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Information officielle sur le terrorisme


Promethee_Hades

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Membre, Chien Fou forumeur, 90ans Posté(e)
Promethee_Hades Membre 25 564 messages
90ans‚ Chien Fou forumeur,
Posté(e)

Je sommet à la curiosité des membres qui ignorent le sujet un document officiel, mais devenu introuvable sur le net. Ce document date un peu mais il est toujours d'actualité.

INSTITUT des HAUTES ETUDES de DEFENSE NATIONALE

RAPPORT DE 2ème PHASE

51ème SESSION NATIONALE

Comité 2

Les Fragilites de l’Europe

face au terrorisme

mai 1999

COMPOSITION DU COMITE 2

Jean-Marie BOCKEL

Xavier COLCOMBET

Claude DORANGE

Eric FOGARASSY

Gérard FOHLEN-WEILL

Yves MAREK

Patrick MARENGO

Emmanuel MERSCH

Philippe PARDESSUS

Paula PONS-BOYER

Claude REISMAN

Bernard SALOMON

Bernard SQUARCINI

Jean-Pierre TEULE

Marc VERLUT

Présidente : Claude REISMAN

Secrétaire : Jean-Pierre TEULE

Rapporteur : Yves MAREK

Les Fragilites de l’Europe face au terrorisme

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION

1. L’EUROPE EST FRAGILE ET MENACEE.

1.1 Pourquoi l’Europe est une cible privilégiée

1.2 Brève typologie des terrorismes menaçant l’Europe

1.2.1 Le terrorisme fondamentaliste

1.2.2 Le terrorisme de contestation radicale du système socio-économique

1.2.3 Le terrorisme "ethnique "et séparatiste

1.2.4 Le terrorisme et crime organisé

1.3 L’Europe peut également être menacée hors de ses frontières

1.3.1 Les cas de figure sont nombreux.

1.3.2 On peut donc tenter, de manière forcément subjective, de déterminer les différentes situations susceptibles de dégénérer

2. LA FRANCE ET L’EUROPE ONT CHERCHE A SE DOTER D’INSTRUMENTS JURIDIQUES ADAPTES

2.1 L’arsenal juridique français et la coopération entre services français

2.1.1 Des textes récents ont créé un droit original fondant des moyens d’action exorbitants du droit commun

2.1.2 Mais les infractions visées sont encore limitatives

2.1.3 La relation avec l’entreprise terroriste est délicate à établir

2.1.4 La coopération entre les services français, qui s’organise, est déjà contestée

2.2 Une construction de coopération internationale ou multilatérale récente, lente, continue et multiforme

2.2.1 Cette coopération est récente

2.2.3 Cette coopération est multiforme

2.3 Une construction européenne inachevée

2.3.1 L’apport du traité de Maastricht

2.3.2 Europol

2.3.3 Le traité d’Amsterdam étend les compétences communautaires

2.4 Un bilan déjà positif

2.4.1 TREVI a obtenu de très bons résultats dans les limites d’action fixées au groupe :

2.4.2 Des progrès récents ont amélioré le fonctionnement du troisième pilier.

3. LA CONSTRUCTION D’UNE REPONSE JURIDIQUE COMPLETE AU TERRORISME RENCONTRE DES LIMITES QUI RENDRONT

NECESSAIRE ENCORE LONGTEMPS LE TRAITEMENT POLITIQUE ET MILITAIRE DU PHENOMENE TERRORISTE

3.1 Les limites de la construction européenne

3.1.1 Des cultures différentes entravent la coopération européenne

3.1.2 Les législations sont donc très différentes :

3.1.3 Une harmonisation souhaitable dans l’absolu mais utopique.

3.2 Des limites structurelles et politiques continueront à rendre difficile la lutte contre le terrorisme

3.2.1. La surmédiatisation

3.2.2 Les limites politiques et diplomatiques

3.2.3 Les limites financières

3.2.4 Le cyber-espace

3.3 la réponse au terrorisme reposera encore sur le traitement politique et militaire

3.3.1 la lutte contre le terrorisme : la place essentielle du renseignement

3.3.2 Le traitement politique et militaire comme réponse de long-terme au terrorisme

4 CONCLUSION

introduction

Le terrorisme est une pratique ancienne, notamment rendue célèbre par les " Assassins ". Au demeurant, dans les siècles passés il revêt le plus souvent la forme de l’assassinat politique. Il arrive plus rarement que des populations entières soient maintenues sous la terreur. Les opinions publiques des pays démocratiques, bien informées, sont très vulnérables à ces pressions psychologiques.

Dans une conception extensive, le terrorisme peut aller de l’assassinat individuel à la terreur collective, de l’acte d’un idéologue isolé à celui d’une armée secrète, du racket à la guérilla, dès lors que, finalement, toutes ces formes de lutte ont en commun d’utiliser illégalement la force pour atteindre un but politique, ou de substituer une violence factieuse à celle de l’Etat, seul détenteur légitime de la violence. Lorsque l’impôt révolutionnaire remplace l’impôt d’Etat, une partie des buts du terrorisme est souvent déjà atteint.

Dans ce rapport, nous nous sommes limités à une définition, classique du terrorisme, assez proche de celle retenue dans la loi de 1986 et donc dans le Code Pénal.

Le terrorisme, dans cette définition, est au cœur des nouvelles menaces. Il est naturellement évolutif. Le terrorisme, arme du pauvre, outil du plus faible, aussi ancien que la guerre, a en effet profité du développement moderne des communications pour s’internationaliser et jouer de l’écho médiatique. La fin de la " guerre froide " aurait dû s’accompagner d’une baisse des tensions dans la mesure où, en théorie, les deux grands n’étaient plus dans une logique d’affrontement les conduisant à essayer de marquer des points l’un contre l’autre en manipulant des groupes terroristes. Mais ce n’est pas le cas .

L’Europe est une cible de choix pour ce mode d’action universel qui peut servir aussi bien des causes politiques que des croisades religieuses de cette fin de siècle . Cette fragilité n’est pas nouvelle. En effet, l’Europe a connu trois cycles de tensions depuis le début du siècle.

De la fin du 19ème siècle à la première guerre mondiale, les actions terroristes étaient sur son sol le fait d’anarchistes et de nihilistes. Entre les deux guerres, le terrorisme fut essentiellement lié aux turbulences dans les Balkans. Une troisième vague, quasiment achevée, a été liée au conflit israelo-palestinien : le terrorisme d’état moyen-oriental représentait jusqu'à une date récente 90% des attentats d’origine étrangère commis en Europe. Cette vague a débuté en 1966 par l’attaque d’un avion de la compagnie El Al sur l’aéroport d’Athènes par un commando palestinien. On trouve là tous les ingrédients qui vont marquer trois décennies : les avions (dont on s’empare, qu’on détourne, ou qu’on détruit), l’utilisation d’un pays tiers pour y projeter un conflit local, la réquisition des médias. Plus tard, cette technique s’enrichit de la collaboration avec des réseaux terroristes nationaux, ou séparatistes, qui se développaient en parallèle.

Aujourd’hui, l’intégrisme islamique issu de la guerre civile algérienne alimente des réseaux à la fois meurtriers et peu professionnels au moment même où les foyers de terrorisme qui existaient au sein même de l’Europe devraient en partie s’apaiser avec l’accord de paix signé en avril 1998 en Irlande du nord, et la trêve décrétée par l’ETA au pays basque, si ces avancées ne sont pas remises en cause.

C’est donc dans ce contexte que l’Europe doit mesurer ses fragilités et tenter d’organiser la lutte contre ce fléau. Le rapport, après avoir expliqué pourquoi et par qui l’Europe peut être menacée, s’est attaché à décrire la réponse française et à évaluer la manière dont se construit la coopération européenne en ce domaine en insistant sur les instruments juridiques qui doivent être perfectionnés mais sans omettre le rôle des instruments politiques dans la diminution ou l’extinction des phénomènes terroristes.

1. L’Europe est fragile et menacée.

1.1 Pourquoi l’Europe est une cible privilégiée

L’Europe est souvent une cible pour de nombreuses raisons : géographique, historique, économique, et politique.

