humain pour accomplir la volonté de Dieu. Je ne suis plus lié d’abord à la communauté de mes semblables, mais je suis en tant qu’individu pécheur, d’abord lié à Dieu mon créateur. Nous passons d’une relation communautaire à une relation duale : moi et Dieu, Dieu et moi, auquel je dois rendre compte de tout ce que je fais ou ne fais pas. C’est effectivement à partir du christianisme que ce souci de soi s’infléchit, isole la communauté et l’individu, le replie sur lui, et va progressivement développer dans la solitude des caractéristiques particulièrement individuelles. Foucault va bien montrer que dans l’Antiquité ce souci de soi, ce projet éthique peut se définir comme une totalisation de soi. Il s’agit de se construire comme une totalité, c’est-à-dire comme une entité qui tient dans des limites, qui se donne à elle-même des limites, avec cette idée logique propre à des philosophies de l’Antiquité qui est que quelque chose ne peut exister que s’il y a des limites. Puisque c’est en ayant des limites que cette chose va se distinguer de ce qu’elle n’est pas. Totalisation de soi parce qu’il s’agit de se donner des limites, jusqu’où je peux aller, que ne dois-je pas faire. Pratiquer ce souci de soi pour que cette substance que je suis en train de construire, et qui est la mienne, soit la plus parfaite possible aussi bien sur le plan du corps que sur le plan de l’esprit. De sorte que l’on comprend assez vite que cette idée d’une totalisation de soi qu’est le projet éthique, se convertit en projet esthétique. L’une des caractéristiques de l’Antiquité c’est de dresser une passerelle entre éthique et esthétique. Se construire comme un individu non vertueux qui dans tous les aspects de sa vie va tenter de réaliser ce qu’il conçoit comme étant le bien, ne peut aboutir à lui conférer une belle forme. Le bien conduit nécessairement au beau. -
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Du côté stoïcien on insiste plutôt sur le côté naturel de la mort. La mort est inscrite dans la nature. L’homme est un être strictement naturel, il doit donc accepter cette fin naturelle. Et comme je ne peux rien contre cela, la seule chose que je puisse c’est précisément reconnaître la toute puissance du destin, et à l’intérieur de ces limites, réinstaller ma liberté. Une fois que l’on s’est débarrassé de tout anthropomorphisme religieux, la mort n’est rien pour nous, disent les épicuriens, nous voilà déjà considérablement libérés, il nous reste après à se construire soi-même comme projet. C’est ce que les philosophies antiques vont faire. Nous allons nous construire comme sujet souverain de nos pensées, de nos actes, sens moral et sens politique, puis ayant construit cela nous allons pouvoir soutenir des relations avec les autres. D’où la place tout à fait particulière que les anciens attribuent à l’amitié, la philia. Dans la philosophie moderne, il n’est jamais question de l’amitié, c’est quelque chose qui a totalement disparu. Dans l’Antiquité on voit que ce souci de soi a besoin de se manifester au travers de la possibilité de construire des liens avec nos semblables, entre autre au travers de l’amitié qui est beaucoup plus valorisée que l’amour. L’amour est vraiment un produit chrétien. Chez Platon l’amour est un instrument de connaissance. Le lien qui unit l’éraste (l’homme mûr) et l’éromène (le jeune homme) est un lien strictement pédagogique (la relation que nous appelons amoureuse est une relation qui se sert de la chair, du désir, du corps…) pour littéralement imprimer d’un sceau indélébile dont on se souviendra jusqu’à sa mort quelque chose qui intéressera l’intelligible, c’est-à-dire le monde des idées et le monde de la connaissance. Dans « Le Banquet » le propos est très clair. Lorsque l’éromène est bien conduit par l’éraste, il arrive un moment où l’éromène comprend qu’il n’a plus besoin de cette relation, il va voler de ses propres ailes, c’est-à-dire que son âme est susceptible de se tourner toute seule vers les idées pour continuer cette grande aventure qu’est la connaissance. L’amour comme fin en soi, comme valeur, comme il est pour nous, est totalement étranger à l’Antiquité. L’amour homme-femme n’existe pas. Il y a d’un côté les nécessités de l’espèce, procréation, donc forcément mariage, forcément union hétérosexuelle (le droit romain). L’homme a souscrit un contrat de mariage uniquement pour s’assurer une descendance légitime. Les rapports homme-femme ne sont pas des rapports entre personnes égales. En revanche le christianisme, religion dite de l’amour, va installer une notion nouvelle que l’on va appeler l’amour qui provient de Dieu, nous est inspiré par Dieu, et devient fin de toute chose, valeur absolue. Ce souci de soi existe tant dans le christianisme que dans l’antiquité mais il va servir deux causes tout à fait opposées. -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
