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Volfoni' Blog

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Traversée des grèves du Mont-St-Michel


Volfoni

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Mercredi dernier, au boulot, je demande à un de mes conducteurs si, par hasard, je pouvais compter sur lui pour rouler le week-end suivant alors que ça n'est pas son tour. Il m'arrive de devoir faire ça en période de vacances.

Il me répond qu'il ne peut pas car il a une petite rando de prévue : la traversée des grèves du Mont St Michel, en nocturne.

Illico, un déclic se fait dans ma tête. La traversée de la baie ? Depuis le temps que je me dis qu'il faut que je le fasse¿et en nocturne, en plus. :bravo:

J'ai peu de passion mais je dois confesser que, sans lui vouer un culte, le Mont St Michel exerce sur moi une certaine attirance. Le lieu a, pour moi, quelque chose de magique. :)

Et puis ça me ferait une excellente occasion de m'aérer autrement qu'en restant scotché à mon ordi. :o°

Oubliant tout de suite le côté professionnel de notre conversation, je lui dis que cette sortie pourrait m'intéresser et lui demande s'il sait à qui je dois m'adresser pour m'inscrire. Il me promet de se renseigner, rentre chez lui, me rappelle aussitôt et me donne le nom et le numéro de téléphone d'une personne à contacter¿ce que je fais le soir même. La personne a l'air surprise. Il faut dire que je croyais que cette sortie était organisée par un association ou une MJC quelconque. Il s'avère qu'il s'agit en fait d'un groupe d'amis (avec pour noyau deux familles) qui se font cette petite promenade tous les ans.

Aïe. Moi qui ai toujours peur de déranger, de tomber comme un cheveu sur la soupe, je commence presque à m'excuser d'avoir appelé.

La charmante dame me dit que ça n'est pas grave, du moment que je connais quelqu'un qui participe, je suis le bienvenu. Rendez-vous m'est donné au Bec d'Andaine, à 19h45, le samedi suivant. Tenue recommandée : Short, pieds nus pour le bas, vêtements chauds et ciré pour le haut.

Ouf¿chouette, me dis-je¿vais aller me promener.

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Le samedi venu, la météo du mercredi avait changé radicalement. Une vague de mauvais temps a envahi la France, n'épargnant pas, bien sûr la Basse-Normandie. :o° Pourvu que la sortie ne soit pas annulée. Et, comme un con, je n'ai pas laissé mes coordonnées pour qu'on me prévienne, le cas échéant. Pas grave, je me prépare tout de même. Il peut pleuvoir des cordes, voire de la m¿, j'irai tout de même. C'est pas quelques gouttes qui vont nous arrêter¿

Je n'ai jamais eu de K-way ou de ciré¿n'aime pas ça. :mef: Ce qui tombe du ciel me met fasse à l'évidence : je file en emprunter un à mon papa. Je prépare mon sac : sandwich, eau, lampe dynamo au cas où, un change et une serviette pour le retour. Au dernier moment, pas moyen de mettre la main sur mon appareil photo¿pas grave.

Ne reste plus qu'à situer le Bec d'Andaine. Je sais vaguement où c'est. Un collègue m'a plus ou moins renseigné la veille. Mais ce « vaguement » me gêne un tantinet. Ce n'est pas que je connaisse pas ma région. C'est juste que je n'ai pas envie d'être en retard au RDV à cause d'une bête erreur d'aiguillage. Repérage sur la carte : Ok, c'est bien ce qui me semblait.

Départ à 18h30. Il faut une petite heure mais on ne sait jamais. Après une heure de route sous un ciel très bas de plafond, j'arrive et tombe, non seulement sur le conducteur qui m'a donné le tuyau, mais aussi sur un de ses collègues. Et ils sont tous les deux accompagnés de mon cordonnier et de deux autres de mes connaissances (dont un amateur de Solex, comme moi). Mes craintes d'être une verrue dans un groupe constitué se dissipent. :o°

A 20 heures, après un rapide briefing de la part du guide, nous commençons la marche. Du pur bonheur dès le départ. Le ciel est bas mais les nuances de gris et de bleu au loin sont magnifiques. Un temps idéal pour marcher. Une petite risée, presque pas de pluie. Le pied. L'air salin me caresse les narines. L'endroit, si plat et monotone vu de loin est, au contraire, très varié et riche en surprise quand on s'y aventure.