Géographique : elle est située à proximité de théâtres de conflits ouverts (Balkans), non loin d’un conflit récurrent (Proche et Moyen-orient), sur le rivage opposé à un Maghreb livré à une guerre civile (Algérie), et à la montée des tensions en Tunisie et au Maroc. Sur le continent même, tous les foyers de tension ne sont pas éteints (Irlande…)

Historique : la colonisation a créé des liens mais aussi des ressentiments entre l’Afrique noire, l’Afrique du nord et plusieurs pays européens se traduisant aujourd’hui par un mélange de relations privilégiées et de plaies incomplètement cicatrisées. De manière plus générale, la politique des différentes puissances européennes peut heurter la sensibilité de tel ou tel groupe et leur attirer une animosité violente.

Economique : riches et prospères, les pays européens font naître l’espoir dans les mouvements terroristes de trouver sur place des bailleurs de fonds. Mais ils attirent aussi une population venue du Sud, pauvre, jeune et désoeuvrée, qui se confrontant à une population qui compte dorénavant nombre de chômeurs et d’exclus ne trouvent pas toujours " l’eldorado " qu’ils espéraient, grossissent souvent les rangs des marginaux et, parfois, par dépit ou révolte, ceux des " soldats de la terreur " .

Hors ces quelques raisons, le régime politique des pays d’Europe en fait un terreau où peuvent se développer assez facilement des mouvements terroristes. En effet, ce sont des pays démocratiques, et en tant que tels ils souffrent de fragilités intrinsèques dont le terrorisme sait tirer parti .

Respectant de manière absolue la dignité humaine les pays démocrates se refusent à donner une réponse aux actions terroristes sur le même registre qu’elles (meurtres, enlèvements, destructions gratuites...). Ce n’est pas généralement le cas des régimes autoritaires ; chacun se souvient de la façon dont les soviétiques ont obtenu la paix au Liban : en expédiant en morceaux dans une valise un des responsables du mouvement mis en cause dans l’enlèvement dont certains de leurs ressortissants avaient été victimes.

La liberté de mouvement et d’action politique qui prévaut en démocratie, comme la facilité de l’anonymat et des communications, sont aussi des éléments qui facilitent le terrorisme en le rendant moins détectable. Ensuite, le besoin d’obtenir le maximum de publicité (" le terrorisme reste un coup d’éclat "-Chaliand) trouve dans l’existence d’une opinion publique, et grâce à l’effet multiplicateur de médias libres un champ parfaitement adapté à l’objectif visé.

Enfin, quand bien même les responsables d’actes terroristes seraient arrêtés sur le territoire européen, un procès en bonne et due forme, la facilité à faire jouer les droits des différents pays les uns contre les autres, le secours moral que quelques " intellectuels romantiques " leur apportent au nom de la défense des opprimés, ou encore la " vigilance attentive " de quelques associations promptes à fustiger la moindre fermeté d’un Etat au nom de la défense des droits de l’homme, réduisent toujours les risques d’un châtiment sévère, amoindrissant tout effet dissuasif.

1.2 Brève typologie des terrorismes menaçant l’Europe

1.2.1 Le terrorisme fondamentaliste

Le terrorisme islamique qui vise l'Europe a évolué en 15 ans d'un terrorisme d'Etat à visée stratégique, parrainé surtout par l'Iran et recrutant dans les milieux chi'ites ou proches du chi'isme, à un terrorisme marginal, sans visées stratégiques, recrutant parmi des éléments périphériques( banlieues, étudiants marginalisés), sunnites, et prêts à épouser toutes les "jihad" en cours (ex : le cas algérien). Ce terrorisme est moins repérable (par exemple parce que les acteurs ont souvent une nationalité européenne et peuvent rejoindre des "jihad" sans rapport avec leur pays d'origine). Il est parfois proche du simple banditisme et se nourrit d'une frustration contre la société. Le fondamentalisme joue désormais le rôle d’exutoire qui était celui d'Action Directe et de la Bande à Baader.

1.2.2 Le terrorisme de contestation radicale du système socio-économique

La coexistence pacifique au sein d'une société ne va pas de soi. Cette remarque, qui s'applique à la vie sociale en général, vaut aussi pour la résolution des conflits politiques en particulier. Cette vie politique commune n'est possible qu'à certaines conditions, à savoir notamment l'acceptation par tous les membres de la société des mêmes valeurs fondamentales, de normes morales et juridiques inspirées de ces valeurs, d'un système démocratique fondé sur la prééminence du droit ainsi que des institutions sur lesquelles repose le système. Les mouvements anarchistes européens, du début du siècle, ont représenté les premiers exemples de terrorisme politique. La reconstruction de l'Europe démocratique sur le modèle libéral, après la guerre, a suscité de nouvelles violences terroristes contre le système socio-économique mis en place. Celles-ci se sont exprimées sous différentes formes : aux mouvements d'extrême gauche européen des années 70-80, en Allemagne (Baader Meinhof), en Italie (Brigades Rouges) et en France (Action Directe), déterminés à "abattre" le capitalisme, pourrait succéder un terrorisme d'extrême droite lié aux effets conjugués de la "nouvelle pauvreté" et des "peurs" face à des flux migratoires mal contrôlés dans une Europe en pleine mutation. Les skinheads, les mouvements néo-nazis actifs en Allemagne de l’Est, les ultra-nationalistes flamands proches du Vlaamsblok, voire l’extrême droite française après la fin de ses espérances électorales pourraient peut-être sous certaines conditions choisir l’expression la plus violente.

1.2.3 Le terrorisme "ethnique "et séparatiste

Le terrorisme de type "ethnique" et séparatiste trouve, en partie ses racines dans les bouleversements majeurs subis par l'Europe tout au long du XXième siècle : la fin des grands Empires, la Révolution russe, deux guerres mondiales, la construction européenne, la fin du marxisme. Au cours des 50 dernières année, en Europe de l'ouest, le conflit irlandais (IRA), le séparatisme basque (ETA), la question corse (FLNC) et le Tyrol du sud en sont de bons exemples. Plus récemment, la chute du mur de Berlin a ré-activé la question des minorités dans de nombreux pays de l'est européen ( la Bosnie, le Kossovo, la Transylvanie, l'Arménie...) susceptible de favoriser ce type de terrorisme. Certaines tensions sont encore vives comme on peut l’observer, au cœur même des pays européens en Irlande, autour de la frontière italo-autrichienne, sur les marges de l’Allemagne où résident des minorités allemandes actives, en Corse, en Belgique. Dans ce pays, les problèmes de cohabitation, en particulier dans les Fourons, ont souvent dégénéré. Une reprise des affrontements n’est pas à exclure. Presque tous les pays européens, à l’exclusion de la France qui constitutionnellement ne reconnaît pas l’existence de minorités, incompatibles avec l’universalité républicaine, de l’Allemagne, relativement homogène, contiennent des minorités ou des spécificités culturelles régionales qui pourraient très bien se réveiller si elles étaient mal gérées, en particulier, si les démocraties jouaient avec le feu en exaltant les droits des minorités comme cela a pu se faire. En Ecosse, au Tyrol, en Alsace, en Bretagne, il n’est pas impossible qu’un jour, des tentations violentes, qui ont existé, renaissent.

L'Europe, terre d'accueil de millions d'émigrés, est aussi susceptible d'être le théâtre de violences terroristes de type "ethnique" intéressant des pays situés aux marges de ses frontières (ex : la question Kurde).

1.2.4 Le terrorisme et crime organisé

Le terrorisme de droit commun, est l'usage de la terreur pour satisfaire des objectifs exclusivement criminels. Dans cette catégorie, tombe le terrorisme de la Mafia en Italie. Plus récemment, la "démocratisation" de la société russe et sa conversion au système libéral à marche forcée, sont à l'origine de nombreux dysfonctionnements, dont le crime organisé est un des aspects les plus visibles. Les Mafias russes sont d'autant plus redoutables qu'elles sont fortement liées, aux milieux politiques en place en Russie, mais aussi aux réseaux mafieux des ex-républiques soviétiques et qu'elles semblent déterminées à utiliser tous les types de trafics incluant celui des armes et plus problématique encore, celui touchant à la dissémination des matières radioactives, afin d'exercer un chantage nucléaire.

La dérive mafieuse de certains groupes terroristes représente un autre aspect de cette question. En effet, des réseaux terroristes peuvent survivre longtemps à la disparition des motivations de départ. Rompus à la clandestinité, sachant se financer de manière illégale, ils peuvent alors glisser vers le simple banditisme. "L'impôt révolutionnaire" des mouvements corses, basques, tamouls ou kurdes devient du pur racket, assorti de menaces de mort. Les armes deviennent objet de commerce et le trafic de drogue une fin en soi. En l'absence de victoire politique, et s'il n'y a pas démantèlement, tout mouvement terroriste glisse, tôt ou tard, vers la criminalité organisée.