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Je connaissais le poème mais bizarrement je ne connaissais pas l’illustration de Magritte. Alors merci Blaquière. En 1926, Éluard proclame : « Des rêves, nul ne peut les prendre pour des poèmes. Ils sont pour un esprit préoccupé du merveilleux la réalité vivante. Mais les poèmes, par lesquels l’esprit tente de désensibiliser le monde, il est indispensable de savoir qu’ils sont la conséquence d’une volonté assez bien définie. » En 1937 il ajoute : « Le poème permet à l’homme de voir autrement d’autres choses. Il découvre un nouveau monde, il devient un nouvel homme. » D’un point de vue surréaliste, la position que prend Éluard constitue une hérésie. André Breton fait la remarque suivante à ce sujet : « Cette division par genres, avec prédilection pour le poème comme « conséquence d’une volonté bien définie », m’a paru d’emblée ultra-rétrograde et en contradiction formelle avec l’esprit surréaliste. » Il faut se rappeler qu’en 1924 Breton avait défini le surréalisme comme suit : « Surréalisme, n. m. automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. » On atteint la façon idéale de penser en libérant l’imagination de toutes contraintes, le moyen principal étant l’écriture automatique. La définition suggère de plus que le surréalisme ne vise pas l’art pour l’art : son but est extra-littéraire. C’est là où Paul Éluard se distingue des autres membres du groupe surréaliste par son désir ardent de communiquer . -
« Boire un grand bol de sommeil noir... »
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J'envisageais mettre en parallèle Eluard et Desnos car ayant appartenu tous deux a la mouvance surréaliste, encore que ce dernier l’ait abandonnée assez vite. J’ai vite abandonné l’idée car l’un, Eluard, parle des femmes en général, alors que Desnos centre ses poèmes sur une femme. J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m’est chère ?J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute. Ô balances sentimentales. J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille. Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venu. J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant, qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement sur le cadran solaire de ta vie. Ce poème « A la mystérieuse » est dédiée à Yvonne Georges dont il était très amoureux, mais qui n’a jamais répondu a son amour. Ce fut une blessure profonde pour Desnos. Robert Desnos, dans chacun de ses poèmes, fait jaillir des mots une espèce d’électricité qui éblouit. On subit sa poésie, parce qu’elle est la poésie, c’est-à-dire, d’abord un libre jeu des mots par l’effet duquel apparaît, un moment, une réalité nouvelle et plausible. Et « la poésie peut parler de tout en toute liberté » écrit-il. -
Permettre l’avènement de l’homme en tant qu’être rationnel et raisonnable. Et comme nous sommes tous des individus différents nous allons faire advenir cet homme rationnel et raisonnable par des cheminements personnels, individuels, non interchangeables. Le but est commun et les instruments dont il nous faudra nous servir seront également communs. La loi morale est valable pour tous. La loi morale et les impératifs catégoriques pour assurer la moralité s’imposent à tout homme en tant qu’être humain quelle que soit sa culture d’origine, sa langue, son passé. Les idées régulatrices, les principes régulateurs sont des choses qui doivent nous conduire, qui doivent nous indiquer une perspective, une finalité. Si nous ne nous posons pas cela, notre existence est vouée au chaos (Ivan Karamazov« Si Dieu n’existe pas tout est permis »). C’est pour cela, dit Kant, qu’il faut poser le règne des fins. Je ne suis pas sûr que ce règne des fins existera, mais si je ne pose pas le règne des fins, si je ne pose pas que l’idée de Dieu doit pouvoir se réaliser un jour alors qui va protéger l’homme, l’humain du désespoir le plus total ? La morale kantienne est une morale du devoir, difficilement praticable.