Du bec d'Andaine, lieu de départ, on aperçoit Tomblaine, une ile-rocher, devenue réserve ornithologique, et, plus loin, décalé sur le gauche, le magnifique Mont St Michel.

Nous sommes 37 marcheurs, de divers milieux, de différentes classes d'âge (il y a même deux enfants, pas des petits, tout de même) ? Le noyau de base du groupe fait cette promenade tous les ans, avec le même guide¿mais c'est la première fois qu'ils la font en nocturne. Les plaisanteries habituelles fusent (« quel est le coefficient de perte ?» etc.¿) et les barrières tombent. Je suis quelqu'un de relativement discret. Un peu solitaire mais pas trop. Discret mais poli et courtois. Je savoure chaque instant, chaque odeur, chaque pas. Je respire à pleins poumons. La nature du sol ne cesse de changer. Toujours une base sablonneuse, bien sûr. Tantôt du sable sec et meuble, tantôt un sol très dur, et soudain, sans que l'on s'y attende, il devient glissant, ou vaseux. J'adore ça. :) Certains ont choisi de garder des chaussures (en général, des sandales en plastiques, du genre de celle que l'on utilise pour la pêche à pied). Pas moi. Les sensations que procurent ses sols sous mes pieds sont pour moi une caresse sans cesse renouvelée. J'ai une faiblesse toute particulière pour la vase. On s'enfonce légèrement, la vase nous passant entre les doigts de pieds. Attention, je ne parle pas de ces immondes vases de mares putrides. Il s'agit là de matière quasi noble. On croirait presque fouler de ses pieds la glaise d'un atelier de poterie.

Nous traversons à gué (la hauteur d'eau n'a que très peu dépassé la hauteur de mes genoux) les deux fleuves qui se jettent dans la Baie, la Sée et la Sélune, dont les lits se confondent parfois et se déplacent souvent au gré des marées, avant d'atteindre Tomblaine.

Le rythme de la marche est assez soutenu (tant mieux, j'aime ça). Il est plus fatiguant de s'adapter aux rythmes des autres, qu'ils soient lents ou rapides, que de garder le sien. Aussi, le groupe d'étire un peu. Le guide arrête de temps en temps la progression, que ce soit pour nous faire partager ses connaissances sur le faune ou la flore locale, ou pour aller reconnaître la nature du sol du lit d'un fleuve avant que nous le traversions. C'est l'occasion de discuter entre nous, de confronter nos impressions. Petite halte à Tomblaine. Il est environ 21h15. Les goélands, qui viennent d'achever leur période de nidification, sont encore nombreux au pied du rocher. Le guide nous en désigne les différentes variétés, nous montre l'aigrette garzette, seul oiseau toléré ici par l'agressif goéland car il nidifie au sommet de l'île, dans les arbustes. J'aurai sans doute oublié ces précisions dès demain, me dis-je. Mais ce n'est pas grave. ;) Seul l'instant présent compte. Je suis un dilettante épicurien. Spécialiste en rien. Je m'intéresse à tout ce qui peut me faire plaisir mais n'approfondis que très rarement. La vie est faite de tous petits instants de bonheur qu'il faut savoir apprécier à leur juste valeur sans en rater une miette. :bravo:

Nous reprenons la marche. La tombée de la nuit est prévue vers 22h00, au moment où nous traverserons le lit du Couesnon (troisième fleuve qui se jette dans la Baie et qui, dans sa grande générosité, à rendu le Mont St Michel normand :bravo: ).