1.3 L’Europe peut également être menacée hors de ses frontières

1.3.1 Les cas de figure sont nombreux.

Il peut s’agir de groupes terroristes locaux cherchant simplement, à utiliser le terrorisme pour se procurer des ressources afin de mener leur guérilla. La frontière entre le banditisme et le terrorisme est ici floue. C’est d’une certaine manière ce que l’on a pu observer en Asie centrale avec des enlèvements d’occidentaux assortis de demandes de rançons, et au Yémen.

Il peut s’agir de groupes cherchant à toucher des intérêts occidentaux pour attirer l’attention sur une situation locale oubliée. On peut rattacher à cette catégorie la prise d’otages à l’Ambassade du Japon au Pérou, destinée à porter l’attention internationale sur le régime Fujimori. D’une certaine manière, l’enlèvement de Françoise Claustre, quelques actions touaregs en marge du Paris Dakar, obéissent aux mêmes motivations. De ce fait l’Europe, du seul fait qu’elle abrite de grands médias, peut être touchée par des querelles qui ne la concernent pas.

Il peut s’agir de parties à un conflit local cherchant à intimider un Etat pour la politique qu’il conduit dans cette région : c’est le cas évidemment de l’attentat contre Louis Delamare ou contre l’Ambassade de France au Liban, des prises d’otages au Liban et du terrorisme algérien.

Il peut s’agir enfin d’actions dirigées à l’étranger contre un pays, là où il s’y attend le moins pour le punir de sa politique générale dans une autre partie du monde : actions contre les intérêts français au moment de la reprise des essais nucléaires, attentats contre les Ambassades américaines en Afrique orientale.

Naturellement, ces actes menés en dehors d’Europe peuvent frapper aussi bien des Ambassades que des intérêts économiques : agences d’Air France, compagnies pétrolières...

Compte tenu de ces différents cas de figure, si divers qu’ils laissent envisager une palette infinie de menaces potentielles et imprévisibles, il est difficile de prévoir les risques.

Cela d’autant plus que toutes les situations conflictuelles ne débouchent pas, pour des raisons parfois peu évidentes sur des actes terroristes. Par exemple, le conflit israëlo-palestinien a eu un fort contenu terroriste. En revanche les conflits yougoslaves mettant en jeu des haines féroces, impliquant dans des stratégies diverses plusieurs nations occidentales, pouvant s’appuyer sur des minorités en Allemagne ou en France ou encore aux Etats-Unis et au Canada, n’a curieusement jamais donné lieu à des actions terroristes.

On peut également se demander si cela ne tient pas au fait que le terrorisme est une ressource de dernier rang, réservée aux causes qui se savent sacrifiées. Un mouvement de guérilla servant une revendication soutenue par les Nations-Unies, compris par la communauté internationale, y aura moins recours. Un mouvement qui s’oppose à un régime officieusement soutenu par les pays occidentaux, les médias internationaux (La Turquie) ou bénéficiant de la bienveillance des Etats-Unis et de l’indifférence du monde (Pérou) peut considérer que le terrorisme est le seul moyen de se faire entendre.

1.3.2 On peut donc tenter, de manière forcément subjective, de déterminer les différentes situations susceptibles de dégénérer

Amérique :

L’histoire a montré que le Québec pouvait être le théâtre de violences politiques, soit de la part d’extrémistes québécois, si la situation venait à se radicaliser ou à pousser les souverainistes au désespoir, soit de la part de certaines minorités autochtones du Québec soucieuses de maintenir leurs privilèges.

En Amérique Latine, le Pérou ou la Colombie sont des zones de violence.

Afrique : les menaces sont nombreuses :

Front polisario : y aura-t-il un risque terroriste une fois que le rattachement du Sahara au Maroc sera définitif ?

Mouvement Touaregs : la situation semble avoir bien évolué.

Sécession en Casamance

Menées libyennes ou soudanaises en Afrique et déstabilisation terroriste.

En Asie

Asie centrale : les différents conflits caucasiens ont déjà donné lieu à des actions à la limite du terrorisme et du banditisme.

Moyen Orient : terrorisme palestinien résiduel, kurde, arménien, voire extrémiste juif en cas de sentiment d’abandon dans le cadre d’un progrès du plan de paix, terrorisme au Yémen.

Birmanie : ce pays, partagé entrez des ethnies nombreuses, soumis à une dictature, est confronté à la déstabilisation venant d’une part des différents autonomistes (surtout karens) et aux armées féodales des producteurs de drogue et de pierres précieuses : l’enjeu européen est l’oléoduc de Total en Birmanie, qui traverse le pays karen.

Terrorismes afghan, pakistanais, tamouls, hindous, sikhs, pour l’instant surtout inter-éthniques. La présence de nombreux tamouls en Europe, appuyés sur des filières particulièrement rebelles à l’autorité étatique et liées à la guérilla tamoule font peser des risques sur l’Europe.

2. LA FRANCE ET L’EUROPE ONT CHERCHE A SE DOTER D’INSTRUMENTS JURIDIQUES ADAPTES

Ne pouvant décrire l’organisation de la lutte antti terrroriste dans chaque pays, nous avons choisi de détailler la politique française en comparant les différences avec les autres pays en abordant les problèmes de coopération européenne.

2.1 L’arsenal juridique français et la coopération entre services français

2.1.1 Des textes récents ont créé un droit original fondant des moyens d’action exorbitants du droit commun

Une forte recrudescence des attentats terroristes sur le territoire national a été à l'origine de la loi numéro 86 - 1020 du 9 septembre 1986 promulguée par le gouvernement de Jacques Chirac et qui comportait un certain nombre de mesures destinées à lutter plus efficacement contre ce phénomène :

les poursuites et les enquêtes sont centralisées à Paris (art.706-17 Code de procédure pénale),

la durée de la garde à vue est étendue (art.706-23),

une cour d’assises spéciale composée de magistrats professionnels est instituée (art.706-25 et loi n°92-1336 du 16 décembre 1992).

Bien qu'il existe une Convention européenne pour la répression du terrorisme signée le 27 janvier 1977 par un certain nombre d'Etats, le législateur s'est trouvé confronté à un problème de définition juridique. La difficulté était de répondre à une double exigence : mettre au point un dispositif efficace tout en respectant le principe de la légalité des délits et des peines et en admettant que la singularité de la bataille à mener suppose des dispositions dérogatoires au droit commun.

Le législateur de 1986 avait renoncé à incriminer le terrorisme en tant que tel. Il lui avait semblé préférable de renvoyer à des infractions déjà définies par le Code pénal ou des lois spéciales. Mais les actes poursuivis devaient avoir été inspirés par un mobile particulier : celui de troubler gravement l'ordre public par l’intimidation ou la terreur.

Le texte adopté par le Parlement dès le 7 août 1986 avait été déclaré aussi applicable aux atteintes à la sûreté de l'état, les deux comportements se trouvant de manière fréquente unis par un lien étroit.

Mais par décision du 3 septembre 1986 le Conseil constitutionnel a estimé que " les règles particulières qui trouvent leur justification dans les caractéristiques spécifiques du terrorisme ne sauraient, sans qu’il soit porté atteinte au principe d’égalité devant la justice, être étendues à des infractions qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques ".

Bien que les auteurs de la loi n'aient pas voulu recréer une juridiction d'exception telle que la Cour de sûreté de l'Etat, ils se sont inspirés de plusieurs règles qui gouvernaient le fonctionnement de cette dernière. Il en a été ainsi pour ce qui concerne la centralisation des poursuites, le renforcement du pouvoir des enquêteurs, l'attribution de compétence pour les crimes à une cour d'assises spéciale.

Un livre XV a été ajouté au livre XIV du Code de procédure pénale intitulé "De quelques procédures particulières". Il comprend les articles 706 - 16 à 706 - 25 qui énoncent les règles de compétence et de procédures applicables aux actes de terrorisme.

Le nouveau Code pénal devait franchir une étape supplémentaire dans la reconnaissance du phénomène terroriste. En effet une plus grande distinction a été opérée entre les infractions de droit commun et celles qui s'inscrivent dans le cadre d'une entreprise terroriste : ces dernières sont traitées de manière autonome et font l'objet d'une répression plus ferme.