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L’insensé est celui qui se contente de vivre, ne transforme pas sa vie en existence, vit les événements comme ils arrivent, se laisse porter par les choses, n’a aucun sens éthique et ne met pas en pratiquer cette exigence éthique. Le sage est sage précisément parce que sa vie est un modèle de sagesse : Sénèque « De la brièveté de la vie » Ed Librio. Qu’est-ce que le souci de soi ? Nous en retrouverons les thèmes chez les épicuriens et les stoïciens. Le souci de soi et l’exigence éthique passent par une réflexion. Épicure : Lettre à Ménécée. D’abord bien positionner notre rapport aux dieux, c’est-à dire le souci de soi commence par l’éviction de la crainte ridicule des dieux. Épicure va dénoncer tout anthropomorphisme et raille complètement ces craintes que les mythologies religieuses installent et transmettent. Ces craintes sont, pour des raisons politiques et de pouvoir, amplifiées. C’est la crainte permanente dans laquelle nous vivons, d’être jugé par les dieux qui vont nous punir de nos mauvaises actions et de nos mauvaises intentions. Si ce sont des dieux, dit Épicure, ils n’ont cure des misères humaines. Voilà dégagée une des premières raisons qui nous détourne de nous-mêmes et qui compromet notre bonheur. Car il est question ici de mener une vie heureuse, ce qui ne veut pas dire une vie de plaisirs, mais une vie dans laquelle nous ferions en permanence l’expérience d’une souveraineté, c’es-à-dire d’une autarcie, d’une liberté. Le souci de soi dans l’Antiquité c’est quelque chose qui doit nous permettre de vivre en homme libre, donc c’est le moyen qui permet cette fin qu’est la liberté. Plus on va déployer notre liberté, plus en vivant, on va essayer de nous hisser jusqu’à ce statut d’homme libre qui doit être notre véritable condition, plus on va voir qu’être libre, déployer comme dirait Sartre notre liberté, n’est possible que si nous sommes un être humain advenu. Au départ le souci de soi est le moyen de la liberté, et très rapidement quand on regarde comment les anciens pensent la liberté, on voit que celle-ci est un moyen qui conduit à cette plénitude de soi, à cette obsession de soi-même qu’est le souci de soi. Eliminons donc la crainte des dieux pour Épicure, thème commun entre le stoïcisme et l’épicurisme, car c’est la crainte de la mort qui nous gâche totalement notre vie. Épicure va montrer que, comme nous savons que nous allons mourir et que notre être est très limité, il va se défaire, nous compensons dans la recherche des possessions. Nous compensons le manque d’être par l’avoir, donc crainte de la mort. -
Le fondement de cette morale repose sur la raison, sur la volonté qu’il existe une loi morale. Il y a un fondement transcendant à la loi morale. Et c’est parce qu’il y a un fondement transcendant à la loi morale qui ne repose que sur ce saut de la raison que Kant va dire non à la morale oui à la métaphysique des mœurs. La morale se constitue par l’observation empirique des moeurs humaines, et dans la longue et laborieuse histoire de l’humanité on a bricolé des règles morales qui finissent par faire des canons de morale. Mais les canons de morale jouissent d’une fausse abstraction, c’est-à-dire ils sont abstraits au sens presque concret du terme. On les retire progressivement de choses qui au départ sont nécessairement empiriques. Montaigne le dit « Vérité en deçà des Pyrénées erreur au-delà ». Tant que les morales sont fondées sur les mœurs, c’est-à-dire les comportements, les pratiques humaines dans leur variété, leur diversité, ce sont nécessairement des choses relatives qui ne peuvent jamais nous assurer de réaliser le bien, ce qui est normalement l’ambition de la morale, alors il nous faut édicter des règles, construire un canon. Mais ce canon ne peut pas être dérivé de l’empiricité. Il faut le fonder sur cette attitude de la raison à poser une façon transcendante de la loi morale. La grande richesse de Kant est de nous montrer que le but de la morale c’est de faire advenir, en chacun d’entre nous, dans chaque individu concret et particulier, quel que soient les aléas de sa propre histoire, l’essence de l’homme, c’est-à-dire de faire advenir cet être rationnel et raisonnable. C’est le but de la morale.