En chemin, le guide nous dispense un petit cours sur les sables mouvants, réputés pour être le principal danger du la Baie du Mont St Michel. Il n'en est rien. Le vrai danger réside dans les bancs de sable autour desquels la marée remonte très vite, vous encerclant alors que vous n'avez rien vu venir, trop occupé à admirer l'environnement. Deux danois imprudents se sont fait surprendre cette semaine et ont dû être hélitreuillés, enfermés qu'ils étaient. Contrairement à ce que je pensais, il n'est pas obligatoire d'être accompagné d'un guide pour aller se promener sur les grèves. C'est un lieu public ou chacun peut aller à son gré. Mais les phénomènes naturels varient tellement que c'est fort recommandé. Le guide connaît bien le terrain et ses risques, il est renseigné sur les horaires de marée ainsi que ceux des lâchés d'eau du tout nouveau barrage (destiné à garder au Mont son caractère maritime) et les conséquences et dangers que cela engendre.

Notre progression ne va pas en ligne droite, loin de là. Nous faisons des détours pour éviter tel ou tel creux, tel ou tel banc de sable particulièrement meuble.

Les sables mouvants, j'y reviens. Vous êtes sur un sol constitué de sable dur. Dessous il y a des tonnes de sable gorgé d'eau. En sautillant sur ce sol dur, on s'amuse à faire remonter l'eau. Au début, le sol ressemble presque à un trampoline. Puis, si l'on reste statique, on s'enfonce tout doucement. Jamais plus haut que le tronc. Le guide nous fait une démonstration. Quelques uns font de même. Pas moi¿discret, vous dis-je.

En effet, la démonstration est très parlante. Il est, certes, assez éprouvant physiquement d'en sortir, mais c'est à la portée de tous. Le danger éventuel ne réside que dans la panique que ça peut provoquer. :sleep:

Nous restons statiques un petit moment le temps de la démonstration et nous refroidissons légèrement. Une de mes connaissances me tend une flasque. Je me doute qu'il n'a pas mis du Coca dedans. J'avale une lampée. :o°

Instantanément, me voilà replongé dans la fameuse « scène de la cuisine » du film culte qui me vaut mon pseudo. « Ya d'l'a pomme », dis-je. « Yen a », me répond-on. :D

C'est sûr, ça réchauffe¿l'intérieur, surtout :o° . Pas sûr que ça soit très bon pour le reste. :sleep:

Avant de rependre la marche, j'enfile enfin le ciré emprunté. Non pas que je craigne les petites gouttelettes qui nous rafraîchissent. Le vent a forci et il s'agit de ne pas tomber malade. Ca serait ballot.

Nous franchissons enfin le Couesnon. L'eau n'est pas froide. En accord avec la température extérieure, relativement douce. Je savoure une nouvelle fois cette sensation. J'adore marcher dans l'eau. C'est très sain pour la circulation sanguine, parait-il, mais là n'est pas le but de cette ballade. Juste le plaisir. :)

C'est une fois franchi le Couesnon, que nous marchons très près du Mont. J'en fais le tour complet par les grèves pour la première fois de ma vie. Je n'arrive pas à le quitter du regard. C'est ce moment que choisit la gentille dame qui m'a accepté dans ce groupe pour me demander si j'apprécie l'instant présent. Elle constate rapidement que je suis aux anges. :) J'adore cet endroit. Je suis comme hypnotisé par le Mont. J'admire chaque pan de mur, chaque bizarrerie architecturale en pensant à l'énergie phénoménale dont il a fallu faire preuve pour construire de colossal édifice sur ce petit bout de rocher¿à une époque où les principes de base de la physique n'étaient qu'approximation et où les outils étaient bien dérisoires par rapport à l'immensité de la tâche.

Nous pénétrons dans le Mont à 22h25 et nous donnons rendez-vous à 23h00 pour repartir en sens inverse. Je me promène avec la petite troupe que je connais. Nous nous offrons un chocolat chaud (on refroidit vite quand on ne marche pas)

Comme tous les hauts lieux touristiques, le Mont St Michel a sa « rue de la soif » où les tarifs n'ont rien à voir avec la juste valeur des choses. :gurp:

Ce soir, l'atmosphère y est inhabituelle¿pour nous, en tout cas. J'imagine que c'est pareil tous les soirs mais ce n'est pas tous les soirs que j'y vais. D'ordinaire, j'ai tendance à m'y rendre hors saison, mais, même là, la foule est présente. Il s'agit tout de même d'un des lieux qui attire le plus de visiteurs tous les ans. A cette heure-ci, hormis quelque touristes attardés (j'ai vu une surprenante japonaise en kimono :mef2: ), il n'y a guère plus que deux ou trois groupes comme le notre, les pieds nus, le sandwich à la main, qui profitent de la douce quiétude de ce bel endroit si agité dans la journée. L'impression d'être un privilégié¿.ça aussi c'est un petit bonheur qu'il ne faut pas laisser passer. :bravo:

Il y a bien, au loin, sur le parking le long de la route, l'éternelle horde de camping-car¿amis « camping caristes », je n'ai rien contre vous et comprends l'attrait de vos onéreux véhicules¿mais ce n'est pas ce qu'il y a de plus beau au monde, il faut bien l'avouer.

Nous repartons. Il fait nuit noire. Le ciel est si nuageux que je ne sais où est la lune. D'un commun accord, il est convenu que nous marcherons sans lampes torches. La vue s'accoutume très bien à l'obscurité. La baie est cernées de côtes, certes parfois sauvages, mais relativement éclairée. Nous distinguons sur notre gauche Cancale (coucou les bretons :) ) et, en face, la pointe de Carolles. Juste derrière cette falaise, on aperçoit le halo du phare de Granville. Au milieu, en pleine mer, le phare de Chausey nous fait de l'¿il. ;)

Il est également convenu que nous marcherons plus serré, sans trop étirer le groupe. Le vent s'est levé. Nous essuyons quelques grains. Ca fouette le visage et je prends à nouveau un plaisir sans nom. Je marche même parfois en fermant les yeux, humant l'air ambiant, ému que je suis par tant de félicité. :)

Le groupe est plus silencieux qu'à l'aller. Il ya moins de fanfaronades. Est-ce dû à la concentration nécessaire à la marche de nuit, à un début de fatigue chez certains, à la relative fraicheur du climat? Il y a sans doute un peu de tout ça.

Le retour se passe sans encombre. Nous prenons quasiment le même itinéraire. Enfin¿nous suivons le guide car nous serions tous bien incapable de retrouver notre chemin :gurp: . Aller tout droit en se repérant au lampadaire de Bec d'Andaine serait une grave erreur et nous mènerait à nous péter lamentablement la tronche à la défaveur d'un trou ou d'une bosse :gurp: . La nature du sol change radicalement et rapidement au fil de notre progression. Ce n'est déjà pas facile à anticiper de jour. C'est encore plus surprenant de nuit. :)

A l'approche du Bec d'Andaine, l'effet éblouissant du lampadaire de celui-ci trompe notre vigilance et même celle de notre guide. Nous ne voyons plus rien de ce qui nous entoure, sauf cette maudite lumière censée nous guider et buttons malgré nous dans des mini dunes de sable meuble. Nous contournons le problème et atteignons notre point de départ.

Il est 1h45. Nous avons marché environ 13 kilomètres. Suis prêt à recommencer sur le champ mais je rentre tout de même dans mon Bocage vers les deux heures du mat'.

Nous avons ressenti les éléments, pris de grandes bouffées d'oxygène. Bien sûr, ce n'est pas la grande aventure. Ce n'est pas la traversée du Ténéré ni rien de bien exotique. Juste une suite de plaisirs simples mais si importants.

Mesdames, Messieurs, n'aller pas en cure de Thalasso¿c'est de l'arnaque :mouai: . Pour moins cher qu'une place de cinéma vous pouvez vous requinquer plus efficacement qu'en une semaine de cure¿.les sensations en plus. :bravo:

Voilà, c'était ma petite promenade du samedi soir.

Elle m'aura tenu éloigné de mon ordi pendant 7h30 (j'ai compté :o° ) et j'espère vous avoir donné envie d'en faire autant si l'idée ne vous avait jamais traversé l'esprit. ;)

A plus. ;)

8 Commentaires


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Banco... si j'ai à passer en Bretagne...... je m'arrête en Normandie boire un jus de pomme et traverser le Couesnon...

Sans hésitation je le ferrais, veinard! :bo:

Oz

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