Alors qu'auparavant le législateur ne s'y intéressait que sur un plan procédural, le nouveau Code leur consacre, sous les articles 421 - 1 à 422 - 5, un titre II du livre IV intitulé "Des crimes et délits contre la nation, l'Etat et la paix publique".

(L’exposé des sanctions définies par le Code Pénal se trouve en annexe)

Les dispositions relatives à la compétence et à la procédure continueront de faire l'objet d'un fascicule particulier sous les articles 706 - 16 à 706 - 25 du Code de procédure pénale.

Par ailleurs, deux autres étapes traduisent la réponse apportée par le législateur français au fléau terroriste :

- la loi n°87-542 du 16 juillet 1987 autorisant la ratification de la Convention Européenne pour la répression du terrorisme.

Cette convention énumère les infractions qui peuvent être considérées comme des actes de terrorisme par les états signataires et en tire des conséquences au plan de l'extradition. Elle oblige désormais la France à extrader les terroristes sans pouvoir opposer à l'État requérant le caractère politique de l'infraction, la connexité avec une infraction politique ou le mobile politique de l'auteur. En cas de refus d'extradition, le terroriste pourra être traduit devant les juridictions répressives françaises. Deux "clauses échappatoires" permettent à l'État requis de reprendre sa liberté et de refuser l'extradition si l'État requérant ne présente pas ce que l'on a appelé un "brevet de démocratie".

- la loi n°92-686 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, l’Etat et la paix publique, après quelques légères modifications, adoptait les articles 421-1 à 422-5 relatifs aux actes de terrorisme, aux personnes responsables, aux peines encourues et à d’éventuelles causes d’exemption ou de diminution des peines. Ces textes sont entrés en vigueur le 1er mars 1994 avec l’ensemble des dispositions du nouveau code pénal ( loi n°93-913 du 19 juillet 1993 ).

- la loi du 30 décembre 1996 a complété le dispositif par des dispositions relatives aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme. Ce sont les articles 706-24 et 706-24.1 qui résultent de l’article 16 de la loi n°96.1235 du 30/12/1996.

2.1.2 Mais les infractions visées sont encore limitatives

Le nouveau Code pénal distingue deux catégories d'infractions. Tandis que l'article 421 - 1 se réfère à un certain nombre de crimes et de délits prévus par les livres II et III ou par des lois particulières, l'article 421 - 2, par une incrimination nouvelle, entend réprimer le terrorisme dit "écologique".

1° Actes terroristes de l'article 421 - 1 : une définition qui s’enrichit et se clarifie

Tout comme l'ancien article 406-16 du Code de procédure pénale le nouveau texte vise des infractions déjà prévues dans le Code pénal ou des lois particulières. Néanmoins, elles sont beaucoup plus nombreuses que par le passé à devenir susceptibles de recevoir la qualification d'actes de terrorisme.

Il en est ainsi tout d'abord des atteintes volontaires à la vie, tels le meurtre, l’assassinat et l’empoisonnement (article 221 - 1 à 221 - 5), des atteintes à l'intégrité de la personne tels les tortures et actes de barbarie, les violences et les menaces (article 222 - 1 à 222 - 18), de l'enlèvement et de la séquestration (article 224 - 1 à 224 - 5), du détournement d'aéronef, de navires ou de tout autre moyen de transport (article 224 - 6 à 224 - 8).

Peuvent également constituer des actes de terrorisme les vols, extorsions, destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions, en matière informatique. Il s'agit d'atteintes aux biens incriminées dans le livre III du nouveau Code.

2° Acte de terrorisme de l'article 421 - 2 : une incrimination nouvelle

Il s'agit là d'une incrimination nouvelle qui, à la différence de l'article 421- 1, ne se réfère pas à une infraction déjà existante. Elle est caractérisée par l'introduction dans l'atmosphère, dans le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux d'une substance de nature à nuire à l'homme, aux animaux et au milieu naturel. Le législateur a voulu prendre en compte la fragilité des sociétés modernes face à de tels risques. Mais il sera évidemment nécessaire que l'acte ait été en relation avec l'entreprise terroriste définie par l'article 706 - 16 du Code de procédure pénale.

2.1.3 La relation avec l’entreprise terroriste est délicate à établir

Le régime juridique particulier institué par le législateur suppose que les infractions énumérées plus haut ont été commises en relation avec une entreprise terroriste.

La notion d'entreprise suppose l'existence d'un dessein formé ou d'un plan concerté se traduisant par des efforts coordonnés en vue de l'objectif à atteindre.

Un certain nombre d'éléments seront ainsi à prendre en considération : l'élaboration d'un plan d'action, le rassemblement de moyens matériels, la mise en place de dispositifs de repli.

Parfois la preuve résultera essentiellement d'un communiqué revendiquant la responsabilité de l'action pour le compte d'un groupe terroriste.

L'entreprise mentionnée par l'article 706 - 16 du Code de procédure pénale peut être individuelle ou collective. Le plus souvent, l'activité terroriste est le fait d'un groupe. Mais un fanatique isolé est aussi susceptible de tomber sous le coup de l'incrimination dès lors qu'il n'a pas agi de manière improvisée mais a préparé et organisé son action.

Le législateur a entendu désigner un acte particulier : la volonté d'intimider ou de terroriser la population ou une partie de celle-ci, en troublant ainsi gravement l'ordre public.

L'article 411-4 du code actuel envisage le fait d'entretenir des intelligences avec une puissance étrangère en vue de susciter des hostilités ou des actes d'agression contre la France.

2.1.4 La coopération entre les services français, qui s’organise, est déjà contestée

Le 21 décembre 1985, le juge d'instruction parisien Alain Marsaud réclamait, dans un article publié par le journal Le Monde, la création d'un "conseil de sécurité" de l'anti-terrorisme. Face à la menace, les autorités françaises, déjà, cherchaient une réponse appropriée. En lançant l'idée d'un "organe permanent", le juge Marsaud lançait la réflexion qui devait conduire à la création de la 14ème section du parquet de Paris dite "antiterroriste", composée de 4 magistrats et dotée de pouvoirs étendus et d'une compétence nationale aux termes de la loi du 9 septembre 1986 qui complète le dispositif institué en octobre 1984 avec la création de l'Unité de Coordination de la Lutte Antiterroriste (UCLAT) : cet organe regroupe aujourd'hui sous l'autorité du directeur général de la police nationale les chefs des services actifs de la police, de la gendarmerie et des services secrets (D.G.S.E.).

Côté police, l’Unité de Coordination de la Lutte Antiterroriste harmonise l'action des services de renseignement (D.S.T., R.G.) et de police judiciaire (P.J.) : les premiers - sous la houlette administrative - devant fournir les renseignements aux seconds - sous l’autorité des magistrats. Il semble que l’histoire de l’UCLAT soit jalonnée de rétentions d’informations, de rivalités internes. Cette constatation renforce l’idée de la création d’une plate-forme unique ( police-justice ) anti-terroriste.

Un rapport de la F I D H (Fédération Internationale des Droits de l'Homme) réclame en quelque sorte la disparition de la section antiterroriste, coupable à ses yeux de pratiquer "l'inquisition" et une " justice spéciale ". Ce rapport, assez engagé, méconnaît, aux dires des spécialistes, les difficultés de la lutte anti-terroriste. En insistant naïvement sur quelques garanties juridiques, il tend à minorer les exigences de la lutte anti-terroriste et viendrait à considérer que le terrorisme ne présente pas une menace particulière.

Si quelques événements survenus au cours d'un procès récent ont mis en évidence le problème de la détention provisoire ainsi que les difficultés rencontrées en Corse par la 14ème section dans l'enquête sur le meurtre du préfet Erignac, il convient de se poser le problème en terme d'organisation et pas uniquement de méthode : il faut donner les moyens nécessaires aux juges anti-terroristes de faire convenablement leur travail, dans des délais raisonnables, sachant que cette section ne compte que quatre juges d'instruction. Ce chiffre est à comparer aux moyens donnés au nouveau "pool financier" qui doit traquer la délinquance financière et qui se trouve composé de soixante magistrats spécialisés. Cette démarche devra aller de pair avec l'amélioration de la coopération entre les services de police et de gendarmerie.