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L'existence comme projet Depuis l’Antiquité il existe un discours qui va peu à peu apprendre à l’individu à s’examiner, à examiner ses actes, sa manière de vivre, sa manière de se comporter, de façon à essayer de s’améliorer, essayer de montrer aux autres que sa propre vie pourrait être prise en exemple. Cette idée que dans chaque chose que l’on fait dans sa propre vie, on devrait la faire de telle façon que ceci pourrait être montré en exemple aux autres hommes, et particulièrement aux jeunes générations, va nous rendre plus exigeant, affûter nos exigences. Nous allons intérieurement nous moraliser, gagner en exigence morale, en nous fantasmant systématiquement comme des professeurs qui devraient enseigner comment bien vivre, comment mener une belle vie, une bonne vie, une vie vertueuse. C’est toute la thématique du bonheur. Le premier modèle, la première référence de ce souci éthique qui traverse l’antiquité, c’est Socrate. Apologie de Socrate : « Une vie sans examen ne mérite pas d’être vécue » dit Socrate devant ses juges. L’idée qu’il faut sans cesse s’examiner soi-même, pour évaluer sur un plan éthique et moral ses propres actions, est une revendication hautement socratique. Exister pourrait avoir comme synonyme vivre sous l’exigence éthique. La philosophie n’étant pas autre chose qu’un moyen, et peut-être même le moyen privilégié pour nous ouvrir à cette dimension éthique, et nous donner des instruments pour pratiquer cette exigence. Qui veut vivre une vie véritablement humaine doit apprendre à vivre. Et comment peut-on apprendre à vivre ? Réponse : en philosophant. A partir de là se dessine une dichotomie qui a un sens religieux, parce que biblique au départ, mais que la philosophie va reprendre, c’est l’opposition entre le sage et l’insensé. -
Naissance du concept d’existence
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Or, cette réalité jamais donnée, toujours à faire, toujours à construire va prendre deux figures dans l’histoire des philosophies existentielles 1) Une première figure à laquelle on peut rattacher l’existentialisme chrétien. C’est ce don de soi à Dieu et dans ce mouvement même d’ouverture (échapper à soi) je me saisis rétroactivement. Le peu d’existence et le peu de réalité que je peux éprouver de moi-même je les saisis dans ce mouvement d’ouverture et de pure transcendance vers Dieu. 2) Héritage phénoménologique. Même idée fondamentale du côté des philosophies existentialistes athées. Le peu de réalité que j’ai à force de la construire, je l’ai comme le résultat toujours mouvant de l’ensemble de mes engagements vis-à-vis du monde, vis-à-vis des autres, politique, intellectuel, amoureux, mais engagement vis-à-vis de soi-même. Un dernier maillon avant d’entrer dans les philosophies existentielles c’est le maillon que Foucault appelle le souci de soi, la culture de soi. Ce qui va permettre, par un travail, l’émergence de la notion d’existence, c’est ce que l’on pourrait appeler le souci éthique. Ce souci éthique nous le trouvons dès l’antiquité.