Le récent procès par contumace de l’attentat du DC10 UTA témoigne des limites de l’efficacité du dispositif : l’instruction est claire, la sanction pénale impossible.

Dès lors les résultats apparaissent de bon niveau et sont très mal connus, même s’ils restent sans doute insuffisants. Il existe une contradiction entre le temps nécessaire au renseignement sur les réseaux de terroristes dont la caractéristique est la capacité à être clandestins, celui des poursuites judiciaires limitée par les libertés publiques garanties par la Constitution et le droit pénal français et le temps des médias et des populations ou des victimes, naturellement plus impatientes et exigeantes

2.2 Une construction de coopération internationale ou multilatérale récente, lente, continue et multiforme

2.2.1 Cette coopération est récente

Le terrorisme est une préoccupation pour certains pays européens depuis 20 ans seulement. La création du groupe TREVI date du milieu des années 70.

En décembre 1975, lors de la réunion du conseil européen de Rome, les ministres de la justice et de l’intérieur ont décidé, dans le cadre de la coopération politique européenne, de créer un forum de lutte contre le terrorisme international, en partie parce qu’à l’époque, cette question ne figurait pas au programme d’Interpol.

En juin 1976, une résolution du Conseil a mis sur pied le groupe Terrorisme, Radicalisme, Extrémisme et Violence Internationale (TREVI), ayant pour mission d’échanger de l’information sur la coordination de la lutte contre le terrorisme et sur les méthodes de formation.

C’est une démarche associant certains états membres de la C.E.E. (12 Etats au départ auxquels s’ajoutent l’Autriche, la Finlande, et la Suède) du niveau des ministres, organisée autour de 6 groupes d’experts :

TREVI I : le plus ancien concerne les échanges d’informations relatives aux activités terroristes (UCLAT représente la France).

TREVI II : échange d’informations relatives aux perturbations de l’ordre public et à la formation.

TREVI III : lutte contre la criminalité organisée.

TREVI IV : sécurité nucléaire.

TREVI V : mesures compensatoires à la libre circulation des personnes.

Jusqu’à 1992, cette structure a évolué en un réseau de prise de décision, forgeant ainsi une culture commune entre spécialistes, malgré l’absence d’un secrétariat permanent

2.2.2 Il s’agit d’un processus lent et continu

Prés de 30 ans plus tard en dépit de l’évolution de la menace, la collaboration inter services a continué même si elle n’est pas achevée.

- Une convention européenne pour la répression du terrorisme du 27/1/77 n’a été ratifiée par la France qu’en juillet 1987.

- Le groupe TREVI initial a évolué vers le groupe TREVI 92 dans le cadre de la mise en place parallèle de la coopération Schengen.

L’espace européen Schengen créé en 1985 et appliqué en 1990, institue la libre circulation des personnes et des biens à l’intérieur des frontières des Etats membres de l’Espace Schengen, prévoit une sécurité interne en coopération (coopération policière, droit de suite), une coopération judiciaire et un fichier commun " Système d’information Schengen " SIS " articulé sur les fichiers de chaque état membre qui applique ses lois propres de protection des citoyens (CNIL pour la FRANCE).

2.2.3 Cette coopération est multiforme

Cette coopération entre les différents services de police n’est pas seulement européenne, ou sous l’égide de l’Union Européenne, elle est parfois internationale, multilatérale ou bilatérale.

Ainsi, on peut relever des accords, ou des rencontres de coopération :

Club de Berne 1971, informel, multilatéral,

Club de Vienne 1979 disparu avec le groupe TREVI et Comité K4

Groupe Quantico 1979 à l’initiative des U.S.A

Police Working Group on Terrorism créé en 1980.

Et tout particulièrement en matière de terrorisme :

La coopération unilatérale et internationale dans le cadre de l’OIPC/Interpol (organisation internationale de police criminelle),

Une série d’accords bilatéraux signés par la France :

- accord franco-allemand de coopération contre le terrorisme en 1986

- -accord franco-italien en 1990

- accord franco-espagnol en 1987 " dit de GERONE "

Cette coopération est souvent liée à des politiques sectorielles : lutte contre les stupéfiants, contre le blanchiment des capitaux, contre le trafic d’armes, contre la(les) mafia, contre la fraude, contre l’immigration, pour la protection de l’environnement.

Cette sectorisation destinée à faciliter la coordination de l’information ne permet pas toujours d’avoir une vue globale des trafics qui s’interalimentent de plus en plus.

Ce foisonnement d’initiatives, cette multiplicité d’accords ou de coopérations depuis 30 ans traduit un réel besoin de répondre à la menace. Ce besoin va trouver enfin un écho plus structurellement européen.

2.3 Une construction européenne inachevée

2.3.1 L’apport du traité de Maastricht

La signature du Traité sur l’Union européenne (TUE) à Maastricht en décembre 1991 a conduit à instituer le pilier de la communauté européenne et deux piliers intergouvernementaux : la PESC et la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures (JAI). L’entrée en vigueur du traité de Maastricht permet à l’Union Européenne un renforcement de la coopération par la mise en place d’une compétence européenne dans le domaine des affaires intérieures et de la justice, inscrits au titre VI, art. K à K9 du traité.

De nouvelles possibilités sont ouvertes dans le cadre d’une coopération renforcée entre les instances répressives pour protéger le vaste espace sans frontières intérieures et portant sur les domaines suivants :

politique d’asile

franchissement des frontières extérieures

politique d’immigration

lutte contre la toxicomanie

lutte contre la fraude

coopérations judiciaires en matière pénale et civile

coopération douanière

et enfin coopération policière en vue de la prévention et de la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite de drogue et autres formes graves de criminalité.

Cette coopération est structurée autour du Conseil JAI (cf organigramme en annexe…) qui arrête les décisions et actions communes, sur proposition d’un état membre, de la Communauté ou du Comité de coordination (COREPER) composé de hauts fonctionnaires.

En septembre 1992, un groupe " criminalité organisée " a été créé au sein du troisième pilier JAI. Son premier rapport sur les principaux groupes criminels organisés a été présenté à une réunion interministérielle du TREVI au Danemark (6 et 7 mai 1993).

Dès la mise en œuvre du plan d’action JAI à Bruxelles en décembre 93, des mesures concrètes ont été lancées :

- lancement de l’union Drogue Europol

- finalisation de la convention Europol

- stratégie de lutte globale contre la drogue

- lutte contre l’immigration illégale

- intensification de la coopération en matière de droit d’asile

- renforcement de la coopération judiciaire notamment par l’extradition

- intensification de la coopération policière et judiciaire dans la lutte contre la criminalité organisée internationale

2.3.2 Europol

L’idée lancée par les allemands en 1990 a été retenue lors du sommet de Luxembourg des 28 et 29/6/91 .

Europol vise à faciliter au niveau communautaire et central la coordination et l’échange des données criminelles entre les états membres.

Dans un second temps Europol élargira son champ actuel de compétence de la criminalité et la drogue, à la lutte contre le terrorisme.

Il a vocation, à terme, à gérer les fichiers informatisés relatifs au terrorisme et les systèmes de gestion de l’information. Cependant, aucune connexion interfichiers ne sera autorisée, notamment avec le fichier Schengen.

Un plan d’action pour Europol a été inscrit à l’ordre du jour du conseil JAI de mai 1999.

Seule l’unité drogue d’Europol fonctionne actuellement.

Il faut souligner qu’Europol ne sera pas une super police (type FBI), il n’aura pas de pouvoirs propres d’investigation et de procédure, chaque Etat restant souverain en ces domaines.

2.3.3 Le traité d’Amsterdam étend les compétences communautaires

Les domaines de la justice et de la police touchent aux compétences régaliennes de chaque Etat. L’extension du champ de compétence de l’UE dans ces domaines ne peut donc se faire qu’avec un engagement politique de chaque Etat membre.

Amsterdam prévoit une avancée dans cette voie. Dans son article K2.2 le traité d’Amsterdam décide une avancée déterminante en permettant à Europol la coordination et la mise en œuvre d’actions spécifiques d’enquête menées par les autorités compétentes des Etats membres, y compris des actions opérationnelles d’équipes conjointes.

Il faut noter que la prééminence du politique est aussi démontrée par le G8 qui s’est saisi de la question du financement du terrorisme à une plus large échelle.

Le traité signé à Amsterdam le 2 octobre 1997 a marqué des progrès dans plusieurs domaines. Pour le titre VI,

le nouvel article K2 étend les compétences d’Europol, encourage la coordination des enquêtes policières, les enquêtes conjointes, l’instauration d’un réseau de recherches, de documentation et de statistiques sur la criminalité transfrontalière.

l’article K3 traite de la coopération judiciaire en matière pénale. Les principales avancées prévoient notamment de faciliter l’extradition entre Etats membres et d’adopter progressivement des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue.

le nouvel article K8 renforce le rôle du comité K8 (ancien K4). En plus de son rôle de coordination, celui-ci formule des avis à l’intention du Conseil sur une coopération en matière pénale et sur le rapprochement des règles de droit pénal.

2.4 Un bilan déjà positif

2.4.1 TREVI a obtenu de très bons résultats dans les limites d’action fixées au groupe :

La proposition de création d’une Unité européenne de renseignement et celle relative à une Cellule de crise européenne anti-terroriste, qui prend dans une première étape la forme d’une réunion périodique des officiers de liaison;

L’échange d’officiers de liaison, au départ pour ce qui était de la lutte anti-terroriste, échange aujourd’hui élargi aux domaines de la drogue, de la grande criminalité, de la formation ;

Des échanges d’informations en matière de maintien de l’ordre. A l’occasion de certains événements sportifs, pour contrer le phénomène des hooligans, ces échanges d’informations ont été très efficaces. Aujourd’hui, cette coopération a été élargie à d’autres domaines susceptibles de provoquer des troubles sur la voie publique, et notamment les manifestations frontalières ou devant les institutions communautaires ;

La mise en place d’un certain nombre de fichiers à vocation européenne :

Fichier des explosifs.

Fichier des empreintes digitales. Ce fichier s’inspire du système français Morphosystem.

Fichier de l’héroïne et de ses dérivés. Ce fichier, qui doit à terme concerner toutes les drogues, est mis en œuvre par le Laboratoire interrégional de police scientifique de Lyon, qui possède une expérience très poussée en la matière.

Fichier des documents arabes falsifiés. Ce fichier est à la charge des autorités fédérales allemandes.

La rédaction d’un certain nombre de glossaires multilingues, en particulier dans le domaine de la lutte anti-terroriste et des explosifs ;

La mise en place d’un réseau de communication protégé par voie de fax, en vue de l’échange d’informations sensibles ;

Des actions de standardisation des matériels, des méthodologies et des logiques d’action et d’interventions sensibles

Des rencontres et des programmes d’échanges entre écoles de police ; ainsi, l’Ecole nationale supérieure de la Police de Saint-Cyr-Mont d’Or (qui a la charge de former les commissaires de Police pour la France) a désormais des programmes d’échanges réguliers avec la Polizei-Führungsakademie de Munster, le Police Staff College de Bramshill, l’Ecole de le Police d’Avila, La Garda Siochéna College de Templemore, le Politie Studie Centum de Warnsveld, etc. ; il en est de même par exemple pour l’Ecole supérieure des Officiers de paix de Nice… ;

Des actions communes de formation des policiers dans des domaines aussi divers que les stupéfiants, les empreintes génétiques, les évolutions sociales actuelles, les noms arabes, les systèmes informatiques, la sécurité dans les aéroports, etc.

2.4.2 Des progrès récents ont amélioré le fonctionnement du troisième pilier.

La création du comité K8 suscite quelques espoirs relatifs au troisième pilier. En effet, l’ancien comité K4 ne faisait que coordonner pour la forme et prenait rarement des décisions. Il rédigeait des textes pour préparer les décisions du COREPER.

Au sein du deuxième pilier le COTER est rattaché à la DG1 et composé de diplomates. Il traite du terrorisme hors UE (islam et fondamentalisme), de la situation au Kosovo, du programme d’aide et d’assistance à l’autorité palestinienne, de gestion de crises, de conventions internationales. Une des propositions avancées a permis de créer un répertoire des compétences et de spécialistes. Une banque de données sur les mouvements islamistes en Europe est également demandée par certains états membres.

Les groupes de travail sur le terrorisme des deuxième et troisième piliers ont des réunions de travail en commun et provoquent des rencontres avec les pays du reste du monde (USA, MO, Russie, pays candidats à l’élargissement...).

Dans le cadre méditerranéen, la commission a lancé un processus Euromed qui constitue un espace de dialogue et au sein duquel la question du terrorisme est abordée. En novembre 1998 une réunion à la commission européenne a été tenue. Elle a rassemblé tous les états méditerranéens. Elle portait sur la lutte contre le financement du terrorisme et les faux documents d’identité.

3. LA CONSTRUCTION D’UNE REPONSE JURIDIQUE COMPLETE AU TERRORISME RENCONTRE DES LIMITES QUI RENDRONT NECESSAIRE ENCORE LONGTEMPS LE TRAITEMENT POLITIQUE ET MILITAIRE DU PHENOMENE TERRORISTE

3.1 Les limites de la construction européenne

Le bilan positif des coopérations engagées ne doit pas masquer les points faibles.

La coopération policière européenne reste à construire : Amsterdam vient d’être ratifié par la France – Europol n’existe pas encore – La mise au point de fichiers reste limitée aux outils Schengen (SIS).

La coopération policière reste trop sectorielle. Les trafics s’entrecroisent, l’argent de la drogue alimente le terrorisme et réciproquement.

Des difficultés juridiques existent, en particulier, dans les pays de droit anglo-saxons et qui se sont révélées au cours des enquêtes sur les attentats de l'été 1995. Les procédures d'extradition doivent, en particulier, être améliorées et ne pas durer jusqu'à 2 ans au sein de l'union européenne.

3.1.1 Des cultures différentes entravent la coopération européenne

On sait que, pour protéger leurs ressortissants, les Etats peuvent avoir une attitude peu active face à des groupes de terroristes, lorsque les attentats sont commis dans un autre état membre alors que la base logistique terroriste est située sur leur propre territoire.

Mais, de manière plus générale, face à la présence du terrorisme sur leur territoire, les différents pays européens ne réagissent pas du tout de la même façon. Certains ont été confrontés pendant très longtemps au phénomène du terrorisme " ultra-gauche " : Brigades Rouges et années de plomb en Italie, Fractions Armées Rouges en Allemagne, Action Directe en France, GRAPO et ETA en Espagne, IRA en Angleterre. Cette menace européenne au quotidien a engendré des réflexes opérationnels non codifiés entre certains pays.

- En Grande-Bretagne, de nombreux groupuscules islamistes et notamment algériens, ont élu domicile à Londres et jouissent d'une liberté d'expression pratiquement totale accompagnée d'une tradition d'asile politique. On peut penser que les Anglais privilégient la collecte du renseignement par rapport à la répression policière. Il n'existe pas de parquet et aucune volonté politique de très haut niveau n'est capable de faire accélérer un dossier. Ainsi malgré des requêtes françaises à répétition, Rachid Ramda, un des financiers présumés des attentats de 1995, n'a toujours pas été extradé vers la France. La Grande Bretagne axe son action dans la seule lutte contre l’IRA .

- En Allemagne, l'histoire pèse lourd : les moyens juridiques et policiers restent insuffisants. La relative faiblesse de la police fédérale par rapport aux très ombrageuses polices des Länder peut ralentir la lutte antiterroriste. Néanmoins, ces derniers temps, la coopération s'est améliorée notamment pour démanteler les réseaux qui approvisionnent en armes les maquis algériens.

- L'Italie est un cas particulier. Juges et policiers sont très mobilisés contre le terrorisme. Néanmoins la législation italienne freine leurs efforts. Seuls les groupes planifiant des actions en Italie répondent à la définition légale de "terroristes". A l’inverse, le code pénal italien punit la simple participation à une action mafieuse, alors que le code pénal français définit le délit d’association de malfaiteurs par la participation à une entente en vue d’un ou plusieurs crimes contre les personnes ou les biens ; cela implique que la justice française ne peut retenir la participation en Italie à une association mafieuse comme base d’une extradition. Il en est de même avec d’autres pays européens. En outre, l'extrême décentralisation judiciaire aboutit à des dossiers écartelés entre plusieurs parquets (par exemple, Naples, Bologne et Milan) aux préoccupations parfois très divergentes.

- Selon les autorités françaises, la Belgique pourrait mieux faire. La Sûreté d'Etat est respectée par les services de renseignements, mais la police et la justice sont trop engluées dans divers scandales pour se consacrer efficacement au terrorisme.

- Selon ces mêmes sources, la palme du laxisme revient aux Pays-Bas qui demeurerait un asile pour les terroristes. Cela a déjà posé problème pour l’application des mesures de libre circulation : à la différence de la France, les Pays Bas ont une politique libérale dans le domaine des produits dérivés du cannabis, ce qui a conduit notre pays à rétablir le contrôle aux frontières (clause de sauvegarde).

3.1.2 Les législations sont donc très différentes :

La divergence des législations est un élément des plus irréductibles du problème dans la mesure où coexistent sur le territoire de l'Union Européenne trois écoles juridiques fondamentalement différentes ( droit romain, droit anglo-saxon et droit scandinave ) qui conduisent à des notions différentes en ce qui concerne le droit, les procédures et l'ordre public.

Ainsi, pour un Britannique, une police privée comme celle intervenant dans un moyen de transport est considérée comme une force de police au plein sens du terme, ce que n'admet pas la France. De même pour les Italiens, il n'y a pas, sur le fond, de distinction entre l’activité des douanes et le reste de l'action de police.

De même, en matière de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, l’absence d’unification du droit et de la procédure pénale constitue un handicap majeur...

La lutte contre le terrorisme international demande une capacité de réaction rapide pour tirer profit d'une opportunité ou d'un renseignement : la poursuite d'une personne s'accommode mal des délais administratifs qu'impose, quoi qu'on fasse, l'instruction d'une demande internationale. La recherche d'informations perd tant en discrétion qu'en efficacité quand il faut la faire réaliser par d'autres. Or il s'agit indéniablement d'une mission régalienne qui n'admet, sur un territoire donné, qu'une seule autorité.

Les terroristes ont vu au sein de l'espace Schengen les frontières disparaître. Mais, pour ceux qui ont la charge de faire respecter le droit, elles ont gardé toute leur valeur administrative et contraignante.

Comment obtenir une extradition pour des faits qui ne sont pas qualifiés de la même façon dans les deux pays ?

Ainsi, par exemple, la France et la Grande-Bretagne n'ont pas les mêmes limites pour les actes terroristes. Notre pays considère comme terroriste le fait de participer à une entente établie en vue de la préparation d'actes de terrorisme. Ce n'est pas seulement l'acte consommé, ni même sa préparation, qui est un acte de terrorisme mais déjà l'intention de le préparer. Nos voisins sont loin d'avoir cette appréciation.

Autre exemple, en France une personne mise en cause pour terrorisme peut être mise au secret ce qui est a priori exclu par la législation germanique. Les Italiens ont sur ce point une approche voisine de la nôtre.

Ces domaines sont particulièrement sensibles dans la mesure où l'action de l'Etat se trouve, suivant les cas, soit ouverte à la prévention soit cantonnée dans la répression.

Dans les pays démocratiques, l'équilibre n'est pas aisé à trouver entre prévention et répression. En effet, il peut sembler abusif de pouvoir impunément mettre en examen une personne sur un simple faisceau de présomptions sous le chef " d'association de malfaiteurs " en droit pénal français.

3.1.3 Une harmonisation souhaitable dans l’absolu mais utopique.

Si la souveraineté reste entière pour chacun des Etats de l'Union Européenne, l'uniformisation restera une utopie, essentiellement du fait que l'équilibre acceptable est différent pour chaque pays car indissociablement lié à son histoire et ses traumatismes culturels. Une solution pour sortir de cette impasse consisterait à définir une législation européenne. Il faudra auparavant définir une menace ou un type de menace unique, uniformément pris en compte par l'ensemble des pays de l'Union Européenne. Une unification législative à l’échelle de l’Union européenne supprimerait ce type de difficulté qui ne permet pas une lutte efficace face à des réseaux criminels internationaux.

Il reste que toute réglementation autorisant les forces de police ou de gendarmerie d'un pays étranger à poursuivre sur le territoire national une action commencée ailleurs, ne pourra qu’être conçue comme dérogatoire à la règle générale et de ce fait encadrée et surveillée quand bien même ce serait au prix d'une perte d'efficacité

C’est pour ces raisons que l'adoption de règles communes pour continuer une poursuite engagée sur un autre territoire, même à l'intérieur de l'espace Schengen, n'a pu se faire : aucune des conventions prévues n'a pu être appliquée, ni même ratifiée, que ce soit celle sur le franchissement des frontières ou celle sur la détermination du pays responsable de l'examen d'une demande de droit d'asile ou même celle sur le Système d'Information Européen, celle sur l'extradition et même l'extradition simplifiée.

En matière de droit de poursuite ( bande des 10 km ), seules des conventions bilatérales ont pu être mises en place. Elles diffèrent d'un pays à l'autre et ne sont même pas toujours réciproques. Ainsi les Allemands ne limitent en rien le droit de poursuite de la part des Français. Par contre, les mêmes Français ne laissent pas les Allemands dans ce cadre procéder à des arrestations.

Cela étant, le souhait de voir lever rapidement ces différences relève de l’incantation ou de la naïveté. Surtout, on peut se demander, du fait de l’avance de la France dans la constitution de son arsenal répressif, si une volonté trop marquée d’harmonisation ne se traduirait pas par des négociations qui nous amèneraient à baisser notre garde. Selon toute probabilité, une telle négociation, devant tenir compte de trop de garanties demandées par les différents États, n’aboutira qu’à un dispositif probablement lourd et bureaucratique et en tout état de cause moins efficace pour la France. Dans ces conditions, l’harmonisation ne saurait constituer la seule solution.

Sans renoncer à cette voie, deux autres voies s’offrent à nous. La plus efficace est celle des accords bilatéraux qui, fondés sur la confiance, donnent une grande souplesse d’action. L’expérience est largement concluante avec des pays comme l’Espagne. De multiples progrès concrets peuvent être réalisés en coopération : une coopération judiciaire embryonnaire existe. La spécialisation et le dépaysement des juges et la collaboration étroite avec les services de police sont caractéristiques d’un modèle français déjà efficace qui peut servir de référence à l’Europe. La coopération reste trop souvent limitée à l’échange d’information, de formations et de personnels. Il faut réfléchir à des coopérations d’actions communes. L’autre voie est de faire avancer la législation communautaire de manière plus pragmatique, comme cela a été fait pour les diplômes, en visant moins l’uniformisation que la reconnaissance mutuelle.

3.2 Des limites structurelles et politiques continueront à rendre difficile la lutte contre le terrorisme

3.2.1. La surmédiatisation

Fondamentalement le terrorisme a besoin dans nos démocraties de la médiatisation des actions pour pouvoir faire pression sur les pouvoirs publics. Pour qu’on parle de lui mais aussi pour se faire oublier entre deux actions afin d’avoir sur un territoire les mains libres pour préparer des actions futures.

Dans ces conditions, il pourrait sembler souhaitable de limiter la presse dans la médiatisation des faits dont telle ou telle organisation terroriste s'est rendue coupable, mais ce serait entrer là dans un chemin extrêmement dangereux. Tant par éthique que par intérêt, l'ensemble de la presse ne souhaite pas s'engager dans cette voie. Il est vrai qu'il peut y avoir là une réelle tentation pour les Etats de qualifier un peu légèrement d'action terroriste, tout événement dont ils souhaitent ralentir la divulgation. Par ailleurs, les actes terroristes sont pour la presse une matière extrêmement " vendeuse " dans la mesure où, par conception, ces actions ont été conçues pour frapper les lecteurs spectateurs et auditeurs.

De plus, les journalistes divulguent des informations qu'ils recueillent soit par leur propres investigations soit par des indiscrétions. Ces informations se révèlent régulièrement nuisibles aux enquêtes que ce soit au niveau national ou au niveau européen. De fait, les média peuvent être un indéniable allié objectif des terroristes.

3.2.2 Les limites politiques et diplomatiques

Les actions terroristes sont souvent une modalité parmi d'autres du jeu politique et diplomatique. Par ailleurs, la lutte contre un mouvement terroriste est difficilement détachable de celle contre les causes qu'il défend. Sans aller jusqu'au terrorisme d’État qui a été le fait de pays comme la Libye ou l'Iran, il est ainsi difficile de demander à un État de lutter contre un terrorisme dont les objectifs sont conformes aux siens, en raison uniquement du caractère inacceptable des moyens employés. Et on voit tel pays fermer les yeux sur les activités menées sur ou à partir de son territoire par des mouvements pour ne pas interférer avec sa politique étrangère, en particulier commerciale, et changer brutalement de point de vue le jour où pour une raison une autre un attentat est commis chez lui.

Enfin parce que la lutte contre quelque menace que ce soit a un coût et que les moyens sont limités, les responsables de la lutte contre le terrorisme ne peuvent apporter leur aide à un pays étranger qu'en affaiblissant les moyens disponibles pour lutter contre leurs propres terrorismes. Le comportement qui en découle est souvent interprété comme relevant de l'égoïsme de la part des institutions nationales dans le déroulement des procédures. Il constitue une des limites majeures à la coopération internationale. Un pays sollicité réagira rapidement à une demande s'il est déjà concerné par l'affaire, beaucoup moins s'il ne l'est pas. Et dans le cas où sa collaboration risque de lui valoir des attentats, les réactions peuvent aller de l'extrême lenteur administrative, à l'extradition immédiate.

Porter au niveau européen les moyens d'investigation policière et judiciaire, suite à l'existence de menaces plus larges, devrait donc assouplir les rigidités structurelles inhérentes à ces égoïsmes nationaux.

3.2.3 Les limites financières

Enfin d'une façon générale, la volonté politique d'un Etat se marque par les efforts financiers qu'il consacre à ce domaine.

Ainsi, les demandes d'aide formulées par un pays étranger se voient parfois, par manque de crédits ( crédits budgétaires et fonds secrets), opposer une fin de non recevoir. Ce phénomène n'est pas négligeable, surtout en fin d'année budgétaire. Il touche plus certains pays que d'autres.

De la même façon, le financement des outils spécifiques pour les interceptions des réseaux de téléphonie sans fil rencontre en France des obstacles qui sont surtout d'ordre financier.

3.2.4 Le cyber-espace

Le " cyberespace " constitue une nouvelle arme du terrorisme et s'avère une zone internationale de non droit.

Le réseau informatique Internet relie plus de 20 millions d'ordinateurs individuels et se révèle un moyen de communication rapide qui échappe aux moyens traditionnels des gouvernements et rend très difficile sa surveillance par les services de renseignement.

L'arrivée sur Internet de réseaux terroristes, qui profitent du développement de serveurs pour diffuser leur propagande non seulement pour sensibiliser l'opinion publique à leur cause mais surtout pour communiquer des informations à leurs membres ou donner des instructions, s'avère préoccupante.

Des boîtes à lettres électroniques servent à conserver la confidentialité de leurs correspondances, via l'utilisation ( qui est en cours de libéralisation en France ) de moyens de cryptage inviolables. Par ailleurs, le développement de l'utilisation d'Internet comme ligne de téléphone par numérisation des voix empêche la détection et la surveillance de communications privées subversives.

Si, en bilatéral, il reste possible par une intervention diplomatique de demander l'arrêt de la diffusion d'un bulletin subversif ( du GIA par exemple ) sur l'un des sites d'un pays ami, il n'existe ni structure ni moyen dédié à l'échelle européenne pour lutter contre cette nouvelle menace.

3.3 la réponse au terrorisme reposera encore sur le traitement politique et militaire

3.3.1 la lutte contre le terrorisme : la place essentielle du renseignement

Traditionnellement, et de façon constante à travers l’histoire, la mission de renseignement et d’information a eu pour objet d’assurer l’information des autorités gouvernementales dans leur processus décisionnel, de déceler et de prévenir toute menace susceptible de porter atteinte à l’ordre public, aux institutions, et aux intérêts fondamentaux de la Nation ou à la souveraineté nationale.

La lutte contre le terrorisme relève par essence en priorité du domaine politique, et ensuite du domaine judiciaire car le gouvernement doit pouvoir bénéficier d’un pouvoir discrétionnaire dans le choix d’une méthode à privilégier pour résoudre le problème auquel il est confronté (méthode préventive ou répressive).

Cette appréciation se repose donc également au niveau européen, cadre d’intervention de plus en plus fréquent des services spécialisés face aux nouvelles menaces relevant davantage de menaces basées sur des revendications religieuses de type radical, plus diffuses, qui s’appuient sur des réseaux logistiques européens de type dormant, et pour lesquels le passage à l’acte dépend d’une situation politique et militaire préexistant dans d’autres pays.

Dans cette hypothèse, le renseignement évolue nécessairement par rapport au domaine traité (on passe du politique au religieux), mais également par rapport au cadre géographique dans lequel celui ci doit être apprécié.

Sur un plan analytique, il convient que les services s’échangent en temps réel les éléments d’information en leur possession afin de pouvoir analyser de façon commune et coordonnée un état de la menace clair et uniforme entraînant par la même, certaines mesures de type préventif : mesures administratives (expulsions, assignations à résidence, interdiction de séjourner sur le territoire, interdictions de publications subversives) ou mesures de surveillance renforcée à l’égard de certaines personnes.

Sur un plan opérationnel, et après passage à l’acte, il peut être décidé d’une intensification de la mission de renseignement sur des groupes d’individus qui sont en relation entre eux à partir de pays différents. Les services s’échangent alors le suivi de certains objectifs en temps réel, en fonction de leurs déplacements (surveillances opérationnelles). Ils procèdent à l’échange de données protégées obtenues de sources humaines ou techniques permettant de jauger la dangerosité des groupes surveillés, et empêcher la commission de nouvelles actions en accumulant des éléments de preuves qui serviront dans les procédures en cours (procédures nationales et commissions rogatoires internationales) après leurs interpellations décidées en commun.

Les échanges dans le domaine du renseignement se font de façon bilatérale, sur la base de la confiance et dans un état d’esprit largement partagé (échanges très pratiques en l’absence de tout souci protocolaire). Ils sont privilégiés par rapport aux réunions plénières et officielles et s’avèrent plus efficaces quant à la préparation des éléments " démarqués " qui seront versés dans les procédures judiciaires en cours, tout en respectant la partie opérationnelle et secrète de la fonction de renseignement.

3.3.2 Le traitement politique et militaire comme réponse de long-terme au terrorisme

Les démocraties doivent, on l’a vu, lutter pied à pied contre le terrorisme et mettre de manière coordonnée, tous leurs moyens dans la traque policière et la condamnation judiciaire des auteurs d’actes terroristes.

Pour autant, ce traitement " antibiotique " ne constitue qu’une partie de la réponse au phénomène terroriste. Les terrorismes naissent et meurent, se succèdent, sans que la lutte policière en soit la seule cause.

On peut avoir l’impression, qu’en dernière instance, la disparition finale d’un terrorisme tient moins aux moyens de lutte mis en œuvre qu’à des raisons politiques ou militaires. Il y a là un motif d’espoir : autant les démocraties peuvent paraître fragiles et toujours en retard dans les moyens de prévention face à l’imagination des forces du Mal, déterminées et imprévisibles, autant elles peuvent plus facilement créer les conditions d’une disparition naturelle des actes terroristes.

3.3.3.1 Comment s’éteint un phénomène terroriste :

- la négociation avec les terroristes où leurs commanditaires.

Cette méthode, jamais avouée, quoique parfois révélée ou soupçonnée, a été empruntée par les démocraties. Elle revêt plusieurs formes :

la négociation directe avec contreparties actives : pour obtenir l’arrêt d’attentats, la libération d’otages, on libère un terroriste, ou on répond favorablement à des demandes

Je dispose d'autres études sur le sujet si ceux ci intéresse je peux les mettre à la disposition de tous.

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Membre, 57ans Posté(e)
essayeur Membre 3 422 messages
Baby Forumeur‚ 57ans‚
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Ça fait longtemps que je n'avais pas lu quelque chose sur les assassins, cette communauté étrange, qu'on voit souvent dans les jeux vidéos ou dans des films, a effectivement existé. Les Nizàriites, des Perses.

« Leur idéologie, reposant sur la maxime « Rien n'est vrai, tout est permis », cherche à promouvoir « la paix entre les Hommes par l'exaltation du libre-arbitre », bien que cette volonté soit en contradiction avec les méthodes de la Communauté puisque ses adeptes doivent une obéissance et une loyauté absolue envers leur Mentor, le Vieux de la montagne.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Niz%C3%A2rites

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